[Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques ; réponses de l'Eglise en France

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[Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques ; réponses de l'Eglise en France

Message non lu par Cgs » jeu. 07 oct. 2021, 12:22

Bonjour,

Je propose d'ouvrir ce fil de discussion pour tous ceux qui ont lu le rapport Sauvé publié le 5 octobre 2021 par la commission CIASE.

Le rapport peut se trouver ici : https://www.ciase.fr/rapport-final/

Pour les personnes qui n'ont pas lu le rapport et qui souhaitent discuter de la CIASE en général et du sujet des abus dans l'Eglise dans leur généralité, vous avez ce fil de discussion : https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 93&t=46580

Je n'ai pas encore tout lu (j'en suis à la page 140 sur 548),mais je peux déjà vous livrer des éléments de réflexion. Je complèterai au fur et à mesure.

I) Synthèse de ce que révèle le rapport :

:arrow: le rapport analyse la période de 70 ans en 3 phase distinctes : 1950-1970, 1970-1990, après 1990. Le phénomène des abus sexuels est surtout marqué sur la 1ère période, le nombre de cas rapportés diminue dans la 2ème et la 3ème pếriode pour plusieurs raisons détaillées dans le rapport (dont les deux principales sont l'effondrement des vocations et des structures accueillant les jeunes d'une part ; l'individualisation de la société d'autre part, qui a coupé la population de l'Eglise). Voir paragr 244 à 248.

:arrow: le rapport pointe précisément le nombre de victimes connues, et rapproche ces chiffres avec ceux d'autres structures accueillant les jeunes. Le nombre statistiquement estimé de victimes est entre 216000 et 330000 personnes sur 70 ans. Ce nombre est à rapprocher du nombre total de personnes ayant subi des abus sexuels sur la période, estimé autour de 5,5 millions. Le rapport compare ce qui s'est passé dans l'Eglise et ce qui s'est passé dans les autres structures de la société : cercle familial, amical, l'école publique, les colonies/camps de vacances, les clubs de sport et les structures d'activités culturelles. Dans l'ordre, les milieux les plus affectés sont :
Le cercle familial (3,8% des plus de 18 ans ont subi des abus dans ce cadre)
L'Eglise (1,16%, dont 0,82% par des clercs, le reste étant perpétré par des laïcs en lien avec l'Eglise)
Les colonies/camps (0,36%)
L'école publique (0,34%)
Les clubs de sport (0,28%)
Les structures d'activités culturelles (0,17%)

:arrow: le rapport évalue le nombre d'agresseurs et la typologie des enfants agressés. Il situe entre 2900 et 3200 le nombre de clercs agresseurs (2,5 à 2,8% de l'effectif sur la période considérée). Au vu du nombre de victimes, il semble établi que la plupart des agresseurs sont multi-récidivistes et que le phénomène des abus sexuels est très rarement un acte ponctuel qui ne se reproduit pas. Cela est d'ailleurs compatible avec la littérature sur la criminalité envers les enfants et les adolescents, la récidive étant une quasi-constante dans ces situations si l'agresseur n'est pas empêché.
Les victimes sont pour l'immense majorité des jeunes garçons de 10 à 13 ans (80%).

II) Les mérites du rapport :

:arrow: Le travail d'introspection réalisé depuis 2 ans, à la demande de l'Eglise, dont le rapport est l'aboutissement, a l'immense mérite d'attaquer le problème des abus sexuels dans l'Eglise depuis 1950. A ce titre, la démarche est exemplaire ; et à ma connaissance, aucune organisation au monde n'a engagé une telle initiative aussi transparente sur ce sujet pour établir la vérité. L'objectif, clairement affirmé, est de faire la lumière sur ce qui s'est passé depuis 70 ans dans l'Eglise, de façon à agir pour que cela ne se reproduise plus.

:arrow: le rapport définit précisément ce qu'est l'abus et en distingue 6 types : l'abus paroissial, l'abus scolaire, l'abus familial, l'abus éducatif, l'abus thérameutique et l'abus prophétique. Ces abus sont souvent liés aux 3 leviers suivants : les sacrements, la vocation, la charité à travers le service. Cette typologie aide à mieux comprendre par quels canaux sont passés les abus sur la période étudiée.

:arrow: Le rapport détaille sa méthode pour parvenir à ses fins. Les outils utilisés pour mettre en évidence le phénomène des abus sexuels sont très diversifiés : statistiques, témoignages de victimes, de clercs et de personnes concernées (plus ou moins proches de l'Eglise), entretiens semi-directifs, études des archives diocésaines. Chaque outil éclaire la réalité sous un angle intéressant et permet de mieux prendre la mesure de ce qui s'est réellement passé. Ainsi, la démarche est le reflet de la constitution de la commission CIASE, à savoir un panel de personnes aux compétences diverses et complémentaires, dont l'indépendance a été renforcée par l'absence dans la commission de personnes appartenant à la hiérarchie catholique.


