Qu'est-ce qu'une société relativiste ?

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MB
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Qu'est-ce qu'une société relativiste ?

Message non lu par MB » jeu. 11 août 2005, 22:19

Je me permets de lancer ce fil à la suite d'un constat. On parle de relativisme, on a proposé des pistes de réflexion à ce sujet, mais je me sens chiffonné par certaines interventions. Plusieurs participants parlent de société relativiste en prenant pour exemple des cas de discours scandaleux ou opposés à nos valeurs (quelqu'un qui "ouvre des perspectives" sur le cannibalisme, un autre qui met sur le même plan les différentes religions, etc.). La présence de ces discours serait un signe de relativisme.

Ma gêne vient de plusieurs constats.

- je vois que notre société (je dis "société" largement, par facilité), même si elle a oublié un certain nombre de principes chrétiens, en garde d'autres. Un exemple caricatural est celui de l'avortement : voilà une chose absolument monstrueuse, certes, d'un point de vue chrétien (et pas seulement chrétien je pense). Mais l'étonnant dans ce scandale, c'est que les partisans de l'IVG le justifient en employant une rhétorique de compassion pour les victimes (les malheureuses filles-mères, les familles qui ne peuvent pas élever leur enfant, les filles abusées, etc.) - un discours au parfum chrétien ! Les opposants à l'IVG sont considérés avec réprobation et mépris, on les juge nuisibles et méchants. Des valeurs morales sont donc à l'oeuvre ; elles sont perverties, certes, elles ne sont probablement pas les bonnes, mais il y en a. Les gens, quand ils causent sur le sujet, raisonnent en fonction de critères moraux.
On peut prendre d'autres exemples, la pédophilie, la relation au Tiers-Monde, la relation à la démocratie et au principe égalitaire ("gentils" démocrates de gauche contre "méchants" fachos cathos, nazis, refoulés) etc. qui suscitent des discours clairement articulés autour de valeurs morales. Parfois, comme dans le cas de l'IVG, ces valeurs morales ne sont pas les nôtres ; mais elles existent, et sont vécues comme valeurs morales.

- Autre point. Quand, dans une société, on n'interdit pas à quelqu'un de tenir un discours relativiste, est-ce que cela veut dire que la société est relativiste ? A voir. On a déjà parlé de thèmes proches, mais je crois que ça vaut vraiment la peine de creuser. Je n'ai pas le temps de continuer, mais je crois que ça suffit déjà bien.

A bientôt
MB

zefdebruz
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Message non lu par zefdebruz » ven. 12 août 2005, 19:43

Ce n'est pas une question de non-interdiction des discours relativistes qui caractèrise l'avènement de la société relativiste, mais le fait que cette société, par ses institutions politiques, économiques, sociales, culturelles, encourage et prône un système de pensée aux antipodes du catholicisme. Cela suppose préalablement de supprimer Dieu , en tant que Créateur et Père ( Cf Nietzche et les maîtres du soupçon, à la suite des Lumières), pour le remplacer par l'homme-dieu, qui est son propre créateur et démiurge, sa propre vérité, sa propre fin : pour celui-ci ,il n'y a pas une Vérité, mais des vérités, toutes valables dès lors qu'il a décrété qu'elles lui conviennent. C'est lui qui va définir ce qui est "bien" ou "mal", ce qui doit normer les comportements, non en fonction de critères objectifs, puisque l'objectivité ne peut exister dans sa pensée fluctuante et subjective, mais selon ce qu'il pense librement ( ou croit penser librement) en dehors de toute norme morale trancendante.
Dans le domaine religieux, cette attitude est celle du new-age panthéiste, en philosophie celle du naturalime mystique ou non, et en économie ou en politique cette attitude a pu engendrer des doctrines comme le marxisme , le matérialisme dilectique athée, et autres idéologies monstreuses comme le nazisme. L'avortement que vous citez est effectivement l'un des fruits mortifères de la doctrine relativiste, sans doute le plus terrible d'entre eux.
C'est l'avènement de l'homme de Genèse 3,5 ( nihil novi sub sole) et ce n'est pas forfuitement que notre Pape actuel, alors qu'il était encore Préfet de la Sacré Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a écrit que le relativisme était le plus grand défi que devrait relever le Christianisme du XXIe siècle.
Vous comprendrez bien que ce n'est pas seulement une question de liberté de penser ou de tolérance, et que l'enjeu est planétaire puisqu'il touche à l'identité même de l'homme !

Cordialement :)

Zefdebruz
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Message non lu par MB » sam. 13 août 2005, 14:50

Bonjour Zef ! content que vous réagissiez le premier :)

Je ne sais pas si je peux vous suivre, et cette interrogation porte sur bien des points que vous avez soulevés. Je ferai d’abord une remarque de détail, puis je vous développe mon sentiment, et enfin j’essaie de vous reprendre, ou du moins de relancer tout cela.

(1) Un détail pour commencer : caractériser Nietzsche comme suiveur du siècle des Lumières me gêne un peu (vu la façon qu'il avait, par exemple, de mépriser le théoricien même des Lumières, je veux dire Kant). Je ne vois pas non plus ce que les autres maîtres du soupçon ont à voir avec les Lumières, qu'ils semblent plutôt contredire, à l'instar de leurs épigones plus tardifs (la théorie critique, Heidegger, Derrida, Foucault, etc. pas franchement dans la lignée des philosophes du 18ème siècle). Vous me direz, peu importe, ce n'est pas le sujet, et vous aurez partiellement raison. Mais partiellement seulement : l'un des problèmes auxquels nous devons faire face, c'est que bien des catholiques mettent dans le même sac tout un ensemble de choses potentiellement contraires à ce qu'ils pensent, certes, mais souvent contradictoires entre elles-mêmes - par exemple les Lumières et Nietzsche. Ce que vous venez de faire dans votre message. Il devient donc plus difficile d'y voir clair, et c'est dommage. Enfin bref.

(2) Revenons au sujet, donc. Les phénomènes que vous pointez du doigt (cette espèce d'atonie, d'aphasie télévisée, un peu zombiesque, pour reprendre Finkielkraut, sur beaucoup de grandes questions importantes) existent, et il faut les souligner en effet. Parfois, ces phénomènes ont pris des proportions grotesques (dans les années 80, je ne sais plus quel intellectuel américain expliquant que, au moins, la justice saoudienne fonctionnait). On a pu justifier toutes les pratiques au nom de l'authenticité, de la cuculture locale, etc. et ces justifications n'ont pas échappé à l’œil perçant de notre pape lorsqu'il était cardinal. Vous remarquerez, en passant, que la justification relativiste de certaines pratiques locales un peu barbares (genre, je coupe la main des voleurs) n'est pas étrangère à l'esprit de certains théoriciens contre-révolutionnaires qui se prétendaient catholiques. Mais je dévie encore.
Ces phénomènes existent, donc, mais même ceux qui les suivent le plus bêtement possible ne sont pas dénués de valeurs, et ne sont pas prêts à les perdre. Lorsqu'un imbécile de Libé ou des Inrocks critique telle ou telle encyclique (que de toute façon il n'a pas lue) parce que, selon lui, elle veut empêcher les hommes de faire ceci ou cela, ce n'est pas qu'il s'oppose à un discours véhiculant des valeurs en tant que tel. C'est qu'il estime que ses valeurs à lui sont supérieures à celles professées par l'Eglise. Vous me direz : je fais un sophisme, car les « valeurs » de ce bonhomme consistent parfois à n’en pas professer. Pas tout à fait vrai : le journaliste en question n’en fait pas moins une hiérarchie, en fonction de laquelle il juge ce qui lui paraît préférable et ce qui lui paraît rejetable. Il y a donc, fonctionnellement, un système de valeurs, une hiérarchie de choix. La différence – et je vous concèderai cela – c’est que ce journaliste n’en parle pas en termes de bien et de mal. N’empêche : une échelle de préférences est bel et bien présente. Donc on ne peut pas parler de relativisme, il y a un problème de terminologie.

