La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

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lys
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La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par lys » ven. 09 févr. 2018, 19:06

Bonjour,

Étant novice, je m'excuse par avance si la question a déjà été posée, ou bien si elle est trop polémique, ou encore si le vocabulaire que j'utiliserai n'est pas assez précis ou erroné.

J'ai cru comprendre que la crise dans l'Eglise était une "scission" en plusieurs mouvements dans l'Eglise : cela daterait de Vatican II, et il y aurait en gros les "pour" et les "contre" Vatican II (je formule tel que je l'ai compris). D'un côté, on retrouverait les modernistes, ou conciliaires, et de l'autre les traditionalistes (FSSP, FSSPX, etc. ?).

Ces désaccords sont-ils d'ordre dogmatique ? Et si oui, pourquoi le Pape ne rétablit pas ces dogmes une fois pour toutes ? On pourrait alors dire si oui ou non on est catholique. Sinon, de quel ordre sont ces désaccords ?

Et si ce ne sont que des "subtilités' de théologien, pourquoi cela affecte-t-il les fidèles ? J'ai parfois entendu des conciliaires traiter avec mépris des traditionalistes et inversement. Cela signifie-t-il que pour chacun des "camps", l'autre n'est pas catholique ?

Merci d'avance pour vos réponses.

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Héraclius
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Héraclius » ven. 09 févr. 2018, 19:58

Bonjour Lys,

La crise, c’est avant tout, il me semble, l’effondrement de l’Eglise en Europe, les églises vides, l’abscence de vocation. Cette crise, et ses causes, font l’objet de controverses parmis les Catholiques, en particulier au niveau du rôle du Concile Vatican II. En effet, c’est dans les années 60 et 70 que toutes les courbes de vocations et de pratique se sont effondrées, à une époque de réforme et de grands bouleversements dans l’Eglise à la suite de ce Concile.

En gros, certains pensent que la crise à dûe à une perte de foi, au fait que la doctrine, la tradition, la liturgie auraient été attaqués dans l’Eglise au cours de ces années et jusqu’à aujourd’hui. La Fraternité St Pie X (en oubliant les sédévacantiste) est particulièrement extrême en ce sens, puisqu’elle juge que la cause de la crise est le Concile lui-même, qui contiendrait des hérésies. Elle n’est pas reconnue par Rome, en conséquence. D’autres catholiques sont également traditionnalistes, comme la fraternité Saint Pierre, mais ils ne remettent pas en cause l’orthodoxie du Concile Vatican II et vivent leur foi en union avec Rome. Certains pratique dans le cadre d’une fraternité traditionnaliste approuvée par Rome, d’autres dans le cadre diocésain "normal" en assistant à des messes en latin célébrées par des prêtres "normaux". D’autres catholiques pensent que dans l’ensemble, les réformes post-Vatican II se sont bien passées, mais pensent que les catholiques ont été trop moux, trop peu engagés pour transmettre leur foi et désirent changer de pastorale, en instant plus sur la doctrine, l’évangélisation, etc...

Un autre grand groupe pense que la crise est dûe à un manque d’adaptation de l’Eglise au monde moderne. Ils pensent que Vatican II n’a pas été assez appliqué, que les laïcs n’ont pas un rôle assez important, que l’Eglise se préoccupe trop de doctrine et de morale sociétale et pas assez de l’être humain concret, des pauvres, des marginaux. Certains vont plus loin en remetant en cause la doctrine elle-même et en appelant des changement massifs (doctrine morale sexuelle, avortement, célibat des prêtres, etc...).
Ces désaccords sont-ils d'ordre dogmatique ?
En partie. Pour les membres de la Fraternité Saint Pie X, en tout cas certainement, puisqu’ils pensent que Vatican II a enseigné, ou favorisé, des hérésies. Pour les "modernistes" aussi, parce qu’ils pensent que les dogmes, ou en tout cas certains dogmes, sont des reliques du moyen-âge qui n’ont rien à faire dans le monde moderne.

