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par cmoi » lun. 12 août 2019, 11:28
Je vais m’efforcer de résumer ici la position de qui trouve le concept pourtant fondamental de l’enfer dépassé pour motiver un chemin de conversion, tout en exprimant mes remarques :
Aucun péché ne saurait nous priver du paradis, pourvu que nous ayons à son égard une attitude juste (à savoir, un sincère repentir : celui qui existe par peur de l’enfer a-t-il jamais été suffisant ?)
A cela j’ajouterai autre chose : croyez-vous que le but de notre vie sur terre soit seulement de ne pas pécher (au sens d’essayer, de montrer par là notre bonne volonté à l’égard du Christ sauveur qui seul nous sauve) ?
La question qui suit cette considération, regarde la possibilité d’échouer quant à l’adoption de cette juste attitude, laquelle ne dépendrait pas des rechutes : en cela je vous suis, sauf que :
Si je ne crois pas que le but de notre vie soit seulement de ne pas pécher, ce n’est pas parce que c’est Jésus qui nous sauve, mais et cela le suppose malgré tout, parce qu’il nous a donné un autre objectif pour notre vie, plus positif et qui ne dépend pas de cette « balance juridique », et qui est la condition de ce qui sera écrit sur ce petit caillou qui nous sera remis à nous tout seul. Cet objectif n’a rien de professionnel, familial, moral, etc. il relève de l’affection pure, de la vocation d’amour qui nous est propre.
Et la réalisation de cette vocation suppose une progression qui se mesure selon des critères qui n’ont rien à voir avec le péché ou les réussites tels qu’on les entend ici-bas, du moment que nous lui faisons confiance pour effacer nos écarts et ne pas en abuser – nous non plus.
Malgré tout, le repentir nécessaire et dont il est question, ne saurait exister sans affaiblir au moins le désir de faire le mal : il y a donc forcément une progression. Sans quoi ce serait à désespérer de l’efficacité de la grâce sacramentelle qui a pour but aussi, outre la miséricorde, de contribuer à nous permettre de ne pas faire ce que nous ne voudrions pas faire.
Sans compter sur ce que dit le principe de la grâce suffisante…
Vous dites : seul le péché mortel peut conduire en enfer, or le Christ nous sauve de tous nos péchés, pourvu que nous nous en repentions : pourquoi irions-nous donc en enfer ?
La réponse pourrait être : parce que le repentir suppose plus qu’un effort, il demande aussi autre chose, ne se commande pas sur mesure : il est autre chose qui suppose une disponibilité, une écoute, un chemin – donc une progression, ce qu’on appelle la conversion. Ce n’est pas le nombre des péchés ou des rechutes qui compte, mais le développement que ce chemin suppose de vertus très cachées, du genre humilité, abnégation, lâcher-prise, prises de conscience, et qui excluent au bout d’un moment certaines fautes au moins intérieures, qui modifient leur nature car la nôtre aussi.
Si l’apparence du péché reste la même, ce n’est plus le même, ce ne sont plus vraiment des récidives, Car ce repentir est à l’opposé du plein consentement requis pour la faute mortelle, et en même temps d’un autre ordre, ce n’est pas une opposition frontale, l’opposition a lieu par voie de conséquences, et cette lutte décide de notre liberté, traduit notre libre choix, notre adhésion véritable au projet Divin.
Elle suppose que nous nous reconnaissions pécheurs, n’agissant bien que par grâce, dans une intimité d’amour avec une énergie, une force, qui nous vient de Dieu (il n’est selon moi pas nécessaire de lui donner en cela Son nom, il est plus important d’en observer et d’en respecter La présence).
Mais surtout, le caractère ponctuel, déterminé, clair et circonstancié de la faute, échappe à notre histoire, il est un trou noir et quand il semble conditionner notre vie, c’est un leurre qui s’entretient lui-même.
Il n’est pas d’obscurité qui ne puisse être transformée en lumière par le Seigneur.
Nos péchés : réduire le sens spirituel de notre vie à leur diminution, leur absence ou leur dissolution, c’est se tromper, car ce en quoi ils contiennent notre salut pour enjeu leur échappe, cela appartient à Dieu, par la lecture qu’il fait de notre vie au jour de ce pour quoi il lui a donné d’être.
