cmoi a écrit : ↑lun. 23 janv. 2023, 13:58
Didyme a écrit : ↑dim. 22 janv. 2023, 18:17
C'est fou en fait, on passe au final son temps dans cette approche à accorder au péché des qualités qui sont en fait le propre de la divinité. Et finalement c'est logique ! Puisqu'on a uni le péché à la divinité au travers la confusion du péché avec la personne, du péché avec la liberté ?!...
Et cela en faisant du péché la décision
fondamentale de la personne. Le péché singeant la personne, on est en plein dedans ! .
Je ne pense pas que vous donniez là la bonne explication, je la vois plus dans le fait que le péché seul faisant obstacle à notre adhésion à la divinité, il prend de ce fait un caractère et une autorité très exagérée d’opposition qui lui prête ce que vous appelez sa qualité presque « divine », mais en réalité diabolique.
Qui plus est, le péché ainsi vu n’en est pas pour autant la décision fondamentale de la personne, il n’en est que l’expression. Mais il peut être vu autrement, et plus justement, comme ce qui en la personne devient sa cause.
Il devient "divin" lorsqu'il devient
absolu dans la personne, se fondant (confondant) avec l'être.
"Il n'est que l'expression de la décision fondamentale de la personne" ?
Il est peut-être l'expression de la décision de la personne mais je pense que le "fondamentale" est de trop pour des raisons évidentes.
Il ne faudrait pas confondre ce qui fonde la personne avec ce qui recouvre le fondement. Ce qu'on ajoute ne peut pas fonder.
Ou plutôt, retirez le fondement (ici Dieu, la vie) et vous n'obtiendrez que du néant, la disparition de la personne en tant que telle.
Vous parlez plus loin de l'orientation du cœur produisant le péché, tel qu'il me semblerait percevoir que ce devrait être le cœur qui le produit. Et donc que le cœur serait ici mauvais.
Mais je ne le pense pas. Le cœur est bon en soi car il vient de Dieu. Ce serait plutôt l'orientation de la production du cœur dont il serait en fait question, et précisément une production déviée. Le cœur (si on entend par cœur ce qu'il y a de plus essentiel en l'homme), en tant que lieu d'union à Dieu en son acte créateur et qui me semblerait être cette volonté bonne en l'homme, produit en son origine quelque chose de bon mais qui est dégradé, déformé, perverti en son expression, à sa sortie.
Cela me fait penser à ce que vous faisiez remarquer dans le fil sur la dynamique du péché et qui me semblait fort juste
"C’est pourquoi certains saints ont déclaré que nos péchés formeront notre couronne de gloire au ciel.
Car ils disent quelque chose de nous quand même et qui n’était pas que mauvais."
On parle parfois dans la Bible de cœur mauvais mais il me semble comprendre qu'il s'agit toujours de son orientation. Si le cœur est unifié, orienté vers son origine, sa source divine, son vrai "moi", sa vie véritable alors il est bon. Mais si la personne se désunie de son origine, orientée sur elle-même qui n'est rien en soi, qui n'est rien par elle-même car n'étant que par Dieu alors la perte du bien devient ce manquement, le péché. Le cœur devient mauvais,
non pas en lui-même mais en son manque. Mais le cœur bon en son origine demeure.
"Produisant " non pas comme s’il y avait quelque chose de concret, de consistant qui produisait mais c'est plutôt le manque de ce qui
est qui produit quelque chose de dégradé.
Vous qui vous opposiez à une réalité concrète du péché hors de l'homme, vous vous retrouvez à lui donner une réalité concrète en l'homme, mais ici tel qu'ayant une consistance originelle et non plus tel que résultant. En le plaçant au cœur, comme cause produisant, vous le placez au fondement alors qu'il s'agit en réalité du fondement bon qui se dégrade.
cmoi a écrit :Le discours devenu banal et qui consiste à dire que Dieu hait le péché mais aime le pécheur, pour concilier les inconciliables, est trompeur. C’est bien le pécheur qui ira en enfer et Dieu l’y aimera toujours, mais... !
Il est trompeur quand on confond la personne et son péché.
La personne est certes ici toujours liée à son péché mais elle n'est pas son péché, elle n'est pas le péché. D'où la possibilité d'affirmer que Dieu aime la personne du pécheur mais pas son péché.
cmoi a écrit :Vous dites :
Didyme a écrit : ↑dim. 22 janv. 2023, 18:17
Respecter une volonté qui choisit le péché c'est respecter ce choix. Et respecter ce choix revient à accorder au péché une valeur, une dignité, une
normalité.
