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par Xavi » mar. 03 janv. 2023, 16:03
Le 27 février 2013, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, avec toute l’autorité papale complète qui était encore la sienne quelques heures avant le moment qu’il avait lui-même fixé pour sa renonciation à l’exercice de son ministère papal, a indiqué le fondement de la situation nouvelle qu’il avait décidée en déclarant, avant toutes autres choses, que « Un Pape n’est pas seul pour conduire la barque de Pierre ».
La phrase a pu paraître anodine quand il a d’abord évoqué le fait que « le Seigneur a mis à mes côtés beaucoup de personnes qui, avec générosité et amour envers Dieu et envers l’Église m’ont aidé et m’ont été proches ».
Mais, c’est pourtant sur cette base fondamentale, qu’il a ensuite évoqué sa renonciation imminente tout en indiquant le caractère irrévocable de son engagement du 19 avril 2005 dans le ministère pétrinien.
Il a ainsi posé une affirmation nouvelle dans un tel contexte : il n'y a bien qu'un seul pape, mais le ministre pétrinien ne s’exerce pas « seul » mais avec de multiples aides proches. C’est de ce point de vue qu’un choix nouveau lui a paru possible, différent de celui effectué en 1294 par son prédécesseur saint Célestin V qui a démissionné de sa charge en retournant à sa vie antérieure.
En 1294, saint Célestin V est redevenu Pietro da Morrone, en délaissant tout lien et toute particularité concernant la papauté. Il s’est démis entièrement du ministère papal qu’il avait accepté quelques mois auparavant.
Rien ne semblait empêcher a priori le pape Benoît XVI de faire un tel choix qu’il a estimé cependant impossible pour lui.
Il précisa alors sa pensée lors de ladite audience du 27 février 2013 : « Permettez-moi ici de revenir encore une fois au 19 avril 2005. La gravité de la décision a été vraiment aussi dans le fait qu’à partir de ce moment, j’étais engagé sans cesse et pour toujours envers le Seigneur. Toujours…
Le « toujours » est aussi un « pour toujours » il n’y a plus de retour dans le privé. Ma décision de renoncer à l’exercice actif du ministère, ne supprime pas cela. Je ne retourne pas à la vie privée…mais je reste d’une façon nouvelle… Je ne porte plus le pouvoir de la charge pour le gouvernement de l’Église, mais dans le service de la prière, je reste, pour ainsi dire, dans l’enceinte de saint Pierre…
Je continuerai à accompagner le chemin de l’Église par la prière et la réflexion ».
Les mots essentiels sont là : « je reste d’une façon nouvelle ».
Les dispositions pratiques qu’il a prises en sa qualité de Pape, avant sa renonciation ont montré concrètement que sa « décision de renoncer à l’exercice actif du ministère » ne « supprime pas » son engagement « pour toujours » dans le ministère pétrinien.
Le 26 février 2013, le Directeur de la Salle de Presse du Saint-Siège a informé les journalistes que « le Saint-Père sera Pape émérite, qu'il sera appelé Sa Sainteté Benoît XVI, qu'il conservera la soutane blanche sans mantelette » et le Pape émérite a continué à demeurer dans l’enceinte du Vatican où il a vécu jusqu'à sa mort ce 31 décembre 2022.
Dans un éclairage apporté en 2016, son secrétaire particulier, Mgr Georg Gänzwein, a précisé cette approche nouvelle originale du pape Benoît XVI : « Il a quitté le trône pontifical et pourtant, avec le pas du 11 Février 2013, il n'a pas abandonné ce ministère. Il a au contraire intégré l'office personnel avec une dimension collégiale et synodale, presque un ministère en commun, comme si, en faisant cela, il voulait répéter encore une fois l'invitation contenue dans la devise que le Joseph Ratzinger d'alors se donna comme archevêque de Münich et Freising et qu'ensuite il a naturellement maintenue comme évêque de Rome: "cooperatores veritatis", qui signifie justement "coopérateurs de la vérité". En effet, ce n'est pas un singulier, mais un pluriel, tiré de la troisième lettre de Jean, dans lequel il est écrit au verset 8: «Nous devons accueillir ces personnes pour devenir coopérateurs de la vérité".
Depuis l'élection de son successeur François le 13 Mars 2013, il n'y a donc pas deux papes, mais de facto un ministère élargi - avec un membre actif et un membre contemplatif. C'est pour cela que Benoît XVI n'a renoncé ni à son nom, ni à la soutane blanche. C'est pour cela que l'appellation correcte pour s'adresser à lui est encore aujourd'hui "Sainteté". Et c'est pour cela qu'il ne s'est pas retiré dans un monastère isolé, mais à l'intérieur du Vatican - comme s'il avait fait seulement un "pas de côté" pour faire place à son successeur et à une nouvelle étape dans l'histoire de la papauté, qu'avec ce pas, il a enrichie de la "centrale" de sa prière et de sa compassion placée dans les jardins du Vatican. ».
