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par Etrigan » ven. 06 nov. 2009, 20:09
Etrigan a écrit:
*soit Satan y est entré de lui-même (on nous dit bien que Dieu a créé le Serpent - donc le Mal, merci) et donc Dieu n'a aucun contrôle sur sa créature.
Auriez-vous préféré que Dieu nous manipule comme des marionnettes ?*
Je parle de Satan et pas de l'Etre humain.
Il n'y a aucun contre argument sérieux dans vos propos ; aucun traitement métaphysique du récit de Genèse - démontrez, je suis prêt à vous suivre - mieux : je serais ravi de revoir mon jugement. Mais démontrez.
Et pour donner le bon exemple, je m'y colle (et je précise que je ne suis finalement pas convaincu de ma propre conclusion qui permet pourtant de régler le problème) :
Voici le texte de base sur lequel nous aurons à travailler :
Genèse 2
2.4
Voici les origines des cieux et de la terre, quand ils furent créés.
2.5
Lorsque l'Éternel Dieu fit une terre et des cieux, aucun arbuste des champs n'était encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne germait encore: car l'Éternel Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n'y avait point d'homme pour cultiver le sol.
2.6
Mais une vapeur s'éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol.
2.7
L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant.
2.8
Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.
2.9
L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
2.10
Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
2.11
Le nom du premier est Pischon; c'est celui qui entoure tout le pays de Havila, où se trouve l'or.
2.12
L'or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx.
2.13
Le nom du second fleuve est Guihon; c'est celui qui entoure tout le pays de Cusch.
2.14
Le nom du troisième est Hiddékel; c'est celui qui coule à l'orient de l'Assyrie. Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.
2.15
L'Éternel Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder.
2.16
L'Éternel Dieu donna cet ordre à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin;
2.17
mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.
2.18
L'Éternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui.
2.19
L'Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme.
2.20
Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui.
2.21
Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place.
2.22
L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.
2.23
Et l'homme dit: Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
2.24
C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
2.25
L'homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n'en avaient point honte.
Genèse 3
3.1
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?
3.2
La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.
3.3
Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.
3.4
Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point;
3.5
mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
3.6
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea.
3.7
Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
3.8
Alors ils entendirent la voix de l'Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l'Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.
3.9
Mais l'Éternel Dieu appela l'homme, et lui dit: Où es-tu?
3.10
Il répondit: J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.
3.11
Et l'Éternel Dieu dit: Qui t'a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger?
3.12
L'homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé.
3.13
Et l'Éternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé.
3.14
L'Éternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
3.15
Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.
3.16
Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.
3.17
Il dit à l'homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,
3.18
il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs.
3.19
C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
3.20
Adam donna à sa femme le nom d'Eve: car elle a été la mère de tous les vivants.
3.21
L'Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.
3.22
L'Éternel Dieu dit: Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement.
3.23
Et l'Éternel Dieu le chassa du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre, d'où il avait été pris.
3.24
C'est ainsi qu'il chassa Adam; et il mit à l'orient du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.
Préambule à notre réflexion :
Constitution dogmatique Dei Verbum :
Pour la rédaction des Livres saints, Dieu a choisi des hommes; il les a employés en leur laissant l'usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources (41), pour que, lui-même agissant en eux et par eux (42), ils transmettent par écrit, en auteurs véritables, tout ce qu'il voulait, et cela seulement (43).
Puisque Dieu parle dans la Sainte Ecriture par des intermédiaires humains, à la façon des hommes (45), l'interprète de la Sainte Ecriture, pour saisir clairement quels échanges Dieu lui-même a voulu avoir avec nous, doit rechercher ce que les hagiographes ont eu réellement l'intention de nous faire comprendre, ce qu'il a plu à Dieu de nous faire connaître par leur parole.
Pour découvrir l'intention des hagiographes, il faut entre autres choses être attentif aussi " aux genres littéraires ". En effet la vérité est proposée et exprimée de manière différente dans les textes qui sont historiques à des titres divers, dans les textes prophétiques, les textes poétiques, ou les autres sortes de langage. Il faut donc que l'interprète recherche le sens qu'en des circonstances déterminées, l'hagiographe, étant donné les conditions de son époque et de sa culture, a voulu exprimer et a de fait exprimé à l'aide des genres littéraires employés à cette époque (46). Pour comprendre correctement ce que l'auteur sacré a voulu affirmer par écrit, il faut soigneusement prendre garde à ces façons de sentir, de dire ou de raconter, qui étaient habituelles dans le milieu et à l'époque de l'hagiographe, et à celles qui étaient habituellement en usage ça et là à cette époque, dans les relations entre les hommes (47).