Plus généralement, les débats portent sur le rôle et la place des dogmes, sans forcément leur remise en cause. Un grand débat, par exemple, est d’ordre liturgique. Pour caricaturer, est-ce que la Messe est un sacrifice avant d’être un repas ou un repas avant d’être un sacrifice ? La première option va vous amener vers des célébrations plus rituelles et hiératiques, insistant sur la solennité de la mort du Christ sur la Croix. La seconde vous amènera vers des célébrations qui mettront l’emphase sur le caractère communautaire de la messe, en cherchant moins à créer du sacré qu’une ambiance fraternelle.
Et si oui, pourquoi le Pape ne rétablit pas ces dogmes une fois pour toutes ?
Le Vatican est très clair, en condamant à la fois ceux qui rejettent Vatican II et ceux qui rejettent la Doctrine traditionnelle.
Et si ce ne sont que des "subtilités' de théologien, pourquoi cela affecte-t-il les fidèles ? J'ai parfois entendu des conciliaires traiter avec mépris des traditionalistes et inversement. Cela signifie-t-il que pour chacun des "camps", l'autre n'est pas catholique ?
Il y a beaucoup de rancoeur dans les deux camps. Les Progressistes ont oeuvrés dans les années 70 à détruire le hiératisme de la messe, le caractère sacré du sacerdoce, la position de l’Eglise comme une hiérarchie plutôt qu’un peuple. Ils avaient peur que l’Eglise s’enferme sur elle-même et en oublie le devoir de l’Eglise d’être au côté des pécheurs, de les aimer et de les aider dans les marges où ils se trouvent. Ils voulaient rompre avec un catholicisme de convenance, plus soucieux du culte que du service des pauvres.

Les Traditionalistes ont vécu cette période comme un traumatisme, où toutes les traditions les plus sacrés de l’Eglise étaient jetées à terre, ou l’Evangile était présenté par certains prêtres comme une variante du communisme, où l’hérésie se réâpandait sans opposition de la part du clergé. Ils en veulent aux progressistes à cause de cela, en particulier de l’hostilité des progressistes à la messe en latin vue comme une superstition loin du message du Christ.

Depuis, le progressisme s’est essouflé et trouve peu d’appuie dans la jeunesse, alors que beaucoup de jeunes prêtres et fidèles, sans forcément devenir traditionnalistes, renouent avec un plus grand souci de la liturgie et de la doctrine. Beaucoup de progressistes voient cela comme un retour des pharisiens de l’ancien testament, d’une religion légaliste et intolérante.

Un point important : je pense que votre catégorie de conciliaire n’est pas très utilie dans ce contexte. Certains traditionnalistes adhèrent sans problème, après tout, aux textes du Concile. Même parmi les conciliaires non-traditionnalistes, il y a une très grande diversité d’opinion. Certains sont plus conservateurs, d’autres plus progressistes. C’est souvent difficile de tracer des frontières dans cette forêt.

Du point de vue Catholique, il est central (1) d’accepter le Concile Vatican II, parce que c’est un véritable Concile Oeucuménique qui a la plus haute autorité, et (2) de tenir la Sainte Doctrine dans son entièreté. Le reste n’est pas indifférent, mais c’est le strict minimum. Vous pouvez sans crainte aller à la messe de Paul VI ou à la messe de Saint Pie V, en gardant à l’esprit pour la première qu’il vaut mieux éviter les endroits où elle est célébrée sans respect des rubriques du missel, et pour la seconde qu’il faut de même éviter les lieux de messe de la Fraternité Saint Pie X, qui est dans une situation canonique irrégulière et qui s’oppose au Pape et aux évêque.

En Jésus !

Héraclius
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Kerniou
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Kerniou » sam. 10 févr. 2018, 4:10

Certains sont passés d'une vision de l'évangile complètement déconnectée des réalités de la vie à une vision complètement temporelle voire pour certains à une lecture politique. De toute façon, après la guerre, où l'Eglise de France avait soutenu le régime de collaboration de Pétain, dès les années 50, où les fidèles ont commencé à déserter les églises et la pratique religieuse dominicale, il fallait repenser non seulement la lecture et les commentaires de l'Evangile mais aussi, le discours de l'Eglise pour une inscription plus grande de l'Evangile dans la réalité du monde du travail et de la vie de tous les jours.

