L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

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Cinci
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » dim. 26 janv. 2020, 15:19

Paxetbonum :

Le scandale de l'affaire Matzneff, si j'ai bien compris c'est encore plus que les agissements pédophiles et immoraux de l'individu, le fait que son œuvre ouvertement pédophile ait été primée de prix littéraires !
Que lui soit un pervers, soit.
Qu'on l'en félicite, là j'ai du mal à le concevoir.
Tous les membres du jury devraient être dans le box des accusés avec lui.

La littérature française compte un très grand nombre d'artistes qui n'auront pas été des modèles de vertu. Et il n'y aura pas que Matzneff qui aura pu marcher en dehors des clous.

Je douterais du bien fondé de devoir sortir le marteau-piqueur, le pilon ou des torches enflammées pour détruire les oeuvres d'artistes n'ayant pas été de bons chrétiens. Les rayons des bibliothèques sont garnis d'oeuvres de poètes - pour parler familièrement - qui auront pu "baiser comme des lapins". contrevenant aussi bien à la morale bourgeoise qu'aux commandements de l'Église. Les Alfred de Musset, Victor Hugo et cie. La poésie de Rimbaud est encore célébrée même si le comportement de l'individu dans la vraie vie réussirait à choquer même des gens parmi les plus "libérés" d'aujourd'hui. D'une manière, Verlaine aura su manifester également un comportement pire que Matzneff sous l'angle de la violence, la brutalité avec sa femme et d'autres, son androgynie, sa bisexualité. Quand on parlerait d'André Gide, il me resterait au moins un de ses romans parmi ceux que je n'aurais pas consenti à me départir, La symphonie pastorale. Très beau. Magnifique, ce roman ! Pourtant, Gide ne se comportait pas mieux que Matzneff.

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Riou
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Riou » dim. 26 janv. 2020, 15:28

Bonjour,

Ce qui est effectivement frappant dans la lettre de Matzneff, c'est ce fameux "tout le monde ou quasiment le faisait à l'époque", afin de pointer du doigt un acharnement sur sa seule personne et dans le but de se victimiser devant un hypothétique retour du puritanisme.
Il est frappant de voir que ces pseudos "dandys" qui se sont fait une morale d'être soit disant seul à contester la société bourgoise par une revendication de sa marginalité reculent immédiatement devant les conséquences lorsqu'il s'agit d'affronter le jugement de cette société dont ils s'étaient fait un fond de commerce de la défier seul quelques décennies auparavant. Là, le "je fais ceci et j'assume" devient "vous savez, on faisait tous un peu ça à l'époque". Le "je" individuel qui se posait en fer de lance de l'insolence se planque désormais derrière'le "on"impersonnel qui vise à atténuer sa responsabilité. Après avoir fouetté le troupeau et défier le grand nombre, il se cache en son sein et se pose quasiment en victime de celui-ci. Cette génération n'assume pas ce qu'elle a prétendu être. Comme quoi, ces transgresseurs et pourfendeurs "héroïques" de la conscience des peuples étaient en fait des petits moutons qui se persuadaient que leurs voisins faisaient comme eux.
Cette lettre est complètement contradictoire.
Elle me fait songer au profond passage de Saint Augustin sur le mal dans les Confessions. On dérobe plus facilement une pomme en groupe que seul, car alors on dilue sa responsabilité morale dans le fait que les autres voulaient la même chose que moi. C'est une époque qui a sombré.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » dim. 26 janv. 2020, 15:52

Carhaix :

C'est la société française des années 60-70, le sujet.
La société civile, ce n'est pas l'Église. Et puis l'emprise de l'Église catholique sur la société française est nulle en 1960 aussi bien qu'aujourd'hui. Matzneff n'avait pas le jeune théologien Ratzinger comme maître à penser, ni saint Thomas d'Aquin ni sainte Catherine de Sienne ! Matzneff faisait ce qu'il voulait.

Gaudens aurait raison de dire que vous inversez les choses.

Car si du péché peut en effet se trouver présent dans l'Église, dans la personne (C'est nous, ça !) de ceux qui la fréquentent ou veulent en être membres, ce n'est pas l'Église qui enseignerait et diffuserait quelque nouveau péché ou nouveau vice, et qui, jusque là, auront dû être comme certainement inconnus à une pauvre petite société civile innocente et vierge ! L'idée de tricher avec les commandements divins ne datent pas de cinquante ans !