Dans la Sainte Ecriture, se manifeste donc, la vérité et la sainteté de Dieu demeurant toujours intactes, l'admirable " condescendance " de la Sagesse éternelle, " pour que nous apprenions l'inexprimable bonté de Dieu. et quelle immense adaptation de langage il a employée, prenant un soin très attentif de notre nature " (50). Les paroles de Dieu, en effet, exprimées en des langues humaines, se sont faites semblables au langage humain, tout comme autrefois le Verbe du Père éternel, ayant pris la chair de la faiblesse humaine, s'est fait semblable aux hommes.
Première considération :
En accord avec ce que Dei Verbum suggère, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de considérer ce texte comme historique. Les sciences de l'univers nous proposent une théorie qui est hautement plus crédible que ce récit. De fait, nous en déduisons qu'il s'agit d'un conte (et d'ailleurs, un conte copié d'après un autre conte babylonien) ; mais un conte n'est pas, contrairement à ce que certains croient, une histoire pour endormir les enfants. Le conte permet au contraire de transcrire de grandes vérités sous une forme symbolique car certaines vérités sont de l'ordre de l'ineffable ou bien encore ne doivent pas être communiquées à n'importe qui. Ainsi peut-on estimer que ce second récit de la Genèse contient une vérité métaphysique et il n'y a aucun lieu de le repousser dédaigneusement, sous prétexte qu'il serait peu crédible.
Deuxième considération :
Il existe deux récits de la Création du monde, l'un par le courant dit yavhiste et l'autre elohiste (la présente traduction efface cette différence ce qui est un grand tort – le choix des termes offre en effet une lisibilité des intentions ou plutôt de l'école à laquelle se rattache le rédacteur. Ceci contredit du même coup l'idée que le récit fut écrit par Moïse – on imagine mal que Dieu lui eut dicté deux récits différents – par ailleurs, la Thora fut perdue pendant le sac de Jérusalem et Esdras est connu pour l'avoir remise au propre sous l'influence de Dieu).
Ceci signifie quelque chose d'important, à savoir que s'il y a deux récits, c'est que les compilateurs de l'époque estimèrent que les deux récits transmettaient – bien que contradictoires – des vérités essentielles. Nous n'avons repris que le deuxième récit car il est le seul à envisager la Chute. Ceci implique-t-il que pour le premier courant, il n'y avait pas de Chute ? Une hypothèse intéressante, non ?
Troisième considération :
Il existe de multiples traductions des textes saints et de nombreux auteurs s'intéressant à l'alphabet hébreux ou à la doctrine ésotérique démontrent que la traduction officielle ne restitue pas le sens vrai du récit et que donc la Genèse raconte une toute autre histoire. Nous ne pourrons nous engouffrer dans une telle voie, faute de maîtrise de l'Hébreu. Pour notre part, nous prendrons ce récit tel qu'il est et telle que toutes les Bibles le restituent : celui d'une Chute.
Première lecture : l'origine du mal
Soyons bref et clair : ce texte entend justifier la souffrance humaine et expliquer pour l'Homme se sent privé d'une part de sa dimension et pourquoi le mal existe donc la souffrance et la peine. Ce sont des questions ontologico-métaphysiques qui sont de toute éternité.
Que nous dit le récit de la Genèse ? Que la faute vient de l'Homme par la faute du Serpent. Dieu a offert le Jardin, endroit de paix et de calme où les bêtes sont aimantes et où l'Homme n'a qu'à se baisser pour ramasser les fruits qu'on imagine juteux et tombés des arbres. Dieu a créé le Paradis, il y a mis l'Homme (homme + femme). Mais voilà ! Débarque le Serpent. Que fait-il là ? Comment cela se fait-il qu'il soit contre Dieu ? Pourquoi est-il le seul animal qui parle ? A quoi ressemble-t-il réellement (surement pas à un serpent, sinon, la malédiction de Dieu à son encontre ne serait pas ce qu'elle est) ? Nous n'en savons rien. Par contre, on voit que le Serpent tente habilement la femme en lui faisant désirer ce qu'elle ne doit pas désirer. Or, on sait que l'enfant voudra toujours ce qu'il ne doit pas vouloir et qu'il suffit de dire à un enfant : « ne touche jamais à ce bouton », pour qu'il y touche dès que possible.