III) Les critiques du rapport :

Les deux principales critiques portent :
1) sur les défauts de la méthodologie (j'en pointe plusieurs ci-après)
2) sur l'interprétation des données traitées et de la formulation des facteurs explicatifs et des recommandations idéologiques proposées

1) Sur les défaut de méthodologie :

:arrow: La méthodologie (comparaison des chiffres, rapprochements de données) souffrent d'approximations très discutables.
Par exemple, lorsque le rapport compare le nombre d'abus dans l'Eglise et dans les autres structures de la société, elle prend des données qui n'ont pas fait l'objet de la même rigueur que celles utilisées pour l'Eglise. Ainsi, il est probable que le rapport minimise les faits dans l'Education Nationale. Comparer les quelques statistiques que l'on a , obtenues par des études bien moins poussées que celles de la CIASE, avec celles du rapport après 2 ans d'enquête, il y a de quoi s'interroger sur ce rapprochement. D'autant qu'il existe des études internationales sur le sujet, qui placent plutôt l'Eglise dans une position plus favorable que d'autres milieux, avec proportionnellement moins de cas d'abus sexuels que dans l'école publique.
Autre approximation : l'interpolation statistique. Le rapport estime entre 216 000 et 330 000 le nombre de victimes, selon les travaux de l'INSERM qui a extrapolé statistiquement les 6000 contacts (témoignages, entretiens directs et téléphoniques, courriers) réalisés par la commission CIASE, selon la méthode des quotas. Le problème est que cette méthode statistique postule une structure de l'échantillon, et s'il est vrai que toutes les victimes ne parlent pas, les contacts pris auprès de ceux qui parlent peuvent biaiser l'échantillon, puisqu'on n'interroge pas ceux à qui il n'est rien arrivé. De plus, l'étude par questionnaire porte sur environ 28000 personnes, mais a été réalisée sur Internet. Le contrôle de la véracité de ce qui y est transmis jette le doute sur la démarche.

:arrow: l'utilisation et la citation des témoignages dans le rapport ne reflète pas la réalité statistique des victimes. On a, de ce que j'ai pu lire, 1/3 de témoignages de femmes et 2/3 de témoignages d'hommes (proportion personnelle évaluée par mes soins à mon stade de lecture), alors que l'essentiel des victimes sont des hommes. L'utilisation du témoignage dans le rapport est d'ailleurs présenté de manière sensible, pour, le rapport le dit, interpeller sur les horreurs commises. Ce sentimentalisme n'a pas sa place dans un rapport qui se veut rigoureux. Si les témoignages sont essentiels pour la démarche et ont des informations précieuses à révéler pour l'étude, ils ne doivent pas être instrumentalisés à des fins sentimentalistes pour aggraver les résultats. Il existe d'ailleurs en sciences sociales des méthodologies pour analyser des contenus qualitatifs comme les témoignages. A mon stade de lecture, le rapport ne mentionne pas de telles méthodologies.

:arrow: La distinction du phénomène en 3 phases (1950->1970, 1970->1990, 1990-> 2020) est artificielle est de recouvre pas du tout les profonds changements des années 60. Du coup, la période 50-70 n'est absolument pas homogène et les tumultes ante et post Concile Vatican II ne peuvent qu'amener à relativiser ce que dit le rapport sur cette période. Le rapport en parle d'ailleurs assez peu. Je vous renvoie à l'analyse du père LAGUERIE sur le sujet : https://blog.institutdubonpasteur.org/L ... ve-a-vomir (le ton est acerbe et excessif, mais l'analyse relativement juste)

2) Sur les interprétations erronées des résultats et l'idéologie sous-jacente des recommandations de la commission CIASE :

Le plus grave reproche que l'on peut faire au rapport et la commission CIASE tient aux recommandations qu'elle formule. Ces recommandations souffrent d'idéologie et ne comprennent absolument pas ce qu'est l'Eglise. Les propositions sont donc au mieux des évidences (il faut un discernement pour les séminaristes), au pire des attaques contre l'Eglise pour la réformer selon les idées du monde (on garde le secret de la confession, sauf pour les abus sexuels, la loi civile est supérieure à la loi de l'Eglise). Détails :

:arrow: dans les recommandations, l'accent est porté de nombreuses fois sur la nécessité de créer des structures d'évaluation de la situation (recommandation 2, 3, 12, 13, 14, 15, 35(redondant) : créer des services dédiés, faire un bilan annuel, créer un numéro vert, dynamiser le contrôle interne, etc.)
En gros, faire de l'Eglise une bureaucratie inefficace, à l'image de notre Etat régalier glouton, au-lieu de se recentrer sur l'essentiel : l'annonce de l'Evangile. Bien évidemment qu'il faut agir, mais pas comme cela ! Un maître-mot à appliquer ici : la subsidiarité... Et ce n'est pas ce qui est proposé !

:arrow: Les recommandations 23 à 27 propose une responsabilité civile de l'Eglise dans son ensemble, en plus de la responsabilité civile des personnes. Ces recommandations sont très dangereuses, car on va évaluer, et potentiellement condamner, un système de fonctionnement sur des bases floues. En fait, il n'est pas possible, juridiquement, de condamner un système, ce dernier n'étant pas un objet de droit. Les propositions vont donc se tourner vers l'attaque de la responsabilité des associations diocésaines en tant que personnes morales. Outre que ces responsabilités sont difficiles à établir (sur quelles bases?), le but réel de ces propositions n'est-il pas en réalité de faire payer financièrement quelqu'un, là où l'agresseur ne pourra pas payer ? Ce fut déjà le cas aux Etats Unis, où des diocèses ou des églises non catholiques ont dû indemniser à grand frais les victimes financièrement pour des faits commis par certains de leurs membres, au point parfois de faire faillite (n'est-ce pas le but non avoué?). Mais quelle est la pertinence de faire payer au sens civil toute l'Eglise pour les fautes de seulement quelques uns ? C'est à mon sens une fausse conception de la justice et un dévoiement de ce que dit Saint Paul en 1 Cor XII,26... La proposition de justice réparative proposée reste assez tournée vers l'indemnisation des victimes. L'Eglise n'a pas attendu ce rapport pour accueillir les victimes dans toute leur dimension humaine, pas seulement financière...