Et là encore, si beaucoup de personnes ne disent plus, en effet, « ceci est bien », les mêmes peuvent se bousculer au portillon pour dire « ceci est mal ». Regardez le nombre de gens qui réagissent, horrifiés, quand on profane un cimetière juif ; regardez le nombre de gens qui se hérissent en écoutant les minutes du procès d’Angers. Vous voyez, il y a de l’espoir.
A un niveau pas aussi noble, regardez le nombre de petits terroristes dans le style de Libé (toujours eux !) qui vous traitent de nazi dès que vous ouvrez la bouche, ou qui du moins l’insinuent ; cette insulte renvoie pour eux au cœur même du mal. Je développe un peu : être nazi, dans notre société, c’est se situer aux marges de l’humanité, c’est penser l’impensable, dire l’indicible, le nefandum comme on disait dans le temps. Le souvenir du nazisme a effacé toutes les autres figures du mal absolu ; et c’est un cas où les gens, pour le coup, ne se sentent pas gênés de parler en termes de bien et de mal. Je me demande si, d’un point de vue fonctionnel (et pas moral, bien sûr), être nazi ce n’est pas comme être hérétique au 13ème siècle : c’est dire en-dehors de toute société « vraiment » humaine (ils étaient censés faire des orgies, assassiner les petits enfants qui en naissaient, les brûler et mêler leur cendre à leur hostie, etc.). Là encore, il est indiscutable à mes yeux qu’un système de valeurs soit là, devant nous. Et vous remarquerez que, dans l’exemple que j’ai choisi, il rejoint le nôtre – heureusement. Parfois cette convergence n’a pas lieu il est vrai, comme dans le cas de l’avortement, que ses partisans défendent en termes moraux (mais qui correspondent par conséquent à leur échelle de valeurs).

Nous ne vivons donc pas dans une société relativiste ; nous vivons dans une société dont les valeurs, parfois recoupent les nôtres, parfois ne sont pas les mêmes ou se situent ailleurs. Et à ce titre, je ne pense pas que nos contemporains soient littéralement relativistes. En fait j’en ai lu un, c’est un grand historien de Rome qui s’appelle Paul Veyne. Il est foucaltien à fond, il assume totalement son relativisme et il faut reconnaître qu’outre un certain brio, il ne manque pas de courage intellectuel (lisez, par exemple, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, dispo chez Points Essais, extrêmement stimulant de ce point de vue). Si les gens le lisaient, ils auraient peur, seraient pris de vertige et feraient tout pour l’oublier. Je serais étonné si l’on me disait que c’est un penseur emblématique de nos contemporains…

(3) Mais si j’ai bien lu, vous reliez le relativisme aux faits que c’est maintenant l’homme qui choisit lui-même ses valeurs, et qu’il le fait en fonction d’une référence non transcendante. D’abord les exemples que vous choisissez (le New Age, le naturalisme mystique) ne sont pas très représentatifs ; le marxisme, que vous citez, est partiellement né de comportements ordonnés autour d’un jugement moral (la réaction à une situation sociale jugée inadmissible). Vous citez enfin le nazisme, il faut creuser, mais l’exemple est embarrassant, car cette idéologie est le lointain descendant de pensées hostiles aux Lumières (et parfois proches de la pensée contre-révolutionnaire)...
Venons-en au problème de fond : vous admettez qu’il y ait un système de valeurs, mais vous posez la question, « est-on relativiste quand les systèmes de valeurs sont choisis sans référence à Dieu, ou du moins à une norme transcendante » ? Et vous répondez par la positive. Donc vous admettez, par exemple, que les musulmans ne sont pas relativistes, même si leurs valeurs ne sont pas exactement les nôtres, et vous en tirez la conclusion du relativisme en vigueur chez nous.
Je vous avouerai que je suis embêté par cette idée. Revenez à la réaction dont je vous ai parlé face au nazisme : elle me paraît tout ce qu’il y a fondée sur le transcendant. Les discours justifiant la liberté pour elle-même me paraissent justifiables uniquement sur des références transcendantes. Lorsque les défenseurs de cette liberté la justifient par des arguments utilitaristes ou matériels, ils sentent que ces arguments ne sont pas vraiment le cœur de la discussion, que ce sont des arguments de seconde zone, qu’on dit comme cela, en passant, pour avoir un argument de plus (je n’ai pas en tête d’exemple, hélas, mais il me semble n’avoir pas tort…). Quand Rousseau dit « l’homme est né libre », il fait du transcendant. Quand les Occidentaux sont scandalisés par le comportement suivi dans certaines sociétés (les femmes excisées ou victimes de « crimes d’honneur », les voleurs auxquels on coupe la main, etc.), ils se sentent incapables de réagir autrement que par des références transcendantes : « ce n’est pas juste », « c’est contraire à la dignité humaine », sans autre explication. Il faudrait approfondir tout cela, mais il me semble que la référence transcendante existe plus que jamais. C’est Dieu, en fait, mais on s’est souvent contenté d’enlever ces quatre lettres. Cela pose problème, certes… mais je ne vois pas en quoi on pourrait parler ici de relativisme.
L’autre chose qui me gêne quand je vous lis, c’est qu’il faudrait conclure que, à votre sens, presque toutes les sociétés humaines sont relativistes. Je prends l’exemple des Romains : d’une part, chez eux, l’articulation entre bien et mal n’est pas cardinale. On en trouve d’autres : courage-lâcheté, monde de la cité – monde des barbares, vertu-mollesse, etc. Mais en plus, ces valeurs ne sont pas justifiées par des normes transcendantes ; elles ne se comprennent, pour les Romains eux-mêmes, que dans le contexte social où elles se déploient. Leur religion n’est pas fondée sur des rapports au divin de type transcendant ; et quand ces rapports existent, ils ne sont pas exclusifs ni obligatoires. Les sociétés païennes de l’Antiquité sont, pour la plupart d’entre elles, étrangères à la notion même de transcendance. Devrez-vous en conclure que les Romains étaient relativistes ? …et bien entendu, on doit étendre cette interrogation aux autres sociétés de ce type, Grecs, Hindous, Japonais etc.


Résumé provisoire : notre société n’est pas relativiste ; nos contemporains ont des valeurs, mais elles ont souvent fait l’objet de déplacement par rapport aux nôtres ; ces valeurs sont justifiées par une norme transcendante (même si peu de gens savent ce qu’elle est au juste).
Il y aurait peut-être un relativisme assuré, pour le coup, mais qui ne porterait pas exactement sur les mêmes choses : celui qui interdit de départager Bach et Eminem. Mais c’est une autre question, et il y en a bien d’autres dans cette discussion… d’ailleurs je fatigue un peu, maintenant : je suis à la campagne, je vois un pré plein de meules, là, devant moi, il faut quand même que j’en profite !

