Les cathos traditionalistes

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Socrate d'Aquin » mer. 15 janv. 2020, 14:32

Suliko a écrit :
mer. 15 janv. 2020, 13:30
le dernier message de Suliko est, à cet égard, très parlant.
C'est le qualificatif de moderniste qui vous semble outrancier ?
Oui. Il est un peu facile de qualifier de moderniste tous ceux qui ne sont pas d'accord avec vous. C'est un réflexe tradi assez idiot, qui n'a d'égal que l'étiquette "facho" dont sont affublés ceux qui n'approuvent pas tous les projets progressistes.

J'ai effectivement reconnu deux choses :
- Les souhaits de saint Paul VI ne sont pas conformes à ceux des pères conciliaires clairement exprimés dans Sacrosanctum Concilium.
- Ils pèchent par optimisme : si on permet la célébration en langue vulgaire dans sa totalité et sans garde-fous, l'abandon du latin en découle presque logiquement.

En revanche, je soutiens que pour saint Paul VI, on pouvait faire les deux : autoriser largement l'usage des langues vivantes et conserver celui du latin. Dans le fond, il plaidait pour un certain bilinguisme ; et j'en approuve le principe.
De plus, il va de soi qu'il considérait que, si les langues vulgaires seraient habituellement utilisées dans la majorité des paroisses catholiques latines, on conserverait le latin dans un certain nombre de lieux, notamment les monastères.

De fait, le Pape n'a pas fait grand-chose de concret pour remédier à la situation liturgique de plus en plus décadente. Mais il ne faut pas oublier deux choses :
- tout d'abord, il a fait un certain nombre de choses (publication de "Jubilate Deo", discours cités ci-dessus, etc) ;
- ensuite, il est assez probable que s'il avait tenté quelque chose, rien n'aurait changé. Ses décrets (notamment Humanae Vitae*) ont été souvent accueillis avec indifférence et mépris, quand ils n'ont pas été purement et simplement rejetés. Le Pape n'est pas un tyran avec les moyens de réduire au silence tous ceux qui lui désobéissent.

* Pour Humanae Vitae, je ne crois pas que saint Paul VI se soit jamais contredit sur ce point. Ce texte ne peut d'ailleurs pas vraiment être pris pour une déclaration de foi "moderniste".
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par cmoi » mer. 15 janv. 2020, 14:50

Si je peux comprendre l’attachement à la messe de St Pie V, il n’était nullement si important au départ chez les intégristes eux-mêmes.
Il y avait un réel désir de changement dans le peuple saint. Repartons si vous le voulez bien du changement proposé, qui ne concernait pas que le latin :
- Le psaume d’entrée (introïbo ad altare Dei etc.) très beau et très regretté, faisait l’objet d’une critique : on se voulait missionnaires et ceux qui n’étaient pas chrétiens « de naissance » ne se retrouvaient pas dans « la joie de ma jeunesse »
- Le kyrie : pourquoi 3 fois chacun ? 2 suffisaient si ce n’était qu’un répond et il y avait risque de confusion avec la Trinité 3. L’alternative 3 d’en faire un répond n’était pas si bête…. (La 1 un peu simplette et trop délibérément courte, j’avoue)
- Le CREDO en français : pour bien comprendre la foi professée.
- Le GLORIA : affreux en chant français : il aurait été conservé en latin si…
- La préparation des dons : elle était un peu trop longue et emphatique. Sa version donc raccourcie, allant droit à l’essentiel, conjuguée à la prière eucharistique 2, permettait des messes rapides, par exemple entre midi et 2 heures pour les travailleurs des environs. A propos de cette « somme courte », je dirai que bien menée par un prêtre fervent, qui sait donner au silence son poids, façon méditation zen, elle se rapproche de la notion de sacrifice : quand on souffre, on ne dit pas beaucoup de mots. A la longue et bien conduite (c’est rare, il est vrai) elle peut être très riche de ferveur. Il m’a fallu du temps et y être habitué pour m’en rendre compte.
- La prière eucharistique 4 qui reprend l’histoire du salut est très belle, à mon avis, mais rarement dite
- L’acclamation après l’élévation était une bonne idée. D’ailleurs les traditionnalistes l’ont adoptée parfois avec le merveilleux « O salutaris Hostia ». La nouvelle formule fait trop souvent oublier que le « par lui . » etc. étant la conclusion de la prière, il doit être prononcé par le prêtre seul. Néanmoins quand chantée, les insertions de « Amen » peuvent donner quelque chose de fort et de beau
- L’acclamation qui suit le « notre père » est aussi une belle idée.
- Le « notre père » en français, dont la version chantée fut proposée « en retard », et la moins nulle en qualité chorale, cristallisa la contestation sur son « ne nous soumets pas » pour « rapprocher des protestants » (à croire qu’ils étaient mauvais théologiens). Peut-être aurait-on pu le retrouver en latin, sans contestation possible, mais il aurait fallu régler la question de la « fausse » ouverture qu’il représentait. Là encore SI…
- Le sanctus et le agnus dei auraient pu être conservés si…
- Le baiser de paix : pourquoi pas si fervent et sincère ?
- Plus d’exorcisme ni d’évangile de Jean « et le verbe s’est fait chair…) pour conclure : ils étaient déjà disparus des messes, ils sont réapparus ensuite seulement chez les tradis
- La communion dans la main et debout : une antique pratique qui peut être belle et justifiée (coups de langues évités), ce qui est dommage c’est qu’elle ait rendu difficile la communion à genoux et dans la bouche, ce qui n’aurait pas perduré si…
- L’habitude à la sortie que l’officiant soit là, pour serrer les mains et discuter : partait d’une bonne intention. Dommage qu’il n’y ait pas eu l’instauration d’agapes post-messe, cela aurait permis de résorber des querelles et de renforcer les liens.

