Message non lu
par Pneumatis » dim. 08 mars 2009, 1:07
Bonsoir,
Chevy, si votre axiome est "Création = donner un début d'existence", en métaphysique il y a un mot de trop. "Création = donner l'existence". La notion de début c'est vous qui l'ajoutez.
Si vous tenez absolument à voir un début à l'existence alors expliquez-moi le paradoxe que je vous ai exposé à la fin de mon dernier message. Le temps est une dimension physique. L'univers physique est créé. Donc il a forcément un avant. Si il n'y a pas d'avant du temps et que l'univers qui a la dimension temps est bien créé il faut donc bien qu'il puisse y avoir création qui ne soit pas un début de quelque chose. Sinon qu'y a-t-il donc avant le temps ? Vous voulez parler des autres dimensions, soit ! Si donc l'univers est créé, selon vous il aurait une largeur et une hauteur... Enfin vous voyez bien que cela ne colle pas. L'univers est ce qui défini les dimensions spatio-temporelles, il ne peut donc être défini par ses propres dimensions spatio-temporelles qui sont inhérentes à son existence.
Encore une fois : création n'est pas synonyme de réalisation spatio-temporelle. Un homme ne commence pas d'exister quand il est conçu par ses parents ou quand un spermatozoïde féconde un ovule, ni même quand il vient au monde. Il existe méta-physiquement et quelque chose de physique se transforme pour manifester cette existence dans l'espace-temps. Mais il n'y a pas d'avant ou d'après de son existence. Il n'y a un avant et un après que du corps qui est dans l'espace-temps.
Pour en revenir aux anges, ils ne sont pas dans les dimensions spatio-temporelles. "Quand" un ange chute, c'est sa dynamique spirituelle qui a un mouvement. Le mouvement - l'efficience - qui entraine un changement d'état n'est pas l'efficience "Temps" de notre espace-temps. C'est l'efficience "dynamique spirituelle" qui est logique pure. Quand vous écrivez par exemple A + B = C, vous ne dites pas : "avant il y avait A + B et après il y a C". C'est une autre logique, et y appliquer du temps ou n'importe quelle autre dimension physique n'a pas de sens.
Je crois que je dois mal m'exprimer parce que depuis le début vous bloquez sur cette idée de "début d'existence". Ce serait comme parler du début de la mort ou du début du bien ou du début de la vérité. Ca n'a pas de sens, ce sont deux mots qui sont dans des registres différents. Vous tenez absolument à appliquer une dimension physique à l'existence alors que l'existence est méta-physique.
Pour palier à mes maladresses qui doivent rendre la chose obscure, je préfère vous proposer un extrait de ce que dit Saint Thomas d'Aquin dans sa somme théologique.
QUESTION 50 — LA NATURE DES ANGES
1. Existe-t-il une créature totalement spirituelle et absolument incorporelle ? 2. A supposer que l’ange soit tel, est-il composé de matière et de forme ? 3. Le nombre des anges. 4. La distinction des anges entre eux. 5. Leur immortalité ou incorruptibilité.
Article 1 — Existe-t-il une créature totalement spirituelle et absolument incorporelle ?
Objections :
1. Ce qui est incorporel seulement par rapport à nous et non par rapport à Dieu n’est pas incorporel purement et simplement. Or, selon S. Jean Damascène l’ange “ est dit incorporel et immatériel par rapport à nous ; mais, comparé à Dieu, il est corporel et matériel ”. L’ange n’est donc pas absolument incorporel.
2. Seul le corps est mobile, d’après Aristote. Or, selon S. Jean Damascène, l’ange est une substance intellectuelle toujours en mouvement. L’ange est donc une substance corporelle.
3. S. Ambroise dit que “toute créature est circonscrite par les limites fixes de sa nature ”. Or, être circonscrit est propre aux corps. Toute créature est donc corporelle, y compris les anges puisqu’ils sont créatures de Dieu, selon ces paroles du Psaume (148, 2.4) : “ Louez le Seigneur, vous tous ses anges... car il a parlé, ils ont été faits ; il a commandé et ils ont été créés. ”
En sens contraire, le Psaume (104, 4) parle de “ celui qui a fait de ses anges des esprits ”.
Réponse :
Il est nécessaire d’admettre l’existence de créatures incorporelles. En effet, le but principal de Dieu dans la création est le bien, qui n’est autre que l’assimilation à Dieu. Or, un effet n’est parfaitement assimilé à sa cause que s’il l’imite en cela même qui, dans la cause, est son principe ; ainsi le chaud produit le chaud. Dieu produit la créature par son intelligence et sa volonté, nous l’avons expliqué plus haut.La perfection de l’univers exige donc qu’il existe des créatures intellectuelles. Et l’acte d’intellection ne pouvant être l’acte d’un corps ni d’une vertu corporelle, car tout corps est déterminé dans le temps et dans l’espace, nous devons nécessairement affirmer que la perfection de l’univers requiert l’existence de créatures incorporelles. Les philosophes anciens, qui ignoraient la nature de l’intelligence et ne la distinguaient pas du sens, estimaient que rien n’existe en dehors de ce qui peut être saisi par les sens et l’imagination. Et comme l’imagination n’atteint pas le corporel, ils pensaient, au dire d’Aristote, que rien n’existe en dehors du corporel. L’erreur des sadducéens, qui niaient l’existence de l’esprit (Ac 23,8), provenait des mêmes principes. Mais la supériorité de l’intelligence sur les sens fait raisonnablement conclure à l’existence d’êtres incorporels que l’intelligence seule peut appréhender.
Solutions :
1. Les substances incorporelles sont intermédiaires entre Dieu et les créatures corporelles. Or, en regard de l’un des extrêmes l’intermédiaire fait figure de l’autre extrême ; ainsi le tiède, comparé au chaud, paraît froid. C’est pour cette raison que S. Jean Damascène dit que, comparés à Dieu, les anges sont matériels et corporels ; ce n’est pas parce qu’ils ont en eux quelque chose de la nature corporelle.
2. Dans ce texte, le mot “ mouvement ” est pris dans un sens large qui embrasse aussi les actes d’intelligence et de volonté. On peut donc dire que l’ange est une substance toujours en mouvement en tant qu’il est toujours en acte d’intellection, et non pas, comme nous, tantôt en acte et tantôt en puissance. L’objection provient donc d’une équivoque.
3. Être circonscrit par des limites locales est propre aux corps, mais être circonscrit par des limites essentielles est commun à toute créature, tant corporelle que spirituelle. Ce qui fait dire à S. Ambroise que certains êtres, non contenus dans des lieux corporels, n’en sont pas moins circonscrits par leur substance.
Pour bien faire il faudrait que vous lisiez les autres article de ce chapitre qui traite des différents autres points, comme indiqué dans l'introduction du chapitre. Tout y est expliqué bien mieux que je ne saurais l'expliquer. Et avec ça, si ça a de l'importance pour vous, vous êtes certains d'être en phase avec la foi de l'Eglise sur la question : ce n'est pas pour rien qu'on appelle Saint Thomas d'Aquin le docteur angélique. C'est un peu sa spécialité, a priori il a côtoyé les anges probablement plus qu'aucun autre.
En espérant que cela satisfera votre discernement de la méta-physique (qu'il ne faut pas confondre - je me répète - avec la physique).
Amicalement,
Pneumatis
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013