C’est ainsi qu’il a continué son engagement irrévocable du 19 avril 2005 dans la papauté qui n’a cessé qu’à sa mort ce 31 décembre 2022.
Benoît XVI a ainsi créé un élargissement du ministère pétrinien à un membre « contemplatif », mais ce n’est peut-être pas encore le bon mot pour exprimer ce que fut la « participation » par laquelle le pape Benoît XVI a « continué » à « participer » d’une manière nouvelle et originale à son engagement dans le ministère pétrinien auquel il a expressément indiqué qu’il ne renonçait pas.
Depuis son élection en 2013, le Pape François exerce et administre la fonction papale de la manière la plus étendue et il n’y a toujours qu’un seul pape effectif. À cet égard, la renonciation du Pape Benoît XVI fut totale et sans restrictions. Sa place fut totalement vacante le 28 février 2013 et le Pape François, dès son élection, est devenu le seul et unique pape légitime pour l’exercice et l’administration du ministère pétrinien.
À cet égard, il n’y a jamais eu aucune ambiguïté du pape Benoît XVI par rapport à son successeur à qui il a promis d’avance le 28 février 2013, jour de sa renonciation, son respect et son obéissance « inconditionnels ».
Mais, en renonçant il a proclamé avec force que le pape n’est pas « seul ». Diverses personnes participent de diverses manières au ministère pétrinien du Pape. Des évêques mais aussi des collaborateurs, des amis et d’autres proches. Cela ne leur donne aucun pouvoir personnel quelconque.
Lors de sa dernière audience du 27 février 2013, c’est avec une extraordinaire humilité mais aussi une grande justesse qu’il a trouvé, dans ces humbles personnes qui l’ont aidé dans son ministère de pape, la bonne référence pour son extraordinaire statut nouveau de pape émérite.
C’est dans ces tout petits, et alors même qu’il venait de subir la trahison de l’un d’eux qui profitant de son accès à l’intimité du pape livra des documents secrets à l’extérieur, que le Pape Benoît XVI trouva l’exacte image du pape émérite qu’il lui semblait juste de devenir.
Chacun de ces petits participait à son ministère par la prière et ils lui ont ouvert une voie nouvelle qu’il a choisie pour lui-même.
Il a ainsi créé, le mot n’est pas trop fort, une réalité nouvelle pour la papauté sans amoindrir en rien la papauté existant depuis 2000 ans. Il n’a diminué en rien le ministère pétrinien auquel il a estimé devoir renoncer, ni aucun de ses attributs ou pouvoirs, mais il a créé une continuité nouvelle dans une participation au ministère de Pierre par le cœur, la prière et la disponibilité inspirée par les plus humbles de ses serviteurs.
Il a élargi son pontificat dans le temps d’une manière nouvelle qui ne liait en rien ses successeurs. Le Pape François aurait pu, s’il l’avait jugé bon, le faire partir du Vatican et le priver de toutes les marques extérieures de son pontificat qu’il avait décidé de conserver. Il n’en fut rien et le Pape François a, au contraire, reçu comme une grâce les choix de son prédécesseur.
Lors d’un vol en avion du 16 juin 2016, il lui a même exprimé sa reconnaissance en ces mots : « j’ai remercié publiquement Benoît – je ne sais pas quand, mais je crois pendant un vol – pour avoir ouvert la porte aux Papes émérites. Il y a 70 ans, les évêques émérites n’existaient pas. Aujourd’hui, il y en a. Mais avec cet allongement de la vie, peut-on gouverner une Église jusqu’à un certain âge avec des infirmités ou non ? Et lui, avec courage – avec courage ! – et dans la prière, et aussi avec science, avec théologie, il a décidé d’ouvrir cette porte. Et je crois que c’est bon pour l’Église. Mais il y a un seul Pape. L’autre…ou peut-être - comme pour les évêques émérites – je ne dis pas beaucoup, mais peut-être pourra-t-il y en avoir deux ou trois, [qui] seront émérites. Ils ont été [Papes], [maintenant] ils sont émérites. Après-demain on célébrera le 65ème anniversaire de son ordination sacerdotale… Et je dirai quelque chose à ce grand homme de prière, de courage qu’est le Pape émérite – non pas le second Pape – qui est fidèle à sa parole et qui est un homme de Dieu. Il est très intelligent, et pour moi il est le grand-père sage à la maison ».