En fait, dès lors que s’instaura une résistance autour de prêtres continuant à dire l’ancienne messe, celle-ci devint un symbole de ralliement pour des personnes qui, au départ, n’étaient pas toutes attachées nécessairement au latin, ni de grands doctrinaux, mais qui se retrouvaient « entre semblables » dans une contestation qui deviendra identitaire, à savoir il faut bien le dire avec les mots d’époque,divers «réactionnaires », « conservateurs » ou « contre-révolutionnaires » comme : royalistes ou simplement aristocrates, nostalgiques de l’« Algérie Française », chouans ou vendéens attardés, lecteurs des éditions de chiré et autres « itinéraires » ou valeurs actuelles » (de l’époque), de Blanc de St Bonnet ou de Joseph de Maistre, anti « francs-maçons », électeurs de droite (Tixier-Vignancour) ou quelquefois de Jean Lecanuet, etc. Ce qui n’a rien à voir avec le fascisme mais le fait est qu’ils resteront de plus en plus des marginaux au regard de l’évolution de la société et même si, pour la messe proprement dite, il y aura d’autres ralliements (y compris Brassens si on en croit sa chanson)… Je parle de ce que ce mouvement était à l’origine et de ce sur quoi il s’est appuyé pour avoir une existence.

Ceci dit, il n’est jamais neutre de voir ses habitudes perturbées, surtout quand cela concerne par définition ce qui était tenu pour immuable car associé à l’infaillibilité de l’Eglise. Rien que le changement du sens de l’autel fut une révolution (dans ma paroisse Versaillaise d’alors, le premier nouvel autel fut détruit par les paroissiens, et il y eut un dimanche où le curé dut faire appel aux forces de l’ordre).

Il n’empêche que jusqu’à aujourd’hui c’est un grand dommage que l’unité liturgique n’ait pas été maintenue, quitte à ce qu’elle évolue et elle l’aurait finalement fait dans le sens « tradi » si ils n’avaient pas déserté, ce qui a provoqué l’inverse.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Suliko » mer. 15 janv. 2020, 20:58

- Les souhaits de saint Paul VI ne sont pas conformes à ceux des pères conciliaires clairement exprimés dans Sacrosanctum Concilium.
Le problème, c'est que le texte Sacrosanctum concilium contient déjà des paragraphes ambigus...Je pense notamment aux suivants :
§34 : Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre
§35 : [...]En outre, la catéchèse plus directement liturgique sera inculquée de toutes les manières ; et, dans les rites eux-mêmes, on prévoira de brèves monitions si elles sont nécessaires[...]
§43 : Le zèle pour le développement et la restauration de la sainte liturgie est tenu à juste titre pour un signe des dispositions providentielles de Dieu sur le temps présent, comme un passage du Saint-Esprit dans son Église ; et il confère à la vie de celle-ci, et même à toutes les formes de sensibilité et d’action religieuse d’aujourd’hui, une empreinte caractéristique.
§50 : Aussi, en gardant fidèlement la substance des rites, on les simplifiera, on omettra ce qui, au cours des âges, a été redoublé ou a été ajouté sans grande utilité ; on rétablira, selon l’ancienne norme des saints Pères, certaines choses qui ont disparu sous les atteintes du temps, dans la mesure où cela apparaîtra opportun ou nécessaire.
§62 : Mais au cours des âges sont entrés dans les rites des sacrements et des sacramentaux, des éléments qui, à notre époque, ne permettent pas d’en voir assez clairement la nature et la fin ; il est donc besoin d’y opérer certaines adaptations aux nécessités de notre temps, et le saint Concile décrète ce qui suit au sujet de leur révision.
§72 : Le rite et les formules de la pénitence seront révisés de façon à exprimer plus clairement la nature et l’effet du sacrement.


