Puisque le débat est à l'avortement, je me permets de publier ici un entretien de Mgr Pierre d'Ornellas, responsable du groupe de travail de la Conférence des évêques de France sur la bioéthique, avec le journal La Croix au sujet de l'avortement :
La Croix : Quels éléments les catholiques qui accompagnent des femmes confrontées à l’avortement doivent-ils prendre en compte ?
Mgr d’Ornellas : Le premier élément fondamental, c’est d’être disciple du Christ, c’est-à-dire remplis de miséricorde, de bonté. Les Écritures nous disent qu’« amour et vérité s’embrassent » : cette miséricorde n’oublie pas, par conséquent, qu’entre la femme devenue mère et son enfant, un lien indestructible s’est créé, quelles que soient les circonstances. L’avortement, nous a redit le concile Vatican II, est un crime abominable. Mais rompre ce lien est aussi une blessure pour la mère. Accompagner avec miséricorde, c’est donc permettre à cette mère de se comprendre elle-même avec sa blessure.
Avec les prêtres, j’insiste beaucoup sur cette notion d’amour. Le deuxième point fondamental, c’est de bien comprendre la responsabilité : une femme peut être prise dans un système, soumise à des pressions, des angoisses. Sa responsabilité peut être très atténuée, au point que parfois elle peut peut-être n’en avoir aucune. Nous ne devons jamais ignorer la blessure profonde que peut ressentir une mère qui a pratiqué un avortement.
Dans certains cas, l’Église est sollicitée avant que la décision soit prise, dans d’autres, longtemps après. Quel message faire passer ?
Lorsqu’une femme vient alors qu’elle est encore enceinte, il faut tout faire pour l’éveiller à ce qu’elle est : une mère qui n’est jamais faite pour tuer mais pour donner la vie. Il faut aussi lui dire qu’elle sera accompagnée jusqu’au bout. Il est donc important que des catholiques et d’autres avec eux soient là, dans les associations, les lieux qui accueillent ces femmes : qu’ils ne les jugent pas a priori, ce qui ajouterait à leur culpabilité, mais qu’ils comprennent leur angoisse. Ce n’est que dans la paix et l’accompagnement que l’on peut accepter une naissance à première vue indésirable…
Il est également important que les chrétiens prient pour ces femmes qui ont ce fardeau sur les épaules ! Quand une femme sollicite une aide après un avortement, c’est toujours la bonté qui doit se manifester ; non pas une bonté aveugle, mais d’autant plus grande que la blessure est profonde. Il faut l’aider à trouver un chemin de pardon. Peut-être d’ailleurs la manière dont elle a été accueillie juste après l’aidera-t-elle à trouver ce chemin…
À quel moment la sanction – l’excommunication prévue dans certains cas par le droit canonique – peut-elle ou doit-elle intervenir ?
Je voudrais d’abord souligner que, dans la société actuelle, les consciences sont affaiblies, notamment par une peur exacerbée de l’enfant anormal. Elles ne voient plus clair. L’Église, la société doivent donc rappeler la grandeur et la beauté du lien qui unit une mère à son enfant, un lien qui est d’ailleurs confié à la société tout entière. Quant à l’excommunication, elle ne peut être déclarée par l’évêque que si la personne agit en pleine connaissance de cause. Mais qui est dans ce cas, aujourd’hui ? On ne dit plus avortement mais « interruption médicale de grossesse », ou « thérapeutique »…
De surcroît, il faut rappeler que l’Église ne prononce jamais une peine pour écarter mais pour aider à grandir, à guérir, à se relever. Et puis elle propose le sacrement du pardon, qui enlève la faute, ouvre un chemin de guérison. Il faut du temps pour que soit réconciliée une mère (et son mari) avec son enfant qui a été supprimé. L’Église doit être la servante de la proximité du Christ avec chaque souffrance, l’intermédiaire entre le Christ qui donne sa paix avec son pardon et la femme confrontée à l’avortement.
Comment faire mieux comprendre la position de l’Église en dehors d’elle ?
Il me semble que, pour tout le monde, l’avortement est un drame. L’Église ne l’ignore pas, mais elle interroge la société sur les raisons qui banalisent ce drame. N’y a-t-il pas des équipes médicales, pleines d’humanité, qui s’interrogent face à cette banalisation ? Je voudrais qu’elles puissent être entendues.