:arrow: La recommandation 36 est hors sujet et idéologique. En quoi mettre davantage de femmes dans les structures décisionnelles de l'Eglise va-t-il aider à lutter contre les abus sexuels ? Cette recommandation méconnaît gravement ce qu'est l'Eglise sur plusieurs points :
a) Les femmes sont déjà très présentes dans l'Eglise. De fait, sans forcément avoir de reconnaissance officielle, elles ont un pouvoir décisionnel.
b) La hiérarchie de l'Eglise n'est pas une structure d'ascension du pouvoir (ou ne devrait pas l'être, nous savons que même dans l'Eglise, il y a des dysfonctionnement sur ce point). Etre dans la hiérarchie de l'Eglise, c'est servir, non exercer un pouvoir. Donc revendiquer plus de pouvoir aux femmes, comme le font les féministes dans la société civile, n'est-ce pas une volonté de transformer la notion de service en lutte de pouvoir ? Pourquoi vouloir officialiser une reconnaissance de type hiérarchique pour des personnes qui donnent de leur temps à l'Eglise, si ce n'est semer le trouble ?

La recommandation 36 me semble donc à mon sens l'antichambre vers le sacerdoce féminin, réclamé par les ennemis de l'Eglise, pour mieux la détruire de l'intérieur.

:arrow: Idem pour le paragraphe 2 de la recommandation 4 : en quoi changer la discipline du célibat dans l'Eglise répond-elle à l'objectif ? En rien, c'est hors sujet et idéologiquement progressiste. Mais bon, dans l'ensemble du rapport, ça sème un vent de progressisme...

:arrow: Le rapport a l'audace de réclamer une révision du droit de l'Eglise (recommandations 9, 10, 11, 34, 37 et les scandaleuses n°8 et n°43). Ces recommandations veulent changer le vocabulaire de l'Eglise, et donc son discours sur le péché et la morale sexuelle. Selon le rapport, la fixation de l'Eglise sur la morale sexuelle serait contre-productif pour lutter contre les abus (sic!). On constate d'ailleurs que le rapport veut mettre les droits de la victime à la première place, quitte à changer le catéchisme. On peut répondre à cela que l'Eglise a toujours eu pour les personnes une profonde attention. Elle a toujours distingué le pécheur de son péché, à l'image du Christ. La recommandation 10 est donc au mieux inutile, au pire instrumentalise la victime pour accuser l'Eglise et la faire payer,ce qui est scandaleux.
Les propositions 8 et 43 (redondantes, comme pour insister!) préconisent de lever le secret de la confession pour des propos qui révélent des abus sexuels sur mineurs. Cela remet donc en cause le paragraphe 1467 du Catéchisme. Le fait que le rapport propose cela, en toute connaissance de cause, me semble une réelle attaque contre l'Eglise et il ne faut pas être naïf sur ce point. Car si on admet une exception au secret de la confession, on peut en légitimer d'autres et on accepte également la subordination des règles de l'Eglise aux règles de l'Etat (violant par là même le principe de laïcité, mais dans ce sens-là c'est admis...).
La formulation de cette partie de la recommandation 8 est emblématique :
Relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles
infligées à un mineur ou à une personne vulnérable
(cf. Recommandation n o 43).
L'obligation de révéler aux autorités judiciaires des faits est de droit divin ? Ah bon...

Bref, qu'a toujours fait l'Eglise dans un tel cas ? Déjà, le confesseur doit persuader le pénitent de se dénoncer à la justice des hommes, ou de dénoncer à la justice un crime dont il a connaissance. S'il obtempère pas, il doit lui refuser l'absolution. Donc tout en préservant le secret de la confession, le confesseur permet néanmoins que justice soit faite sur le plan humain. La commission CIASE sait très bien cela. Les recommandations 8 et 43 ne sont donc pas anodines...

Rappel sur ce point : la loi civile existe et est voulue par Dieu. Dieu permet que les lois civiles existent pour que les sociétés puissent se réguler. A ce titre, l'Eglise, et donc les catholiques, doivent respecter les règles juridiques en vigueur.
Toutefois, la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes. Ainsi, une loi civile en contradiction avec la loi naturelle ou la loi de Dieu n'a pas à être respectée.
Un enseignement de Benoît XVI sur le sujet : https://qe.catholique.org/politique/160 ... e-comme-le
La non-collaboration à une loi inique : http://qe.catholique.org/politique/7107 ... a-des-lois

:arrow: dernier point, et non des moindres : le rapport occulte complètement le caractère très spécifique des abus sexuels dans l'Eglise. Il s'agit essentiellement de victimes masculines abusées par des hommes. C'est donc de la pédérastie. Le rapport ne s'interroge pas du tout sur la montée et la tolérance des pratiques homosexuelles dans la société depuis 70 ans, pratiques qui ont touché et qui touchent toujours d'ailleurs, l'Eglise. C'est à mon sens minimiser le danger de la promotion, par des associations très militantes, des pratiques homosexuelles qui dépravent des pans entiers de la société. Ce facteur devrait être étudié en tant que principal facteur cause des abus sexuels dans l'Eglise, et hors de l'Eglise. Le rapport n'en dit mot.

Analyse à suivre....
Dernière modification par Cgs le mar. 09 nov. 2021, 21:56, modifié 1 fois.
Raison : Changement de titre suite à une fusion
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

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nicolas-p
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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par nicolas-p » jeu. 07 oct. 2021, 14:26

[+] Texte masqué
Cgs a écrit :
jeu. 07 oct. 2021, 12:22
Bonjour,

Je propose d'ouvrir ce fil de discussion pour tous ceux qui ont lu le rapport Sauvé publié le 5 octobre 2021 par la commission CIASE.

