Libre-arbitre, préscience de Dieu et prédestination

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
Règles du forum
Forum de discussions entre chrétiens sur les questions de théologie dogmatique
Grichka
Censor
Censor
Messages : 78
Inscription : mer. 26 juil. 2006, 12:21

créature spirituellement libre ?

Message non lu par Grichka » dim. 06 août 2006, 16:17

Popeye a écrit :la liberté de la créature spirituelle
Il me paraît essentiel de s'entendre sur le sens des mots pour s'entendre sur le sens de nos propos.
Pour moi, la liberté de la créature spirituelle n'a aucun sens, pourquoi ?
Une créature est l'objet d'un acte : acte de création. Dans l'acte de création, le créateur est le sujet jouissant de toute liberté créative, et son oeuvre est une créature.
Quand nous parlons de liberté, nous ne pouvons employer le terme créature, mais le terme relation, par exemple relation filiale pour nous les humains s'adressant à un Père.
Dans une telle relation filiale, la liberté personnelle est essentielle. Sinon il ne s'agirait plus de relation fialiale, mais d'acte de création d'une Dieu créateur.

En espérant, nous entendre,
cordialement
Christian
"Là où la lumière éblouie et dessèche, j'apporte de l'obscurité, là où l'obscurité perd et refroidit j'apporte de la lumière, c'est plus fort que moi." Canard boiteux

Grichka
Censor
Censor
Messages : 78
Inscription : mer. 26 juil. 2006, 12:21

prédestination !

Message non lu par Grichka » dim. 06 août 2006, 18:45

Chère Hélène,
Être pré-destinés ne signifie pas que le sort est déjà jeté. Il faut le prendre au sens où nous avons été choisis d'avance
Je m'approcherai bien de votre notion de prédestination.
Il me semble que nous sommes tous appelés à aimer ....
celui qui aime en Christ, choisit de vivre en l'amour du Christ, et de fait l'amour prédestine, dans le sens où il conduit à sa fin qui est la plénitude de charité.
Celui qui aime idéologiquement le Christ, donc tache de se soumettre à une certaine idée du Christ est aussi prédestiné par ce choix, prédestiné à devenir esclave de cette idée du Christ et à s'opposer à d'autres idées du Christ : il opposera sa vérité, ou notre vérité à d'autres points de vue chrétiens.
Mais le Christ vivant dépasse toute idée que l'on peut se fabriquer de lui, Il est au milieu de NOUS, et donc celui qui croit voir la vérité est aveugle, alors que l'aveugle qui aime en Christ, lui verra !
qu'est ce qu'il verra ? Ce qu'il vit ... la vie en charité, gloire de Dieu Amour.
Image
"Là où la lumière éblouie et dessèche, j'apporte de l'obscurité, là où l'obscurité perd et refroidit j'apporte de la lumière, c'est plus fort que moi." Canard boiteux

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » dim. 20 août 2006, 11:52

PREDESTINATION : "Si quelqu'un dit que la grâce de la justification n'est accordée qu'aux prédestinés à la vie et que tous les autres appelés, tout en étant appelés, ne reçoivent pas cette grâce, parce que prédestinés au mal par la puissance divine, qu'il soit anathème" (, Textes doctrinaux du magistère de l'Eglise sur la Foi catholique, Editions de l'Orante, 1975, p. 358; & 599 "Canons sur la justification").

