Chère Hélène,
il n'y a rien à réconcilier parce que ce qu'a fait Gaillot est tromper ceux qui l'écoutent en jouant sur le fait qu'il y a deux paraboles, celle du semeur et celle du bon grain et de l'ivraie. Ces deux paraboles sont différentes et Jésus donne une explication pour chacune d'elle. Dans la seconde, le bon grain est les sujets du Royaume et l'ivraie ceux du Mauvais ; des personnes, que Jésus séparera à la fin de temps, donnant aux premiers accès auprès "Royaume du Père" et faisant jeter les seconds dans "la fournaise ardente". Il n'y a rien à réconcilier, seulement à ouvrir ses oreilles et à se convertir.
Mais le démon peut aussi intervenir d’une façon moins directe en induisant dans notre cœur l’illusion de croire que nous pouvons par nous-mêmes discerner de façon définitive ce qui est bon de ce qui est mauvais. Nous nous instaurons alors juges de nos frères et de nous-mêmes, juges de la moisson c’est-à-dire de l’œuvre de Dieu dans les cœurs, autrement dit juges de Dieu puisqu’entre Dieu et son œuvre c’est tout un.
C'est faux, Dieu nous a donné une conscience morale et c'est bien pour nous en servir. L'auteur assimile le jugement qui est l'acte de la conscience avec le jugement au tribunal (celui qui appartient à Dieu). C'est le procédé classique pour excuser les fautes sans avoir à se repentir. Juger de manière définitive du bien et du mal n'implique pas que l'on juge les pécheurs et les envoie en enfer. Par contre contre cela implique qu'on ne puisse ignorer qu'ils sont pécheurs et qu'ils se dirigent vers la fournaise. Et cela implique aussi qu'on se connaisse et reconnaisse soi-même comme pécheur, et qu'on puisse implorer le pardon.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille relativiser la distinction entre le bien et le mal. En effet, l’ivraie n’est pas du bon grain, et le bon grain ne saurait se confondre avec l’ivraie. Le bien et le mal s’impose à tous dans les mêmes termes et avec la même exigence et ne sont relatifs en rien aux conditions subjectives de chacun.
En fait, le piège est de prétendre juger du bien et du mal de façon définitive et clôturante à un instant donné en enfermant l’autre ou soi-même dans sa faute et en excluant toute possibilité de changer. L’impasse est alors faite sur la miséricorde divine qui agit dans la durée et ne réduit jamais quelqu’un aux actes qu’il a posés à un moment donné de sa vie.
C'est encore faux et même archi-faux. Il n'y a pas de piège, il a une question qui est celle du repentir et de la conversion. Et la faute, le péché, sont irréversibles. Il est impossible d'y échapper autrement qu'en s'en repentant et en demandant pardon. Seulement cette demande de pardon suppose un jugement de la conscience qui reconnaît le mal du péché.
Et hors du pardon, il n'y a pas d'acquitement possible. Tous sont coupables :
"Quoi donc ? L'emportons-nous ? Pas du tout. Car nous avons établi que Juifs et Grecs, tous sont soumis au péché,
comme il est écrit : Il n'est pas de juste, pas un seul,
il n'en est pas de sensé, pas un qui recherche Dieu.
Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis ;
il n'en est pas qui fasse le bien, non, pas un seul.
(...)
Or, nous le savons, tout ce que dit la Loi, elle le dit pour ceux qui sont sous la Loi, afin que toute bouche soit fermée, et
le monde entier reconnu coupable devant Dieu,
puisque personne ne sera justifié devant lui par la pratique de la Loi." (Rm 3, -20)
Tous sont enfermés dans le péché, liés par leur faute. La seule issue est le pardon. On peut tuer quelqu'un à 20 ans et mourir à 80 ans après avoir passé sa vie à faire le bien, cela ne change rien, le péché est là. On peut changer mais on ne peut pas faire que les choses n'aient pas eu lieu. Par contre on peut se repentir et demander à Dieu son pardon.
Car ce n’est qu’au terme d’une vie qu’on peut en faire le bilan et encore (...) à la lumière de ce que l’Esprit seul peut révéler, lui qui connaît le fond des cœurs.
Là encore c'est faux. Dieu ne nous juge pas en faisant un bilan, du genre il en a tué 50 mais comme il en a sauvé 51, c'est bon, il est sauvé.
Et l'Esprit Saint ne fait pas que connaître le fonds des coeurs, il éclaire la conscience :
"Cependant je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars,
je vous l'enverrai.
Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement" (Jn 16, 7-8)
et renouvelle notre jugement :
"Je vous dis donc et vous adjure dans le Seigneur de ne plus vous conduire comme le font les païens, avec leur vain jugement
et leurs pensées enténébrées : ils sont devenus étrangers à la vie de Dieu à cause de l'ignorance qu'a entraînée chez eux l'endurcissement du cœur,
et, leur sens moral une fois émoussé, ils se sont livrés à la débauche au point de perpétrer avec frénésie toute sorte d'impureté.
Mais vous, ce n'est pas ainsi que vous avez appris le Christ,
si du moins vous l'avez reçu dans une prédication et un enseignement conformes à la vérité qui est en Jésus,
à savoir qu'il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes,
pour
vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement
et revêtir l'Homme Nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité." (Ep 4, 17-24)
"Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que
le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait." (Rm 12, 2)
pas à la lumière de nos critères humains (ce ne sont pas les serviteurs qui moissonnent mais les Anges de Dieu),
Les critères des chrétiens ne sont pas humains, à partir du moment où on a reçu l'Esprit saint, renouvelé spirituellement son jugement et reçu le Christ dans une prédication et un enseignement conformes à la vérité qui est en Jésus. Et d'après ces critères nous n'en savons pas moins que les anges sur le péché qui règne dans le monde :
"Quand l'un de vous a un différend avec un autre, ose-t-il bien aller en justice devant les injustes, et non devant les saints ?
Ou bien
ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? Et si c'est par vous que le monde doit être jugé, êtes-vous indignes de prononcer sur des riens ?
Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? A plus forte raison les choses de cette vie !" (1 Co 6, 1-3)
Le problème, donc, ici est double : 1. Il est impossible d'être sauvé sans demander pardon, c'est-à-dire sans se repentir, c'est-à-dire sans juger du péché. 2. Il est impossible d'empêcher quiconque de refuser le pardon de Dieu, impossible de retirer à quiconque sa liberté de se perdre.
C'est dur, ce n'est pas forcément ce qu'on a envie d'entendre, mais c'est comme ça. Il est évident qu'on ne doit ni ne peut nous-mêmes émettre le décret qui appartient à Dieu seul, ce n'est pas à nous de le prononcer. Mais nous connaissons par avance la sentence, parce qu'elle nous concerne aussi. Dieu, le Christ, les Apôtres et les Saints nous ont suffisamment enseigné... nous savons ce qu'est le péché et nous savons aussi qu'il existe un pardon, à nous de choisir la voie, en toute conscience.