Le rapport peut se trouver ici : https://www.ciase.fr/rapport-final/

Pour les personnes qui n'ont pas lu le rapport et qui souhaitent discuter de la CIASE en général et du sujet des abus dans l'Eglise dans leur généralité, vous avez ce fil de discussion : https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 93&t=46580

Je n'ai pas encore tout lu (j'en suis à la page 140 sur 548),mais je peux déjà vous livrer des éléments de réflexion. Je complèterai au fur et à mesure.

I) Synthèse de ce que révèle le rapport :

:arrow: le rapport analyse la période de 70 ans en 3 phase distinctes : 1950-1970, 1970-1990, après 1990. Le phénomène des abus sexuels est surtout marqué sur la 1ère période, le nombre de cas rapportés diminue dans la 2ème et la 3ème pếriode pour plusieurs raisons détaillées dans le rapport (dont les deux principales sont l'effondrement des vocations et des structures accueillant les jeunes d'une part ; l'individualisation de la société d'autre part, qui a coupé la population de l'Eglise). Voir paragr 244 à 248.

:arrow: le rapport pointe précisément le nombre de victimes connues, et rapproche ces chiffres avec ceux d'autres structures accueillant les jeunes. Le nombre statistiquement estimé de victimes est entre 216000 et 330000 personnes sur 70 ans. Ce nombre est à rapprocher du nombre total de personnes ayant subi des abus sexuels sur la période, estimé autour de 5,5 millions. Le rapport compare ce qui s'est passé dans l'Eglise et ce qui s'est passé dans les autres structures de la société : cercle familial, amical, l'école publique, les colonies/camps de vacances, les clubs de sport et les structures d'activités culturelles. Dans l'ordre, les milieux les plus affectés sont :
Le cercle familial (3,8% des plus de 18 ans ont subi des abus dans ce cadre)
L'Eglise (1,16%, dont 0,82% par des clercs, le reste étant perpétré par des laïcs en lien avec l'Eglise)
Les colonies/camps (0,36%)
L'école publique (0,34%)
Les clubs de sport (0,28%)
Les structures d'activités culturelles (0,17%)

:arrow: le rapport évalue le nombre d'agresseurs et la typologie des enfants agressés. Il situe entre 2900 et 3200 le nombre de clercs agresseurs (2,5 à 2,8% de l'effectif sur la période considérée). Au vu du nombre de victimes, il semble établi que la plupart des agresseurs sont multi-récidivistes et que le phénomène des abus sexuels est très rarement un acte ponctuel qui ne se reproduit pas. Cela est d'ailleurs compatible avec la littérature sur la criminalité envers les enfants et les adolescents, la récidive étant une quasi-constante dans ces situations si l'agresseur n'est pas empêché.
Les victimes sont pour l'immense majorité des jeunes garçons de 10 à 13 ans (80%).

II) Les mérites du rapport :

:arrow: Le travail d'introspection réalisé depuis 2 ans, à la demande de l'Eglise, dont le rapport est l'aboutissement, a l'immense mérite d'attaquer le problème des abus sexuels dans l'Eglise depuis 1950. A ce titre, la démarche est exemplaire ; et à ma connaissance, aucune organisation au monde n'a engagé une telle initiative aussi transparente sur ce sujet pour établir la vérité. L'objectif, clairement affirmé, est de faire la lumière sur ce qui s'est passé depuis 70 ans dans l'Eglise, de façon à agir pour que cela ne se reproduise plus.

:arrow: le rapport définit précisément ce qu'est l'abus et en distingue 6 types : l'abus paroissial, l'abus scolaire, l'abus familial, l'abus éducatif, l'abus thérameutique et l'abus prophétique. Ces abus sont souvent liés aux 3 leviers suivants : les sacrements, la vocation, la charité à travers le service. Cette typologie aide à mieux comprendre par quels canaux sont passés les abus sur la période étudiée.

:arrow: Le rapport détaille sa méthode pour parvenir à ses fins. Les outils utilisés pour mettre en évidence le phénomène des abus sexuels sont très diversifiés : statistiques, témoignages de victimes, de clercs et de personnes concernées (plus ou moins proches de l'Eglise), entretiens semi-directifs, études des archives diocésaines. Chaque outil éclaire la réalité sous un angle intéressant et permet de mieux prendre la mesure de ce qui s'est réellement passé. Ainsi, la démarche est le reflet de la constitution de la commission CIASE, à savoir un panel de personnes aux compétences diverses et complémentaires, dont l'indépendance a été renforcée par l'absence dans la commission de personnes appartenant à la hiérarchie catholique.


III) Les critiques du rapport :

Les deux principales critiques portent :
1) sur les défauts de la méthodologie (j'en pointe plusieurs ci-après)
2) sur l'interprétation des données traitées et de la formulation des facteurs explicatifs et des recommandations idéologiques proposées

1) Sur les défaut de méthodologie :