L'encyclique Auctorem Fidei (1794) contre les erreurs jansénistes, ne ne semble pas aller dans le sens de l'encyclique conciliaire :
Propos. 33ème. - De même, le synode paraît souhaiter que soient détruites les causes pour lesquelles on a oublié en partie les principes qui regardent la liturgie, « pour rappeler celle-ci à une plus grande simplicité de rites, pour l’exposer en langue vulgaire et prononcer les paroles à haute voix » (De l’eucharistie, § 6) ; comme si l’ordre reçu dans l’Église et approuvé venait en partie de l’oubli des principes qui devraient régir la liturgie. Cette proposition est téméraire, offense les oreilles pies, est injurieuse pour l’Église et favo­rise les attaques des hérétiques contre l’Église.
Propos. 34ème. - Après avoir dit que l’ordre de la péni­tence canonique a été établi par l’Église, à l’exemple des apôtres, de telle sorte qu’elle fût commune à tous non seulement pour la punition de la faute, mais sur­tout pour disposer à la grâce, le synode ajoute qu’il reconnaît, « dans cet ordre admirable et auguste toute la dignité d’un sacrement, si nécessaire, libéré des subtilités qui y ont été jointes au cours des temps » (De la pénitence, § 7) ; comme si la dignité du sacre­ment avait été diminuée par l’ordre dans lequel ce sacrement a coutume d’être administré dans toute l’Église, en dehors du cours de la pénitence cano­nique. Cette déclaration du synode est téméraire et scandaleuse ; elle conduit au mépris de la dignité du sacrement, en la manière où il est administré dans toute l’Église, et elle est injurieuse à l’Église elle-­même.
Propos. 66ème. – « Il est contre la pratique apostolique et contre les conseils de Dieu de ne pas préparer des moyens plus faciles d’unir la voix du peuple à celle de toute l’Église » (De la prière, § 24). Cette proposition, entendue de l’usage de la langue vulgaire à introduire dans les prières liturgiques, est fausse, téméraire, destructive de l’ordre prescrit pour la célébration des mystères, et elle peut facilement produire de nombreux maux.
Propos. 67ème. - « Seule, une véritable impuissance excuse » de lire l’Écriture sainte (note à la fin du décret De la grâce) ; on ajoute que de la négligence de ce précepte est né spontanément un obscurcissement sur les vérités premières de la religion. Cette doctrine est fausse, téméraire, perturbatrice du repos des esprits, et déjà condamnée chez Quesnel (propos. 80-85).
- ensuite, il est assez probable que s'il avait tenté quelque chose, rien n'aurait changé. Ses décrets (notamment Humanae Vitae*) ont été souvent accueillis avec indifférence et mépris, quand ils n'ont pas été purement et simplement rejetés. Le Pape n'est pas un tyran avec les moyens de réduire au silence tous ceux qui lui désobéissent.
Mais vous le dites vous-même : Paul VI a eu du mal à maîtriser une situation qu'il avait contribué à faire advenir par ses propres maladresses et contradictions !
* Pour Humanae Vitae, je ne crois pas que saint Paul VI se soit jamais contredit sur ce point. Ce texte ne peut d'ailleurs pas vraiment être pris pour une déclaration de foi "moderniste".
Effectivement, à ma connaissance, Paul VI aurait sans doute été horrifié par les opinions proférées par Rome sous le présent pontificat en matière de morale conjugale. Mais je voulais plutôt faire allusion au fait que cette encyclique s'est en quelque sorte trop fait attendre, dans le sens où on a laisser croire aux catholiques qu'un changement dans la morale de l'Eglise allait sans doute se faire (sur la question de la contraception) au lieu d'être toujours ferme et clair sur la doctrine. Sans compter que ladite encyclique a été très mal reçue, notamment par les évêques français, qui s'y sont clairement opposés, à ma connaissance sans être inquiétés... (Soit dit en passant, si on veut parler de morale conjugale, l'enseignement conciliaire est différent de l'enseignement précédent sur la question des fins du mariage. Cela peut paraître anecdotique, mais cela ne l'est pas tant que ça.)
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Socrate d'Aquin » mer. 15 janv. 2020, 22:35

Le problème, c'est que le texte Sacrosanctum concilium contient déjà des paragraphes ambigus...Je pense notamment aux suivants :
§34 : Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre
§35 : [...]En outre, la catéchèse plus directement liturgique sera inculquée de toutes les manières ; et, dans les rites eux-mêmes, on prévoira de brèves monitions si elles sont nécessaires[...]
§43 : Le zèle pour le développement et la restauration de la sainte liturgie est tenu à juste titre pour un signe des dispositions providentielles de Dieu sur le temps présent, comme un passage du Saint-Esprit dans son Église ; et il confère à la vie de celle-ci, et même à toutes les formes de sensibilité et d’action religieuse d’aujourd’hui, une empreinte caractéristique.
§50 : Aussi, en gardant fidèlement la substance des rites, on les simplifiera, on omettra ce qui, au cours des âges, a été redoublé ou a été ajouté sans grande utilité ; on rétablira, selon l’ancienne norme des saints Pères, certaines choses qui ont disparu sous les atteintes du temps, dans la mesure où cela apparaîtra opportun ou nécessaire.
§62 : Mais au cours des âges sont entrés dans les rites des sacrements et des sacramentaux, des éléments qui, à notre époque, ne permettent pas d’en voir assez clairement la nature et la fin ; il est donc besoin d’y opérer certaines adaptations aux nécessités de notre temps, et le saint Concile décrète ce qui suit au sujet de leur révision.
§72 : Le rite et les formules de la pénitence seront révisés de façon à exprimer plus clairement la nature et l’effet du sacrement.