Qui pourrait être l’écho de son amour en nous, et qui tient à beaucoup d’intérêts humains sauf au péché.
Le péché (du moins son effacement) relève de différents degrés dans la contrition imparfaite, le salut de différents degrés aussi mais dans la contrition parfaite.
Sa présence : de nos lacunes, de « trous » ou de notre manque d’absorption de ces énergies Divines qui nous entourent.
Un saint Russe orthodoxe (Séraphin de Sarov), maître spirituel très réputé et riche en charismes, considérait que le but de la vie c’est l’acquisition en soi du Saint Esprit, ce qui est une autre façon de dire la même chose.
Je sais la théorie catholique : contrition imparfaite + sacrement suffisent. Comment le concilier ? Cela tient aux conditions requises et que Dieu seul évalue, pour que le ferme propos soit « validé » : condition nécessaire à l’efficacité du sacrement et qui n’est pas mesurable, d‘autant que la contrition parfaite la surplombe et en quelque sorte s’en affranchit.
Pour moi et sur du long terme, le ferme propos ne peut résister à la déliquescence qu’en s’appropriant toujours plus une part de contrition parfaite et s’appuyant dessus. Or si les dons de Dieu sont sans repentance, ils sont en général discrets et donc progressifs. Si nous refusons la petite semence, il n’y en aura pas (en général encore) de plus grosse : la petite sera toujours là, en attente, jusqu’à ce que l’on consente à la recevoir, et l’arrose, même si à cause de nous elle nous devient de moins en moins visible…
C’est comme cela que l’on tombe dans la répétition comme dans une fatalité, que cela nous lasse et que s’en perd le sens du combat qui devient mécanique, bref et superficiel.
Plus la contrition est imparfaite, plus la volonté de ce ferme propos doit être ferme et probante, déterminée, renouvelée (presque ingrate). Dieu préfère à mon avis nous voir chuter et il peut permettre que nous soyons provoqué à de plus hautes chutes, plutôt que de nous voir nous enfermer dans le « jeu » que cela démontre, où peut entrer de l’hypocrisie même avec soi-même, et pour nous faire acquérir un peu plus de cette contrition parfaite que nous évitons.
(Il n’y a que les grands saints pour pouvoir faire un très gros péché : d’où leur crainte !)
L’amour appelant l’amour, c’est là qu’intervient la responsabilité de nos proches, quand ils nous en ont peu donné, ou du frelaté. Nous ne pouvons donner ce que nous n’avons pas reçu d’un autre, même à Dieu… Nous pouvons certes transformer et cultiver ce que nous avons reçu, le multiplier, mais pas en inventer (ou si peu, pas sans une grâce exceptionnelle et nullement due : elle ne fait pas partie du « contrat de confiance » du baptisé).
Ces 2 contritions sont radicalement différentes, il n’y a que le mot qui les nomme qui les unit, elles ne se mesurent pas sur une même échelle, et les péchés ne s’y accrochent pas de la même façon pour empêcher et résister à la montée.
Plus on monte, moins l’une suffit pour les décrocher, jusqu’aux plus petits, tandis que c’est le contraire pour l’autre, jusqu’aux plus gros.
Il se cache derrière la contrition imparfaite, (et cela explique tout ce que j’ai lu ici sur l’obsolescence du concept de l’enfer) une hypocrisie, un orgueil, un « quant à soi » qui en paralysent et en absorbent tout l’effet.
Il me semble que si balance il y a, elle est plus entre ces deux contritions, auxquelles s’accrochent des péchés respectivement très différents. Certains n’ont-ils pas écrit que nos péchés formeraient au ciel notre couronne de gloire, par leur nature ?
Je crois que certains d’entre eux sont commis par amour et le montrent.
Que d’autres sont notre façon de sortir d’impasses, parce que nous n’osons pas recourir au miracle ou le requérir, - à la foi qui l’appelle.
Car il n’y a pas que la contrition, il y a aussi son revers, tout le reste et qui est encore plus fréquent de nos jours, plus difficile à démêler, discerner.
Il y a donc aussi son absence, et qui témoigne d’une détermination à comprendre ce qui nous échappe, à le sonder, l’explorer, le rejeter, le respecter, le bénir ou le maudire, l’imaginer, le transformer à notre gré, etc.
