Jean-Mic a écrit : ↑jeu. 16 mars 2023, 15:36
Vous semblez oublier une étape dans l'histoire de la discipline de célibat ecclésiastique. C'est la longue période, du 7ème au 11ème siècle en Occident, où les conciles successifs se prononcent pour le célibat non pour un idéal de continence et de pureté, mais afin d'éviter la dispersion des biens et la transmission des charges de l'Eglise par voie d'héritage. Plusieurs siècles de conciles et de synodes ont été nécessaires pour y arriver, ce qui dit bien combien la discipline en question était difficile à "faire avaler" aux clercs concernés, et les abus (réels et nombreux aux temps mérovingiens et carolingiens) difficiles à endiguer.
Ce n'est pas un oubli, ce n'est tout simplement pas pertinent.
L'imposition de la continence aux clercs majeurs vient de l'Eglise de Rome et est apparu dans la deuxième moitié du 4ème siècle en lien avec la célébration quotidienne eucharistique impliquant en pratique la continence perpétuelle. C'est un fait : nulle autre Eglise avant celle de Rome n'a adopté cette discipline.
Par ailleurs, il n'existe pas de canon conciliaire motivant le célibat ecclésiastique par le souci d'éviter la dispersion des biens de l'Eglise. Lorsqu'il y a une motivation, ce qui n'est pas toujours le cas, le lien est fait avec la continence et la pureté.
Ainsi, le Concile Latran II (1139) par exemple, indique en son septième canon :
"Afin que la loi de la continence et de la pureté qui plait à Dieu s'étende parmi les personnes ecclésiastiques et ceux qui ont reçu les ordres sacrés, nous statuons que les évêques, les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les chanoines réguliers, les moines et les convers ayant fait profession qui auraient osé, transgressant leur saint propos, s'unir à une épouse soient séparés de celle-ci. En effet, nous décrétons qu'une telle union, dont il est évident qu'elle a été contractée à l'encontre de la règle de l'Eglise, n'es pas un mariage. Que ceux qui se sont séparés l'un de l'autre fassent une pénitence en rapport avec de si grands excès".
Au demeurant, pour ce qui est des conciles généraux entre le 7ème et le 11ème siècle, la pêche est assez maigre puisqu'il n'y en a que les 3ème et 4ème Conciles de Constantinople et le 2ème de Nicée qui sont, et pour cause, muets sur cette question. Je laisse de côté le Concile de 692
in trullo qui est très intéressant sur ces questions dès lors qu'il a fait, on le comprend bien, l'objet de réserves de la part de l'évêque de Rome. On ne retrouve cette problématique que dans le 1er Concile du Latran en 1123, sans motivation cependant et dans des termes présupposant le célibat ecclésiastique :
"Nous interdisons absolument aux prêtres, diacres, sous-diacres et moines d’avoir des concubines ou de contracter mariage. Nous décrétons, conformément aux définitions des canons sacrés, que les mariages déjà contractés par ces personnes doivent être dissous et que les personnes doivent être condamnées à faire pénitence." (Can. 21).
Peut-être faisiez vous référence à ces conciles ou synodes régionaux ? J'avoue ne pas les connaître suffisamment, mais leur portée régionale ne me semble pas permettre de leur accorder une autorité particulièrement forte. Si vous avez, toutefois, des références précises à communiquer pour alimenter la réflexion, je suis preneur.
En tout état de cause, il y a peut-être eu, à titre de motivation sous-jacente, la considération des bénéfices d'une telle discipline sur les biens ecclésiastiques. Il n'en demeure pas moins que la règle du célibat ecclésiastique tire sa légitimité originelle de la conjonction entre la célébration quotidienne du sacrifice eucharistique et les règles de pureté rituelle conservées de l'Ancienne Alliance. Elle a une motivation proprement religieuse, et non matérielle.
Par conséquent, tenter de discréditer le célibat ecclésiastique en soutenant qu'il est une invention médiévale ayant une finalité patrimoniale revient à faire preuve d'ignorance et à fausser l'analyse. Rien n'interdit d'être favorable à l'abrogation de cette discipline, encore faut-il en comprendre les véritables tenants et aboutissants.
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