Donc, le Serpent, le Mal, le Tentateur (c'est manifestement sa seule fonction) est présent en Eden et induit la femme et l'homme en erreur. Donc, on en déduit que le Mal est partie de la création. Mais comment cela se fait-il ? Pourquoi Dieu aurait-il créé le Mal dans son Paradis ? Ou bien alors, cela signifierait que Dieu n'est pas tout puissant et qu'il existe un rival, le Diable, qui s'est immiscé dans on chef d'oeuvre de création.
Or, que nous dit le Livre de Job ?
1.6
Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux.
1.7
L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener.
1.8
L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal.
1.9
Et Satan répondit à l'Éternel: Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu?
1.10
Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à lui? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays.
1.11
Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr qu'il te maudit en face.
1.12
L'Éternel dit à Satan: Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre; seulement, ne porte pas la main sur lui. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel.
On le voit, Satan semble plutôt bien apprécié de Dieu. En fait, Satan n'est pas, en Hébreu, un nom propre, mais une fonction. Le Satan est un « job » qu'occupe un Ange. Satan signifie Adversaire. C'est lui qui, s'opposant à nous, nous invite à un dépassement. Sans adversaire, sans obstacle, la vie serait, justement, paradisiaque. Or, que nous enseigne la plus élémentaire des psychologies ? Que la perfection est source de mort : face à la beauté parfaite, comment ne pas se sentir laid ? Face au calme plat de notre vie, comment ne pas ressentir de l'ennui et du désappointement ? Bref, sans Adversaire, nous serions des êtres-pour-la-mort comme le dit Heidegger et rien que cela.
Ainsi, le récit de la Genèse nous apprend que l'Homme a eu un grand tort : prêter l'oreille au discours du Mal. Au lieu de se contenter de la vision béatifique de Dieu, l'Homme a souhaité obtenir la connaissance, c'est à dire prendre sa liberté et savoir ce qui est Bien et Mal. Se faire l'égal de Dieu nous dit-on. Manquerait plus qu'il devienne immortel en mangeant de l'Arbre de la Vie et son compte serait Bon. L'Homme, sans expérience, ni vie, ni pratique, ni rien, deviendrait immortel. Alors, Dieu le chasse.
On retrouve là un mythe classique de l'Humanité. L'Homme a voulu s'élever trop haut, il a pêché par orgueil et a été puni par Dieu.
Mais nous restons tout de même bien mal à l'aise car nous ne comprenons pas ce que le Serpent est et pourquoi il a droit de cité dans le Jardin. Nous bloquons sur un point : le Mal semblerait faire partie de la Création et donc, Dieu ne serait pas Amour mais au contraire, comme les gnostiques, nous serions tentés de voir en lui un dieu, un mauvais dieu qui aurait donné la vie dans la matière impure et Satan un libérateur qui nous aurait permis de nous retourner vers notre véritable nature en nous apportant la gnose, la connaissance et donc cette connaissance nous conduirait au vrai Dieu, pur et parfait.
Avouons que cette lecture est tentante car elle serait bien plus logique. Pourtant, nous en connaissons le danger : le polythéisme, crime absolu à l'égard de Dieu. Puisque nous ne pouvons accepter que Dieu soit multiple, il nous faut tirer un trait sur cette lecture et bien souligner que Satan n'est pas un anti-Dieu mais un élément de la Création.
Alors, comment se sortir de cette contradiction ? Quelle lecture peut-on faire qui satisferait à la morale de Dieu et à l'idée de la Chute en même temps ?
Seconde lecture : le cri du nouveau-né
Cette seconde lecture consisterait à lire Genèse comme un récit métaphorique et symbolique de notre condition. Et comment ne pas y voir la cérémonie de la naissance ?
Comme Adam, l'enfant a vécu dans le sein de sa mère (analogie Jardin – entrailles est flagrant) ; il avait alors la nourriture qui lui arrivait par le cordon ombilical mais sa naissance a été une expulsion. C'est d'ailleurs le cas, à la lettre ! La mère expulse le petit. Le père coupe le cordon ombilical. L'enfant pousse un cri terrible : il est dans le monde, froid, il ne distingue rien ; il n'a que la senteur de sa mère pour le calmer et les mains de son père pour le bercer.
