Daïdalon a écrit : ↑jeu. 26 nov. 2020, 1:15
À demi-mot,
en-dehors de ma conviction générale, qu'on pourrait qualifier (en termes pompeux :-) ) de doctrine du pérennialisme ou de l'ésotérisme œcuménique, mes croyances personnelles n'ont même pas été effleurées sur ce fil.
Indépendamment de mes options religieuses, il est possible qu'il y ait un jugement, un salut, une damnation. Je n'exclus rien.
Si on veut admettre la possibilité du jugement, il faut examiner le reste. Dans un second temps, on peut donc se demander s'il est possible que l'appartenance nominale à une "chapelle" précise soit obligatoire en vue de ce salut. Réponse : Oui, c'est possible. Possible également que ce ne soit pas le cas.
Personnellement, j'inclinerais pour ce qui me semble le moins désespérant, à savoir un salut offert à tous, gratuitement :
Je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde. (Jn, XII, 47)
Qu'il soit difficile d'être pleinement chrétien, c'est une vaste question qu'il faudrait aborder ailleurs. Mais pour reprendre le concept de l'"ignorance vincible", il serait injuste qu'un Hindou innocent "au cœur pur" n'ayant que vaguement entendu parler du Christ, mais ayant en principe tous les outils pour en savoir davantage - sans les utiliser - soit condamné à la fournaise à cause de cette négligence, tandis qu'un baptisé pourrait commettre un millier de vilenies et être sauvé s'il se confesse une minute avant sa mort. Loin d'apporter son secours, je vois plutôt une Église qui écarte d'office toute une partie de l'humanité, empêchant son accès à la Source de Vie.
Pour illustrer mon sentiment au moyen d'une image triviale, ce serait comme si on ajoutait à dessein de la viande de porc dans la soupe qu'on distribue aux pauvres, dans le but mesquin d'exclure certaines communautés...
Quant à créer ma propre secte [edit : vous avez modifié votre message] c'est justement l'aspect étroitement doctrinaire et donc "sectaire" (dans le sens d'une trop grande intransigeance, d'une fermeture d'esprit) que je critique ici.
Mais encore une fois, quelle pertinence y-a-t-il à opposer le vilain chrétien, scandaleusement confessé in extremis, à l'Hindou "au cœur pur" et quand même condamné ? Ces deux personnages existent-ils seulement ? Est-ce qu'on n'est pas dans l'imagerie d'Épinal ? La vie du chrétien ne se résume pas à faire une série de coups bas en riant sous cape, en se frottant les mains d'un air sardonique, calculant méphitiquement son coup pour avoir le temps de se confesser avant de mourir, et se jouer de Dieu, tandis qu'à l'autre bout du monde les Hindous vivraient saintement et pieusement, sans avoir seulement entendu parler du Christ (comme si c'était en soi une source de perversion). Les choses sont peut-être un peu plus compliquées. La vie du chrétien est en réalité, bien souvent, un drame permanent, soumise à des contradictions douloureuses, des déceptions, des revirements, et sa conversion reste une question en suspens, violemment disputée jusqu'à la fin. Et quand bien même certains tenteraient de filouter, en faisant exprès de pécher, comptant sur une confession de dernière minute, "on ne se moque pas de Dieu", lit-on dans les Écritures, et on peut compter sur la Providence pour faire voler en éclats ce stratagème. Mais encore une fois, est-ce que ça existe seulement ? Et inversement, est-ce qu'il existe réellement des Hindous aussi innocents que la blanche colombe ? À en croire ce que l'on entend régulièrement, sur le sort des femmes en Inde, j'ai quand même l'impression que le péché existe aussi bien là-bas qu'ici, alors peut-on mettre les clichés de côté ? Les hommes sont les mêmes de partout, ils ont toujours exactement les mêmes travers.
Bien sûr, je comprends que vous vouliez parler, au fond, d'un des piliers du dogme de l'église catholique : hors de l'Église point de salut. Il faudrait se convertir pour être sauvé. Mais au fond, c'est totalement logique à l'intérieur de la doctrine chrétienne : puisque seule la miséricorde divine sauve, il est normal que l'Église appelle tout homme à la rejoindre pour en bénéficier, puisque son rôle est précisément de transmettre les effets de cette miséricorde. Le Christ est d'ailleurs venu précisément dans ce but. Je ne crois pas, cependant, que l'Église ait un jour dit que tous les non chrétiens étaient automatiquement condamnés à l'Enfer. Dieu est libre d'agir à sa guise. Même d'ailleurs vis-à-vis du chrétien adroitement confessé une minute avant sa mort. Donc au fond, il n'y a aucun problème.
Le seul double problème que je vois, personnellement, c'est la pertinence du jugement, et la multiplicité des religions. Pourquoi Dieu aurait besoin de peser les humains, de sauver certains en leur réservant les délices éternels, et de condamner les autres aux tourments éternels ? Quel drôle de Dieu sadique ce serait. Comment ne pas y voir la marque évidente d'une construction humaine ? "Convertissez-vous sinon c'est l'Enfer qui vous guette" : le chantage n'est-il pas évident ? Et pourquoi Dieu aurait choisi de bâtir une religion sur Terre, qui serait la seule et unique bonne religion, suivie seulement par un groupe de l'humanité en butte aux mauvais qui suivraient d'autres religions, forcément fausses ? Bizarre stratégie. Là encore, la marque de l'humain saute aux yeux.
Il me paraît évident que nous sommes en présence de constructions humaines. Même si le christianisme est admirable par certains aspects de son message. Toutes les religions et doctrines sont des constructions, d'ailleurs plutôt récentes. Aucune ne remonte du fin fond des âges. Pour s'en convaincre, il suffit de s'intéresser à ce que l'on connaît de la spiritualité des hommes préhistoriques, avec ses temples érigées en l'honneur de la fertilité, avec ses statues de femmes aux formes bien particulières, pour ne pas parler des représentations de la fertilité masculine. Je ne vois nulle part dans ces représentations quoi que ce soit qui évoquerait la gnose, la kabbale, et je ne sais quel message ésotérique qui me paraissent surgis tout droit de l'intellect humain.
En réalité, en dehors des expériences des uns et des autres, nous ne savons rien de Dieu et d'un éventuel au-delà. Rien du tout. Le fatras spirituel et religieux est presque entièrement inventé. Voilà ma conviction. Alors le jugement entre les bons et les méchants... On n'en sait rien. Qui est bon et qui est méchant, déjà ? Vous le savez ? Vous savez si vous-mêmes êtes un bon ou un méchant ? Il n'y a pas de bon et de méchant. Si nous avons un rapport particulier, chacun avec Dieu, il me semble plus logique d'envisager de sa part un suivi bienveillant, pas forcément axé sur la récompense et la punition qui sont des comportements typiquement humains.