Fraternellement
MB

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Christophe
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Re: Qu'est-ce qu'une société relativiste ?

Message non lu par Christophe » sam. 13 août 2005, 22:14

[align=justify]Bonsoir MB
MB a écrit :Je me permets de lancer ce fil à la suite d'un constat. On parle de relativisme, on a proposé des pistes de réflexion à ce sujet, mais je me sens chiffonné par certaines interventions. Plusieurs participants parlent de société relativiste en prenant pour exemple des cas de discours scandaleux ou opposés à nos valeurs (quelqu'un qui "ouvre des perspectives" sur le cannibalisme, un autre qui met sur le même plan les différentes religions, etc.). La présence de ces discours serait un signe de relativisme.
Effectivement, la tolérance sociale de discours privés "scandaleux ou opposés à nos valeurs" n'est pas en soit suffisant pour caractériser le relativisme sociétal. Mais je ne crois pas que ce soit dans ce sens là que Franck, qui Zhu Yu, parlait du relativisme de la société. Ce discours-ci en est un signe, comme épiphénomène, emblématique d'un mode de pensée qui tend à devenir dominant. Pour preuve, je reproduis la citation :
Zhu Yu a écrit :La question qui nous titille toujours, c'est au fond : pourquoi le cannibalisme est-il interdit ? Existe-t-il un commandement dans l'une quelconque des religions qui nous dise que nous ne pouvons pas manger de chair humaine ? Existe-t-il un pays où l'on peut trouver une loi contre cette pratique ? C'est une simple question de moralité. Mais qu'est-ce que c'est que la morale ? N'est-ce pas simplement quelque chose que les hommes s'imposent mais qui change en fonction de ce qu'ils veulent être dans la course du progrès humain ? A partir de là, nous devons conclure que dans la mesure où le cannibalisme n'est pas considéré comme un crime, mager son prochain n'est pas interdit par quiconque, ni par quelque ordre social ou religieux qui soit. Moi, si je le fais, c'est pour dénoncer cette idée selon laquelle on ne peut moralement manger de la chaire humaine.
Nier le caractère absolu - transcendant ou non - de la morale, voilà il me semble, la marque distinctive du relativisme. Cela commence toujours par le refus de Dieu. On continue par faire de "l'Homme" ( comme concept ) un substitut au Créateur dans la génèse de la morale. ( C'est la position de l'humanisme athée. ) Comme on ne trouve pas "l'Homme", on finit par faire de la conscience individuelle la seule réfèrence éthique : chacun fixe sa propre norme.

Zhu Yu est positiviste : la seule morale qu'il reconnaisse est celle qui est proclamée par la loi. " Tout ce qui n'est pas interdit est autorisé " : cette maxime de l'Etat de droit est parfois comprise dans une acception relativiste. Mais il ne faut pas oublier que la Morale, qui est la Loi de Dieu, est antérieure à la Loi des hommes.

Il n'y a effectivement pas de société relativiste, et il ne peut y en avoir : la vie sociale et politique est impossible sans un minimum de cohésion et d'unité. Lorsque le relativisme progresse, la lien social se désagrège. Vous avez raison, les sociétés occidentale contemporaines portent encore en elles-mêmes un certain nombre de valeurs, dont certaines sont héritées du christianisme ( bien que le négationnisme laïciste refuse de l'admettre ). Liberté, Egalité, Choucroute !
Le discours médiatiquement dominant, qui n'est heureusement pas hégémonique, porte pourtant des traces de relativisme. J'ai l'impression, mais je pêche peut-être par optimisme, que ce discours tend à reculer et à être de plus en plus marqué idéologiquement. Il resterait alors une société non-relativiste, mais avec des valeurs qui sont de plus en plus celles d'une société païenne, à quelques rares exceptions près.
Il me semble que la société est intellectuellement de plus en plus inconséquente : elle se donne des valeurs ( liberté, égalité, démocratie, droit-de-l'homme... ) mais refuse catégoriquement de répondre à la question de leur fondement. Les hommes sont libres par nature et égaux en droit et le peuple est souverain : on ne sait pas pourquoi ni comment, mais c'est ainsi... et honni soit qui mal y pense.
MB a écrit :Autre point. Quand, dans une société, on n'interdit pas à quelqu'un de tenir un discours relativiste, est-ce que cela veut dire que la société est relativiste ? A voir. On a déjà parlé de thèmes proches, mais je crois que ça vaut vraiment la peine de creuser. Je n'ai pas le temps de continuer, mais je crois que ça suffit déjà bien.
Non, je ne crois pas qu'une société libérale sur ce point soit nécessairement une société relativiste. Pour ma part, la promotion du cannibalisme me semblerait largement justifier une sanction pénale...

:lol:
Christophe[/align]
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zefdebruz
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Message non lu par zefdebruz » dim. 14 août 2005, 15:10

Bonjour MB et Christophe,

Je crois utile effectivement de préciser à MB que je relie directement le relativisme en matière morale au refus de l'homme d'assumer la morale judéo-chrétienne du Décalogue et de son accomplissement ultime dans la loi d'amour révélée par Jésus-Christ.

Je persiste à voir un lien presque direct, je dirais même de causalité entre la philosophie des Lumières et la pensée Nietzchéenne, cette dernière s'inscrivant dans un continuum logique, même si elle tranche radicalement avec celle-ci. Je m'explique : Nietzche se présente comme le " dernier philosophe" en proposant son système de " tabula rasa " vis à vis du Christianisme qui aliène l'homme, la nécessaire révolte de l'homme et du rejet de ce joug qui lui est imposé par un Dieu qu'il s'est lui même fabriqué ( noter le renversement : Dieu créé à l'image de l'Homme !) puis la re-construction subjectiviste de celui-ci, pour dépasser un nihilisme que rejette Nietzche, en dehors de toute morale contingente ( le nouvel homme post-chrétien). Cette reconstruction propose d'aller puiser aux sources grecques pré-socratiques ( philosophies de l'instinct, du matérialisme et de l'hédonisme), après que Nietzche ait au passage réglé lapidairement leur compte à Socrate et à Platon. ( Cf les phases nitzchéennes du Chameau, du Lion et de l'Enfant...). En souhaitant en finir avec la Vérité ( " pourquoi la Vérité et non pas la non-vérité ?") , Nietzche offre un boulevard au relativisme moderne.

Je suis convaincu qu'une telle pensée " malade " n'a pu fleurir que sur un terreau préparé : Les Lumières, en épousant le Dieu des philosophes et des savants, rejettent de facto la paternité d'un Dieu Amour ( Le Dieu et Père de Jésus-Christ) pour un déisme "raisonnable":le Dieu des Lumières est un Dieu Grand Architecte, Grand Horloger ( créateur de l'espace et du temps), nous dirions aujourd'hui auteur du Big Bang, mais c'est un Dieu lointain, inaccessible et en tous cas muet, ne pouvant rien communiquer de Lui-même à ses "créatures", aucune vérité "révélée" n'étant possible.
Je ne prétend pas nécessairement tout amalgamer entre les différentes nuances de cette pensée, vous pourriez objecter que D'holbach (auteur de près de 500 articles de l'Encyclopédie) était par exemple athée et que Diderot n'était pas loin de franchir la ligne blanche.