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » dim. 26 janv. 2020, 16:14

Riou,

Bon commentaire. Merci !

En même temps, il reste vrai que le mal conserve une certaine dimension collective ou communautaire. Faiblesse ou attirance vers le bas sont comme choses naturelles. Aussi, dans ce monde de catastrophes, mais n'y aurait-il que le bien pour nous offrir une vraie voie pour l'héroïcité finalement ? Je le croirais. Disons que Matzneff n'aura pas été héroïque.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Carhaix » dim. 26 janv. 2020, 16:35

Cinci a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 15:52
Carhaix :

C'est la société française des années 60-70, le sujet.
La société civile, ce n'est pas l'Église. Et puis l'emprise de l'Église catholique sur la société française est nulle en 1960 aussi bien qu'aujourd'hui. Matzneff n'avait pas le jeune théologien Ratzinger comme maître à penser, ni saint Thomas d'Aquin ni sainte Catherine de Sienne ! Matzneff faisait ce qu'il voulait.

Gaudens aurait raison de dire que vous inversez les choses.

Car si du péché peut en effet se trouver présent dans l'Église, dans la personne (C'est nous, ça !) de ceux qui la fréquentent ou veulent en être membres, ce n'est pas l'Église qui enseignerait et diffuserait quelque nouveau péché ou nouveau vice, et qui, jusque là, auront dû être comme certainement inconnus à une pauvre petite société civile innocente et vierge ! L'idée de tricher avec les commandements divins ne datent pas de cinquante ans !
Je ne suis pas du tout d'accord, Cinci. L'Église était très présente et très investie dans la société civile en France jusque dans les années 80. Je suis né dans les années 70, j'ai grandi en province. Quasiment tous les enfants de ma classe, quand j'étais à l'école, allaient au catéchisme. Justement, je me faisais chambrer parce que j'étais un des rares à ne pas y aller (mes parents étant athées).

Le poids de l'Église dans le système éducatif était encore très présent. Et c'est justement dans ce contexte éducatif que se sont multipliées les affaires de pédophilie.

J'aimerais bien savoir quelles ont été les pratiques pédagogiques dans l'Église durant ces années troublées. Il serait très étonnant, et même invraisemblable, que l'Église ait été hermétique aux idées nouvelles de révolution des mœurs.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Cinci » dim. 26 janv. 2020, 17:00

Teano :

Et pi, tout le monde faisait pareil que lui, à l'époque ! Non, non, non, il ne commettait pas des agressions sexuelles sur mineur ; lui, il combattait l'affreuse société bourgeoise, décadente, réactionnaire et rétrograde ! Ouf !
... tout le monde ayant pu faire partie de ces gens qu'il aurait pu admirer, aimer, respecter. Dis-moi qui tu hante et je te dirai qui tu es. C'est presque ça.

Mais, il est vrai : il ne commettait pas des agressions sexuelles sur mineur au sens brutal du terme, au sens criminel et commun qui se rattache habituellement à l'expression. Il ne s'est pas emparé de force de la jeune Vanessa S. Non, il n'aura pas eu besoin de la faire. Parce que la jeune fille était elle-même consentante; et parce qu'étant elle-même imbibée à peu près du même système de valeurs via papa/maman ou l'idolâtrie de la vie d'artiste, la littérature et le reste.

C'est comme Gauguin en Océanie, et ses propres "galipettes" avec des petites jeunes filles indigènes. Gauguin n'aura jamais eu besoin d'entraîner de force dans un sous-bois ses petites partenaires de jeu. Non, parce que les petites participaient d'un autre univers mental que celui qui découlerait de la pensée chrétienne.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Riou » dim. 26 janv. 2020, 20:40

Cinci a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 16:14


En même temps, il reste vrai que le mal conserve une certaine dimension collective ou communautaire. Faiblesse ou attirance vers le bas sont comme choses naturelles. Aussi, dans ce monde de catastrophes, mais n'y aurait-il que le bien pour nous offrir une vraie voie pour l'héroïcité finalement ? Je le croirais. Disons que Matzneff n'aura pas été héroïque.
Effectivement. Le seul héroïsme est celui qui ne perd pas de vue la poursuite du bien. Matzneff était une fausse monnaie d'héroïsme, avec beaucoup d'autres. Cette fausse monnaie était admise collectivement par toute une époque, ce qui a sans beaucoup influencé ce personnage dans son égarement. Au fond il le reconnaît à demi mot dans sa lettre. Le mal était aussi collectif, comme vous dites.
On s'oublie plus facilement quand on s'égare ensemble, ce qu'avait bien vu Saint Augustin dans l'exemple du vol de la pomme.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par la Samaritaine » dim. 26 janv. 2020, 22:37

Teano a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 14:08
La lettre de Matzneff écrite en répons à ses accusateurs.


