cmoi a écrit : ↑lun. 03 févr. 2020, 15:45
Bonjour,
j'ai parcouru vos échanges du WE et ne sais pas trop quoi en dire, sinon que tout cela me rend triste : nous aurions tant besoin tous de l'unité, celle pour laquelle le Christ a prié dans Saint Jean, au moment de la cène.
Et cette unité devrait aller plus loin que l'Eglise catholique, car nous avons un adversaire commun et qui a tant gagné du terrain (même si ce n'est pas là où se trouvent les meilleures terres, mais pas toutes...) et malgré tout une foi commune.
Je vais continuer d'évoquer le passé, j'ignore si cela sert à quelque chose, mais cela m'a permis de me le récapituler pour moi-même, déjà...
Ma conclusion, mon option personnelle n'est pas faite de gaité de cœur, mais pragmatique.
Chacun le sait, il y avait d'autres raisons, j'ai voulu aller voir chez les orthodoxes pour sortir de cet imbroglio, car la messe, malgré tout, est au cœur de la foi.
J'y ai trouvé de belles choses, oui, mais encore plus de complexités sur qui reconnaît qui et comment !
Donc voici ma suite et fin, qui n'est pas celle que je prévoyais. Je vais maintenant pouvoir me reposer...
Quand apparut la nouvelle messe et ses différentes prières eucharistiques, pour ceux qui en éprouvèrent de la réticence ou du dégoût, la question se posa très vite de ce qui pouvait permettre de discerner si une messe était valide ou non. Au fond, c’était une bonne question, et la réponse incontournable et presque unanime qui ressortit de la consultation des personnes les plus compétentes, fut la suivante : du moment qu’il y avait la présence des paroles de la consécration, et qu’elles étaient respectées, et prononcées par un prêtre avec l’intention de faire ce qu’en cela faisait l’Eglise, la messe était valide.
Autrement dit, même si elles étaient prononcées isolées au cours d’un vrai repas ; or on en était quand même très loin et toutes les prières dites étaient autant de mieux, quand bien même elles ne seraient pas pures de toute équivoque.
Ils se penchèrent alors sur ces paroles et traquèrent leur différence d’avec celles prononcées par/dans la messe de St Pie V, au moindre signe près, ainsi qu’ave celles relatant la cène dans les 4 évangiles (et des multiples traductions possibles), et ne trouvèrent pas vraiment de quoi justifier un anathème, bien qu’ils y mirent beaucoup de soin et de bonne volonté. Il ne leur échappa pas que le côté vétilleux et pointilleux de cette volonté pouvait bien plutôt relever d’une mauvaise volonté à l’égard de cette nouvelle messe, qui par ailleurs continuait à les déranger pour de toutes autres raisons tenant à tout le reste.
Alors ils se penchèrent et analysèrent l’intention du prêtre dans le contexte du nouveau rite, mais là aussi et encore n’arrivèrent à rien de concluant, sinon à un risque de calomnie par parti-pris. IIs allèrent jusqu’à se demander si l’intention de l’Eglise, en ce qu’elle dépendait de quelque uns de ses membres qui étaient responsables de cette nouvelle forme, ne pouvait pas être déviante et rendre invalide cette messe. Or elle avait reçu l’aval du pape et c’était donc remettre en cause beaucoup plus, à savoir son autorité et jusqu’à la validité de son élection pour contourner le problème à quoi s’ajoutait son infaillibilité.
Certains allèrent jusque-là, mais comment se faisait-il qu’ils ne s’en apercevaient que maintenant et à cause de cette messe, et ne s’en seraient sinon jamais aperçu ? Leur mauvaise foi était trop évidente mais la tentation très grande…
Ils finirent par se résigner à ne pouvoir que dénoncer et dénombrer les équivoques et les différences dans toutes les phases de la cérémonie, ce en quoi ils avaient un support et qui les avait précédé dans le bref rédigé par le cardinal Ottaviani et remis au pape, dont ils avaient longuement ruminé les détails et les arguments. Ils en trouvèrent quelques autres et en désespoir de pouvoir trouver quoi que ce soit qui leur permette de « monter au créneau » pour exiger une révision, ils se rabattirent sur la recherche de prêtres dont le statut particulier (retraités, sans responsabilité pastorale directe, etc.) rendrait leur pratique de l’ancienne messe secrète et le délit moins grand. Ils en convainquirent quelques-uns, d’autres partagèrent leur point de vue spontanément et leur solution. Et puis petit à petit, d’audace en trahisons, de constats en conséquences, ils prirent de l’ampleur et arrivèrent à s’organiser, à installer un statu quo.