Analogie flagrante qui masque néanmoins un problème, ce satané Serpent. Car, bien entendu, il n'y a pas de Mal dans la naissance d'un enfant. Ce n'est pas criminel de naître et ce n'est pas criminel de donner la vie – à moins que le Serpent ne soit le cordon ombilical ? Dès lors, reste le fait que Genèse est sans aucun doute un texte en partie psychologique (ce qui tendrait à démontrer que les auteurs furent des génies, devançant Freud de plusieurs siècles) mais il n'en pose pas moins une question essentielle : la place du Mal dans la Création et le rôle de l'Homme.
Troisième lecture : le Christ a la réponse
Et si nous avions tout simplement inféré dans Genèse quelque chose qui n'y était pas ? Ainsi est-il écrit que :
3.1
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits.
Certes puisque tout vient de Dieu – aspects positifs comme négatifs. Mais où voit-on que c'est Dieu qui l'a fait venir dans le Jardin ?
En effet, lisons maintenant :
1.1
Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
1.2
Elle était au commencement avec Dieu.
1.3
Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.
1.4
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
1.5
La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue.
Donc, les ténèbres peuvent refuser la lumière.
Ensuite :
16.21
Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il souffrît beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu'il fût mis à mort, et qu'il ressuscitât le troisième jour.
16.22
Pierre, l'ayant pris à part, se mit à le reprendre, et dit: A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas.
16.23
Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre: Arrière de moi, Satan! tu m'es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes.
16.24
Alors Jésus dit à ses disciples: Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive.
Jésus signifie-t-il par là que Pierre = Satan ? Non, bien sûr. Pierre est humain ! Mais Pierre peut devenir Satan uniquement par la pensée et les paroles ! Ce qui revient à dire que Satan, cela peut être toi ou moi à partir du moment où nos pensées prennent une direction mauvaise.
Ensuite :
8.44
Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge.
Ainsi donc, on peut imaginer que le Serpent rentre dans le Jardin parce que c'est l'Homme qui le fait rentrer !
C'est une idée terrible mais logique. Satan est lié aux phantasmes, aux pensées impures... à quoi au fond ? À quel dénominateur commun ? Réponse : le désir.
Dès qu'il y a existence, dès qu'il y a langage, il y a désir. L'Homme est prisonnier d'une langue qui l'habite et sans laquelle il ne peut se construire. Mais dès lors qu'il parle ou même pense (on ne pense qu'en parlant), il induit un vide, une erreur car le langage ne peut pas dire l'objet réel, il tourne autour, il suscite des complications, des doutes, des affirmations, des lapsus, des incohérences. Il révèle notre inconscient, qui est « les ténèbres n'ayant point reçu la lumière. » Eh oui ! Sitôt que nous sommes formés, l'intérieur de notre être est ténébreux et la lumière nous devons la faire venir à l'intérieur de nous.
J'imagine donc que c'est parce que nous avons « pour père le diable » que le Serpent a pu entrer dans le Jardin, c'est à dire dans les ténèbres qui ne reçoivent pas la lumière, notre Jardin intérieur. C'est parce qu'il est notre père (nous lui avons obéis à lui, fais confiance à lui et pas à Dieu) que nous sommes désormais en manque de Dieu et que nous avons la sensation d'avoir chuté.
Oui, Augustin avait raison de voir dans le récit de la Genèse une Chute car tout un chacun, lorsque nous ouvrons les yeux sur notre condition, nous avons la sensation d'avoir perdu quelque chose et de devoir faire un retour pour revenir à notre essence. « L'existence précède l'essence », disait Sartre ; à nous, donc, de faire en sorte que ce soit l'essence qui précède l'existence.
3.24
C'est ainsi qu'il chassa Adam; et il mit à l'orient du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.
Qui agitent une épée, comme sur la piste d'atterrissage des avions on agite des lanternes. Qui gardent le chemin de l'arbre de vie comme on garde un chemin pour s'assurer qu'il reste ouvert.
Note d'espoir : on peut lire de deux façons ce verset : nous sommes interdits de retour ou bien les Chérubins gardent le passage ouvert. Et manger de l'Arbre de vie permettrait de « vivre éternellement. », selon Dieu.
D'où le Christ, d'où la rémission des pêchés, d'où la promesse du retour en Dieu et la promesse de l'Eternité passée dans la béatitude.
« Le Verbe s’est incarné pour la Rédemption du Péché. Faudra-t-il que le Saint-Esprit s’incarne pour la rédemption de la sottise ? » Léon Bloy