"Je suis loin de Paris, trop faible, trop démoralisé pour avoir la force de répondre à vos questions. Je le ferai volontiers lorsque je me sentirai mieux, lorsque cette campagne contre moi, si excessive et agressive, aura pris fin. D’ailleurs, j’ai le sentiment que, quoique je dise ou écrive aujourd’hui, cela se retournerait contre moi. La semaine dernière, j’ai publié sur le site de L’Express un texte écrit avec le sang du coeur, une lettre à Vanessa où je cite sa propre lettre de rupture qui est une merveilleuse lettre d’amour ; une lettre où elle détaille la délicatesse, la tendresse, la félicité avec lesquelles elle a découvert l’amour dans mes bras ; une lettre où elle détaille le beau souvenir qu’elle gardera de ce premier amour ; une lettre qui devrait faire taire ceux qui, nombreux, me présentent pour un prédateur, un manipulateur, un pervers, qui est l’exact contraire de celui que je suis. Mon texte a été largement lu, diffusé, mais, me disent mes amis qui suivent ça de près (moi, je ne lis rien, je n’entends rien), les attaques n’ont pas cessé pour autant. Au cas où vous ne l’auriez pas lu, je vous le poste en pièce ci-jointe.

Quant à mes galipettes coupables post-soixante-huitardes, oui, sans doute étions-nous inconscients, nous avons été nombreux à nous laisser enivrer par l’air de liberté, le parfum libertaire de cette époque insouciante qui dura une quinzaine d’année. Et je ne parle pas ici des écrivains, des peintres de cinéastes, des photographes, je parle, beaucoup plus généralement, des centaines de milliers de Français qui, dans tous les ordres - du désir amoureux à l’usage des drogues -, ont cru pouvoir s’affranchir des règles de la Société bourgeoise.
Mais regardez-moi ce loup déguisé en agneau…

Oh la vilaine gamine de 14 ans transformée en amante indocile, cruelle et vindicative ! Et pourquoi pas Lucrèce Borgia, Messaline ou Catherine de Médicis !? Ah mais la victime, en fait, c'est lui !

Si le sujet n'était pas aussi dramatique et sérieux, j'entendrais presque le roi Loth expliquer à Arthur qu'il a fomenté un putsch par amour pour son épouse "et moi, pauvre bête dressée, esclave de ses yeux, je me suis lâchement exécuté"

Et pi, tout le monde faisait pareil que lui, à l'époque ! Non, non, non, il ne commettait pas des agressions sexuelles sur mineur ; lui, il combattait l'affreuse société bourgeoise, décadente, réactionnaire et rétrograde ! Ouf !

Evidemment, pas un atome de souci pour les conséquences que ces actes ont eu sur la vie des malheureux et des malheureuses qui ont eu la malchance de croiser sa route…

On a beau avoir des lettres, sa "défense" n'est guère différente du tout venant des autres zozos de son acabit.

Pour ceux que ça intéresse :

https://www.memoiretraumatique.org/viol ... elles.html

Bon dimanche !

Teano
Chère Teano,

je partage votre avis. Il se cache derrière les mœurs de l'époque et il refuse d'entendre que ses actes aient pu avoir des conséquences destructrices. Il consent à voir dans ses actes un certain immoralisme mais qui était toléré par tout le monde à l'époque. Elle est bien "torchée", sa lettre, il a vraiment du talent et de l'intelligence… Il faut vraiment se raccrocher aux faits (leur âge à tous deux, les "rencontres" en Asie) pour garder en tête qu'il a pratiqué le crime pédophile.
A sa décharge, tout le monde savait que c'était mal (malgré l'époque) mais tout le monde (ou presque) dans son milieu artistique et littéraire trouvait ce gars là formidable, ses actes étaient acceptés. Peut-être décrivait-il tous ses actes par l'écrit de manière à s'autojustifier : puisqu'on m'encense malgré ce que j'écris, c'est que ce que je fais n'est pas si mal….Son cas est vraiment particulier !!! Nous avons là un pédophile qui ne se cache pas comme les autres, qui se dévoile au contraire et qui est encensé pendant des décennies, et accueilli à la table des parents de ses victimes...Et toutes ces gamines amoureuses de l'ogre et suspendues à son cou…

