Kerygme a écrit : ↑dim. 09 août 2020, 18:36
Bonjour Lejardin,
Votre proposition est intéressante et fortement aimable aussi essayerais-je de ne pas en abuser, car elle risque de prendre beaucoup de votre temps pour répondre selon vos principes directeurs.
J'ai un intérêt certain pour les probabilités, l'étude des phénomènes caractérisés par le hasard et l'incertitude, et pour la précision dans les constantes cosmologiques, mais ma question va se porter sur le sujet : la biologie / les biologistes.
Petite mise en place.
Alors pourquoi les probabilités ? Selon Thomas Heams, biologiste de formation et enseignant-chercheur à AgroParisTech (et bien d'autres), ce qu'il appelle l'expression stochastique des gènes est considéré comme aléatoire et non strictement déterministe. Les gènes, loin d'être rigoureusement programmés, et les caractéristiques des cellules obéissent à des lois de probabilités : elles sont plus ou moins probables à un moment donné, dans une cellule donnée.
Je fais le lien, selon les probabilités je doute donc de la possibilité rationnelle qu'un brin d'ADN ait pu se constituer par pur hasard : la probabilité existe, mais est tellement importante qu'elle est considérée comme nulle par les mathématiciens (selon la loi des grands nombres : probabilité > 10^
50 = nulle). Et si pour garder une marge elle restait néanmoins une possibilité, l'univers est trop jeune pour que cet événement se soit produit du point de vue fréquentiste.
Bonjour Kerygme,
Pour répondre à vos questions je peux déjà en un mot vous résumer comment les biologistes sont sortis du casse-tête probabiliste avant même d'y entrer :
Le catalyseur
En effet toutes les réactions biologiques ont la caractéristique d’être excessivement rares en dehors du vivant. Prenez un verre d'eau parfaitement stérile propre et lisse, mettez-y des acides aminés, des acides nucléiques des lipides et un peu d'ATP pour l’énergie, laissez 3 macérer quelques millions d'années et à moins que vous ayez une chance qui dépasse l’entendement je peux vous garantir que le verre n'aura aucune trace de vie.
Pourquoi ?
Car les réactions biologiques ont besoin d'un substrat qui permet d'orienter les molécules dans la bonne configuration pour réagir. Et donc suivant l'environnement la réaction susnommée peut devenir bien plus probable.
De plus l'ADN est un mauvais exemple, car dans le scénario actuel le plus crédible d'apparition de la vie sur terre, l’ADN ne s’est jamais formé spontanément à partir de rien. C’est son précurseur l’ARN bien plus réactif capable d’autocatalyse et pouvant catalyser des réactions chimiques qui est impliqué comme étant la première forme de code génétique.
Comme il s’agit de concept très basique, j’aurais des difficultés à vous trouver des articles scientifiques qui en parlent sans rajouter de détails inutiles. Voici donc des liens Wikipédia sur la question de la catalyse en biologie.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Catalyse#Catalyseur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Catalyse_enzymatique
Une vidéo faite par des paléontologues résume très bien cet aspect de l’abiogenèse en plus de montrer les difficultés de cette question scientifique.
https://www.youtube.com/watch?v=nnTgOBRG8_k
Question 1 :
Est-ce que les biologistes défendent l'hypothèse du pur hasard concernant l'apparition de la vie humaine ?
Comment la soutenir si on considère que la probabilité qu'un œil ait pu se constituer ainsi est d'environ 10^300 (à titre de comparaison il y a environ 10^80 atomes dans l'univers); contredisant ainsi la loi des grands nombres ? Comment la biologie pourrait-elle expliquer ce que les mathématiques semblent lui opposer et surtout comment le faire scientifiquement; c'est à dire en étant reproductible et vérifiable ?
(Une assertion même en blouse blanche n'est pas pour autant une preuve scientifique pour moi).
Dans un premier temps il déjà nécessaire de dire que vos chiffres sont totalement arbitraires, il est impossible de quantifier la probabilité d’apparition ex nihilo d’un organe comme cela.
Je ne détaillerais pas dans un souci de concision, mais si vous le voulez je peux l’expliquer en détail les mécanismes génétiques qui rendent les probabilités bien plus fortes.
Globalement les probabilités en biologie ne sont pas à tirage unique, mais pondérer par les tirages avant. Ce qui augmente exponentiellement les chances d’apparitions d’un caractère.
Ce ne sont pas P = X, mais des Px=Y avec un tirage multiple.