Il devient évidemment dès lors bien plus commode de se méfier de ce Dieu lointain , peu intéressé par sa création et qui finalement peut être une simple projection de l'esprit humain: c'est par ce cheminement intellectuel qu'est passé Nietsche dans sa jeunesse après avoir été un enfant pieu par "obligation".

Le relativisme en philosophie est né de l'affaissement complet de la métaphysique à partir de la révolution copernicéenne et du développement de la méthode expérimentale au XVIIe siècle ( essentiellement sous l'impulsion de Francis Bacon en Angleterre, bien plus que celle de Galilée en Italie ) :à partir de là, la science moderne ne s'interesse plus qu' à ce qui se pèse et se mesure, qu'à ce qui peut être connu de l'homme, de manière certaine, à partir de sa propre observation.

En changeant de repère géographique ( passage du géo-centrisme à l'hélio-centrisme), la science astronomique renverse les perspectives de la connaissance dans les autres domaines, et notamment dans les sciences humaines : l'homme n'est plus au centre de l'Univers, il est quelque part perdu dans l'Univers, il est un accident de l'histoire, un produit du hasard et de la nécessité ( Cf Monod au XXe sièle).

Kant va lui-même opérer la synthèse philosophique subjectiviste en appliquant à la philosophie l'équivalent de la méthode révolutionnaire copernicéenne. C'est aussi la raison pour laquelle, contrairement aux apparences, et malgré les oppositions que vous évoquez, Nietzche s'inscrit dans la même démarche que Kant, mais en la radicalisant du fait de sa haine viscérale du christiannisme.Pour Nietzche, Kant n'allait pas suffisament loin dans sa démarcation avec la religion chrétienne, mais non seulement Kant, mais tous les philosophes avant lui, puisque dans son orgueil démésuré, Nietzche se voulait être l'ultime philosophe, indépassable et inégalable. Il prétend à la fin de sa vie remplacer Dieu qui est mort et lui succéder, et meurt après avoir sombré dans la folie.

En ayant proclamé la mort de Dieu, source de morale, il appel de ses voeux une nouvelle morale, celle du sur-homme post-chrétien, qui est son propre démiurge et sa propre finalité, en vue d'un bonheur possible sur la terre et non dans un Au-delà inexistant. Il n'est donc pas étonnant que certains concepts Nietzchéens comme celui du sur-homme aient pu être facilement dévoyés en faveur de la race ( aryanisme des nazis) ou parti ( stakhanovisme sovietique).

Pour revenir au Décalogue, celui-ci se présente sous la forme d'interdits ( INTER-DITS) signifiant la reconnaissance d'une PAROLE ENTRE, source d'altérité et traduction de deux niveaux ontologiques ( celui de l'esse divin et celui de l'esse humain) qui permettent d'éviter la confusion en vue du bonheur de l'homme ( acceptation aimante et respectueuse d'une dépendance vis à vis de son Créateur).
C'est pourquoi je parlais de l'identité même de l'homme, en grand danger dans une conception relativiste dans laquelle l'homme tente de franchir la frontière qui le sépare de son Créateur en postulant lui même ce qui est bien ou mal : " Vos yeux s'ouvriront, vous serez comme des dieux,connaissant le bien et le mal " souffle le Père du mensonge à Eve en Genèse 3,5.

Lorsque je parle de transcendance, je me référe bien à un Tout Autre, et c'est la raison pour laquelle la conception panthéiste et immanentiste du New Age, n'est pas pour moi une transcendance ( l'homme n'est qu'une partie du Grand Tout, la nature divinisée, avec laquelle il peut fusionner en élevant son niveau de conscience). En ce sens, l'Islam est bien une trancendance et les musulmans sont guidés dans leur vie morale par un corpus objectif et non relativiste, même si l'Islam est bien évidemment pour moi tout à fait en dehors de la vérité.

Voilà pourquoi la conclusion de MB, qui présente une sorte de société tolérante avec différentes "valeurs" qui peuvent se recouper me fait un peu sourire : le Christianisme et L'Eglise catholique, dépositaire plénière du trésor de la foi, ne sont pas une proposition parmi d'autres, à moins d'adopter une position relativiste ! Il y a un rapport extrêment étroit entre les vérités de la foi et la morale qui en découle. Les compromissions des chrétiens "tièdes" avec l'esprit du monde équivalent à un abandon de la Vérité.
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Charles
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Message non lu par Charles » mar. 16 août 2005, 19:04

Bonjour à tous,

je me souviens d'un cours du philosophe Pierre Magnard, spécialiste de la Renaissance, et traitant que ce qu'il appelait son "inflation herméneutique", s'agissant des sens de l'Ecriture sainte. La tradition catholique en avait fixé quatre, mesurant l'intelligence du texte et garantissant la catholicité de l'exégèse. A partir de la Renaissance et avec la Réforme, on assiste à une prolifération des sens possibles, extensions dans toutes les dimensions, qui n'en reste pas aux disciplines elles-mêmes (lectures historique, archéologique, linguistique, ethnologique, anthropologique, psychanalytique, etc.) mais inclut les personnes (lectures de Luther, de Calvin, de Penn, de Wesley, etc.)... et jusqu'à celle du premier venu... Mon interprétation, devient une interprétation possible. "Mon" interprétation, c'est-à-dire l'interprétation en rupture avec l'universalité de l'interprétation catholique. Je me demande si là n'est pas le fondement de notre relativisme contemporain qui consiste surtout en une sorte de retraite, pour ne pas dire réclusion, dans "mon interprétation", "mon sens à moi"... qui n'est pas celui que l'Eglise ou la société donne à tel mot ou telle réalité, mais dont je me satisfais et que personne ne peut se permettre de me contester.

C'est pourquoi je doute aussi de la proposition de MB selon laquelle "ces valeurs sont justifiées par une norme transcendante", le contenu même des valeurs de consensus étant flottant, chacun prenant tel ou tel terme dans "mon sens que je lui donne, moi". Et la tendance va plus loin encore, en deçà de la question du sens, jusqu'à celle même du langage. Exemple amusant :
"- Donne-moi la burnette.
- On appelle ça une burette.
- Oui mais moi, j'ai envie de dire une burnette."
Ce n'est pas méchant mais en même temps, c'est caractéristique de relativisme contemporain. Je ne parle pas du jeu de mots mais de la revendication de pouvoir soi-même décider du sens d'un mot et d'altérer le mot lui-même.

On a eu un exemple plus grave avec cet intervenant qui avait donné un lien vers une communauté monastique où un moine avait écrit un texte dans lequel on pouvait trouver tous les sens possibles du mot "eucharistie" à l'exception de celui de présence substantielle du Corps du Christ.

Peut-être qu'une société relativiste est celle dans laquelle les mots ont autant de sens que cette société a de membres, quand les mots ne se vident pas simpliciter de tout sens. Je pense aux mots comme amour, liberté, société, homme, mariage, république, politique, autorité, justice, bonheur, bien, mal, vérité, etc.