:arrow: La méthodologie (comparaison des chiffres, rapprochements de données) souffrent d'approximations très discutables.
Par exemple, lorsque le rapport compare le nombre d'abus dans l'Eglise et dans les autres structures de la société, elle prend des données qui n'ont pas fait l'objet de la même rigueur que celles utilisées pour l'Eglise. Ainsi, il est probable que le rapport minimise les faits dans l'Education Nationale. Comparer les quelques statistiques que l'on a , obtenues par des études bien moins poussées que celles de la CIASE, avec celles du rapport après 2 ans d'enquête, il y a de quoi s'interroger sur ce rapprochement. D'autant qu'il existe des études internationales sur le sujet, qui placent plutôt l'Eglise dans une position plus favorable que d'autres milieux, avec proportionnellement moins de cas d'abus sexuels que dans l'école publique.
Autre approximation : l'interpolation statistique. Le rapport estime entre 216 000 et 330 000 le nombre de victimes, selon les travaux de l'INSERM qui a extrapolé statistiquement les 6000 contacts (témoignages, entretiens directs et téléphoniques, courriers) réalisés par la commission CIASE, selon la méthode des quotas. Le problème est que cette méthode statistique postule une structure de l'échantillon, et s'il est vrai que toutes les victimes ne parlent pas, les contacts pris auprès de ceux qui parlent peuvent biaiser l'échantillon, puisqu'on n'interroge pas ceux à qui il n'est rien arrivé. De plus, l'étude par questionnaire porte sur environ 28000 personnes, mais a été réalisée sur Internet. Le contrôle de la véracité de ce qui y est transmis jette le doute sur la démarche.

:arrow: l'utilisation et la citation des témoignages dans le rapport ne reflète pas la réalité statistique des victimes. On a, de ce que j'ai pu lire, 1/3 de témoignages de femmes et 2/3 de témoignages d'hommes (proportion personnelle évaluée par mes soins à mon stade de lecture), alors que l'essentiel des victimes sont des hommes. L'utilisation du témoignage dans le rapport est d'ailleurs présenté de manière sensible, pour, le rapport le dit, interpeller sur les horreurs commises. Ce sentimentalisme n'a pas sa place dans un rapport qui se veut rigoureux. Si les témoignages sont essentiels pour la démarche et ont des informations précieuses à révéler pour l'étude, ils ne doivent pas être instrumentalisés à des fins sentimentalistes pour aggraver les résultats. Il existe d'ailleurs en sciences sociales des méthodologies pour analyser des contenus qualitatifs comme les témoignages. A mon stade de lecture, le rapport ne mentionne pas de telles méthodologies.

:arrow: La distinction du phénomène en 3 phases (1950->1970, 1970->1990, 1990-> 2020) est artificielle est de recouvre pas du tout les profonds changements des années 60. Du coup, la période 50-70 n'est absolument pas homogène et les tumultes ante et post Concile Vatican II ne peuvent qu'amener à relativiser ce que dit le rapport sur cette période. Le rapport en parle d'ailleurs assez peu. Je vous renvoie à l'analyse du père LAGUERIE sur le sujet : https://blog.institutdubonpasteur.org/L ... ve-a-vomir (le ton est acerbe et excessif, mais l'analyse relativement juste)

2) Sur les interprétations erronées des résultats et l'idéologie sous-jacente des recommandations de la commission CIASE :

Le plus grave reproche que l'on peut faire au rapport et la commission CIASE tient aux recommandations qu'elle formule. Ces recommandations souffrent d'idéologie et ne comprennent absolument pas ce qu'est l'Eglise. Les propositions sont donc au mieux des évidences (il faut un discernement pour les séminaristes), au pire des attaques contre l'Eglise pour la réformer selon les idées du monde (on garde le secret de la confession, sauf pour les abus sexuels, la loi civile est supérieure à la loi de l'Eglise). Détails :

:arrow: dans les recommandations, l'accent est porté de nombreuses fois sur la nécessité de créer des structures d'évaluation de la situation (recommandation 2, 3, 12, 13, 14, 15, 35(redondant) : créer des services dédiés, faire un bilan annuel, créer un numéro vert, dynamiser le contrôle interne, etc.)
En gros, faire de l'Eglise une bureaucratie inefficace, à l'image de notre Etat régalier glouton, au-lieu de se recentrer sur l'essentiel : l'annonce de l'Evangile. Bien évidemment qu'il faut agir, mais pas comme cela ! Un maître-mot à appliquer ici : la subsidiarité... Et ce n'est pas ce qui est proposé !

:arrow: Les recommandations 23 à 27 propose une responsabilité civile de l'Eglise dans son ensemble, en plus de la responsabilité civile des personnes. Ces recommandations sont très dangereuses, car on va évaluer, et potentiellement condamner, un système de fonctionnement sur des bases floues. En fait, il n'est pas possible, juridiquement, de condamner un système, ce dernier n'étant pas un objet de droit. Les propositions vont donc se tourner vers l'attaque de la responsabilité des associations diocésaines en tant que personnes morales. Outre que ces responsabilités sont difficiles à établir (sur quelles bases?), le but réel de ces propositions n'est-il pas en réalité de faire payer financièrement quelqu'un, là où l'agresseur ne pourra pas payer ? Ce fut déjà le cas aux Etats Unis, où des diocèses ou des églises non catholiques ont dû indemniser à grand frais les victimes financièrement pour des faits commis par certains de leurs membres, au point parfois de faire faillite (n'est-ce pas le but non avoué?). Mais quelle est la pertinence de faire payer au sens civil toute l'Eglise pour les fautes de seulement quelques uns ? C'est à mon sens une fausse conception de la justice et un dévoiement de ce que dit Saint Paul en 1 Cor XII,26... La proposition de justice réparative proposée reste assez tournée vers l'indemnisation des victimes. L'Eglise n'a pas attendu ce rapport pour accueillir les victimes dans toute leur dimension humaine, pas seulement financière...