Je me suis, déjà, largement exprimée à ce sujet.
Dernière modification par Kerniou le sam. 13 avr. 2019, 14:15, modifié 1 fois.
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Relief » sam. 10 févr. 2018, 4:36

Kerniou a écrit :
sam. 10 févr. 2018, 4:10
Il fallait repenser non seulement la lecture et les commentaires de l'Evangile mais ,aussi, le discours de l'Eglise pour une inscription plus grande de l'Evangile dans la réalité du monde du travail et de la vie de tous les jours.
Vous dites "il fallait", mais au nom de quoi le fallait-il ? Pour plaire au Monde ? Fallait-il les prêtres ouvriers, les prêtres pro-communistes ? Ont-ils empêché les personnes que j'ai connues de quitter l'église ? Non seulement ils n'ont rien empêché du tout, mais au contraire ils ont largement contribué à ce qu'ils partent. Et il n'y a rien d'étonnant puisque ceux qui ont abandonné l’Église trouvaient la même chose dans les partis politiques de gauche, sans les obligations morales. Alors pourquoi se seraient-ils enquiquinés la vie ?

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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Suliko » sam. 10 févr. 2018, 11:04

De toute façon, après la guerre, où l'Eglise de France avait soutenu le régime de collaboration de Pétain, dès les années 50,où les fidèles ont commencé à déserter les églises et la pratique religieuse dominicale
Sauf que la baisse massive de la pratique religieuse n'a pas eu lieu qu'en France, mais un peu partout, y compris dans des pays comme la Suisse ou le Québec, et votre explication ne le prend nullement en compte !
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Cinci » sam. 10 févr. 2018, 14:54

Je pense que Kerniou a raison de souligner une sorte de rupture consécutive à la Deuxième Guerre mondiale. J'ai la même opinion. Aussi injuste que la chose puisse être dans la réalité, avec le nouvel ordre "américanophile" qui se sera mis en place dans la période suivante, c'est comme si l'Église catholique aurait dû avoir misé sur le mauvais cheval et perdu.

On me permettra une petite esquisse historique ....

La Première Guerre mondiale avait eu pour effet de briser la vanité et l'orgueil des progressistes de la Belle Époque, des esprits positivistes. La tragédie avait remise l'Église en selle durant les années 1920 et 1930. L'Église catholique se portait beaucoup mieux durant cette période qu'à la fin du XIXe siècle et où elle subissait de plein fouet la hargne des républicains français, radicaux socialistes, hussards noirs et tutti et jusqu'à la crise de 1905. Tout en conservant son traditionalisme, les rapports de l'Église du temps de Pie XI étaient pacifiés avec la société civile, et l'Église pouvait se lancer dans l'entreprise (naguère négligée) d'évangélisation des villes et du monde du travail. Pie XI était hautement soucieux du travail horizontal d'évangélisation des masses et par le concours actif des laïcs également.

Mais le changement dramatique de l'ordre politique (l'effacement des anciennes puissances coloniales) et les bouleversements induits par la Deuxième Guerre mondiale vont faire paraître désuets les procédés anciens de l'Église. En terme de puissance morale, celle-ci n'aura pas pu permettre d'édifier un mole de résistance assez solide pour affronter avec succès le défi qu'avait lancé les puissances totalitaires. L'Église avait fait chou blanc humainement parlant.

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, le camp des traditionalistes va se trouver complètement discrédité. Pour moi c'est cela qui explique le fait que la majorité du temps de Vatican I ne sera plus qu'une minorité infime lors de Vatican II. Pour moi Jean XXIII aura saisi qu'il était temps que l'Église normalise ses relations avec le nouvel ordre en place ... et américain svp ! Je ne vois pas de meilleure façon d'expliquer la tenue du concile Vatican II. Les papes successifs auront compris que le salut de l'Église devrait tenir à l'adoption généreuse de ce que Pie X avait pourtant condamné en son temps. Je veux parler de l'américanisme. On peut traduire l'américanisme par la volonté de démocratiser davantage l'Église, de s'ouvrir à la différence (oecuménisme, etc.), de laisser tomber l'idée d'une religion nationale ou d'un catholicisme d'État, de réévaluer les rapports diplomatiques avec les Juifs. Ce sont les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale et de ses millions de victimes.

