Bonjour,
Votre remarque me semble présupposer une chose : la démocratie serait un régime politique donnant le pouvoir à la "foule". Il s'agit d'un argument généralement avancé par les penseurs qui s'opposent à la démocratie, estimant que celle-ci revient à donner le pouvoir à des gens irrationnels et incapables de discerner le vrai du faux, le bien du mal. Car la "foule" implique ceci : il s'agit d'une masse d'hommes désorganisée, d'une assemblée d'individus très éloignés de l'intérêt général. La foule n'est généralement pas caractérisée par sa capacité à raisonner et à juger droitement ce qui se présente à elle.
Mais la démocratie ne signifie pas cela. Démocratie signifie "le pouvoir du peuple", où l'on voit que le peuple se distingue de la foule. En effet, un peuple se réunit en assemblée selon des règles de délibération civilisées dans le but de délibérer et d'accoucher d'une décision commune. Le "peuple", contrairement à la foule, se cherche des règles d'organisation et de délibération capables de faire émerger une décision raisonnable après avoir épuisé les différentes perspectives sur le réel, perspectives qui sont autant de manières de donner un sens au monde en se confrontant avec d'autres points de vue.
Il ne s'agit pas de cela dans le procès de Jésus. Il n'y a pas de peuple, mais une foule. Je ne pense pas qu'on puisse justifier un rejet de la démocratie sur la base de ce texte (je ne dis pas que c'est votre cas, mais je dis que c'est souvent un argument des chrétiens qui n'aiment pas la démocratie).
Il me semble que Benoit XVI évoque ce problème dans son livre sur Jésus. Il ajoute que certains manuscrits portent le nom de "Jésus Barrabas", ce qui renforce la thèse du faux double et atteste que la foule, prise dans la spirale de ses passions, a préféré choisir le chef politique révolté qui assume la possibilité de la violence comme méthode politique pour instaurer la justice à Jésus-Christ qui condamne la violence et dont les intentions ne sont pas de défendre un parti politique en vue d’accéder au pouvoir.prodigal a écrit : ↑mer. 15 févr. 2023, 10:49Voyez cependant Marc, XV,7 (traduction Bible de Jérusalem)Par ailleurs, j'ai lu je ne sais plus où (Léon Bloy?) que Barabbas peut se traduire par "fils du Père", ce qui ferait de lui une sorte de mauvais double de Jésus. Je n'en sais pas plus.Or, il y avait en prison le nommé Barabbas, arrêté avec les émeutiers qui avaient commis un meurtre dans la sédition.
René Girard, sur cette question, me semble aussi intéressant - le problème du double, de l'illusion et de la foule en ébullition qui recherche son bouc émissaire (ce qui donnera "l'agneau de Dieu") au moment où elle veut restaurer un ordre social et politique troublé par les conflits internes.