Quant au Notre Père chanté par toute l'assistance dans les messes traditionnelles, j'avoue ne pas en avoir le souvenir du tout !
C'était pourtant chose courante dans les débuts du mouvement traditionaliste. Et même avant : en 1958, faculté fut donnée de faire réciter le Pater en latin durant les Messes lues. Et dans beaucoup d'endroits, on le chantait.
Socrate d'Aquin,
Lorsque le prêtre fait les lectures en vernaculaire, c'est bien en dehors de la liturgie. Sinon, il ne prendrait pas la peine de les réciter en latin auparavant et il garderait sa chasuble pour lire la traduction, ce qui n'est pas le cas. Tout comme pour le sermon, cela se fait dans le cadre d'une interruption de la messe. D'ailleurs, théoriquement, le sermon pourrait être dit après la messe, même si de fait, pour des raisons pratiques, ce n'est à ma connaissance jamais le cas. D'ailleurs, si la lecture de l'Evangile relevait avant tout de la prédication, elle se ferait face au peuple, ce qui n'est pas le cas, parce que c'est avant tout un acte rituel.
Ce n'est pas ce qu'indique le document que j'ai indiqué : le sous-diacre, après avoir chanté l’Épître en latin, la lit en français (en conservant ses vêtements propres). De même pour le diacre à l’Évangile. C'est donc bien un acte liturgique.
La question de la proclamation des lectures face au peuple dans le rite romain est assez touffue. Je n'y entre pas, me contentant de dire que la disposition romaine primitive veut que les ministres proclament les péricopes au milieu du peuple, dans des ambons prévus à cet effet (voir par exemple Saint-Clément de Rome).
Pour en revenir à la question d'Auctorem Fidei, il me semble qu'il est implicite que l'encyclique traitait de la liturgie latine, puisqu'elle se voulut une réponse condamnant le synode de Pistoie.
C'est une lecture biaisée, que le texte ne soutient pas. Il suffit de le lire. Il parle de la liturgie comme telle.
A supposer que vous avez raison, encore une fois, nous devrions condamner Pie XII qui a beaucoup fait pour promouvoir la langue vulgaire dans la liturgie romaine.
Mais même en admettant qu'elle était valable pour toute l'Eglise, et donc aussi pour les fidèles de tradition orientale, il faut tout de même remarquer que les situations ne peuvent pas être comparées. On a d'un côté des messes qui certes sont dites dans des langues plus proches du vernaculaire que le latin (arabe classique, slavon, etc...), sans être néanmoins du vernaculaire, mais qui ont pour elles l'ancienneté.
Ce n'est pas vrai : à la fin du XVIIe siècle, la métropole orthodoxe de Transylvanie s'unit à Rome en conservant ses rites et traditions, et en conservant l'usage du roumain.
Pour l'arabe classique, il est semblable à l'anglais cranmerien : ce n'est certes pas une langue vernaculaire à proprement parler (personne ne le parle couramment), mais c'est une forme élevée et compréhensible d'un même langage.
On ne peut pas en dire autant des tentatives latines d'introduire du vernaculaire dans la liturgie. Il y aurait là une rupture injustifiée de la tradition. C'est ce que du reste semble dire le concile de Trente :
Quoique la messe contienne de grandes instructions pour les fidèles, il n'a pourtant pas été jugé à propos par les anciens Pères qu'elle fût célébrée partout en langue vulgaire. C'est pourquoi chaque église retenant en chaque lieu l'ancien usage qu'elle a pratiqué, et qui a été approuvé par la sainte Église romaine, la mère et la maîtresse de toutes les églises ; afin pourtant que les brebis de Jésus-Christ ne souffrent pas de faim, et que les petits enfants ne demandent pas du pain sans trouver qui leur en rompe, le saint concile ordonne aux pasteurs, et à tous ceux qui ont charge d'âmes, que souvent au milieu de la célébration de la messe ils expliquent eux-mêmes, ou fassent expliquer par d'autres, quelque chose de ce qui se lit à la messe, et particulièrement qu'ils s'attachent à faire entendre quelque mystère de ce très-saint sacrifice, surtout les jours de dimanches et de fêtes.
Décision purement et simplement prudentielle (à cause de la montée du protestantisme). Preuve en est qu'il n'y a pas d'anathème.
D'ailleurs, encore une fois, la liturgie romaine fut célébrée en plus d'une dizaine de langues avant Vatican II sans que cela ne choque personne.
Mais enfin, Socrate d'Aquin, le latin n'était plus compris du peuple depuis bien plus longtemps que cela et l'Eglise n'a jamais spécialement pris à cœur de publier des missels bilingues pour autant...
Il était au contraire connu et compris, voire parlé (au moins par une élite). Je vous renvoie pour plus d'informations à
La Messe romaine et le peuple de Dieu dans l'histoire de Dom Guy Oury.
L'Eglise a le grave devoir de prêcher aux fidèles la vérité révélée, mais cela ne signifie pas qu'elle doit le faire dans le cadre liturgique. La liturgie n'est pas fondamentalement un prêche, ou alors faisons-nous protestants.
Ce n'est pas parce que la liturgie est d'abord et avant tout le culte divin que celui-ci doit nécessairement être célébré dans une langue inconnue des fidèles.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.