C'est très difficile, il faut le reconnaître de faire un retour sur soi après cela. Honnêtement, sans diminuer du tout la responsabilité de cet homme là, il y a quand même une forme de crime collectif ici. En tout cas d'aveuglement collectif qui est criminel.
C'est quand même hallucinant que tant de gens bien (comme Pivot par exemple) aient accepté cela. En fait, il n'y avait plus de distance entre ces gens de l'élite française, il y avait une forme d'entre-soi, d'intimité, sans oublier la protection des puissants comme Mitterrand qui parait-il, était fan de Mazneff. Si Denise Bombardier s'est élevée ainsi contre lui, c'est parce qu'elle n'était pas du sérail, elle était québecquoise et Marie-France Botte était belge. Elles avaient de la distance et le voyaient tel qu'il était, elles lisaient le sens de ses écrits tels qu'il l'exprimait…

Probablement, son narcissisme se vivait en un charisme de gourou qui fait qu'il mettait la plupart des gens qu'il rencontrait dans sa poche.

Bien à vous,

Samaritaine

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par la Samaritaine » dim. 26 janv. 2020, 23:57

Carhaix a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 11:13
Cinci a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 7:48

On va dire qu'il péchait certainement. Il entretenait une certaine complaisance au moins avec le fait de devoir vivre des amours sur la marge. Et on ne parle pas de mariage ! C'est sûr.
Tout simplement parce que l'Église post Vatican II adhérait totalement à cet amoralisme libertaire, ce qui explique les multiples affaires de pédophilie en son sein ! Les expériences menées par certains dans le domaine pédagogique (comme les jardins d'enfants) ont aussi eu lieu dans le cadre catholique. Benoît XVI l'a même reconnu récemment.
Cher Carhaix,
comme Gaudens et Cinci, je pense que vous exagérez le rôle de l'Eglise post-conciliaire dans cette affaire.
Dans "Histoire d'un silence" sur l'affaire Preynat, Isabelle de Gaulmyn parle de cette Eglise de l'après- concile, puisque Preynat a sévi pendant 20 ans entre 1970 et 1991. Elle a rencontré des prêtres qui sortaient du séminaire après 68. C'était la folle ambiance, on passait le micro aux uns et aux autres pendant la messe, on exerçait une certaine...créativité liturgique, on débattait de tout, remettait tout en question, le point de vue sur les mœurs mais aussi sur les dogmes, on remettait en question le pouvoir des clercs, on évitait toute notion de pouvoir au point que dans les camps scouts, il n'y avait pas vraiment de chefs, plus vraiment de structures. Les jeunes prêtres se trouvaient très tentés par les demoiselles dans cette ambiance Woodstock et beaucoup quittaient la prêtrise pour se marier. Rien, rien à voir avec la pédophilie. Une remise en cause des règles de l'Eglise certes, mais rien qui allait dans le sens de la criminalité.
En revanche, c'est parce que Preynat dénotait totalement dans cette ambiance là qu'il a été ainsi protégé : lui était très attaché à la tradition, a créé une forme de scoutisme très structurée, proposait une catéchèse et une liturgie traditionnelle et rassurait ô combien sa hiérarchie, tant les évêques étaient déstabilisés par leurs jeunes prêtres qui les remettaient en question. C'est ainsi qu'on l'a laissé dans la même paroisse gourouter son monde pendant 20 ans, au mépris des règles de l'Eglise, parce que justement, il n'était pas un prêtre soixantuitard…Et les parents étaient rassurés de savoir leurs enfants pris en main par un homme aussi sérieux et structuré, à la catéchèse sans inventivité douteuse, sans innovation socialo-humanitaire de ces autres jeunes prêtres chevelus qui ne leur inspiraient pas confiance. Ils ont donné leur confiance au loup déguisé en berger.