:arrow: La recommandation 36 est hors sujet et idéologique. En quoi mettre davantage de femmes dans les structures décisionnelles de l'Eglise va-t-il aider à lutter contre les abus sexuels ? Cette recommandation méconnaît gravement ce qu'est l'Eglise sur plusieurs points :
a) Les femmes sont déjà très présentes dans l'Eglise. De fait, sans forcément avoir de reconnaissance officielle, elles ont un pouvoir décisionnel.
b) La hiérarchie de l'Eglise n'est pas une structure d'ascension du pouvoir (ou ne devrait pas l'être, nous savons que même dans l'Eglise, il y a des dysfonctionnement sur ce point). Etre dans la hiérarchie de l'Eglise, c'est servir, non exercer un pouvoir. Donc revendiquer plus de pouvoir aux femmes, comme le font les féministes dans la société civile, n'est-ce pas une volonté de transformer la notion de service en lutte de pouvoir ? Pourquoi vouloir officialiser une reconnaissance de type hiérarchique pour des personnes qui donnent de leur temps à l'Eglise, si ce n'est semer le trouble ?

La recommandation 36 me semble donc à mon sens l'antichambre vers le sacerdoce féminin, réclamé par les ennemis de l'Eglise, pour mieux la détruire de l'intérieur.

:arrow: Idem pour le paragraphe 2 de la recommandation 4 : en quoi changer la discipline du célibat dans l'Eglise répond-elle à l'objectif ? En rien, c'est hors sujet et idéologiquement progressiste. Mais bon, dans l'ensemble du rapport, ça sème un vent de progressisme...

:arrow: Le rapport a l'audace de réclamer une révision du droit de l'Eglise (recommandations 9, 10, 11, 34, 37 et les scandaleuses n°8 et n°43). Ces recommandations veulent changer le vocabulaire de l'Eglise, et donc son discours sur le péché et la morale sexuelle. Selon le rapport, la fixation de l'Eglise sur la morale sexuelle serait contre-productif pour lutter contre les abus (sic!). On constate d'ailleurs que le rapport veut mettre les droits de la victime à la première place, quitte à changer le catéchisme. On peut répondre à cela que l'Eglise a toujours eu pour les personnes une profonde attention. Elle a toujours distingué le pécheur de son péché, à l'image du Christ. La recommandation 10 est donc au mieux inutile, au pire instrumentalise la victime pour accuser l'Eglise et la faire payer,ce qui est scandaleux.
Les propositions 8 et 43 (redondantes, comme pour insister!) préconisent de lever le secret de la confession pour des propos qui révélent des abus sexuels sur mineurs. Cela remet donc en cause le paragraphe 1467 du Catéchisme. Le fait que le rapport propose cela, en toute connaissance de cause, me semble une réelle attaque contre l'Eglise et il ne faut pas être naïf sur ce point. Car si on admet une exception au secret de la confession, on peut en légitimer d'autres et on accepte également la subordination des règles de l'Eglise aux règles de l'Etat (violant par là même le principe de laïcité, mais dans ce sens-là c'est admis...).
La formulation de cette partie de la recommandation 8 est emblématique :
Relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles
infligées à un mineur ou à une personne vulnérable
(cf. Recommandation n o 43).
L'obligation de révéler aux autorités judiciaires des faits est de droit divin ? Ah bon...

Bref, qu'a toujours fait l'Eglise dans un tel cas ? Déjà, le confesseur doit persuader le pénitent de se dénoncer à la justice des hommes, ou de dénoncer à la justice un crime dont il a connaissance. S'il obtempère pas, il doit lui refuser l'absolution. Donc tout en préservant le secret de la confession, le confesseur permet néanmoins que justice soit faite sur le plan humain. La commission CIASE sait très bien cela. Les recommandations 8 et 43 ne sont donc pas anodines...

Rappel sur ce point : la loi civile existe et est voulue par Dieu. Dieu permet que les lois civiles existent pour que les sociétés puissent se réguler. A ce titre, l'Eglise, et donc les catholiques, doivent respecter les règles juridiques en vigueur.
Toutefois, la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes. Ainsi, une loi civile en contradiction avec la loi naturelle ou la loi de Dieu n'a pas à être respectée.
Un enseignement de Benoît XVI sur le sujet : https://qe.catholique.org/politique/160 ... e-comme-le
La non-collaboration à une loi inique : http://qe.catholique.org/politique/7107 ... a-des-lois

:arrow: dernier point, et non des moindres : le rapport occulte complètement le caractère très spécifique des abus sexuels dans l'Eglise. Il s'agit essentiellement de victimes masculines abusées par des hommes. C'est donc de la pédérastie. Le rapport ne s'interroge pas du tout sur la montée et la tolérance des pratiques homosexuelles dans la société depuis 70 ans, pratiques qui ont touché et qui touchent toujours d'ailleurs, l'Eglise. C'est à mon sens minimiser le danger de la promotion, par des associations très militantes, des pratiques homosexuelles qui dépravent des pans entiers de la société. Ce facteur devrait être étudié en tant que principal facteur cause des abus sexuels dans l'Eglise, et hors de l'Eglise. Le rapport n'en dit mot.

Analyse à suivre....
merci pour votre analyse.
le point de vue des victimes est autre bien sur et doit être aussi entendu.

quelle que soit les bonnes volontés, il y a un risque de surenchère et on le voit déjà:
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/secr ... e-20211007

j'espère qu'une solution sera trouvée tant pour les victimes que pour l'Eglise
Dernière modification par Cgs le ven. 08 oct. 2021, 10:24, modifié 2 fois.
Raison : Ajout des balises "spoiler" pour alléger le message ; pensez à les utiliser si ce que vous citez est long.

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par PaxetBonum » ven. 08 oct. 2021, 8:43

Merci CGS pour votre analyse claire et impartiale.