[Autre fil à consulter sur le sujet : Qu'est-ce qui a vidé nos églises? Ces deux fils ne seront pas fusionnés car le premier compte déjà plusieurs pages, riches de réflexions il est vrai, et que nous recommandons : http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... es#p348708
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par lys » lun. 12 févr. 2018, 11:01

Merci beaucoup pour vos réponses, c'est un (tout petit) peu plus clair ^^

Pour rester brève, je m'intéresse au catholicisme depuis quelques années (trois ans en fait), et après être passée par plusieurs phases, je dois reconnaître que le message du Nouveau Testament m'apparaît de plus en plus comme étant la vérité (la Vérité ?). Je ne dis pas "de plus en plus" pour signifier qu'au départ, il ne m'apparaîssait pas comme vrai, bien au contraire. Je dis "de plus en plus" parce que cette dimension de vérité s'étend de plus en plus sur tous les aspects de ma vie et de ma réflexion (je ne sais pas comment l'exprimer plus clairement en peu de mots).

La seule chose qui me chagrine, c'est véritablement l'Eglise en tant qu'institution, et les fidèles des différents camps qui semblent se jeter la pierre les uns aux autres. J'ai pourtant fait l'effort de fréquenter des conciliaires (progressistes et traditionalistes) et des fidèles de la Fraternité St Pie X, j'essaie de comprendre ce qui divise mais je ne peux malgré tout pas accepter la manière dont les uns parlent des autres et réciproquement.

Je m'empresse donc de lire l'autre fil de discussion, je suis sûre que j'y trouverai beaucoup d'éléments intéressants :)

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Kerniou
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Kerniou » lun. 12 févr. 2018, 12:44

"Il fallait" parce que le discours de l'Eglise était avantage destiné aux populations rurales ; l'exode rural appelait en masse des ouvriers de la campagne vers les usines où l'Eglise n'était que peu présente. Sorties de leur contexte socio- culturel, ces populations désertaient les églises et la pratique religieuse. A cette époque, le clergé était accolé à la classe dirigeante (les riches) et non tournée vers les ouvriers, les pauvres des usines. J'ai déjà longuement écrit à ce sujet. Il ne s'agissait pas de "plaire", mais de reconnaître toute une part de la population comme faisant partie de l'Eglise … Si, pour certains, les ouvriers ne sont que des misérables syndicalistes, ils faisaient tourner les usines et l'économie ... Maintenant, sans usines et sans ouvriers, nous connaissons la crise du chômage et la crise économique ...
Il a fallu du temps pour que l'Eglise dise aux gros et grands patrons que les ouvriers n'étaient pas voués à la misère, qu'ils devaient leur verser un salaire décent et leur garantir de meilleures conditions de travail ...

L'Eglise n'a jamais protesté contre le travail des enfants ... pauvres. Les pauvres étaient alors un entité un peu abstraite, alors que dans la réalité, ils étaient nombreux à ne pas être reconnus comme tels … Et puis, n'était-on pauvre par la la volonté de DIeu ?
Votre patron vous donnait un travail, c'était déjà beaucoup, même si le fruit du travail ne nourrissait pas la famille ... nombreuse ! Le respect de la volonté divine excluait toute promotion sociale associée, alors, à une désobéissance à la volonté divine ...

Que voulez-vous, Cinci, fille d'ouvrier, je suis née, fille d'ouvrier, je mourrai … C'est ce qu'on appelait : "savoir se tenir à sa place" et "ne pas se prendre pour ce qu'on est pas" !
Dernière modification par Kerniou le sam. 13 avr. 2019, 14:20, modifié 1 fois.
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Cepora » lun. 12 févr. 2018, 14:07

Bonjour lys,
Ces désaccords sont-ils d'ordre dogmatique ? Et si oui, pourquoi le Pape ne rétablit pas ces dogmes une fois pour toutes ? On pourrait alors dire si oui ou non on est catholique. Sinon, de quel ordre sont ces désaccords ?
Lors du discours d'ouverture du concile Vatican II, le pape Jean XXIII a annoncé l'intention qui était à l'origine de la tenue de ce concile :
Il faut que, répondant au vif désir de tous ceux qui sont sincèrement attachés à tout ce qui est chrétien, catholique et apostolique, cette doctrine soit plus largement et hautement connue, que les âmes soient plus profondément imprégnées d'elle, transformées par elle. Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c'est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. Il faudra attacher beaucoup d'importance à cette forme et travailler patiemment, s'il le faut, à son élaboration; et on devra recourir à une façon de présenter qui correspond mieux à un enseignement de caractère surtout pastoral.