Cela n'a rien d'ambigu : c'est le programme de la réforme liturgique, qui a dû être ensuite amendé, et parfois corrigé (voire trahi, en certains cas).
L'encyclique Auctorem Fidei (1794) contre les erreurs jansénistes, ne ne semble pas aller dans le sens de l'encyclique conciliaire :
Propos. 33ème. - De même, le synode paraît souhaiter que soient détruites les causes pour lesquelles on a oublié en partie les principes qui regardent la liturgie, « pour rappeler celle-ci à une plus grande simplicité de rites, pour l’exposer en langue vulgaire et prononcer les paroles à haute voix » (De l’eucharistie, § 6) ; comme si l’ordre reçu dans l’Église et approuvé venait en partie de l’oubli des principes qui devraient régir la liturgie. Cette proposition est téméraire, offense les oreilles pies, est injurieuse pour l’Église et favo­rise les attaques des hérétiques contre l’Église.
Propos. 34ème. - Après avoir dit que l’ordre de la péni­tence canonique a été établi par l’Église, à l’exemple des apôtres, de telle sorte qu’elle fût commune à tous non seulement pour la punition de la faute, mais sur­tout pour disposer à la grâce, le synode ajoute qu’il reconnaît, « dans cet ordre admirable et auguste toute la dignité d’un sacrement, si nécessaire, libéré des subtilités qui y ont été jointes au cours des temps » (De la pénitence, § 7) ; comme si la dignité du sacre­ment avait été diminuée par l’ordre dans lequel ce sacrement a coutume d’être administré dans toute l’Église, en dehors du cours de la pénitence cano­nique. Cette déclaration du synode est téméraire et scandaleuse ; elle conduit au mépris de la dignité du sacrement, en la manière où il est administré dans toute l’Église, et elle est injurieuse à l’Église elle-­même.
Propos. 66ème. – « Il est contre la pratique apostolique et contre les conseils de Dieu de ne pas préparer des moyens plus faciles d’unir la voix du peuple à celle de toute l’Église » (De la prière, § 24). Cette proposition, entendue de l’usage de la langue vulgaire à introduire dans les prières liturgiques, est fausse, téméraire, destructive de l’ordre prescrit pour la célébration des mystères, et elle peut facilement produire de nombreux maux.
Propos. 67ème. - « Seule, une véritable impuissance excuse » de lire l’Écriture sainte (note à la fin du décret De la grâce) ; on ajoute que de la négligence de ce précepte est né spontanément un obscurcissement sur les vérités premières de la religion. Cette doctrine est fausse, téméraire, perturbatrice du repos des esprits, et déjà condamnée chez Quesnel (propos. 80-85).
Autres temps, autres mœurs. Vous remarquerez d'ailleurs que ce synode ne lance aucun anathème sur qui que ce soit, preuve, ce me semble, que les décisions prises ici ont une valeur purement pastorale, et non doctrinale.
Sinon, il faudrait condamner les Eglises orientales catholiques qui usaient des langues vulgaires depuis déjà longtemps : les Melkites célébraient en arabe, les Roumains dans leur langue (depuis au plus tard la fin du XVIIe siècle), etc.
Mais vous le dites vous-même : Paul VI a eu du mal à maîtriser une situation qu'il avait contribué à faire advenir par ses propres maladresses et contradictions !
J'ai refusé d'employer le terme "contradictions" par rapport à saint Paul VI. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, s'il vous plait. Il n'y a pas de contradictions à demander l'emploi de la langue vulgaire tout en conservant celui du latin dans un grand nombre de cas et dans la liturgie même de l'Eglise.
J'ai en outre ajouté que la marge de manœuvre d'un Pape est beaucoup plus limitée qu'on le dit souvent.
Effectivement, à ma connaissance, Paul VI aurait sans doute été horrifié par les opinions proférées par Rome sous le présent pontificat en matière de morale conjugale. Mais je voulais plutôt faire allusion au fait que cette encyclique s'est en quelque sorte trop fait attendre, dans le sens où on a laisser croire aux catholiques qu'un changement dans la morale de l'Eglise allait sans doute se faire (sur la question de la contraception) au lieu d'être toujours ferme et clair sur la doctrine. Sans compter que ladite encyclique a été très mal reçue, notamment par les évêques français, qui s'y sont clairement opposés, à ma connaissance sans être inquiétés... (Soit dit en passant, si on veut parler de morale conjugale, l'enseignement conciliaire est différent de l'enseignement précédent sur la question des fins du mariage. Cela peut paraître anecdotique, mais cela ne l'est pas tant que ça.)
Ce débat, ce me semble, a déjà eu lieu. Il m'indiffère totalement.
Pour ce qui est des évêques français, nous sommes d'accord : ils se sont souvent opposé à ce texte. S'ils n'ont pas été inquiétés, encore une fois, c'est, entre autres, parce que la marge de manœuvre d'un Pape est plus faible qu'on le croit (c'est aussi, sans doute, à cause de la faiblesse personnelle de saint Paul VI).
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Socrate d'Aquin » mer. 15 janv. 2020, 23:09

Pour répondre à Cendrine :

Voici un (bref) commentaire des paragraphes de Sacrosanctum Concilium se rapportant à la langue liturgique.

Commençons par la liturgie en général (article 36) :
1. L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins
2. Toutefois, soit dans la messe, soit dans l’administration des sacrements, soit dans les autres parties de la liturgie, l’emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple ; on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre de prières et de chants, conformément aux normes qui sont établies sur cette matière dans les chapitres suivants, pour chaque cas.
3. Ces normes étant observées, il revient à l’autorité ecclésiastique qui a compétence sur le territoire, mentionnée à l’article 22(même, le cas échéant, après avoir délibéré avec les évêques des régions limitrophes de même langue), de statuer si on emploie la langue du pays et de quelle façon, en faisant agréer, c’est-à-dire ratifier, ses actes par le Siège apostolique.
4. La traduction du texte latin dans la langue du pays, à employer dans la liturgie, doit être approuvée par l’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, dont il est question ci-dessus.
Résumons ces quatre premiers articles :

- l'usage du latin sera conservé ;
- on pourra admettre la langue vulgaire plus largement que par le passé (on détaillera plus loin) pour :
1) les lectures ;
2) les monitions ;
3) certaines prières ;
4) certains chants ;
- les évêques décideront de garder le latin ou d'admettre l'usage de la langue vulgaire.