Il faut ajouter aussi que les prêtres impliqués dans des scandales sexuels (pédophiles ou agression sur adultes) sont, d'après ce que j'ai observé, très enracinés dans la tradition, tenant d'un discours très sévère sur la chasteté et le péché de chair, (tiens donc !), obsédés par le démon et très dévôts à la Vierge Marie (c'était le cas de Preynat), ayant une attitude et un discours écclésial aux antipodes de leurs actes criminels. Bref, ce sont des personnalités clivées. Dct Jekyll et Mr Hyde. C'était le cas pour l'abominable Maciel mais aussi Ephraim, Thierry de Roucy, Mansour Labaky, Jacques Marin, Marie-Dominique Philippe….Tous ces gens incriminés par leur Eglise et parfois par la Justice française sont très, très éloignés des prêtes soixant-huitards aux mœurs et aux désirs nettement plus classiques et saines malgré certains dérapages en égard à leurs vœux mais non criminels.

L'ambiance libertaire post-soixantuite a bien encouragé des passages à l'actes pédophiles dans certains milieux, comme dans celui de Mazneff, mais pas en Eglise. En Eglise, les loups ont pris l'habit et la mine de censeurs sévères, tenant de l'ordre et de la morale, des gourous drapés dans leur soutane immaculée, des monstres d'hypocrisie.

On va voir ce que va nous rapporter la commission CIASE. On va certainement apprendre des choses avec précision sur ce sujet.

Bien à vous,

Samaritaine

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Teano » lun. 27 janv. 2020, 10:28

Chère Samaritaine,

Je trouve vos analyses très justes. J'aurais tendance à y voir ce que la psychiatre Muriel Salmona appelle la "stratégie agresseur" : les moyens déployés pour s'assurer l'impunité. L'un aura profité et entretenu la complaisance d'un milieu littéraire ou politique et finalement, quoi de mieux pour désamorcer les éventuelles poursuites que de s'auto-dénoncer dans des oeuvres littéraires, de présenter le récit à son avantage et de mettre dans le domaine public sa seule version des faits ? C'est bien ce que fait GM dans sa lettre : il a déjà tout avoué depuis 40 ans, sans jamais être poursuivi, c'est donc qu'il n'a rien fait de mal.

On retrouve la même démarche chez les prêtres pédophiles qui ont trouvé une "niche" pour bénéficier de la complaisance de leur hiérarchie ou se sont parés des oripeaux de la vertu et de l'exigence pour mieux tromper leur monde. Au final, l'organisation et la structure mise en place par Preynat et appréciée des parents, était une machine à broyer les enfants.

Si vous avez le courage ou la curiosité de suivre le procès Weinstein, on verra tous les moyens qu'il a mis en oeuvre pour assurer son impunité.

Dans la paix du Christ,

Teano
"« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu. Ne repousse pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous, Vierge glorieuse et bénie »"


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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Riou » lun. 27 janv. 2020, 11:04

la Samaritaine

J'ai lu que des femmes féministes de cette époque ont pris le contre-pied et dénoncé le laxisme envers la pédophilie, qu'elles considéraient comme une manifestation de la domination du mâle, mais elles ne semblent pas avoir crié bien fort…
Bonjour,