http://www.sarthe.catholique.fr/IMG/pdf ... _XXIII.pdf
Cependant, depuis le concile, il y a dans l'Eglise un nouveau courant théologique et liturgique qui se réclame de Vatican II. Ce courant adopte parfois des positions inédites au regard de la tradition de l'Eglise, de là proviennent les désaccords. Ces désaccords ne sont donc pas d'ordre dogmatique, car les dogmes sont immuables, mais ils sont d'ordre théologique et liturgique.

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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Cinci » lun. 12 févr. 2018, 14:47

(suite à la réflexion de Kerniou)

La société était plus inégalitaire, plus stratifiée. Les clercs en chef provenaient souvent eux-mêmes de milieux riches et bourgeois. La tendance était naturellement de sacraliser un certain ordre des choses. Avec son personnel, la hiérarchie de l'Église pouvait donner prise à des accusations comme celles de faire de l'Église un instrument de reproduction du "désordre" établi. Je le crois bien.

A toutes les époques, les responsables resteront toujours de pauvres hommes parfaitement perméables à la culture dominante du moment, aux idées qui seront les plus prisées parmi la bonne société. Et, là-dessus, c'est ce qui me ferait dire, penser et observer aussi que notre pape actuel est incroyablement pénétré à son tour de toute la pensée libérale et bourgeoise actuelle. Il y a même jusqu'à sa façon de se vêtir qui va trahir son adhésion intime aux "bonnes valeurs" de l'éthique capitaliste. Et je ne me réfère pas ici à une sort de capitalisme abstrait et intemporel, mais aux idées qui sont celles se trouvant valorisées par le personnel cadre de la grande industrie (ex : égalitarisme homme-femme, abolissons les frontières, il faut saisir le changement comme une opportunité, liberté de déplacement pour les gens, etc.) Le pape François est aussi un homme de son temps.

On pourrait peut-être dire que la "crise dans l'Église" (on parle de l'Église militante) révèle en fait les tensions et tiraillements qui se trouvent déjà dans la société civile.

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ChristianK
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par ChristianK » mar. 13 févr. 2018, 5:10

lys a écrit :
ven. 09 févr. 2018, 19:06
Étant novice, je m'excuse par avance si la question a déjà été posée, ou bien si elle est trop polémique, ou encore si le vocabulaire que j'utiliserai n'est pas assez précis ou erroné.

J'ai cru comprendre que la crise dans l'Eglise était une "scission" en plusieurs mouvements dans l'Eglise : cela daterait de Vatican II, et il y aurait en gros les "pour" et les "contre" Vatican II (je formule tel que je l'ai compris). D'un côté, on retrouverait les modernistes, ou conciliaires, et de l'autre les traditionalistes (FSSP, FSSPX, etc. ?).

Ces désaccords sont-ils d'ordre dogmatique ? Et si oui, pourquoi le Pape ne rétablit pas ces dogmes une fois pour toutes ? On pourrait alors dire si oui ou non on est catholique. Sinon, de quel ordre sont ces désaccords ?

Et si ce ne sont que des "subtilités' de théologien, pourquoi cela affecte-t-il les fidèles ? J'ai parfois entendu des conciliaires traiter avec mépris des traditionalistes et inversement. Cela signifie-t-il que pour chacun des "camps", l'autre n'est pas catholique ?
Pour moi tout est une question de pastorale erronée et décadente, pas de dogme. Un concile peut parfaitement contenir des gaffes pastorales. Plus une société est consumériste médiatique, plus l'ouverture (terme absent du concile) au monde est inadaptée, et la fermeture adaptée. L'erreur du concile est de laisser entendre et penser indirectement (jamais explicitement) que l'ouverture constitue toujours et nécessairement une adaptation. C'est pourquoi la décadence sociologique de l'église postconciliaire locale en occident est si évidente.