Pour la Messe (article 54) :
On pourra donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec le concours du peuple, surtout pour les lectures et la « prière commune », et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple, conformément à l’article 36 de la présente Constitution.
On veillera cependant à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble, en langue latine, aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent.
Mais si quelque part un emploi plus large de la langue du pays dans la messe semble opportun, on observera ce qui est prescrit à l’article 40 de la présente Constitution.
Résumons-nous :

- l'usage de la langue vivante est concédé pour :
1) les lectures ;
2) la prière des fidèles (« certaines prières ») ;
- Il est permis, selon les conditions locales (et c'est à l'épiscopat local d'en décider) pour les parties réservées au peuple (« certains chants ») ;
cependant, les fidèles doivent savoir dire ou chanter en latin les parties de la Messe qui leur reviennent (principalement l'ordinaire) ;
- s'il semble opportun d'autoriser plus largement l'emploi des langues vulgaire, on observe l'article 40.

Référons-nous donc à l'article 40 :
Mais, comme en différents lieux et en différentes circonstances, il est urgent d’adapter plus profondément la liturgie, ce qui augmente la difficulté :
1. L’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, mentionnée à l’article 22 §2, considérera avec attention et prudence ce qui, en ce domaine, à partir des traditions et du génie de chaque peuple, peut opportunément être admis dans le culte divin. Les adaptations jugées utiles ou nécessaires seront proposées au Siège apostolique pour être introduites avec son consentement.
2. Mais pour que l’adaptation se fasse avec la circonspection nécessaire, faculté sera donnée par le Siège apostolique à cette autorité ecclésiastique territoriale de permettre et de diriger, le cas échéant, les expériences préalables nécessaires dans certaines assemblées appropriées à ces essais et pendant un temps limité.
3. Parce que les lois liturgiques présentent ordinairement des difficultés spéciales en matière d’adaptation, surtout dans les missions, on devra, pour les établir, avoir à sa disposition des hommes experts en ce domaine.
Commentons :

- en certains lieux, il faut adapter la liturgie plus profondément (on pense principalement aux pays de mission) ;
- en ce cas, l'autorité pourra admettre, avec « prudence et attention », ce qui peut être admis dans le culte divin, avec l'autorisation express du Saint-Siège ;
- en attendant, elle peut, avec l'autorisation du Saint-Siège, faire quelques expériences en ce domaine ;
- et pour ce faire, on s'aidera d'experts en ce domaine.

De cela, il ressort que :

- la liturgie gardera l'usage de la langue latine ;
- on autorise l'emploi des langues vivantes dans certains cas et sous certaines conditions ;
- s'il faut aller plus loin et faire œuvre d'inculturation, on procédera avec prudence et non sans l'autorisation du Saint-Siège.

Donc, il aurait été envisageable d'avoir la Messe dite de saint Pie V célébrée ainsi :

- principalement en latin ;
- les lectures et la prière des fidèle chantées en français ;
- éventuellement, les réponses des fidèles peuvent être chantées en français (« Et avec ton esprit ») ;
- s'il y a lieu, et avec le consentement du Saint-Siège, on peut faire œuvre d'inculturation en adaptant la liturgie aux nécessités locales ; un brillant exemple d'inculturation est l'oeuvre de l'abbaye bénédictine de Keur Moussa, au Sénégal (on peut aussi penser aux missels iroquois du XVIIIe siècle, comme quoi... nihil nove sub sole) ;
- Les fidèles doivent néanmoins savoir chanter en latin les parties de la Messe qui leur reviennent.

Conclusion : Sacrosanctum Concilium permet l'usage des langues vivantes, de manière limitée et non sans garde-fous.

De là, un grand horizon de créativité s'ouvrait : on aurait pu créer de nouveaux tons pour chanter les lectures, la prière des fidèles et les réponses ; adapter en français le propre grégorien (au moins en partie) ; et même, pourquoi pas, mettre en valeur les diverses traditions musicales du monde chrétien, sous réserve qu'elles s'accordent avec les prescriptions du concile.
Ce n'est pas ce qui fut fait, malheureusement. Mais tout n'est pas perdu.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Suliko » mer. 15 janv. 2020, 23:16