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » lun. 21 août 2006, 15:40

Votre conception de la prédestination prend sa source dans votre conception de Dieu. Celui-ci est toute puissance. Vous l'exprimez de deux manières, à l'aide de l'image du potier qui sculpte son argile comme il l'entend, soit pour en faire un vase d'honneur, soit pour en faire un vase de déshonneur. Vous affirmez ensuite que ces vases sont préparés d'avance. C'est dire que l'argile est complètement soumise à une autorité arbitraire, et ne peut en aucun cas s'opposer à cette autorité. Précisons que cette image du potier façonnant l'homme est une image archaïque qui insiste sur le fait que Dieu a fait l'homme de ses mains. L'auteur insiste sur la "fabrication" de l'homme. De l'argile, vous passez à l'homme. Comme de l'argile celui-ci est primitivement sculpté, comme un vase d'honneur ou comme un vase de déshonneur. "choisis dès le commencement" écrivez -vous. C'est donc son salut qui est en cause dès le commencement.
"Dieu peut pré-ordonner à l'enfer"Ce qui fait que l'on se demande bien à quoi peut servir l'Incarnation du Fils de Dieu. Sans toutefois préordonner au péché continuez-vous. Autrement dit, on peut supposer que peut exister une sainte personne qui, non préordonnée au péché (!!!!!!) se voit préordonner à l'enfer..... Je ne vois pas très bien ce que peut être un homme "préordonné au péché". Nous savons tous qu'il pèche, mais nous savons également qu'il a été sauvé. Un homme préordonné au péché ? cela veut dire qui a été créé pour pécher ? Quelle drôle d'idée !! Si Adam a effectivement péché, nul ne dit que c'était une fatalité.
Ce Dieu est donc tout puissant d'une toute puissance qui ne s'inquiète guère de la grâce qu'il va ensuite donner, arbitrairement sans doute, et qui ne se soucie guère de l'Incarnation. L'homme est un jouet entre ses mains et l'on ne voit guère comment concilier tout cela avec le salut qui, dans les Ecritures occupe la première place.
Cette "prédestination" n'est pas contraire à la liberté dites vous ? Comment l'argile qui est sculptée dès le début va t-elle échapper à sa destinée ? Comment l'homme dont il a été décidé qu'il serait vase d'honneur ou vase de déshonneur va t-il échapper à son sort ? Vous dites d'un côté que l'homme a été prédestiné pour le salut (II Th II 13) mais laissez supposer que tous ne le sont pas car "les vases d'honneur sont préparés d'avance, et tous manifestement ne sont pas des vases de colère. Par suite, la prédestination n'est pas la volonté salvifique universelle"écrivez-vous encore.
Ce Dieu tout puissant et arbitraire n'est pas celui de la Révélation ; ce n'est pas le Dieu qui sauve jusqu'au plus grand des pécheurs ; ce dieu est celui dont vous voulez absolument imposer l'image : un dieu inconséquent, totalitaire (j'ai lu un jour ce mot sous votre plume) vengeur (le mot vindicte est également un mot qui revient souvent) dont personne n'a que faire.

"Lorsque ceux qui président aux saintes assemblées accomplissent la mission qui leur a été confiée, ils présentent à la clémence divine la cause du genre humain, et toute l'Eglise gémissant avec eux, ils demandent et ils prient pour que la foi soit donnée aux infidèles, pour que les idolâtres soient délivrés des erreurs qui les laissent sans Dieu, pour que le voile qui couvre le coeur des Juifs disparaisse, et que la lumière de la vérité luise sur eux, pour que les hérétiques se repentent et acceptent la foi catholique, pour que les schismatiques reçoivent l'esprit d'une charité ranimée, pour qu'à ceux qui sont tombés soient donnés les remèdes de la pénitence, pour qu'enfin aux catéchumènes conduits aux sacrements de la régénération soit ouvert le palais de la miséricorde céleste. Ces demandes ne sont pas adressées à Dieu formellement ni vainement : les faits le montrent effectivement. Car Dieu daigne attirer nombre de victimes de toutes sortes d'erreurs ; 'arrachés à la puissance des ténèbres, il les fait passer dans le royaume de son Fils bien-aimé' (Col 1,13), et 'de vases de colère", il en fait 'des vases de miséricorde' (Ro 9, 22-23). Tout cela est si fortement ressenti comme l'oeuvre de Dieu que l'action de grâces continuelle et la louange de sa gloire sont adressées à Dieu qui fait ces choses, pour avoir illuminé et corrigé ces hommes" Saint Augustin.