D'ailleurs la crise de l'Église ne réflète de crise sociale que parce que justement il y a un manque de fermeture à cette société, ce qui est une inadaptation (et le concile demande l'adaptation)
Kerniou a écrit :
lun. 12 févr. 2018, 12:44
Que voulez-vous, Cinci, fille d'ouvrier, je suis née, fille d'ouvrier, je mourrai … C'est ce qu'on appelait : "savoir se tenir à sa place" et "ne pas se prendre pour ce qu'on est pas" !
Ce classisme me parait très francofrancais et culturel bien plus qu'économique. Le désastre postconciliaire dans les autres pays, particulièrement en amérique, ne saurait provenir du classisme, qui existe à peine (on voit tout de suite qu'un simplet comme Warren Buffett, avec son allure de gérant de Mcdo est infiniment plus proche de l'homme de la rue que le grand bourgeois francais cultivé (disons Giscard et son épouse), même s' il est 100 fois plus riche que ce bourgeois.)
Dernière modification par ChristianK le mar. 13 févr. 2018, 5:26, modifié 2 fois.

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Kerniou
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Kerniou » mar. 13 févr. 2018, 16:18

La société française est très stratifiée et ce, en référence à la naissance. Pour reprendre votre exemple, même ruinés, les Giscard d'Estaing seraient toujours perçus comme des grands bourgeois ou des aristocrates ( trop récents pour la "vraie" noblesse qui remonte au moyen -âge ! ) alors que si je faisais fortune, je resterais toujours une fille d'ouvrier qui a gagné de l'argent … Je crois qu'en Amérique du nord, la réussite professionnelle est plus valorisée que la naissance … Nous avons rencontré une femme notaire qui a épousé le fils d'un émigré Italien qui a fait de très brillantes études; elle exerce sous son nom de jeune fille. En effet, dit-elle, porter le nom de son mari pourrait susciter une sorte de méfiance de la part du public … Une de mes amies d'origine modeste qui épousé " un fils de famille" me disait que sa belle -mère, à chaque fois qu'elle l'a rencontrée, a toujours trouvé l'occasion de lui faire remarquer leur différence de milieu. Les quelques fois où elle promenait ses enfants en compagnie de sa belle-mère, si celle-ci croisait des relations, auxquelles elle présentait les enfants de son fils et ne présentait pas sa belle-fille que, d'ailleurs, nul ne semblait voir ...

Alors, les membres du clergé, longtemps issus des classes dominantes n'étaient pas exempts clichés stéréotypés relatifs aux déterminants sociaux. Je me souviens que, dans ma jeunesse, lorsqu'on était d'origine modeste, à l'église, on n'allait jamais dans les premiers rangs des fidèles où les gens "bien" avaient leur banc réservé, c'est à dire marqué à leur nom et que, seuls, les membres de cette famille pouvaient occuper ...

Ces pratiques ont commencé à disparaître à partir du concile, ou dans les années soixante, comme vous voulez. Donc quand l'Eglise s'est intéressée au prolétariat, certains fidèles ont modifié leur regard sur les classes laborieuses. C'est sciemment que j'utilise là, ce vocabulaire militant. Dans les paroisses de l'ouest de la France, c'est à partir de moment-là que les paroissiennes modestes, comme ma mère, par exemple, ont été sollicitées pour faire le catéchisme; auparavant seules les dames chic, beaucoup de femmes de militaires, faisaient le catéchisme … Merci à l'Eglise de nous avoir donné une existence officielle.

Je ne crois pas , Cinci, que de nos jours, la société, en France, soit moins inégalitaire. De toute façon, je crains que nous ayons tous intériorisé la notion de "castes" qui imprègne sinon régit les rapports sociaux. j'espère que vous aurez compris ce que je voulais dire.
Dernière modification par Kerniou le sam. 13 avr. 2019, 14:25, modifié 1 fois.
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par lys » mar. 13 févr. 2018, 18:44

Bonjour,

D'abord, merci Cepora pour le texte très instructif que vous pointez !