Il y a aussi aujourd'hui une sorte d'allergie à tout ce qui appartient au domaine des determinations conceptuelles : les "catégories", les "définitions", le "dogmatisme"... tout ce qui garantit un commun dans le langage et selon lequel on peut se comprendre. A ce titre l'hermétisme d'une immense partie de l'art contemporain est encore plus parlant (!).

Le problème d'une société relativiste comme la nôtre, est que quand tu dis "Dieu est amour", on te répond "qu'est-ce que l'amour ?" ou bien "Dieu s'est fait homme", on te répond "qu'est-ce que l'homme ?"... et qu'avant même de pouvoir annoncer le Christ, tu dois réapprendre comme une langue oubliée à ton interlocuteur...

Et puis il y a cette chose ténébreuse, que beaucoup de gens sont persuadés que la Vérité viole la liberté...
Dernière modification par Charles le mer. 17 août 2005, 1:03, modifié 2 fois.

zefdebruz
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Message non lu par zefdebruz » mar. 16 août 2005, 20:54

Tout à fait d'accord avec le sentiment exprimé par Charles à propos de la perte du sens des mots, et de l'altération manipulatoire de la sémantique : un bel exemple de la déconstruction forcenée du langage réside dans les positions aberrantes d'un Jacques Derrida, qui ont malheureusement fait florès, surtout Outre-Atlantique, malgré les réactions de nombre de ses pairs philosophes. Pas vraiment étonnant quand on sait que les maître à penser de sa jeunesse s'appelaient Rousseau et Nietzche !

Cordialement,

Zefdebruz
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Réponse 1 à zef : problèmes de forme

Message non lu par MB » mer. 17 août 2005, 17:20

Bonjour Zef !

Avant de répondre sur le fond à ce que vous avez dit, je voudrais passer, le moins lentement possible, sur un certain nombre de détails de votre post, à commencer par le plus insignifiant. A l'occasion, je vous prie par avance de me pardonner mon ton s'il vous blesse, ce n'est pas mon intention (car je suis gentil, dans le fond !).

- Evitez d'avoir une vision un peu trop romantique de la fin de Nietzsche. S'il est devenu inconscient ou fou, ce n'est pas en raison de sa philosophie, mais à cause d'une bonne vieille syphilis, probablement contractée là où vous savez (merci à la médecine et à la loi Marthe Richard). Il faut donc éviter de surinterpréter certaines données...

- Votre analyse de "l'inter-dit" me laisse assez froid. Je ne vois pas tellement l'intéret de réflexions à un niveau étymologique aussi peu rigoureux. Qu'est-ce que cela donne si on traduit le mot "interdit" en yakoute ?

- une de vos phrases me fait frissonner, certainement à tort, à vous de répondre - je vous cite : "En changeant de repère géographique ( passage du géo-centrisme à l'hélio-centrisme), la science astronomique renverse les perspectives de la connaissance dans les autres domaines, et notamment dans les sciences humaines : l'homme n'est plus au centre de l'Univers, il est quelque part perdu dans l'Univers, il est un accident de l'histoire, un produit du hasard et de la nécessité ( Cf Monod au XXe sièle). " Comment dois-je l'interpréter ? D'une part, cette phrase fait peur : ce qu'ont découvert les astronomes semble bien vrai, fallait-il néanmoins leur clouer le bec pour éviter de "troubler les esprits" ? D'autre part, il n'y a aucun rapport entre une découverte physique et une réflexion métaphysique (qu'est-ce que ça change théologiquement, au fond, que nous soyons la troisième planète du système solaire ?). Il est vrai, et je vous le reconnaitrai volontiers, que des gens ont fait ce rapport ; ils se sont sans doute trompés.
Mais j'ai du vous lire trop vite, peut-etre. On a en tout cas l'impression que vous regrettez la découverte de l'héliocentrisme ; je suis certainement de mauvaise foi, corrigez-moi s'il le faut.

- Votre résumé de l'histoire de la pensée est très intéressant ; son aspect très dense m'a obligé à mettre du temps à répondre. Evidemment, je pourrais dire que vous manquez certaines étapes importantes (Ockham, Bayle), mais ce n'est pas la question, on ne peut pas tout dire. Le problème n'est pas là. Il vient de ce que vous attribuez une vie autonome aux idées, que vous supposez que la logique d'une idée marche toute seule, qu'il suffit de la dérouler comme une pelote de laine, pour arriver à une conclusion nécessaire et inévitable ; le débat sera difficile, car je ne souscris pas vraiment à ce présupposé. Une idée peut donner lieu à des conséquences intellectuelles orientées dans un sens comme dans le sens contraire, et ce en toute logique. Cela fonctionne a fortiori avec l'idéologie, que l'on peut tordre dans tous les sens (rien n'est plus incertain qu'un régime fondé sur une idéologie)... Nous devons nous servir de la raison humaine, certes ; mais il faut parfois etre humble et faire preuve, envers elle, d'un certain scepticisme, au moins 5 mn ; faites-le ; je le fais de temps en temps et cela me cause un bien fou. Dites-vous, par exemple, que l'on pense souvent différemment selon le moment de la journée, selon l'humeur, ou (plus trivialement, je parle pour moi) avant ou après le déjeuner :-x . Alors évitons d'absolutiser la pensée...
L'autre problème, en passant, dans votre résumé, est son parfum de remué ; pardonnez-moi la formulation, mais je ne trouve rien d'autre. J'ai déjà eu vent d'articles de contre-révolutionnaires du 19ème siècle, et jusqu'aux premiers personnalistes, parlant de ce sujet. Le ton en était souvent celui d'une personne traumatisée et pleine de ressentiment, qui voulait rejeter quatre à sept siècles (selon les gouts) de réflexion humaine, avec l'idée sous-jacente : "mon Dieu, quelle catastrophe ! comment l'homme a-t-il pu oser penser ? Tout vient de là !" Cela n'a pas beaucoup d'intéret, honnetement.

Voilà pour quelques questions de forme ; j'espère ne pas vous avoir indisposé. Si vous me permettez, j'aimerais bien répondre plus tard sur le fond (je n'en ai pas pour très longtemps d'ici là). Pouvez-vous me laisser le temps ?

A bientot
MB

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Message non lu par zefdebruz » jeu. 18 août 2005, 20:48

Bonjour MB, :)

votre intervention n'est pas blessante, et le ton employé reste courtois, je vous rassure, il est tout à fait normal pour moi d'entendre des opinions différentes, si nous étions tous d'accord sur tous les sujets le forum n'aurait même plus sa raison d'être !

Vous avez évidemment raison sur les impasses et les raccourcis que je fait : il serait bien prétentieux de ma part d'oser traiter de l'ensemble de la pensée philosophique depuis la Renaissance, d'abord parce que j'en suis parfaitement incapable culturellement et intellectuellement, ensuite parce que si j'essayais d'entreprendre une telle démarche il me faudrait des années pour lire ce que je n'ai pas lu, tenter de comprendre, de digérer, de synthétiser, de situer et relier par rapport aux différents courants, etc.