Et vous avez raison, cette volonté est mauvaise et n’a pas à être respectée en cela, elle ne l’est et doit l’être que en tant que volonté à l’état brut. De même qu’on respecte la liberté, mais pas forcément l’usage qui en sera fait.
Je sens les restes d'un perlumpimpinage derrière une telle tournure.
Or, si la volonté est un bien alors lorsqu'elle exprime un mal, est-elle véritablement l'expression de la volonté ou bien l'expression de ce mal ?
Quand on parle ici de volonté, attention de distinguer ce qui vient de l'être et ce qui vient du péché. Respecter une volonté qui choisit le péché n'est-ce pas respecter en réalité non pas la volonté de la personne mais le péché qui s'exprime alors en elle ?
Car le refus de Dieu ... c'est le péché justement <--> Le péché est le refus de Dieu...
N'est-on pas alors en train de légitimer une imposture ici, en respectant la "volonté" du péché (sa loi) plutôt que la volonté de la personne ? Et d'accorder valeur et dignité au péché qui se fait passer pour la personne ?
Cela me fait penser à Romains 7
"Et maintenant ce n'est plus moi (ma personne) qui le fais, mais c'est le péché qui habite en moi.
Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire, dans ma chair ; j'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien.
Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.
Et si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fait, c'est le péché qui habite en moi."
Voir aussi * (en note plus bas)
Vaincre le péché c'est vaincre le refus car le refus est l'expression du péché, du manque.
Lorsqu'alors le péché est vaincu, tout ces "non" qui en sont l'expression dans la personne sont "déblayés" pour libérer la volonté vraie, le "oui" originel et fondamental de l'être. La liberté n’est pas forcée mais libérée, guidée vers sa vérité, attirée vers sa vie véritable.
"Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir détruit toute domination, toute autorité et toute puissance. Car il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il ait mis tous les ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi qui sera détruit, c'est la mort. Dieu, en effet, a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu'il dit que tout lui a été soumis, il est évident que celui qui lui a soumis toutes choses est excepté. Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous." (1 Corinthiens 15:24-28)
"Lorsque toute puissance mauvaise et tout pouvoir mauvais auront été détruits et
qu'aucune passion ne dominera plus notre nature, nécessairement, puisque rien ne
dominera rien, tout sera soumis à la puissance qui s'exerce sur tout. Et la
séparation absolue d'avec le mal est la soumission à Dieu. " (Saint Grégoire de Nysse)
Évidemment, cela n'est pas audible lorsque l'on pose qu'il y a des personnes que Dieu ne pourra jamais sauver. Car alors, il faut qu'il y ait des méchants
véritables, en qui le péché devient absolu, se confondant avec l'être, devenant leur fondement, leur cœur, leur for interne et toute autre expression qu'on pourra trouver.
Cependant, en réalité le péché est aussi ce qui nous constitue "fondamentalement" en ce que nous sommes
par nous-même, à savoir manquant, néant.
Mais ce que nous sommes par nous-même est ce que nous ne sommes pas justement car nous ne sommes qu'en Dieu. Donc le péché, reflet de ce que nous sommes par nous-même, exprime en réalité ce que nous ne sommes pas, une perte de notre être véritable. Il n'exprime donc pas véritablement notre volonté vraie de notre moi véritable mais il exprime une erreur, un égarement, une perdition, une parodie de soi.
Il convient donc de sortir de cette illusion d'identité d'être par soi et d'accepter sa condition de créature et sa dépendance à Dieu.
Le problème est que le péché s'apparente à la personne alors qu'il n'en est que la perte. On a l'illusion de se déterminer, de s'exprimer alors qu'on se perd soi-même. Malheureusement, on est prisonnier de cette illusion, de cet égarement, de cette perdition dont seul Dieu peut nous sauver.
"Oui mais il faut l'accepter" ? Sauf que par nous-même, on ne peut l'accepter. On ne peut se sauver soi-même. Penser que cela vient de nous cela me semble de l'orgueil. Par nous-même, nous sommes perdu, nous sommes perte. Si cela vient de nous mais alors
c'est de Dieu en nous.
C'est bien pourquoi il est dit que même la foi est don de Dieu.
