Spectateur engagé :
Je me permets de rectifier le titre : le djihadisme n'est pas une religion, c'est une doctrine politico-religieuse minoritaire, qui participe d'un univers théologique, moral, culturel, social et historique beaucoup plus vaste qu'on appelle l'Islam. Identifier le second au premier serait aussi absurde que de prendre Baruch GOLDSTEIN comme un échantillon représentatif du judaïsme à travers le temps et l'espace. Moi-même, je ne désire pas particulièrement être amalgamé avec Elie HOBEIKA
Si c'est du titre de ce fil dont vous parler, il est évident qu'il s'agit d'une ironie et d'une petite vengeance à satisfaire à l'égard de nos spins doctors politiques, eux qui prennent les électeurs pour des tartes, les lecteurs de journaux moyens pour gens à qui l'on peut faire tout avaler. Là-dessus, il n'y a rien à démontrer, à corriger, à rectifier. De l'ironie c'est de l'ironie, ce n'est pas de la science exacte ni de la théologie savante.
Mais si c'est pour jouer le jeu ...
Non, le djihadisme ne constitue pas une religion en soi. Évidemment. Pour faire une analogie, moi je dirais que le djihadisme serait comme le messianisme dans le monde juif.
Le messianisme n'est pas une religion en soi. La religion c'est le judaïsme. On s'entend là-dessus. Et le messianisme n'englobe pas tout le judaïsme non plus, ne représente pas toute la religion. Mais c'est juste un élément qui existe dans l'univers religieux juif. On a un élément qui a son importance, qui s'intègre de façon plus ou moins diffuse parmi le réseau des croyants.
L'enthousiasme pour le messianisme fluctue. Il connaît des hauts ou des bas dans l'opinion. Dans certaine période le courant connaît des poussées. Le messianisme reste présent dans l'univers culturel juif. Même s'Il est vrai que nous pourrions trouver des milliers et des milliers de Juifs qui ne s'occupent plus du tout de la question messianique de nos jours. Il existe tout plein de Juifs libéraux aux États-Unis, par exemple, pour qui le messianisme n'est plus à l'ordre du jour, qui pensent sincèrement que le concept serait épuisé. Il n'empêche ... A tout moment, nous pourrions redécouvrir encore quelques rabbins des pays de l'Est mais alors s'amenant, eux, comme des Juifs de l'an 50 après Jésus, convaincus que le Messie arrive ou bien que le Messie serait le rabbin Trucmuche. Bien que les Juifs pourraient avoir différents avis sur la question, il serait quand même difficile d'exciser complètement le concept messianique de la religion juive. Disons que ce serait incorrect ou faux de prétendre que l'enthousiasme messianique n'aurait
rien à voir avec la religion juive, ou que le messianisme serait "juste" une pathologie, un vulgaire désordre dû à quelques cerveaux fêlés isolés.
[...]
Pour moi, le succès d'estime que les djihadistes recueillent dans l'opinion et à la grandeur du monde musulman prouve que le concept est encore bien vivace. Au Moyen-Orient, les militants de la cause n'ont aucun mal à dénicher des milliers et des milliers de complices, des exécutants improvisés, libres, volontaires et réjouis. L'occasion fait le larron. (1)
Et, pire encore qu'un soi-disant djihad bien organisé, dirigé, mais il y a cette idée à l'effet que le "mauvais fidèle" pourrait toujours racheté sa vie de débauche et de turpitude, choisissant de la finir par une belle oeuvre devant tout racheter. Sacrifiant sa vie et celle de quelques infidèles au moyen d'une action d'éclat consacrée au grand Dieu unique : le martyr islamique. Le grand feu d'artifice.
Si on ne peut pas nier qu'il puisse arriver à de vrais malades, des personnes "dérangées", dans le monde musulman, d'aller parfois commettre des gestes sanglants et que la plupart des musulmans eux-mêmes désavoueraient, la question c'est que le concept (ce que je viens de dire au-dessus, le martyr et tout) existe bel et bien, qu'il est difficilement supprimable et que, du reste, il demeure aussi que nombre de ces martyrs pour la cause sainte (à côté des gestes de fou) seront intimement approuvés par les croyants, et ce, qu'ils le disent ouvertement ou pas et même jusque dans les capitales de notre monde civilisé.
Quand des gugus se seront amenés pour "faire le ménage" chez Charlie, en plein Paris, il est certain ensuite que le geste d'éclat aura recueilli l'assentiment plus ou moins muet de milliers et de milliers de bons citoyens français ne causant pas tellement de problèmes à leurs voisins dans l'ordinaire des jours.
(1) Les témoignages à ce sujet sont légions, de chrétiens pouvant rappeler qu'à l'occasion de tel massacre commis dans leur pays d'origine, il se sera trouvé tout à coup une foule de bons voisins n'hésitant pas à se joindre à la curée.