Je me contente donc de schémas certes grossiers, mais je intimement convaincu :
- que l'Histoire a un sens,
- que les fondements du relativisme moderne se situent dans l'altération de la perception de l'identité de Dieu, Père et Amour
-que cette même altération s'est fortement développée à la fin du XVIIe puis tout au long du XVIIIe siècle sous l'influence de la philosophie des Lumières ( elle même conséquence et héritère de la doctrine du libre arbitre que le protestantisme a puissament érigé contre le magistère catholique)
-que le développement extrordinaire des sciences " dures" est quasiment corrélé à l'affaissement de la métaphysique, pour la bonne raison que c'est toute la métaphysique aristotélicienne, et bien entendu le thomisme qui l'avait intégré, qui s'est trouvée ébranlé par la nouvelle " weltanschauung" de la Renaissance. Or cet ébranlement n'aurait pas dû ce produire si les maîtres de l'apologétique, qu'on a cherché en vain à ce moment, étaient sortis de leur torpeur !
- qu'il faut deux jambes pour marcher droit : fides et ratio ! mais la foi est première !

Je vais encore vous surprendre, ou vous faire rire peut-être, en vous avouant que je pense le plus sérieusement du monde que rien de vraiment grand ne s'est fait en philosophie depuis Saint Thomas d'Aquin, "sommet inégalable de la pensée" ( ce n'est pas de moi) !
Mais voilà, des nains l'ont déboulonné de son piédestal en considérant qu'il n'était pas possible de philosopher avec les anges ( normal , dans la nouvelle conception du monde on ne peut émettre des postulats qu'à partir du visible et des choses qui se pèsent et se mesurent ).
Et il va sans dire que l'entrée au purgatoire de la théologie et de la philosophie thomiste a constitué une aubaine pour les philosophes modernes : tout reconstruire sur la tabula rasa, quel programme !

Vous comprendrez aisément pourquoi Jean Paul II a autant insisté pour demander que Saint Thomas d'Aquin soit remis à l'honneur dans les séminaires ! Même chez les Dominicains le Docteur Angélique ne fait pas toujours l'unanimité...

Je vous invite en toute fraternité à lire ( à relire ?) l'encyclique Fides et Ratio, ce document romain est passionnant pour mieux comprendre le drame actuel de la séparation de la foi et la raison, et son corrolaire : le relativisme. Vous verrez également que je ne vous raconte pas que des " cracks".
;-)

A bientôt,

Zef :)
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MB
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Message non lu par MB » ven. 19 août 2005, 14:27

Bonjour Zef !

Rassurez-vous, je ne cherche pas à vous discréditer, et à dire que vous racontez des cracks. Je vais d'ailleurs vous faire une confession humiliante, expliquant pourquoi je ne vous reprendrai pas sur saint Thomas d'Aquin, pour lequel je pressentais votre affection : c'est que je ne connais sa philosophie que par oui-dire. Comme quoi, il reste encore du boulot ; vous admettez devoir lire encore beaucoup, combien c'est vrai de moi ! Il en va de même, de toute façon, avec les Pères de l'Eglise. Ils ont écrit sur toutes les questions qu'on pouvait se poser au sujet de la foi, et leur actualité surprend toujours quand on tombe dessus ; donc il y a une bonne chance qu'une solution se trouve chez eux, mais nous ne savons pas où ! Cherchons.

Mais on peut quand même essayer de discuter, au moins pour savoir si on ne dit pas quelque chose de grossier. Je vous ai préparé une longue réponse, mais je ne veux pas encombrer le fil avec des gros paragraphes s'ils partent d'une interprétation erronée. Pour que je puisse les lancer, il faut que je sache si je vous ai bien lu.

Voilà le point, si je vous comprends bien : avant d'entreprendre une réflexion morale, métaphysique, ou de quelque ordre qu'elle soit, si l'on ne prend pas pour base de départ l'existence de Dieu, on est relativiste où on fait le lit du relativisme. Un système de valeur, si rigide, si ordonné, et par hypothèse si proche du notre soit-il, est selon vous relativiste ou vecteur de relativisme s'il ne postule pas l'existence de Dieu - et, pour préciser, du Dieu des chrétiens, fait chair, mort et ressuscité. Un philosophe qui se passe de l'hypothèse de Dieu dans ses travaux, qui ne commence pas ses recherches en se soumettant, plein de confiance, au dogme chrétien, fait le jeu de relativisme meme si lui-meme n'est pas relativiste. En généralisant, un homme qui veut penser doit, avant de le faire, postuler la véracité et l'exclusivité du dogme ; il doit placer d'entrée de jeu le cadre de sa pensée dans le cadre chrétien, ou pour ainsi dire il doit mettre son cerveau entre les mains de Dieu. Par exemple, un sociologue doit faire de la sociologie d'un point de vue chrétien ; un historien doit faire de l'histoire d'un point de vue chrétien. Je sais que vous n'approuverez pas l'expression "point de vue", puisque ce point de vue n'en est pas un parmi d'autres ; vous comprendrez que je l'utilise par commodité.

Est-ce que je vous ai bien saisi ?

MB
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Message non lu par MB » ven. 19 août 2005, 14:55

Re-bonjour...

Avant d'avoir votre réponse à mon message précédent, je voudrais quand meme revenir sur l'accusation que vous avez fait mine de me lancer : je serais un Chrétien tiède, pret aux compromissions avec le monde... et je mettrais le point de vue chrétien à égalité avec les autres... Dites-moi : où ai-je écrit cela ? Qu'est-ce qui vous permet de le dire ?

J'ai simplement essayé de voir si, dans la doxa contemporaine, il y avait des valeurs, et si ces valeurs correspondaient ou non aux notres. J'ai cru faire le constat que c'était parfois le cas.
Il faudrait préciser : en fait il y a effectivement des domaines de notre vie dans lesquels, aux yeux de beaucoup de gens, la nécessité d'un jugement moral s'est effacée. Par exemple la vie intime, ici ça saute aux yeux. Ou plutot, l'idée d'un jugement moral est accepté, mais on lui dénie une valeur exclusive et cardinale ; on explique que, en définitive, ça dépend des gens, de leur feeling, etc. Encore que : meme là, il reste des lieux de jugement moral impératif, comme les cas de viol, de pédophilie, etc. Vous me direz, "encore heureux", mais ça montre qu'il reste quand meme des valeurs, si spécifiques soient-elles.

Alors bien sur, cette situation donne l'impression d'un relativisme ; disons que dans certains domaines, les gens sont devenus, soit relativistes, soit impuissants à se décider. Mais on fait erreur, et je pense que cela arrive souvent, quand on dit, de façon générale, que c'est l'ensemble de la société qui est relativiste. Car le fait que le jugement moral se soit effacé de certains domaines de la vie a une contrepartie : il s'est introduit dans d'autres domaines qui n'en comportaient pas auparavant. Exemple simple, le comportement à l'égard de l'environnement : dégrader celui-ci est jugé aujourd'hui comme une sorte de "péché" ; la rhétorique de la critique des pollueurs est extremement moralisante. Ce n'était pas le cas, mettons, il y a un siècle. Voilà un lieu qui s'est peuplé de valeurs.