Vous relevez 3 points essentiels qui montrent que ce rapport est faussé et peu utile au final, tout le travail reste donc à faire :

- une conclusion de 300 000 abus sur le témoignage via internet de 28000 personnes… avec de telles extrapolations à partir de données aussi peu fiables on peut raconter n'importe quoi…

- les tranches de périodes choisies évitent d'étudier les périodes clefs qui pourraient éclairer sur des causes de ces crimes : mai 68 et le concile.

- l'ignorance (voulue ?) de la prépondérance des crimes homosexuels et donc le lien déjà dénoncé par sa Sainteté Benoît XVI entre pédérastie et homosexualité.

Bref on a apparemment obtenu un catalogue de crimes présumés pour se faire battre mais rien de concret pour en analyser la réelle profondeur et les causes afin de en plus voir cela se reproduire à l'avenir…

Désolé mes commentaires sont toujours décalés et souvent censurés car je suis un ignoble pécheur en pénitence

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Héraclius » ven. 08 oct. 2021, 18:41

Si nous n'avons d'autre réaction au rapport Sauvé que le vieux réflexe de défense de l'Eglise, vieux réflexe qui a fait tant de mal par le passé, c'est que nous ne comprenons pas sa porté.

J'entend bien que le rapport a des limites, de différents ordres, méthodologiques et théologiques. Il sont réels. Mais sur le fond, il révèle surtout qu'il y a un mal fonctionnement systémique de l'institution ; les évêques ont eu dans de nombreux cas, et ont toujours (car le rapport montre bien que les courbes de changent pas depuis les révélations des années 2000) d'abord comme priorité le "pas de vague" et non pas la justice et la reconnaissance des victimes. Ca se passe aujourd'hui en France.

Ensuite (et je dis ça comme tradi), la rapport à mon sens montre bien qu'on NE PEUT PAS se contenter de rejeter la source du problème sur "les progressistes". Non, non, non.

Oui, le rapport montre bien qu'il y a des causes "progressistes" à la crise. Par exemple, une culture de la miséricorde sans justice, sans sens du péché, de la pénitence et de la réparation, dont on pu se servir des abuseurs pour convaincre leurs évêques qu'il s'étaient repentis et qu'on a renvoyé au contact d'enfants sans exiger rien d'eux que des engagements qu'il n'ont pas tenus.

MAIS ce serait profondément nous méprendre que de croire que la chose s'arrête là. Le rapport montre bien qu'un nombre colossal d'abus a eu lieu bien avant le Concile.* Enfait, il faut bien avoir conscience que toute population produit nécessairement un certain pourcentage de détraqués sexuels. Il y aura des pédophiles partout jusqu'à la fin des temps. Le problème ecclésial, c'est que le statut sacerdotal a permis a des abuseurs d'accéder à un degré d'impunité très difficile à atteindre ailleurs dans la société.

Il y a donc des causes à la crise qui n'ont rien de progressistes, comme le statut "sacré" du prêtre. Il ne s'agit pas de dire que l'Eglise doit nécessairement y renoncer mais qu'il a pu être un instrument extrêmement puissant dans les mains d'individus sans scrupules de la même manière que la miséricorde elle-même a pu être dévoyée.

Oui, des familles se sont tues pour ne pas mettre en cause un prêtre. Parce que c'est l'abbé machin, et qu'on accuse pas un prêtre.

Oui, des familles ont pu faire une confiance sans limite à des prêtres en leur donnant un accès à leurs enfants qu'il est tout simplement impossible à avoir pour tout autre catégories d'acteurs sociaux.

Oui, des prêtres et des évêques conservateurs, justement parce qu'ils ne voulaient pas prêter le flanc aux critiques anticléricales d'une société hostile à l'Eglise, ont couvert des abus.

Nous ne pouvons pas admettre que ces choses continuent d'avoir lieux. Nos milieux ne sont pas susceptibles d'être mieux protégés contre les horreurs de la pédophilie juste parce que nous avons la bonne opinion sur Mai 68 ! Il faut réformer cette machine en roue libre qu'est l'Eglise aujourd'hui : non pas sur sa doctrine, la chose est entendue, mais ce n'est pas d'abord de cela que parle la CIASE, passé quelques remarques maladroite. La remarque sur les procédures canoniques de l'Eglise et son abscence de distinction des pouvoirs qui met les évêques dans des situations de conflit d'intérêt complexes (ils sont à la fois pères, juges et DRH des prêtres abuseurs qu'ils gèrent) doit par exemple nous interpeler. Il y a un truc qui ne fonctionne pas, et qui fait du mal. Il faut agir. Concrètement. Et certaines solutions sont bureaucratiques, oui. Il faut que les différents supérieurs aient des comptes à rendre, un regard sur leurs actions : ce qui est quasi-inexistant dans de vastes pans de l'Eglise qui fonctionne sur un système qui n'a pas évolué depuis le moyen-âge...


Et d'abord et avant tout, il faut nous laisser interpeller sur le sort des victimes. Il faut pleurer, et avoir honte comme Eglise. Et pas juste accuser le "camp d'en face" de nos querelles ecclésiales d'être le coupables (il y a suffisamment d'abus et d'abjections de toutes sortes dans les deux camps pour qu'aucun ne puisse prétendre avoir les mains blanches et rejeter la faute sur l'autre).


J'ai peur, très peur d'une Eglise si paralysé par ses querelles internes qu'elle soit incapable de se réformer, et qu'à nouveau, l'abjection frappe, sans changement, sans évolution, sans contrition...