Je ne suis pas certain de bien comprendre cette affirmation et le sens des mots qui s'y trouvent. Mais de manière générale, il ne me semble pas que le féminisme soit un point de vue appropriée pour la question Matzneff. On y voit poindre les grandes notions comme "la domination du mâle" (masculine) qui, si on la nie, c'est qu'on l'approuve, etc. Bref, on retrouvera sans doute ici la dénonciation du patriarcat.
Quel que soit la position qu'un individu adopte à l'égard du patriarcat et de toutes ces notions connexes de domination masculine ou autre, il me semble qu'on peut affirmer que l'affaire Matzneff est la négation même du patriarcat et l'antithèse parfaite d'une hypothétique "domination masculine". Car Matzneff avait sans doute déposé la charge symbolique et morale du "père" et de "l'homme" pour faire ce qu'il a fait.
Car le père, tant au niveau biologique, symbolique que théologique, est une notion de relation, c'est-à-dire qu'elle n'a de sens que relativement à ce par quoi elle est ce qu'elle est, ici le fils (ou la fille). Idem pour la relation plus générale de parents/enfants, adulte adolescent, et femmes/hommes. L'un ne peut poser son identité que dans sa différenciation d'avec son autre, et dans le maintien de cette différence, ce que seul une certaine distance peut effectuer. C'est ainsi qu'on peut comprendre la phrase de Saint Paul : la femme est la gloire de l'homme. "Gloire" signifie "révélé, comme on dit que le Fils glorifie son Père, c'est-à-dire qu'il révèle qui Il est, Son essence et sa nature profonde. Ainsi la femme révèle qui est l'homme au plus profond de lui-même, dans son être. Ceci est réversible, à mon sens, et on peut dire la même chose de l'homme à l'égard de la femme.
Dans l'expérience humaine, c'est bien souvent dans l'expérience de la différence sexuelle que la femme se révèle pleinement femme et l'homme pleinement homme (la Bible fait d'ailleurs de l'acte sexuel un acte de connaissance : "Adam connut Eve"). Idem pour le père ou la mère : homme et femme se révèlent comme père et mère lors de la venue de leur fils ou fille au monde, et les témoignages sont nombreux pour attester que les premiers jours de l'enfant sont une véritable expérience de changement d'identité pour les nouveaux parents, qui deviennent ce qu'ils sont à travers cet être qui n'existait pas auparavant. Et l'enfant devient consciemment fils ou fille au contact de parents qui se comportent comme des parents, et non comme des partenaires sexuels.

Le patriarcat, qu'on le maudisse ou pas, repose totalement sur un ferme maintien de ces différences et de ces distances qui permettent de forger l'identité de chacun. Et cela vaut pour le rapport du masculin au féminin, de l'enfant et de l'adulte.
Or, l'affaire Matzneff est précisément la négation totale et fondamentale de ces différences, la confusion complète entre ces différentes identités et ces distinctions structurantes. Un adulte "mâle" ne sodomise pas une fillette qui pourrait être sa fille, de même qu'il ne décharge pas ses pulsions sexuelle sur un garçonnet dans une relation de pédophilie homosexuel. Car ce n'est pas le comportement attendu d'un "mâle" dans un contexte patriarcal, fût-ce pour dominer son autre.
L'affaire Matzneff, c'est le symptôme de la disparition progressive de ces notions relationnelles dans la conscience collective, c'est l'atténuation progressive (dite "progressiste") de ces frontières et la tentative de confondre les différences homme/femme, parent/enfant, adulte/jeune, etc. Le lieu privilégié de cette confusion est évidemment la sexualité. La conséquence est un trouble profond de l'identité, ce qui semble ressortir du livre de la victime de Matzneff.

Or, le féminisme qui aurait vu les mauvais agissements de Matzneff n'est pas très bien placé pour dénoncer quoi que ce soit, car dans sa lutte obsessionnel contre le "patriarcat" et la "domination du mâle", il est l'agent premier de cette confusion des différences, et le moteur fondamental de la disparition des identités relationnelles qui structuraient la civilisation et les psychismes humains. Ainsi quand il dénonce la domination du mâle en Matzneff, il ne comprend rien, et il attaque le "mâle" là où il n'y en a plus. Matzneff était un "adulte" complètement régressif qui se rapproche bien plus de la confusion des genres sexuels et qui, en exposant ses coucheries au grand public, n'a fait qu'ajouter une nouvelle confusion caractéristique de notre époque : la confusion et la disparition progressive de la différence entre vie privée et vie publique (c'est le fameux "dégueulis du privé" de notre époque, dit Finkielkraut).

On connaît la fine pointe contemporaine de ce féminisme : un homme blanc sur un plateau qui refuse d'être qualifié d'homme blanc, car il estime que c'est une oppression et une assignation d'identité "socialement construite" et dans laquelle il ne se reconnaît pas ( https://www.youtube.com/watch?v=lUjrgWV5qFY ). On reconnaît un arbre à ses fruits. Dans cette vidéo, on y voit une personne tenir un discours totalement psychotique : il est homme et blanc, son apparence est évidente, mais il en vient à dire qu'il est n'est ni homme, ni blanc.