C'est Dieu qui fait. Et si c'est Dieu qui fait, tout est bien fait.
C'est comme dire que Dieu attirera à lui tous les hommes, que Dieu appel. Cela ne vient pas de nous, en tout cas pas le mouvement premier, ce n'est pas nous qui de
nous-mêmes allons vers Dieu. C'est Dieu qui attire et appel notre être, notre "oui", nous ne faisons que répondre. Or, je pense que comme bien souvent on a tendance à inverser les choses, à mettre l'effort sur l'homme, le mérite tel que venant de l'homme en soi, de son initiative...
Cependant, cela fait partie des approches enseignées dans l'Église et je pense qu'elle est donc bonne, elle est en tout cas un outil pédagogique et un garde-fou contre certaines dérives. Mais l'à-côté est le risque de s'enorgueillir.
Plutôt qu'une sorte de compétition visant à mériter son salut, la vie m'apparaît davantage comme un apprentissage, une expérience de notre condition et de notre besoin de Dieu. La vie nous apprend à nous connaître véritablement. C'est peut-être ça l'épreuve, de parvenir à cette connaissance.
Il y a donc bien une responsabilité car c'est par nous-même que nous péchons. Le manque (ce que je suis par moi-même) produisant le manque, le "péché" en moi produisant le péché. Mais nous ne sommes pas que manque, c'est d'ailleurs ce que nous ne
sommes pas, nous
sommes (l'être) aussi et surtout l'œuvre de Dieu. Dieu nous donne l'être, Dieu nous donne d'être. Et c’est Dieu qui nous sauve. Dieu nous a créé du néant et nous sauve du néant où nous retournons. Cependant, il ne nous doit rien tout comme il ne nous devait rien en nous créant.
Nous sommes en Dieu, nous sommes par Dieu, mais nous ne sommes pas Dieu. D'où cette possibilité de se désunir, mais
possibilité inhérente à notre condition.
Jusqu'à ce que Dieu
épouse notre finitude, notre humanité pour nous mener à l'Unité parfaite, notre déification.
Quelque chose ici de cet enveloppement divin, l'homme fait par Dieu et pour Dieu, "Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin" (Apocalypse 22:14)
cmoi a écrit :Et vous ajoutez :
Didyme a écrit : ↑dim. 22 janv. 2023, 18:17
Si ce n'est pas le cas alors c'est qu'on considère bien que cette volonté est malade, égarée. Viendrait-il à l'idée d'un medecin de ne pas soigner par respect de la maladie ?!
En effet. Mais certains refusent le soin et se disent bien portant, peu importe la raison.
Sauf qu'ici il s'agit d'une maladie spirituelle et ce refus est justement l'expression du péché, de la maladie, le symptôme de ce mal.
En gros, vous prendriez le délire d'un malade pour une expression saine.
Le symptôme justifierait de ne pas soigner ?!
cmoi a écrit :Une image plus exacte serait celle du tabac : chacun sait que cela finira mal, présente des risques mortels, mais préfère le plaisir qu’ils y trouvent tant qu’il est présent et refusent de lutter contre l’accoutumance. Ce n’est que mis au pied du mur qu’ils se donnent (ou pas) la force d‘arrêter. Comme s’ils se croyaient invulnérables ou que (« le tabac tue mais lentement, or je ne suis pressé ! ») cela ne leur semble pas changer grand-chose et en effet, au présent, non ! Ils n’ont pas compris l’intérêt d’être en meilleure santé, n’y voient qu’un vain « sacrifice ».
Oui en effet, certains ont besoin d'être au fond du fond pour réagir.
cmoi a écrit :Didyme a écrit : ↑dim. 22 janv. 2023, 18:17
Je ne sais pas, peut-on raisonnablement attribuer une autre forme de justice à Dieu, telle une certaine justice vindicative ?
Inévitablement, si on lui prête des sentiments humains comme lui-même s’y est prêté. Ainsi il est un Dieu jaloux, parce que l’amour en prend le caractère en certaines situations, etc.
Sauf que souvent ces sentiments qu'on lui prête ne sont pas à prendre littéralement pour des raisons évidentes, ils signifient autre chose.
Si on prend la définition de "jalousie :
- Vif attachement à quelque chose.
- Sentiment fondé sur le désir de posséder la personne aimée et sur la crainte de la perdre au profit d'un rival.
- Dépit envieux ressenti à la vue des avantages d'autrui.