Si l’on met de côté l’orgueil qu’il y a à ne pas reconnaître la nécessité de la contrition, et qui peut ne pas nous être l’obstacle immédiat ou prioritaire à franchir, il n’y a pas nécessairement faute à vouloir assumer l’absurdité de la vie, son mystère, sa cruauté ou crudité, et donc influencer Dieu (dont l’existence dans ce contexte peut être rejetée, née, ou poser question) pour que son jugement se porte autrement : cela revient au même, mais lui seul peut effectuer le retournement qui en clarifiera la correspondance, ou ceux à qui il en aura donné le charisme.
Il faut réhabiliter le vécu, l’expérience, la richesse de tout ce qui constitue nos vies (émotions, affections, sentiments, idées, projets, créations,…) au détriment de ces « nœuds » de ces couac que sont nos péchés.
La fameuse phrase qui affirme « que l’enfer est pavé de bonnes intentions » et qui se comprend et se justifie, nous a fait beaucoup de mal aussi : rayer la voiture d’un inconnu qui nous a « coincé » dans un parking, peut se faire par pure vengeance, méchanceté, jalousie, colère, etc.… Mais n’est-il pas possible que cette colère soit de pure désolation, parce que cela montre que l’autre n’a pas pris l’habitude de penser à son prochain, - de pure exhortation : pour que ce voyant l’inconnu réfléchisse, - de pure justice : n’aurions-nous pas davantage endommagé sa peinture si nous avions « forcé le passage », pour seulement accéder par nécessité à notre voiture – de pure charité : appeler la fourrière lui porterait davantage préjudice !
Certes, ce n’est pas bien par principe (mais aussi parce que l’occasion est de nous humilier, de prier pour « lui », de se rappeler que nous aurions fait un jour pareil, de l’avoir oublié et de s’en réjouir et remercier, etc.) : mais cela reste très différent de l’acte dont l’intention contenue est de blesser…
N’est-ce pas mieux que de ne rien faire ni dire (de se contenter de maudire en secret et dans son coeur, peut-être…) par crainte de représailles légales ou non ?
Que de bougonner dans son coin et conserver une humeur exécrable qui rejaillira sur d’autres ou simplement sur notre équilibre ?
Que de ne pas s’en plaindre pour insensibiliser notre cœur ?
Que de rechercher l’inconnu pour lui « faire la leçon » ?
Que d’opter pour le mépris de « tout ce qui est matériel » ?
Que de prier pour lui avec un sentiment profond de mépris et sans que notre colère disparaisse, par « devoir » et avec la satisfaction du devoir accompli ?
Au fond, à chacun ses habitudes et critères de comparaison, ses défauts et qualités, il n’en restera pas moins que la recherche constante de mieux peut nous conduire à des phases délictueuses qui marquent pourtant un progrès… Tandis que des actes de vertu peuvent masquer une dégringolade…
C’est ici que se remarque toute la différence entre des tribunaux qui seraient religieux et d’autres civils… D’où peut se déduire la vaine prétention à rendre ces derniers conformes à la volonté divine.
On ne trouve pas du premier coup la meilleure attitude, celle qui correspond à une victoire apaisée sur la tentation, et en respecter l’apparence extérieure (ne pas endommager « la » voiture) n’est pas toujours s’en approcher le plus… à condition d’en accepter avec lucidité les conséquences (que son propriétaire nous casse la gueule peut être une occasion prévue de sanctification… l’infamie d’un procès civil où reconnaître son tort tout en réaffirmant sa conviction qu’il ne faut pas se garer ainsi… une mortification (comme ces militants contre l’IVG qui s’exposaient à des coups, des brimades, une amende : auraient-ils été plus efficaces, ou non, à rester chez eux à prier ?)
La richesse de la vie tient à mon sens à autre chose que ce qui évite le péché, plus à notre imagination pour « négocier avec Dieu » une attitude qui le contente et nous épanouisse – ce qui accessoirement nous permet de le connaître de mieux en mieux. Cela nous conduira à évoluer, changer nos choix extérieurs, mais ceux-ci ne veulent rien dire par eux-mêmes, ce qui compte c’est où nous en sommes intérieurement et si nous sommes « transparents », car cela seul nous offre la possibilité de profiter de l’adversité pour en retirer une leçon qui porte des fruits et nous fasse mûrir.