Le féminisme, dans son corps doctrinal, déploie toute son énergie pour faire imploser toutes les différences structurantes et configurer une civilisation de la confusion qui a rendu l'affaire Matzneff possible. Je ne confonds pas cela avec la lutte légitime des femmes pour la justice et le respect de leur personne à travers le monde. Les premières luttent pour un anéantissement anthropologique de l'être de l'homme, tandis que les secondes luttent pour la justice réelle et la paix entre les différences.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Carhaix » lun. 27 janv. 2020, 12:22

la Samaritaine a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 23:57
Carhaix a écrit :
dim. 26 janv. 2020, 11:13


Tout simplement parce que l'Église post Vatican II adhérait totalement à cet amoralisme libertaire, ce qui explique les multiples affaires de pédophilie en son sein ! Les expériences menées par certains dans le domaine pédagogique (comme les jardins d'enfants) ont aussi eu lieu dans le cadre catholique. Benoît XVI l'a même reconnu récemment.
Cher Carhaix,
comme Gaudens et Cinci, je pense que vous exagérez le rôle de l'Eglise post-conciliaire dans cette affaire.
Dans "Histoire d'un silence" sur l'affaire Preynat, Isabelle de Gaulmyn parle de cette Eglise de l'après- concile, puisque Preynat a sévi pendant 20 ans entre 1970 et 1991. Elle a rencontré des prêtres qui sortaient du séminaire après 68. C'était la folle ambiance, on passait le micro aux uns et aux autres pendant la messe, on exerçait une certaine...créativité liturgique, on débattait de tout, remettait tout en question, le point de vue sur les mœurs mais aussi sur les dogmes, on remettait en question le pouvoir des clercs, on évitait toute notion de pouvoir au point que dans les camps scouts, il n'y avait pas vraiment de chefs, plus vraiment de structures. Les jeunes prêtres se trouvaient très tentés par les demoiselles dans cette ambiance Woodstock et beaucoup quittaient la prêtrise pour se marier. Rien, rien à voir avec la pédophilie. Une remise en cause des règles de l'Eglise certes, mais rien qui allait dans le sens de la criminalité.
En revanche, c'est parce que Preynat dénotait totalement dans cette ambiance là qu'il a été ainsi protégé : lui était très attaché à la tradition, a créé une forme de scoutisme très structurée, proposait une catéchèse et une liturgie traditionnelle et rassurait ô combien sa hiérarchie, tant les évêques étaient déstabilisés par leurs jeunes prêtres qui les remettaient en question. C'est ainsi qu'on l'a laissé dans la même paroisse gourouter son monde pendant 20 ans, au mépris des règles de l'Eglise, parce que justement, il n'était pas un prêtre soixantuitard…Et les parents étaient rassurés de savoir leurs enfants pris en main par un homme aussi sérieux et structuré, à la catéchèse sans inventivité douteuse, sans innovation socialo-humanitaire de ces autres jeunes prêtres chevelus qui ne leur inspiraient pas confiance. Ils ont donné leur confiance au loup déguisé en berger.

Il faut ajouter aussi que les prêtres impliqués dans des scandales sexuels (pédophiles ou agression sur adultes) sont, d'après ce que j'ai observé, très enracinés dans la tradition, tenant d'un discours très sévère sur la chasteté et le péché de chair, (tiens donc !), obsédés par le démon et très dévôts à la Vierge Marie (c'était le cas de Preynat), ayant une attitude et un discours écclésial aux antipodes de leurs actes criminels. Bref, ce sont des personnalités clivées. Dct Jekyll et Mr Hyde. C'était le cas pour l'abominable Maciel mais aussi Ephraim, Thierry de Roucy, Mansour Labaky, Jacques Marin, Marie-Dominique Philippe….Tous ces gens incriminés par leur Eglise et parfois par la Justice française sont très, très éloignés des prêtes soixant-huitards aux mœurs et aux désirs nettement plus classiques et saines malgré certains dérapages en égard à leurs vœux mais non criminels.

L'ambiance libertaire post-soixantuite a bien encouragé des passages à l'actes pédophiles dans certains milieux, comme dans celui de Mazneff, mais pas en Eglise. En Eglise, les loups ont pris l'habit et la mine de censeurs sévères, tenant de l'ordre et de la morale, des gourous drapés dans leur soutane immaculée, des monstres d'hypocrisie.

On va voir ce que va nous rapporter la commission CIASE. On va certainement apprendre des choses avec précision sur ce sujet.