Car d’un point de vue strictement civil, comment un évêque pouvait-il obliger un prêtre à ne pas dire sa messe comme il l’entendait, dans un lieu dont l’accès était civilement protégé de toute incursion qui devait alors devenir musclée pour atteindre à une efficacité relative et temporaire. Il aurait fallu mobiliser bien du monde et prendre de trop gros risques.
Libre à ce prêtre alors d’y faire entrer qui il voulait et à ceux-ci d’en défendre aussi l’accès. Restait l’excommunication : elle aurait touché des pratiquants assidus et pour un motif quelque peu partial, alors même que les églises étaient massivement désertées. Et certains de ces prêtres étaient jusque là très respectés, bénéficiaient d’une aura et d’une « évangélisation » efficace et sûre. Et puisqu’ils restaient discrets (pour la plupart) et que le recrutement ne se faisait principalement pas par eux, mais par le bouche à oreille…
Si Mgr Lefébvre adopta cette messe, sa contestation personnelle se serait accommodée et aurait obéie au pape concernant le culte, elle était plus orientée sur des questions doctrinales sur lesquelles il avait travaillé durant le concile. Mais l’adoption de cette messe lui offrit de quoi mener sa propre résistance et qui était au départ d’un autre ordre que liturgique, pour laquelle il n’aurait pas eu le courage nécessaire de la mener beaucoup plus loin. Bien sûr, il n’avait pas été favorable à la nouvelle messe, mais bien d’autres que lui non plus. Lors du synode épiscopal convoqué à Rome en octobre 1967 et où fut présentée une « messe normative », sur 187 votants 43 s’opposèrent, 62 émirent de nombreuses réserves et 4 s’abstinrent. Ce n’était pas un grand acquiescement !, et en général l’Eglise ne change quelque chose d’aussi important qu’avec une majorité très forte. Pourtant cela « passa »…
C’est lui qui trouva ensuite les textes du concile de Trente qui donnaient à son ancien rite une autorité indétrônable. Cela le rassura et lui permit d’oser ce devant quoi il aurait sinon capitulé.
Maintenant que nous pouvons distinguer entre la contestation due à cette messe, et que j’appellerai d’un courant traditionaliste, qui a été « remise » par l’Eglise à son ordinaire (qui ne l’aurait pas abandonnée, mais çà c’est pour l’honneur… De même qu’il fallut attendre plus de 50 ans pour que le « notre père » perde en français sa formulation erronée, simplement pour ne pas avoir l’air de se déjuger et manifester son autorité – l’épiscopat) de celle plus théologique, que j’appellerai intégriste, il convient de comprendre qu’au sein même de ce mouvement très spontané qu’il ne fédéra pas franchement, il y a eu plusieurs courants. Il ne prit de l’importance qu’en ce que le temps passant, les autres prêtres mouraient et ses élèves prenaient en nombre de l’importance et de la représentativité. Mais parmi ces élèves, il y a aussi des fils ou apparentés des traditionnalistes, qui ne partagèrent pas tous ses thèses à lui !
