la Samaritaine
J'ai lu que des femmes féministes de cette époque ont pris le contre-pied et dénoncé le laxisme envers la pédophilie, qu'elles considéraient comme une manifestation de la domination du mâle, mais elles ne semblent pas avoir crié bien fort…
Bonjour,
Je ne suis pas certain de bien comprendre cette affirmation et le sens des mots qui s'y trouvent. Mais de manière générale, il ne me semble pas que le féminisme soit un point de vue appropriée pour la question Matzneff. On y voit poindre les grandes notions comme "la domination du mâle" (masculine) qui, si on la nie, c'est qu'on l'approuve, etc. Bref, on retrouvera sans doute ici la dénonciation du patriarcat.
Quel que soit la position qu'un individu adopte à l'égard du patriarcat et de toutes ces notions connexes de domination masculine ou autre, il me semble qu'on peut affirmer que l'affaire Matzneff est la négation même du patriarcat et l'antithèse parfaite d'une hypothétique "domination masculine". Car Matzneff avait sans doute déposé la charge symbolique et morale du "père" et de "l'homme" pour faire ce qu'il a fait.
Car le père, tant au niveau biologique, symbolique que théologique, est une notion de relation, c'est-à-dire qu'elle n'a de sens que relativement à ce par quoi elle est ce qu'elle est, ici le fils (ou la fille). Idem pour la relation plus générale de parents/enfants, adulte adolescent, et femmes/hommes. L'un ne peut poser son identité que dans sa différenciation d'avec son autre, et dans le maintien de cette différence, ce que seul une certaine distance peut effectuer. C'est ainsi qu'on peut comprendre la phrase de Saint Paul : la femme est la gloire de l'homme. "Gloire" signifie "révélé, comme on dit que le Fils glorifie son Père, c'est-à-dire qu'il révèle qui Il est, Son essence et sa nature profonde. Ainsi la femme révèle qui est l'homme au plus profond de lui-même, dans son être. Ceci est réversible, à mon sens, et on peut dire la même chose de l'homme à l'égard de la femme.
Dans l'expérience humaine, c'est bien souvent dans l'expérience de la différence sexuelle que la femme se révèle pleinement femme et l'homme pleinement homme (la Bible fait d'ailleurs de l'acte sexuel un acte de connaissance : "Adam connut Eve"). Idem pour le père ou la mère : homme et femme se révèlent comme père et mère lors de la venue de leur fils ou fille au monde, et les témoignages sont nombreux pour attester que les premiers jours de l'enfant sont une véritable expérience de changement d'identité pour les nouveaux parents, qui deviennent ce qu'ils sont à travers cet être qui n'existait pas auparavant. Et l'enfant devient consciemment fils ou fille au contact de parents qui se comportent comme des parents, et non comme des partenaires sexuels.
Le patriarcat, qu'on le maudisse ou pas, repose totalement sur un ferme maintien de ces différences et de ces distances qui permettent de forger l'identité de chacun. Et cela vaut pour le rapport du masculin au féminin, de l'enfant et de l'adulte.
Or, l'affaire Matzneff est précisément la négation totale et fondamentale de ces différences, la confusion complète entre ces différentes identités et ces distinctions structurantes. Un adulte "mâle" ne sodomise pas une fillette qui pourrait être sa fille, de même qu'il ne décharge pas ses pulsions sexuelle sur un garçonnet dans une relation de pédophilie homosexuel. Car ce n'est pas le comportement attendu d'un "mâle" dans un contexte patriarcal, fût-ce pour dominer son autre.
L'affaire Matzneff, c'est le symptôme de la disparition progressive de ces notions relationnelles dans la conscience collective, c'est l'atténuation progressive (dite "progressiste") de ces frontières et la tentative de confondre les différences homme/femme, parent/enfant, adulte/jeune, etc. Le lieu privilégié de cette confusion est évidemment la sexualité. La conséquence est un trouble profond de l'identité, ce qui semble ressortir du livre de la victime de Matzneff.
Or, le féminisme qui aurait vu les mauvais agissements de Matzneff n'est pas très bien placé pour dénoncer quoi que ce soit, car dans sa lutte obsessionnel contre le "patriarcat" et la "domination du mâle", il est l'agent premier de cette confusion des différences, et le moteur fondamental de la disparition des identités relationnelles qui structuraient la civilisation et les psychismes humains. Ainsi quand il dénonce la domination du mâle en Matzneff, il ne comprend rien, et il attaque le "mâle" là où il n'y en a plus. Matzneff était un "adulte" complètement régressif qui se rapproche bien plus de la confusion des genres sexuels et qui, en exposant ses coucheries au grand public, n'a fait qu'ajouter une nouvelle confusion caractéristique de notre époque : la confusion et la disparition progressive de la différence entre vie privée et vie publique (c'est le fameux "dégueulis du privé" de notre époque, dit Finkielkraut).
On connaît la fine pointe contemporaine de ce féminisme : un homme blanc sur un plateau qui refuse d'être qualifié d'homme blanc, car il estime que c'est une oppression et une assignation d'identité "socialement construite" et dans laquelle il ne se reconnaît pas (
https://www.youtube.com/watch?v=lUjrgWV5qFY ). On reconnaît un arbre à ses fruits. Dans cette vidéo, on y voit une personne tenir un discours totalement psychotique : il est homme et blanc, son apparence est évidente, mais il en vient à dire qu'il est n'est ni homme, ni blanc.
Le féminisme, dans son corps doctrinal, déploie toute son énergie pour faire imploser toutes les différences structurantes et configurer une civilisation de la confusion qui a rendu l'affaire Matzneff possible. Je ne confonds pas cela avec la lutte légitime des femmes pour la justice et le respect de leur personne à travers le monde. Les premières luttent pour un anéantissement anthropologique de l'être de l'homme, tandis que les secondes luttent pour la justice réelle et la paix entre les différences.