Autre exemple : la préférence absolue des sociétés occidentales pour la paix. Vous me direz, c'est évident, ça a toujours été ainsi. Faux : il y a un siècle, beaucoup de gens, meme chrétiens ou prétendus tels, parlaient de la guerre en termes positifs, c'était un amusement, une occasion d'excitation, de sensations fortes. Plus personne n'oserait dire cela aujourd'hui - ou alors se retrouverait au ban de la société, objet de la réprobation unanime. Là, pour le coup, c'est une valeur qui est vraiment devenue absolue et impérative (l'actualité de ces dernières années l'a montré), et qui en plus coincide largement, enfin, avec le message chrétien.

Une fois de plus : dans ces messages je ne cherche pas à faire l'apologie du monde d'aujourd'hui, ni à le condamner (et qui suis-je pour me permettre de le faire ?). J'ai simplement cherché à faire des constats.

A bientot ! :)
MB

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Message non lu par zefdebruz » ven. 19 août 2005, 20:24

MB a écrit : Voilà le point, si je vous comprends bien : avant d'entreprendre une réflexion morale, métaphysique, ou de quelque ordre qu'elle soit, si l'on ne prend pas pour base de départ l'existence de Dieu, on est relativiste où on fait le lit du relativisme. Un système de valeur, si rigide, si ordonné, et par hypothèse si proche du notre soit-il, est selon vous relativiste ou vecteur de relativisme s'il ne postule pas l'existence de Dieu - et, pour préciser, du Dieu des chrétiens, fait chair, mort et ressuscité. Un philosophe qui se passe de l'hypothèse de Dieu dans ses travaux, qui ne commence pas ses recherches en se soumettant, plein de confiance, au dogme chrétien, fait le jeu de relativisme meme si lui-meme n'est pas relativiste. En généralisant, un homme qui veut penser doit, avant de le faire, postuler la véracité et l'exclusivité du dogme ; il doit placer d'entrée de jeu le cadre de sa pensée dans le cadre chrétien, ou pour ainsi dire il doit mettre son cerveau entre les mains de Dieu. Par exemple, un sociologue doit faire de la sociologie d'un point de vue chrétien ; un historien doit faire de l'histoire d'un point de vue chrétien. Je sais que vous n'approuverez pas l'expression "point de vue", puisque ce point de vue n'en est pas un parmi d'autres ; vous comprendrez que je l'utilise par commodité.

Est-ce que je vous ai bien saisi ?
Bonjour MB, :)

vous avez bien résumé ma pensée ! L'athéisme me semble conduire directement au relativisme, et tout spécialement au relativisme moral : vous connaissez la maxime " Si Dieu n'existe pas , alors TOUT est permis ! ". Il est certes possible de la nuancer puisque Saint Paul dit en 1Co 6:12- " Tout m'est permis " ; mais tout n'est pas profitable. Tout m'est permis ; mais je ne me laisserai, moi, dominer par rien "( traduction BJ). La position relativiste serait schématiquement la suivante : "Tout m'est permis et cela m'est profitable dès lors que je le ressens comme tel ! " .
La négation du dogme ( qui revient à nier la vérité de la foi ) peut également conduire à cette attitude.

Je ne verrais aucun inconvénient à ce que toutes les sciences humaines se développe en référence au christianisme, bien au contraire ! Bon, nous n'y sommes pas tout à fait, c'est vrai... :(
Je pense également que la laïcité " dérape" quand elle prône l'autonomie du politique par rapport à la sphère morale (a minima celle du Décalogue).

Vous devez voir en moi un affreux sectaire intolérant mais :
1- pour moi la tolérance s'ancre sur les personnes et non sur les idées ou idéologies. Je m'efforce d'écouter et de comprendre, mais c'est la personne que je respecte profondément, quelles que soient ses croyances ou conviction.( de ce côté là, j'aurais fait un piètre franc-maçon !)
2- je ne suis pas relativiste, j'essaye d'être le plus catholique possible ! :lol:

Très cordialement,

Zef.
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Message non lu par zefdebruz » ven. 19 août 2005, 20:33

MB a écrit : Avant d'avoir votre réponse à mon message précédent, je voudrais quand meme revenir sur l'accusation que vous avez fait mine de me lancer : je serais un Chrétien tiède, pret aux compromissions avec le monde... et je mettrais le point de vue chrétien à égalité avec les autres... Dites-moi : où ai-je écrit cela ? Qu'est-ce qui vous permet de le dire ?

MB
Complètement désolé MB, je me suis rendu compte après coup que mon propos pouvait donner l'impression de vous être adressé. Il n'en est rien, je ne me serais jamais permis de porter un tel jugement sur une personne que je ne connais même pas ! Je parlais des "chrétiens tièdes" de manière
général, et dans bien des situations je suis aussi obligé de reconnaître ma propre tièdeur. :oops:
Encore mille excuses pour cette maladresse dans l'expression, je ne vous visais nullement.

A bientôt :)

Zef.
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Message non lu par MB » mar. 23 août 2005, 14:02

Rebonjour Zef

Puisque je ne me suis pas trompé dans votre lecture, il faut que je me mette à vous critiquer. Il me semble que votre définition du relativisme - selon vous, la situation liée au fait que l'homme prétend penser et/ou faire un choix moral, quelqu'il soit, sans faire d'abord une référence au Dieu des chrétiens - ne va pas du tout. Remarquez, le débat s'est aplani depuis le temps, et j'espère ne froisser personne... tant pis, je me lance.

Donc reprenons : avant de refléchir, dans quelque domaine que ce soit, il faut dire : Dieu existe, le Christ est ressuscité, tirons-en les conséquences, puis pensons. Comme je l'ai dit, un sociologue doit faire de la sociologie d'un "point de vue" chrétien, même chose avec un historien, un philosophe, etc.

3 objections, pour commencer.

1° d'abord, une objection de bon sens, que j'ai déjà formulée. La plupart des sociétés humaines non-chrétiennes ne réfèrent pas leur pensée et leur système de valeurs à une religion transcendante (Grecs, Romains, paiens de l'Europe barbare, Japonais, Chinois etc.). Il faudrait donc admettre que la plupart des sociétés humaines paiennes sont relativistes, ce que je ne crois pas etre le cas : elles ont au contraire des systèmes de valeurs très forts et souvent plus contraignants que le notre, quoique leur justification interne soit fondée sur des critères immanents. Sauf erreur, vous ne m'avez pas répondu sur ce point.