Bien à vous,

Samaritaine
Bonjour, Samaritaine,
Vous citez quelques cas connus. Mais le phénomène est tellement étendu que personne ne peut généraliser à partir d'une dizaine de cas notoires de prêtres conservateurs. Je n'ai jamais entendu parler d'étude analysant le parcours de l'ensemble des prêtres qui ont été incriminés et qui sont pléthore.
En revanche, le pédagogisme libertaire, comme les jardins d'enfants, a pu favoriser un discours pédophile. L'arme du pédagogue prédateur est justement d'abaisser les frontières, supprimer les hiérarchies, promouvoir un rapport amical se voulant égalitaire entre le maître et l'élève, pour arriver à créer une promiscuité. La question que je me pose franchement, c'est si ce pédagogisme malsain a pénétré dans l'Église. Et j'ai l'intuition que c'est le cas, tellement ce discours libertaire s'est justement retrouvé - comme vous me le confirmez innocemment - dans la vie de l'Église, et comme j'ai moi-même pu le constater. Toute la réforme liturgique et catéchétique en découle. Je reconnais exactement le même esprit. "L'esprit Vatican Deux" et l'esprit libertaire ne font qu'un !

Par ailleurs, j'ai été surpris, et conforté, d'apprendre que Benoît XVI allait justement dans ce sens :
https://www.lemonde.fr/societe/article/ ... _3224.html

Gaudens
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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Gaudens » lun. 27 janv. 2020, 20:14

Tout comme les journalistes du Monde mais en sens inverse,cher Carhaix,vous ne semblez pas pouvoir admettre que deux propositions soient simultanément valides:
-que les abus sexuels(pour ne parler que d'eux) ont plus de risque de survenir dans une ambiance de fort cléricalisme(le prêtre est sacré, a toujours raison,il ne faut jamais le critiquer,etc...) et
-qu'ils aient pu être favorisés par un climat généralisé d'idéologie libertaire ,qui toucha l'Eglise comme le reste de la société.
Ce qui me semble évident:les abus de ce type avant les années 1960 étant favorisés par le premier type de cause et dans les années post 1968 par un mixage de reste de mentalité ultra-cléricale ( quoiqu'alors en déclin ,évidemment) et la montée d'idées libertaires façon Libé.

Et enfin,je m'inscris en faux contre l'analogie entre toute idée de réforme liturgique(dont les origines remontent au mouvement liturgique de la fin XIXè et du début XXè siècle) avec l'assimilation "Esprit du Concile (VII) /idéologie libertaire individualiste.On peut tout au plus le dire de l'application excessive de la réforme liturgique dans les annes 1965/1980 .L'idée d'"aggiornamento" de l'Eglise(et en particulier de sa liturgie) tenait à une mentalité simplement et modérément réformiste dont on peut penser qu'elle pêcha par naiveté mais sans plus(et se fit en effet ensuite déborder).Quant à l'"Esprit du Concile" ce concept me parait bien une escroquerie majeure ,tant dans la bouche de ceux qui s'en prévalaient pour aller toujours plus loin dans l'ébranlement de l'Eglise que pour ceux qui y voient une raison de s'opposer à tout ce qu'aura plu dire,écrire e t promouvoir le dit Concile... Le Concile V II (réel) exista vraiment ,pas son supposé ectoplasme.

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Re: L'affaire Matzneff - "C'était quand même mieux avant !"

Message non lu par Kerniou » ven. 31 janv. 2020, 12:43

Que l'atmosphère sociétale ait une incidence sur les comportements pédophiles, c'est possible, mais la pédophilie reste avant tout inhérante à une problématique personnelle.
Les problématiques personnelles, hélas, restent constantes ...
Ce qui a changé est que maintenant, les coupables sont poursuivis: les parents portent plainte ... Donc les délits sont plus connus qu'avant.
L'un de mes oncles né au début des années 1920 avait été victime d'un prêtre au début des années 30 lorsqu'on envoyait en pension les élèves prometteurs dès l'âge de 8 ans. Un autre garçon de la famille, au début des années 60 a été aussi victime d'un prêtre au sujet duquel des bruits courraient depuis longtemps ... Ce prêtre a, alors, été muté ailleurs: il a été promu directeur de la pension la plus réputée du département ... A ce poste, il faut reconnaître qu'il était moins en contact avec les pensionnaires que lorsqu'il était préfet de discipline ...

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