*A vrai dire, je pense qu'on peut interpréter l'augmentation qu'il montre au début des années 60 comme le signe d'un abaissement des moeurs du clergé qui correspond à l'arrivée des générations qui feront 68. Mais reste que les chiffres de la période 50-60 restent extrêmement élevés et que leurs causes s'expliquent parfaitement au sein d'une institution conservatrice.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par nicolas-p » ven. 08 oct. 2021, 19:38

Merci aussi à vous heraclius pour la justesse de vos remarques.

Que nous soyons méprisés par certains est malheureusement mérité.
Dernière modification par nicolas-p le ven. 08 oct. 2021, 20:44, modifié 1 fois.

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Relief » ven. 08 oct. 2021, 20:34

Une remarque : les journaux qui s'en donnent à cœur joie contre l’Église suite au rapport Sauvé sont ceux-là même qui faisaient la promotion de la pédophilie dans les années 70, Libération en tête.

https://www.breizh-info.com/2020/07/14/ ... edophilie/

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Ombiace » ven. 08 oct. 2021, 20:52

nicolas-p a écrit :
ven. 08 oct. 2021, 19:38
Que nous soyons méprisés par certains est malheurusement mérité.
Bonsoir Nicolas.

Qui désignez-vous par ce "nous", svp?

Perso, même si je suis attaché à la confession, je préfèrerais m'en passer, ou bien accepter que mes péchés soient rendus publiques, plutôt que des victimes subissent tout cela..

Il faut plus que jamais prier..
surtout pour ceux qui sont en charge des décisions, auxquels ma contribution (celle de ce message) ne facilite pas les choses, j'en suis conscient

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par nicolas-p » ven. 08 oct. 2021, 21:15

Le nous est pour "catholiques".

Je signifiais simplement que malheureusement les catholiques (et surtout les prêtres) seront méprisés voir insultés par certains à l'extérieur de l'église mais c'est un prix à payer mérité vu l'ampleur des atrocités.
Même si individuellement nous n'avons rien fait, nous avons une responsabilité en tant que corps mystique du Christ.

A l'échelle individuelle c'est injuste mais il est normal de réparer même sans responsabilité directe.

Je me moque "personnellement " que mes confessions puissent être dénoncées. et cela en rien ne m'empêchera de me confesser par confiance totale envers les prêtres.

Mais la confession est plus que cela c'est un face à face avec le
Christ et même un pape ne peut lever ce secret.

De toute façon, on le sait très bien, aucun abuseur n'ira se dénoncer en confession surtout et particulièrement si il sait qu'il sera dénoncé.

Par contre comme Mgr de Moulins Beaufort l'a indiqué, il faut trouver des solutions :

Un enfant pourrait se confier en confession et c'est surtout là où il faut trouver une solution :
Demander l'autorisation de parler, de dénoncer des faits si uniquement l'enfant l'autorise?
Quid si il refuse? C'est le trahir quelque part que de passer outre même pour son bien.

Le revoir hors confession ? Pour parler et là, le secret n'est plus de mise...

Les abus non dénoncés sont la conséquence de personnes qui savaient dans l'Eglise ( hors confession justement ) ou soupçonnaient et qui ont couvert pour protéger l'institution.

N'est ce pas une mesure inutile que de vouloir toucher au secret de la confession?
Dernière modification par nicolas-p le sam. 09 oct. 2021, 9:57, modifié 2 fois.

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Ombiace » ven. 08 oct. 2021, 21:27

La chose est singulière .

On se trouve, si je vous en crois, solidaire malgré nous de la pédophilie.

J'ai bien du mal à admettre que cette complexité existe

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Ombiace » ven. 08 oct. 2021, 21:39

nicolas-p a écrit :
ven. 08 oct. 2021, 21:15
C'est une mesure inutile que de vouloir toucher au secret de la confession.
En quoi ce secret serait-il si chrétien?

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par nicolas-p » ven. 08 oct. 2021, 21:45


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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Ombiace » ven. 08 oct. 2021, 21:49

J'ai oublié de vous remercier de votre réponse; tout ceci doit me perturber: merci

Tout ceci veut-il dire que Jésus cautionnerait ce secret de la confession, dans ce contexte qui ne défavorise pas et même protège la pédophilie?

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Trinité » ven. 08 oct. 2021, 21:55

Bonsoir nicolas p,

Vous dites :
"De toute façon, on le sait très bien, aucun abuseur n'ira se dénoncer en confession surtout et particulièrement si il sait qu'il sera dénoncer."
Si votre hypothèse est juste, cela voudrait dire que, à aucun moment ils n'ont reçu l'absolution , et que le confesseur n'était pas au courant de leurs actes?
Mais nous sommes carrément dans le domaine de la spéculation.

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par nicolas-p » ven. 08 oct. 2021, 22:07

Oui une part de spéculation
ou d'incertitude n'étant ni prêtre et aucun mandat dans l'église.

Je serais bien étonné qu'un prêtre pédophile qui vienne se dénoncer et regretter sincèrement reçoive l'absolution sans pénitence :
La première pénitence dans ce cas est d'exiger impérativement de se dénoncer aux autorités civiles. C'est le premier pas nécessaire pour pouvoir être pardonné et absout.

Seule l'Eglise pourra répondre. Je n'ai ni la connaissance ni la compétence ni la légitimité.

Tout ceci n'est que discours de forum d'un simple catholique que je suis bien peu compétent

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Re: [Rapport SAUVÉ de la commission CIASE] Analyse et critiques

Message non lu par Ombiace » ven. 08 oct. 2021, 22:16

Oui, merci Nicolas, rendons ce fil à son objectif premier : le rapport
Avec mes excuses, cgs, pour l avoir fait dévier..

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