2° autre remarque, plus longue. On est obligé de faire le constat, aujourd'hui, de la présence d'un très grand nombre de points de vue, de religions, de sectes, de philosophies, etc. On n'y peut couper ; c'est comme ça. Cette situation n'est pas née du relativisme, mais de la mise en contact de mondes qui se voyaient peu jusque là. Il faut choisir la bonne voie... mais pour pouvoir choisir, il faut bien, techniquement, mettre toutes ces doctrines cote-à-cote, et avoir l'illusion, dans un premier temps, qu'elles se valent toutes. Les choses se corsent quand il s'agit du christianisme : car il ne suffit pas de dire une seule fois "oui" au Christ, il faut le faire tous les jours, et plusieurs fois par jour. Cette illusion d'optique provisoire dont je viens de parler est donc renouvelée en permanence. Toute le souci est de ne pas se laisser abuser par elle, et c'est probablement le cas, hélas, de beaucoup de gens qui confondent relativisme et possibilité de libre choix.
Ce qui est amusant, d'ailleurs, c'est que parmi ces gens, on trouve autant de chrétiens sincères, qui se refusent à la possibilité de réfléchir par peur de la réflexion autonome, que de gens pour le coup vraiment pyrrhoniens, qui se renvoient toutes les doctrines dos à dos.
Mais vous me demanderez certainement quel est le rapport entre ce que je viens d'écrire et le sujet de la discussion. Le voici : si j'ai devant moi plusieurs doctrines, et que je me décide pour la chrétienne en ayant préalablement intégré le cadre chrétien, ne fais-je pas comme une pétition de principe ? N'y a-t-il pas quelque chose de malhonnete là-dedans ? On doit choisir une doctrine parmi toutes celles qui sont là, et donc juger bonne l'une et fausses les autres, mais comme si l'on était juge et partie ?
Cela me fait penser à ce que me disait l'un de mes amis qui critiquait le raisonnement me faisant préférer la démocratie libérale aux autres formes de régime (je disais que ce régime était celui qui garantissait le moins mal les libertés publiques et individuelles, etc.) : forcément, disait-il, si dès le départ on estime que les critères à satisfaire sont démocratiques et libéraux, on ne choisit pas autre chose que la démocratie libérale ! Mutatis mutandis, c'est un peu le cas chez vous, j'ai l'impression... Il serait bon qu'on me réponde là-dessus.

3°. Je reprends l'idée qu'une personne, avant de penser, doit commencer par articuler sa pensée dans le cadre chrétien. Par exemple, un historien doit faire de l'histoire en ayant intégré, au préalable, le dogme chrétien. Fort bien ; mais cela pose un certain nombre de problèmes. S'il faut faire l'histoire d'une société non-chrétienne (donc radicalement autre par rapport à nous), comment s'y prendre ? Dire que ce qu'ils faisaient n'était pas bien ? Dire en quoi cette société se trompait, et /ou préfigurait l'avènement de christianisme, etc. ? Quel intéret ? Ce qui compte ici, c'est de chercher à savoir comment elle a fonctionné, ce qui s'est passé, quelles solutions intellectuelles les hommes de cette société ont apportées à leurs problèmes (qui, je le répète, pouvaient etre totalement différents des notres). Que faire également si nos concepts chrétiens, tout simplement, ne fonctionnent pas pour l'analyse de ces sociétés ? Et ces questions, contrairement à ce qu'on s'imagine, peuvent aussi valoir pour des sociétés chrétiennes plus proches de nous... Donc je regrette : pour faire du bon travail, il ne faut pas tenir compte du dogme - en fait, on travaille "chrétiennement" si l'on est d'abord honnete, et non l'inverse.
D'ailleurs, pour en rester à l'histoire : comment faire, si des arguments historiques, cherchés avec la fièvre charitable du missionnaire, censés appuyer une vision apologétique des faits, se révèlent etre faux ? Cela arrive souvent dans les sciences humaines, car elles se renouvellent très vite. Et cela arrive aussi dans les sciences dures... cela me fait penser à je ne sais plus quel personnage, chez Flaubert, qui affirme que l'existence de fossiles d'animaux marins sur les flancs des montagnes est une preuve du Déluge. La chose est dite de manière bouffonne, mais quand on y pense, la formulation de cette idée est cohérente et pas si bete, à une époque où l'on n'a pas encore découvert la derive des continents et la tectonique des plaques : or que doit-on faire de cette "preuve" dès lors qu'elle est annulée par ces théories ?
Restons-en à l'histoire : pour qu'un historien fasse du bon travail, la condition primordiale n'est pas de le faire en partant du dogme chrétien, mais de le rendre communicable ; son travail aurait tout aussi bien pu etre réalisé par un non-chrétien, et etre aussi bon. Si ce travail doit etre communicable, il faut qu'il puisse etre discuté par tous, chrétiens ou non, dans un langage commun. Le savoir ne peut plus avancer si ce langage commun, irrédictible aux dogmes et aux religions - même la vraie - n'existe pas. Et si cela est vrai pour les historiens, pour quoi ne le serait-ce pas pour les ethnologues, les philosophes, les moralistes, et tous les autres penseurs ?

J'espère que vous n'appelez pas relativisme la possibilité intellectuelle de l'émergence de ce langage ; d'une part, c'est contradictoire avec cette situation pour le coup relativiste qui veut que chacun emploie les mots qu'il lui plait d'utiliser (ex. de Charles sur la burette et la burnette) ; et d'autre part, dans ce cas, vous laissez entendre que la progression de la connaissance est, soit chose impossible, soit chose contraire au dogme...

Pour toutes ces raisons, je pense que votre manière de voir le relativisme est incertaine, pas toujours honnete, et dangereuse.

Cordialement quand même !
MB :)
et PS : je suis sur que je suis encore plus tiède que vous...
Dernière modification par MB le mer. 24 août 2005, 17:45, modifié 2 fois.

MB
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Message non lu par MB » mar. 23 août 2005, 15:07

Autre problème.

Nous mettons le doigt sur un souci actuel, qui est cette tendance, fréquente hélas, à clore toute discussion en disant "c'est mon choix", "c'est ce que je pense, moi". Cette fameuse exigence d'authenticité, un peu factice, dénoncée déjà, en son temps, par le cardinal Ratzinger.
Ce problème est réel. Mais l'erreur, à mon sens, est d'en faire un type général de comportement ; car par ailleurs, notre société prise hautement le dialogue. Or le dialogue suppose de pouvoir communiquer, et donc de s'entendre, 1° sur les mots qu'on emploie, 2° sur la capacité de communiquer et de remettre en question les opinions des uns et des autres. Je pense que cette tendance à l'"authenticité" ne résume pas tout ce qui se passe dans notre société ; celle-ci donne la parole à des tendances contradictoires, voilà tout. Parmi ces tendances se trouvent des tendances relativistes, mais elles ne sont pas les seules.

Il y a, disons, quelque chose qui me gene quand nous dénonçons cette facilité subjectiviste. Finalement nous, les chrétiens, quand nous disons que nous croyons, pouvons nous mettre cela sur la table au cours d'un dialogue ? Zef, vous dites : la Foi et la Raison sont les deux jambes nécessaires pour que nous marchions droit - mais en précisant : la Foi est première. Ce qui signifie que si des athées mobilisent toutes les forces de la raison pour démontrer que nous avons tort, malgré toute leur logique, nous pourrons leur rétorquer, en dernière instance : oui, peut-etre, ce que vous dites est très intelligent, mais je m'en f... et je crois. Et à la limite, credo quia absurdum.
Faites-moi ressortir la différence, en pratique, entre cette situation et celle dans laquelle le partisan d'une opinion dit "oui, mais moi c'est ce que je pense". Si, en dernière analyse, nous justifions nos convictions par la foi qui nous anime, comment s'étonner de ce que les gens d'en face procèdent de la meme manière ?

Votre position générale ne me parait donc pas très conséquente. D'un coté on cherche à convaincre les gens par la discussion intellectuelle ; de l'autre, on explique, sans démontrer puisque c'est affaire de foi, que de toute façon c'est nous qu'on a raison... va comprendre, Charles !

Bien à vous
MB

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