Autres temps, autres mœurs. Vous remarquerez d'ailleurs que ce synode ne lance aucun anathème sur qui que ce soit, preuve, ce me semble, que les décisions prises ici ont une valeur purement pastorale, et non doctrinale.
Le synode (de Pistoie) est justement condamné par le pape dans cette encyclique ! Et je trouve que les extraits condamnés sont tout de même bien proches de ce qui fut préconisé par Sacrosanctum Concilium, voilà tout. Et il est un peu léger de rétorquer "autres temps, autres mœurs", parce que je pourrais faire la même remarque en sens inverse...
Sinon, il faudrait condamner les Eglises orientales catholiques qui usaient des langues vulgaires depuis déjà longtemps : les Melkites célébraient en arabe, les Roumains dans leur langue (depuis au plus tard la fin du XVIIe siècle), etc.
Ce n'est pas comparable. La liturgie latine, qui est celle de la grande majorité des fidèles, n'a pas de tradition du vernaculaire et c'est ce que semble ici rappeler Pie VI, qui ne s'occupe pas du cas des églises orientales. On ne peut pas citer les églises d'Orient pour tout et n'importe quoi. Sinon, autant le faire aussi pour le célibat sacerdotal et nombre d'autres coutumes et disciplines. Ce qui est dans la tradition d'une église n'a pas forcément vocation à devenir la tradition d'une autre église.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Socrate d'Aquin » mer. 15 janv. 2020, 23:33

Le synode (de Pistoie) est justement condamné par le pape dans cette encyclique ! Et je trouve que les extraits condamnés sont tout de même bien proches de ce qui fut préconisé par Sacrosanctum Concilium, voilà tout. Et il est un peu léger de rétorquer "autres temps, autres mœurs", parce que je pourrais faire la même remarque en sens inverse...
Moi aussi je trouve cela proche. Mais reprendre des synodes sortis de leurs contextes respectifs n'est pas très sérieux. Le Pape saint Léon III, en son temps, a fortement condamné, et dans des termes vigoureux, l'ajout du Filioque dans le Credo (même s'il tenait le Filioque pour vrai). Si je suis votre logique, dois-je accuser de modernisme les Papes suivants, qui ont accepté cet ajout ?
De même, je crois que c'est saint Grégoire le grand (ou un de ses successeurs) qui avait condamné avec la plus grande vigueur l'usage de certaines églises en Sicile, où la communion était donnée la une seule espèce du pain...
Ce que l'Eglise fait, elle peut le défaire ; ce qu'elle a interdit, elle peut le permettre (dans une certaine mesure et la substance des sacrements étant sauve).
Ce n'est pas comparable. La liturgie latine, qui est celle de la grande majorité des fidèles, n'a pas de tradition du vernaculaire et c'est ce que semble ici rappeler Pie VI, qui ne s'occupe pas du cas des églises orientales. On ne peut pas citer les églises d'Orient pour tout et n'importe quoi. Sinon, autant le faire aussi pour le célibat sacerdotal et nombre d'autres coutumes et disciplines. Ce qui est dans la tradition d'une église n'a pas forcément vocation à devenir la tradition d'une autre église.
Essayons de raisonner.
Il faut distinguer les coutumes locales de la foi. La foi est la même pour tous, dans tous les cas ; les coutumes, au contraire, varient selon les lieux et les peuples.
Ce que je dis, c'est que l'Eglise catholique n'a jamais condamné l'usage des langues vulgaire, sans quoi les Eglises d'Orient eussent été condamnées. C'est tout. C'est un fait que tout un chacun peut aller vérifier si bon lui semble.

Même si nous admettons que l'Eglise romaine n'a jamais eu de "tradition du vernaculaire" (ce qui me semble grossièrement faux, la liturgie romaine ayant été célébrée en une dizaine de langues différente avant Vatican II), l'adoption des langues vulgaire après Vatican II ne serait qu'un problème liturgique, pas doctrinal.
De fait, c'est la même chose dans le cas du célibat sacerdotal. Ce n'est pas un problème doctrinal mais disciplinaire. On peut tout à fait admettre la légitimité d'une telle coutume là où elle est en place tout en refusant qu'elle soit adoptée en Occident. C'est mon cas. Et c'est ce que l'Eglise a fait pendant des siècles.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Recouvrance » jeu. 16 janv. 2020, 15:33

Vous semblez être un joyeux plaisantin Socrate d'Aquin en décrétant que le célibat des prêtres peut être tout à fait légitime en Orient mais formellement interdit en Occident !

Exact que ce n'est pas un dogme [….]. De ce fait le pape François est parfaitement libre de le décréter obsolète dans les endroits où le manque de prêtres est criant, n'en déplaise aux conservateurs fondamentalistes traditionalistes.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Suliko » jeu. 16 janv. 2020, 21:26

Moi aussi je trouve cela proche. Mais reprendre des synodes sortis de leurs contextes respectifs n'est pas très sérieux.
J'avoue ne pas trop voir en quoi il y a un problème de contexte : le pape de l'époque a écrit l'encyclique Auctorem Fidei pour condamner certaines propositions du synode janséniste de Pistoie. C'est cela le contexte général. Or, on voit que beaucoup de propositions conciliaires condamnées sont reprises par Sancrosanctum Concilium. Je vais me renseigner un peu sur Saint Léon III et saint Grégoire le Grand. Cependant, quoi qu'il en soit, c'est la question de l'ampleur des réformes (liturgiques et autres) qui me trouble le plus : il ne s'agit pas que d'un mot ajouté au canon de la messe ou d'un changement d'une coutume, mais de chamboulements énormes et contraires à la stabilité de l'Eglise en ses rites. Car les spécialistes pourront toujours discuter sans fin de la légitimé de telle ou telle modification bien précise, mais il ne faut pas oublier le tableau d'ensemble, qui est celui d'une démolition sans précédent. Je ne vois pas un seul sacrement qui n'aurait pas été touché. Sans compter le nouveau code de droit canonique (moins de 70 ans après celui de 1917 !).
De plus, je suis mal à l'aise avec un certain discours moderne qui nous explique que le pape a pris trop de pouvoir dans l'Eglise depuis quelques siècles, mais qui prétend parallèlement qu'il n'y a pas de problème à ce qu'il jette aux oubliettes des pans entiers de ce qui constitue la vie catholique quotidienne des fidèles sous prétexte que le dogme est sauf.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Gaudens » jeu. 16 janv. 2020, 21:45