Les deux premières définitions me paraissent pouvoir s'appliquer à Dieu quand pas du tout pour la troisième. Et encore, Dieu peut-il "craindre" de perdre ? Cela serait contraire à sa puissance, à sa paix.
"La jalousie est une émotion secondaire qui représente des pensées et sentiments d'insécurité, de peur et d'anxiété concernant la perte anticipée ou pas d'un statut, d'un objet ou d'un lien affectif ayant une importante valeur personnelle. La jalousie est un mélange d'émotions comme la colère, la tristesse, la frustration et le dégoût."
Celle-ci, je ne vois pas du tout comment l'appliquer à Dieu.
Il convient de "lire" les choses à la lumière de ce que Dieu est, afin de ne pas se retrouver à soumettre Dieu à des contraires.
J'avoue que je suis surpris de cette réponse.
NB * : D'ailleurs, en cherchant une interprétation de Romains 7, j'étais tombé sur ce passage de Saint Thomas d'Aquin qui me semble exprimer cette idée :
- [+] Texte masqué
- II. En ajoutant (verset 17): "Ainsi ce n’est plus moi qui fais cela, l’Apôtre prouve ce qu’il avait dit de la condition de l’homme, à savoir, qu'est charnel et vendu au péché. Sur ce point, 1° il énonce ce qu’il veut prouver; 2° il prouve sa proposition, à ces mots (verset 18): "Car je sais que le bien
n’habite pas en moi;" 3° il déduit sa conclusion, à ces autres (verset 20): "Si donc je fais ce que je ne veux pas."
1° Que l'homme charnel soit vendu au péché, que sous certain rapport il soit devenu l du péché, on le voit en ce que ce n’est pas lui qui agit, mais qu’il est mu par le péché. Car celui qui est libre agit lui-même et par lui-même; il n’est pas mu par un autre. Voilà pourquoi S. Paul dit: J’ai avancé que par l’intelligence et par la volonté j’acquiesce à la Loi; "ainsi donc, lorsque j’agis contre la Loi," ce n’est plus moi qui fais "ce que je fais contre la Loi," mais le péché qui habite en moi. Il est donc évident que je suis l’esclave du pèche, en tant que le péché agit en moi avec une sorte de domination.
A) On peut appliquer avec vérité et avec facilité cette doctrine à l’homme en état de grâce; car le mal qu convoite par l’appétit sensible qui appartient à la chair ne procède pas de l’acte rationnel, mais de l’inclination qui provient du foyer du péché. Or l’homme est réputé faire ce que la raison opère, parce que l’homme c’est l’être raisonnable. Les mouvements de la concupiscence, qui ne procèdent pas de la raison, mais de l’inclination dont la racine est le foyer du péché, ne sont donc pas l’oeuvre de l’homme; ces mouvements sortent de ce foyer que l’Apôtre appelle ici péché (Jacques, IV, 1): "D’où viennent les guerres et les procès entre vous? N’est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres?" Mais, dans le sens propre, on ne peut appliquer ce passage à l’homme sous le règne du péché, parce que, sa raison consentant à ce péché, conséquemment cet homme opère par lui-même. Ainsi S. Augustin a dit, et la Glose le cite: Il est dans une grande erreur celui qui, consentant à la convoitise de la chair, se détermine à faire ce qu’elle désire et s’y arrête, s’il pense pouvoir dire encore Je ne le fais pas!
B) On peut toutefois, mais en forçant le sens, entendre ce passage de l’homme pécheur; car un acte est attribué surtout à l’agent principal qui imprime le mouvement dans la sphère propre de sa puissance, et non à l’agent qui se meut et qui agit sous la puissance propre d’un autre dont il reçoit le mouvement. Or il est évident que la raison de l’homme, en tant qu’elle lui est propre, n’est pas inclinée vers le mal, mais seulement en tant qu’elle est mue par la convoitise. C’est pourquoi l’exécution du mal, que fait la raison vaincue par la convoitise, n’est pas attribuée principalement ‘a la raison, qui est ici prise pour l’homme, mais plutôt
à la convoitise même, ou à l’habitude qui incline la raison au mal. Que si l’on dit que le péché habite dans l’homme, ce n’est pas que le péché soit un être réel, puisqu’il n’est que la privation du bien; mais on désigne, en parlant ainsi, la permanence de cette privation dans l’homme.