Ensuite, je ne crois pas saisir l'intégralité de ce qui se dit, mais je crois comprendre qu'il est question de classes sociales : avant le concile Vatican II, l'Eglise privilégie, d'une manière ou d'une autre, les personnes de bonne naissance ; après, elle prend davantage en compte les pauvres.

Ceci me rend profondément perplexe, d'abord par rapport au message explicite du Christ à propos des pauvres et des riches. Mais aussi parce que j'ai le sentiment que l'on introduit des catégories et un problème (ou une solution !) marxistes à quelque chose (l'Eglise) qui se définit justement hors du marxisme.

À vous lire, j'ai l'impression que la crise de l'Eglise, ce n'est rien d'autre que l'Eglise qui se demande finalement quel est son rôle dans le monde (donc un problème de pastorale comme le soulignait ChristianK).

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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par Relief » mar. 13 févr. 2018, 19:09

lys a écrit :
mar. 13 févr. 2018, 18:44
Ensuite, je ne crois pas saisir l'intégralité de ce qui se dit, mais je crois comprendre qu'il est question de classes sociales : avant le concile Vatican II, l'Eglise privilégie, d'une manière ou d'une autre, les personnes de bonne naissance ; après, elle prend davantage en compte les pauvres.
Bonjour Lys,

N'allez pas croire une chose pareille. Ne soyez pas induite en erreur par un témoignage forcément biaisé car issu d'un enfermement dans un schéma politique passéiste de lutte des classes et calqué à tort sur l’Église et ses fidèles. L’Église n'est pas élitiste, mais a toujours été au contraire "populaire", c'est cela qui a fait sa force. Pour preuve, à présent que cette base populaire s'est beaucoup réduite en raison justement de certaines dérives de Vatican II, l’Église en France est en perte de vitesse.
Dernière modification par Relief le mer. 14 févr. 2018, 2:15, modifié 3 fois.

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ChristianK
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Re: La crise dans l'Eglise : de quoi s'agit-il ?

Message non lu par ChristianK » mar. 13 févr. 2018, 20:34

Relief a écrit :
sam. 10 févr. 2018, 2:23
(…) dans les années 70 (...) où toutes les traditions les plus sacrés de l’Eglise étaient jetées à terre, ou l’Evangile était présenté par certains prêtres comme une variante du communisme,
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C'est exactement cela qu'a fait le prêtre qui nous faisait le catéchisme. A cela, il faut ajouter qu'il traitait régulièrement le Pape de "con" et Jésus était un "pote", rien de plus. A la messe, en dehors du "Notre Père", tout était réinventé chaque semaine. C'était à chaque fois un nouveau spectacle avec de nouvelles paroles. Malheur aux parents qui auraient dit quelque chose, ils auraient eu droit à son courroux.
Aucun des compagnons de cathé que j'ai pu revoir à l'âge adulte n'était pratiquant
Très intéressant. Ce que j'appelle la maladie mentale postconciliaire locale de la génération défroquée, aujourd hui en voie d'exécution par la providence (cf Francis Charles, la génération défroquée - lui même mariste défroqué né en 35)

Cependant vous êtes né en 75, donc ce que vous dites est plus tardif. Pour cerner davantage la pathologie mentale, avez vous vérifié si ce défroqué de l'intérieur était encore prêtre, ou si la providence l'avait éliminé ? Je fais toujours ca avec les bottins du clergé du canada. C'est intéressant, les 2 provinciaux jésuites et dominicains ont défroqués, nés en 42, 44.... Il faut ajouter que la caté inconsciemment criminelle était produite par des bureaux nationaux avec signature de certains évêques (au Canada mgr coderre, de... st jean longueil...), avec élaboration de, entre autres, l'abbé André Beauchamp, né en 37, à peine ordonné en 65 au moment de l'élaboration...


Ps. C'est peut être exagéré comme perception mais il n'est pas impossible que les poursuites judiciaires civiles par des fidèles contre le clergé coupable de crimes civils en matière de moeurs fassent compensation pour les crimes spirituels impunis par lescours canoniques de membres de faculté de théologie et séminaires. Si les tribunaux canoniques ne punissent pas l'hérésie (entre autres), les comptes seront réglés d'une autre facon, car il parait probable que la qualité du clergé dépende de ses lieux de formation

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