Suliko: vous écrivez:"Je suis mal à l'aise avec un certain discours moderne qui nous explique que le pape a pris trop de pouvoir dans l'Eglise depuis quelques siècles, mais qui prétend parallèlement qu'il n'y a pas de problème à ce qu'il jette aux oubliettes des pans entiers de ce qui constitue la vie catholique quotidienne des fidèles sous prétexte que le dogme est sauf."
Oui,il y a eu dans cette deuxième moitié des années 70 du siècle dernier ans l'Eglise un manque complet de discernement et aussi de tact.Malheureusement nous avons hérité de cette situation (qui a pu par ailleurs apporter des choses bonnes, pas toujours évidentes à percevoir encore aujourd'hui) et il faut essayer de raccomoder sans casser à nouveau ni élargir les cassures.A nous en ce début de XXIè siècle (et à nos pasteurs surtout) d'agir avec plus de discernement et de tact (donc sans procéder à des cassures en sens inverse,non plus).

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Gaudens » jeu. 16 janv. 2020, 21:45

Suliko: vous écrivez:"Je suis mal à l'aise avec un certain discours moderne qui nous explique que le pape a pris trop de pouvoir dans l'Eglise depuis quelques siècles, mais qui prétend parallèlement qu'il n'y a pas de problème à ce qu'il jette aux oubliettes des pans entiers de ce qui constitue la vie catholique quotidienne des fidèles sous prétexte que le dogme est sauf."
Oui,il y a eu dans cette deuxième moitié des années 70 du siècle dernier ans l'Eglise un manque complet de discernement et aussi de tact.Malheureusement nous avons hérité de cette situation (qui a pu par ailleurs apporter des choses bonnes, pas toujours évidentes à percevoir encore aujourd'hui) et il faut essayer de raccomoder sans casser à nouveau ni élargir les cassures.A nous en ce début de XXIè siècle (et à nos pasteurs surtout) d'agir avec plus de discernement et de tact (donc sans procéder à des cassures en sens inverse,non plus).

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Altior » jeu. 16 janv. 2020, 22:57

Suliko a écrit :
jeu. 16 janv. 2020, 21:26
De plus, je suis mal à l'aise avec un certain discours moderne qui nous explique que le pape a pris trop de pouvoir dans l'Eglise depuis quelques siècles,
Trop de pouvoir ? Jamais, depuis quelques siècles, le pouvoir du Pape ne fut aussi faible. Tout le monde s'en fiche. Traditionalistes y compris. Mais les progressistes s'en fichent encore plus. Les évêques allemands s'en fichent. L'Église qui est en France s'en fiche. Le Pape nomme un évêque autrichien ? Les autres évêques autrichiens s'en fichent. Le pape sanctionne canoniquement le cardinal McCarrick et ce cardinal homosexuel s'en fiche. Le pouvoir n'est plus à Rome. Il n'est ni aux niveau des évêques, car les prêtres, à leur tour, s'en fichent éperdument de ce que l'évêque dit ou fait (voir le cas de l'ancien évêque de Luçon, que personne n'obéissait plus). Alors, si les évêques n'obéissent plus au Pape, si les prêtres n'obéissent plus au évêques, pourquoi les fidèles se sentiraient-ils obligés d'obéir à leurs curés ? Donc, il n'obéissent non plus.

Un peu de pouvoir ont encore les Conférence des Evêques, chose qui est une anomalie. Mais, en général, il y a un manque criant d'autorité dans l'Église, comme dans les sociétés d'ailleurs, sans précédent les dernières siècles.
Enfin, c'est mon avis.

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Carhaix » ven. 17 janv. 2020, 1:46

Socrate d'Aquin a écrit :
mer. 15 janv. 2020, 11:17
Bonjour,
Avant le Concile Vatican II il n'était pas permis de traductions en vernaculaire de toutes les parties que vous citez. Après le Concile, c'était permis. Et comme c'était permis, ô miracle et surprise, des gens l'ont fait, et continuent à utiliser ces traductions. Allons-nous encore enfoncer des portes ouvertes longtemps ? Et est-il encore autorisé de penser que les conséquences de ces faits aisément vérifiables sont mauvaises ? Finalement la question est là, entre nous.
Oui, et alors ? C'est mal de traduire un texte ?
Je vous accorde qu'on pourrait facilement le penser, étant donnée la médiocrité des textes liturgiques romains en français.
Bien sûr que ce passage du texte de Paul VI est très beau et parlant, et même émouvant quand on réalise ce qui animait le pape au moment où il a prononcé ces mots au cours de cette audience, mais êtes-vous sûr que le but de nous et nos "pareils", comme vous dites, est vraiment de faire le procès de saint Paul VI et qu'il faille brandir pour sa défense un texte d'audience ? Je ne crois pas que ce soit ce qui préoccupe les personnes qui ici tiennent à l'unité et à la dignité du rite et qui pensent que le latin était l'un des piliers de cette unité.