Prenons un exemple simple. Si la probabilité de voir un œil complet comme le nôtre apparaitre ex nihilo est ridiculement faible quelle est la probabilité que chez une espèce qui possède un photorécepteur basique, une mutation le rende légèrement plus grand et convexe ? Quelle est ensuite la probabilité pour plus tard une autre mutation apparaissant et complexifie encore un peu l’œil sachant que nous avons déjà eux les mutations précédentes ?
Bien entendu que je dis apparaitre je dis qu’une mutation apparaît chez un individu, confère un avantage et se maintienne dans la population.
Vous l’aurez donc compris chaque étape intermédiaire, de par se spécificité sera un terrain favorable à de prochaines innovations anatomiques. À chaque « tirage », nous avons une probabilité non négligeable de voir quelque chose de nouveau se fixer dans l’organe qui va devenir notre œil.
Bien sûr que si vous regardez à la fin l’ensemble des composants de l’œil, vous trouverez une probabilité d'apparition très faible. Mais elle n’est pas le reflet de ce qui s’est passé.
Si vous prenez un arbre de décision ou chaque embranchement vous donne différents choix avec des probabilités. Que vous multipliez par des millions de tirages, quel que soit le résultat final que vous choisirez, sa probabilité totale sera ridiculement faible.
C’est pour que l’on dit que l’évolution est un phénomène contingent, car il dépend de ce qui est arrivé avant.
C’est même d’ailleurs comme cela que l’on sait que certaines choses sont quasi impossibles a voire apparaitre dans la nature comme des roues à la place des pattes.
Par ce que les étapes intermédiaires pour arriver à une roue fonctionnelle ne donneraient rien de sélectivement avantageux pour se déplacer, car une roue doit être dès le début parfaitement ronde et bien fait pour fonctionner. Alors qu’un morceau de pâte mal adapté est déjà mieux que rien et peut procurer un avantage.
Voilà une vidéo sur la formation de l’œil.
https://www.youtube.com/watch?v=qrKZBh8 ... =emb_title
Voilà une vidéo sur le principe des formes intermédiaire (et pour le coup je vous recommande)
https://www.youtube.com/watch?v=LUWkaZkosY0
Comment la biologie pourrait-elle expliquer ce que les mathématiques semblent lui opposer et surtout comment le faire scientifiquement; c'est à dire en étant reproductible et vérifiable ?
Les maths ne sont pas vraiment opposées à la biologie mais je comprends votre idée.
En gros c’est un métier et surtout c’est des métiers suivant le matériel biologique étudié il faut un des protocoles spécifiques dans chaque discipline.
Au besoin je pourrais vous développer des cas précis si vous voulez, mais en gros il n’y a pas de méthode universelle.
Question 2 :
Le rôle de la biologie étant d'expliquer le "comment" des choses, en quoi cela lui donnerait autorité sur le "pourquoi" qui est le rôle de la métaphysique ?
Simplement en montrant que le pourquoi n’a pas de sens.
« Pourquoi l’humanité existe ? » n’a pas de sens au niveau de la biologie par exemple. C’est le fondement de la question qui devient « inutile ».
Et comme je dévie de la biologie, car je m'abstiens de répondre en rubrique apologétique, je mets la suite en spoiler :
- [+] Texte masqué
- Vous avez pris comme exemple dans un autre fil la métaphore la plus connue du scepticisme moderne : la théière de Russel. Alors je vais m'en servir : si j'accorde une existence à la théière de Russel est-il pour autant non raisonnable que je puisse croire en l'existence d'un potier qui l'a créée ? Et si ce potier n'est pas forcément d'essence divine alors selon le principe de causalité (qui n'est pas infini, autre principe) je ne peux qu'aboutir à une cause première. Cette cause première nous l’atteignons aussi par la raison, car c’est une nécessité logique, une exigence rationnelle. Si nous la refusons, tout tombe dans l’absurde, dans l’irrationnel.
C'est ce que j'ai découvert, en plein athéisme à l'âge de 25 ans, en réfléchissant sur l'ordre dans les nervures d'une feuille.
C’est, je pense, la quintessence de la différence entre la croyance et la non-croyance. La théière de Russel dit juste une chose, c’est normal de ne pas croire par défaut à une chose extraordinaire sans preuve. La raccorder à une nécessité logique ou rationnelle ne rendra pas l’existence de la théière plus facile à avaler. Par défaut les gens sont dans la rationalité la plus stricte de ne pas y croire et c’est à celui qui affirme son existence d’apporter des preuves tangibles de son existence (c’est-à-dire physique, prouvable et dans la mesure du possible répétable).