Il y a une grande différence entre le fond de la contestation devenue rigide et théologique et qui a repris les thèses de Mgr Lefèvre, et cette messe qui n’est plus qu’un symbole en voie de disparition en tant que tel, maintenant que l’Eglise a eu le bon sens de l’autoriser. Or le fond de cette contestation, qui revient à interpeler Rome sur la signification à donner à certains textes du concile jugés imprécis, douteux, limite irréguliers, il est tout de même curieux qu’en autant de temps elle ne soit pas parvenue à se formaliser elle-même de façon assez précise pour être étudiée ! Il est plus que probable que ne pas l’avoir fait relève d’une volonté délibérée de ne pas favoriser un rapprochement, pour ne pas avoir à reconnaitre sinon une erreur, du moins un manque d’humilité, un refus de certaines nouveautés en rien « modernistes » et qui étant elles-mêmes en pleine évolution et adaptation, ne peuvent être saisies à un instant T comme l’exigerait une défense qui serait une réponse et qui reviendrait à affaiblir l’autorité de Rome à leur égard. Peut-être bien aussi d’une prétention à plus de compétence que de réalité. Ainsi le malentendu perdure. Il aurait pu se dissiper avec le côté plutôt cool du pape François sur ces sujets, sauf que la fraternité ne l’a pas entendu de cette oreille et a cru pouvoir en profiter pour ainsi mieux justifier sa résistance.
Le problème il est qu’il n’y aura jamais de grand théologien en son sein, puisqu’elle vit sur le passé de l’Eglise et ne se confronte pas aux grands enjeux du monde moderne. Car afin de se conforter dans son opinion, le concept de tradition a été dévoyé, et il a été décrété qu’à un instant T dont la date exacte reste impossible à déterminer avec précision, la tradition n’avait plus qu’à se répéter en cercle fermé. Cet instant étant le summum et l’aboutissement de son passé, il récusait ce dernier en ce qu’il s’y opposerait. Ce qui revenait à choisir dedans ce qui leur convenait et cela seul. Il n’y a rien de pire qui puisse faire obstacle au Souffle du Saint Esprit et ils le savaient, mais ils n’avaient aucun autre moyen de perturber ce qu’ils jugèrent être la suffisance des pères conciliaires et du pape, ou plutôt leur insuffisance – au regard de quoi qu’ils se montraient eux-mêmes incapables de définir clairement : cela sinon aurait suffi pour qu’ils s’aperçoivent de leur erreur. En sport, il y a ceux qu’on appelle les « petits bras ». Eux, étaient de « petits esprits » et en ont recruté qui leur ressemblent, mais pas que (pour d’autres raisons que les leurs).
Leur fréquentation est rassurante, sauf qu’ils ont décidé de vivre en cage, pour se protéger du monde environnant. Ils ne connaissent pas l’ivresse des grands larges, sinon celles qui se réduisent à vivre entre leurs murs. Ils s’assurent de ne pas tomber en ne vivant que de plain-pied dans un environnement sans autre obstacle que ceux qu’ils ont choisi et placé. Les nouveaux enjeux du monde moderne ne font pas partie de leur préoccupation.
J’ai été très surpris de trouver sur ce forum des traditionnalistes qui s’en préoccupent. C’est pour moi qui ai très bien connu les débuts de ce mouvement, quelque chose de nouveau qui m’interpelle.
La tradition ne peut s’arrêter à un instant T, sans perdre la puissance et la vie du Saint-Esprit qui, lui, étant éternel, se trouve autant dans le futur que dans le passé ou le présent. La vraie tradition ne peut qu’être vivante et évoluer. C’est pourquoi certains catholiques contestèrent le terme de traditionaliste aux adeptes de l’ancienne messe : ils n’avaient pas tort, tout catholique authentique l’est d’une façon ou d’une autre.
Pourtant, si, il y en a aujourd’hui qui auraient pu être grands. Je pense à l’article récent de l’abbé Alain Lorans analysant la publication récente du cardinal Sarah et du pape émérite. Il a parfaitement ciblé une évolution portant sur un sujet de théologie qui ne fait pas partie du litige entre Rome et sa fraternité, qui n’empêcherait pas sa réintégration au sein de l’Eglise, mais qui perdurerait comme étant divergente d’avec une autre tradition qui, tout comme la messe de St Pie V, n’a rien perdu de sa raison d’être et de sa légitimité, et que par défaut de représentation sa fraternité représente.