La façon dont s'est déroulé le concile, les dates, les acteurs ecclésiastiques, et surtout la constitution Sacrosanctum Concilium fournissent un abondant matériau si on a besoin d'un aliment réellement nourrissant pour la réflexion sur la façon dont Vatican II a été accueilli en France, y a généré par réaction ce qu'on appelle ici des "traditionalistes" et modifié en profondeur la pratique et donc la façon de croire. Personne ne se soucie de dire ici, je crois, que saint Paul VI a désiré absolument et bille en tête flinguer le latin dans l'Église, personne n'est dans sa tête pour se permettre cette conclusion, et, personnellement, je m'en soucie comme de ma première robe.
Je suis intervenu pour répondre à une question très simple : Paul VI a-t-il demandé la suppression totale et absolue du latin dans la liturgie romaine ? J'ai répondu, preuves à l'appui, que non. C'est tout. S'il y en a qui préfèrent se crever les yeux pour ne pas voir les faits en face, je n'y peux rien.
Après, évidemment, on peut geindre sur les méfaits créés au moment de la réforme de la liturgie. C'est une autre question sur laquelle je suis déjà intervenu.
Pour ce qui est du latin, il serait également temps de se rendre compte que le vrai problème n'est pas tant d'avoir adopté une langue vernaculaire que de l'avoir fait en rupture par rapport à une tradition multiséculaire, alors que Vatican II rendait possible tout autre chose.
A un moment il faudrait savoir si oui ou non, on peut encore aujourd'hui énoncer des réalités tangibles et opérantes à un niveau élevé. Si désigner la réalité c'est devenir soudain un gros méchant fasciste, c'est que décidément les choses vont plus mal que je ne pensais.
Qui parle de fascisme ? A ma connaissance, personne ici n'a manifesté une quelconque sympathie pour le régime mussolinien. Je ne vois du reste pas le rapport avec le catholicisme traditionaliste.
Une vingtaine de mots latins et trois mots grecs conservés, soit 0,1% du total. Et dans les mots conservés, Gloria in excelsis Deo chantés par la foule (alors que cette introduction était réservée au seul célébrant dans la liturgie précédente).

Ces mots latins sont purement cosmétiques (et sont d'ailleurs souvent absents dans la réalité, car remplacés par du français).

L'arrêt de la mauvaise foi, c'est pour quand ?

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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par prodigal » ven. 17 janv. 2020, 11:17

Gaudens a écrit :
jeu. 16 janv. 2020, 21:45
Malheureusement nous avons hérité de cette situation (qui a pu par ailleurs apporter des choses bonnes, pas toujours évidentes à percevoir encore aujourd'hui) et il faut essayer de raccomoder sans casser à nouveau ni élargir les cassures.A nous en ce début de XXIè siècle (et à nos pasteurs surtout) d'agir avec plus de discernement et de tact (donc sans procéder à des cassures en sens inverse,non plus).
Merci Gaudens pour ces paroles pleines de sagesse.
Alors essayons de donner l'exemple. Je lis sur ce fil de discussion de nombreuses revendications inspirées par l'esprit de tradition. Et malgré tout le mal que je pense parfois des traditionalistes (et à juste titre :p ) je reconnais que certaines sont légitimes, et peut-être que cela ne ferait pas de mal de l'écrire noir sur blanc. Trois au moins :
1) on doit faire crédit aux traditionalistes d'avoir le souci non pas simplement d'eux-mêmes, mais de ce qui est plus grand qu'eux. Je veux dire que pour eux, la question de la liturgie traditionnelle n'est pas affaire de goût pour les antiquités, mais bien une question vitale qui touche à l'essentiel de l'expression de la foi.
2) pendant trop longtemps, la messe traditionnelle dite de saint Pie V a été "interdite de fait" (étrange expression, mais conforme à la réalité). Cela ne peut pas être légitime, quand bien même cela aurait résulté de la volonté du pape.
3) il est absurde, et sans doute profondément méprisant pour les fidèles ordinaires, de dire que quand la messe était en latin "on n'y comprenait rien". Je préfèrerais dire qu'on se sentait davantage en présence du mystère. Cela ne veut pas tout à fait dire la même chose.
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Re: Les cathos traditionalistes

Message non lu par Socrate d'Aquin » ven. 17 janv. 2020, 12:11

Bonjour,
Une vingtaine de mots latins et trois mots grecs conservés, soit 0,1% du total. Et dans les mots conservés, Gloria in excelsis Deo chantés par la foule (alors que cette introduction était réservée au seul célébrant dans la liturgie précédente).
Le seul Gloria comprend, à lui seul, plus de 20 mots latins.
Effectivement, il peut être entonné par l'assemblée. Et alors ? C'est mal ?
Ces mots latins sont purement cosmétiques (et sont d'ailleurs souvent absents dans la réalité, car remplacés par du français).
Oui, c'est vrai. Ce n'est pas ce que voulait saint Paul VI.
Même alors, on aurait pu faire quelque chose de très beau. Il n'y a qu'à voir les travaux réalisés par les catholiques latins de langue anglaise.
L'arrêt de la mauvaise foi, c'est pour quand ?
Vous ne manquez pas de culot.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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