Laisser pousser l’ivraie au milieu du bon grain, oui certes, car de toute évidence il n’a pas été décidé par la providence d’anéantir son irruption à ce stade, mais cela ne suppose-t-il pas tout de même d’attacher son cœur au bon grain, tels deux tuteurs réciproques, ou une greffe de cellules porteuses d’informations résistant à l‘invasion, d’accompagner la pousse de nos soins pour une moisson abondante, et d’espérer qu’une fois parvenu sur l’aire d’abattage, le contenu du champ produise son petit effet par la qualité de la récolte ?
Il n’y a pas de contradiction entre le « développement personnel » et la sanctification, il lui donne ce caractère de victoire qui a besoin de cette seconde mamelle (la première étant plus ascétique, faite de privations, de sublimations, de tout ce qui semble accompagner l’échec ou la disette mais en dépasser les handicaps et frustrations). Si le contraire a été prêché, c’est par dépit de voir des fidèles déserter au nom de ce développement, des pratiques ressemblant par trop à de l’auto-flagellation, du contentement morbide ou un placebo, voire de la fiction : il aurait fallu leur offrir mieux qu’une coloscopie spirituelle !
Je ne parle pas de ceux pour qui Jésus nous sauve finalement de la colère du père, non pas en en atténuant ou effaçant l’émotion, lui offrant réparation, mais la crédibilité de Celui qui l’éprouve (puisque nous sommes pécheurs).
IIs en ont fait un magicien…
(Si je peux me permettre, ce danger là me semble pouvoir vous guetter un peu, Carhaix, sans que vous vous en rendiez compte et même s’il est possible que vous exagériez votre position pour obtenir une réponse qui ne peut venir que d’une contestation … N’oubliez pas que le prix fut si élevé qu’il fallut un Dieu pour le payer !)
Ce peut-être là aussi un point de départ vers l’athéisme : en passant de la crédibilité de l’émotion à celle de celui qui l’éprouve puis de son existence (vu que cela ne le rend pas parfait)…
Si contrairement à une idée répandue nous ne sommes pas « seul au monde » le jour de notre naissance, nous le serons peut-être le jour de note mort. Il faut parfois avoir le courage de « faire sécession », si ainsi seulement se protège ce qu’il y a en nous de plus haut et quand il n’y a pas à notre portée de vie plus grande à laquelle se sacrifier.
Voilà pourquoi la confession a encore de beaux jours devant elle, et que l’enfer nous devrait être d’une présence rassurante (il est normal quand il y a combat, qu’il y ait des blessures) à condition de s’opérer dans le cadre d’une direction spirituelle… Et non d’être un « bilan de chasse » où compter nos péchés ou nos trophées. Il arrive qu’elle soit notre dernier lien véritable ave l’Eglise, autant que le premier nouveau… Je crois me souvenir aussi que la vie de certains saints témoigne de périodes qui furent très conflictuelles avec leurs confesseurs !
La volonté de classement, de « mettre en catégories » de savoir, chère à Saint Thomas d’Aquin et à la scolastique, si elle peut être profitable à une certaine étape du développement, ne présente-t-elle pas ensuite une certaine affinité avec l’orgueil et qui devient nuisible (notamment à l’intimité spirituelle faite d’intuition et d’ouverture, d’intrusions de la grâce) ? Il est bon d’acquérir de la technique, mais la maîtrise d‘un art la dépasse toujours et les méthodes d’accession qui la promeuvent ne sont pas idéalement les meilleures, car d’une part elles supposent une phase de désaccoutumance à un âge où l’esprit devenu pétri d’habitudes est moins alerte et vivace, d’autre part elle impose à l’âge où nos qualités sont les plus aptes à grandir, de les plier dans des moules où certaines vont mourir. Il y a donc un juste équilibre à trouver dans l’éducation religieuse.
Il semble que Vatican II ait voulu rompre un déséquilibre, affronter et se livrer aux caprices du mistral Divin, mais que l’effet de balancier ou de ressort qui s’en est suivi, dans les deux sens, est loin d’être fini. Il demande à monter pour trouver plus haut, plus prêt des forces condensées de l’aiguille, un équilibre.
Ne serait-ce que pour ne pas être groggy, abruti d’un vertige pastoral…