Ce prêtre (formé à Ecône) et qui avait déjà dirigé le séminaire d’Ecône et l’université de la fraternité, refusa d’être ordonné Evêque par Mgr Lefèbvre lors de l’excommunication. Il végète au sein de cet organisme comme journaliste- prêtre (radio courtoisie, diverses parutions) alors que dans l’Eglise postconciliaire, il serait peut-être aujourd’hui cardinal. Quel gâchis ! Voilà un martyr de cette cause égarée, par son humilité et son obéissance, sa fidélité. Remarquablement modéré, il a l’esprit bien trop fin pour se livrer à des joutes perdues d’avance, et je le crois aussi lucide. Sa discrétion aristocratique et distinguée, son écoute, sa piété, sa sensibilité sont exceptionnelles. Il vaut largement un père Zanotti-Sorkine (mais les tradis connaissent-ils ces nouveaux pasteurs de la génération Jean PAUL II?), même si leur registre est différent. Il n’est probablement pas le seul. Je pense d’ailleurs que l’attirance que peuvent ressentir les laïcs pour leur liturgie dépend fortement du charisme de prêtres comme lui, qui sont très loin de la querelle en cours et s’en tiennent prudemment en marge, tandis que d’autres cherchent un vain succès d’’estime qui passerait avant la gloire de Dieu, car elle devrait presque lui céder l’honneur.
Cette querelle d’ordre doctrinal entre Rome (mais pas que…Rome est un pare-feu, un pare choc entre eux et le reste du monde qui leur évite un désabusement) et eux ne concerne directement que peu leurs fidèles. Leur messe est belle, ses célébrations sont souvent splendides, mais ils le disent eux-mêmes : par quelque petit bout qu’on y touche, si on le fait l’ensemble s’effondre.
Au lieu de discuter des grandes questions doctrinales qu’ils soulèvent, et ce pourrait être intéressant, ils n’ont cessé d’accuser et de critiquer tout ce qui se passait dans l’Eglise en plein changement et mutation.
Or leur messe ne changera jamais et l’Esprit a décidé qu’il le fallait. Il faut se souvenir de l’immense enthousiasme que suscita la venue du concile de Vatican II. Peut-être aurait-il dû être plus ceci que cela, ne pas tant s’occuper de la liturgie que de la doctrine, etc. Sans aucun doute, les forces du mal y agirent avec vélocité et acharnement, mais « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre » l’Eglise et malgré tout, ce qui est devenu inéluctable, même si aujourd’hui cela nous apparaît encore obscur et entâché, c’est que la nouvelle messe est ce que l’Esprit veut et qu’il saura transformer. Même si elle en a été détournée.
Incontestablement, celui qui veut profiter d’une messe pour prier avec ferveur et se sentir « emporté » a plus de chance d’y parvenir à leur cérémonie qu’en allant dans sa paroisse. Ce qui suppose une certaine accoutumance au départ. Mais quand une « nouvelle messe » parvient à la même chose, c’est comme une explosion atomique en comparaison d’une bombe fiable, cousue main et artisanale (dans le bon sens du mot) mais dont curieusement la puissance est et restera limitée, en dépit de toutes les apparences et des arguments qui défendent le contraire.
A l’image de la théologie qu’ils enseignent à leurs prêtres. Depuis leur existence, il n’y pas eu un seul théologien ou prédicateur novateur en leur sein ; ou alors il est comme éteint, en veilleuse. C’est pourtant ce dont le monde a besoin de notre part. Si les Eglises se sont vidées en 2 mois, elles peuvent aussi se remplir aussi vite. Les chrétiens devenus peu nombreux, quand ils se rassemblent, découvrent en chacun et entre eux une force incroyable et dont ils ne soupçonnaient pas l’existence enfouie. Ceux qui « n’en sont plus » ont malgré tout poursuivi des chemins variés où l’Esprit déguisé n’était pas si absent qu’il se pourrait croire. Un jour prochain, il nous rassemblera tous… Cela s’appelle un coup de théâtre.
Alors, faites votre choix : voulez-vous souffrir avec le Christ, ou déjà recevoir votre consolation ?