Charles
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1642
Inscription : mer. 14 juil. 2004, 16:44

Message non lu par Charles » lun. 21 août 2006, 17:53

nelly emont a écrit :Votre conception de la prédestination prend sa source dans votre conception de Dieu. Celui-ci est toute puissance.
Premier article du credo : "Je crois en Dieu le Père TOUT-PUISSANT"

nelly emont a écrit :Vous l'exprimez de deux manières, à l'aide de l'image du potier qui sculpte son argile comme il l'entend, soit pour en faire un vase d'honneur, soit pour en faire un vase de déshonneur.
L'image de l'argile et du potier est une vieille métaphore biblique pour dire le travail de la grâce dans le peuple d'Israël.

Pourtant, Seigneur, tu es notre Père.
Nous sommes l'argile, et tu es le potier :
nous sommes tous l'ouvrage de tes mains (Isaïe 64, 7)

Maison d'Israël, est-ce que je ne pourrais pas vous traiter comme fait ce potier ? déclare le Seigneur. Oui, comme l'argile est dans la main du potier, ainsi êtes-vous dans ma main, maison d'Israël (Jérémie 18, 6)

Mais peut-être la bible et le christianisme sont-ils archaïques ? L'argile, le potier, l'Epoux, Jérusalem, l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde... que d'images archaïques ! Il faudrait balayer tout cela, reconstruire des églises modernes avec de la moquette et l'internet, et bien soumises à l'esprit du temps, surtout, surtout qui ne lui résistent pas...
nelly emont a écrit :Vous affirmez ensuite que ces vases sont préparés d'avance. C'est dire que l'argile est complètement soumise à une autorité arbitraire, et ne peut en aucun cas s'opposer à cette autorité. Précisons que cette image du potier façonnant l'homme est une image archaïque qui insiste sur le fait que Dieu a fait l'homme de ses mains. L'auteur insiste sur la "fabrication" de l'homme. De l'argile, vous passez à l'homme. Comme de l'argile celui-ci est primitivement sculpté, comme un vase d'honneur ou comme un vase de déshonneur. "choisis dès le commencement" écrivez -vous. C'est donc son salut qui est en cause dès le commencement.
"Dieu peut pré-ordonner à l'enfer"Ce qui fait que l'on se demande bien à quoi peut servir l'Incarnation du Fils de Dieu. Sans toutefois préordonner au péché continuez-vous. Autrement dit, on peut supposer que peut exister une sainte personne qui, non préordonnée au péché (!!!!!!) se voit préordonner à l'enfer..... Je ne vois pas très bien ce que peut être un homme "préordonné au péché". Nous savons tous qu'il pèche, mais nous savons également qu'il a été sauvé. Un homme préordonné au péché ? cela veut dire qui a été créé pour pécher ? Quelle drôle d'idée !! Si Adam a effectivement péché, nul ne dit que c'était une fatalité.
Ce Dieu est donc tout puissant d'une toute puissance qui ne s'inquiète guère de la grâce qu'il va ensuite donner, arbitrairement sans doute, et qui ne se soucie guère de l'Incarnation. L'homme est un jouet entre ses mains et l'on ne voit guère comment concilier tout cela avec le salut qui, dans les Ecritures occupe la première place.
Cette "prédestination" n'est pas contraire à la liberté dites vous ? Comment l'argile qui est sculptée dès le début va t-elle échapper à sa destinée ? Comment l'homme dont il a été décidé qu'il serait vase d'honneur ou vase de déshonneur va t-il échapper à son sort ? Vous dites d'un côté que l'homme a été prédestiné pour le salut (II Th II 13) mais laissez supposer que tous ne le sont pas car "les vases d'honneur sont préparés d'avance, et tous manifestement ne sont pas des vases de colère. Par suite, la prédestination n'est pas la volonté salvifique universelle"écrivez-vous encore.
Ce Dieu tout puissant et arbitraire n'est pas celui de la Révélation ; ce n'est pas le Dieu qui sauve jusqu'au plus grand des pécheurs ; ce Dieu est celui dont vous voulez absolument imposer l'image : un Dieu inconséquent, totalitaire (j'ai lu un jour ce mot sous votre plume) vengeur (le mot vindicte est également un mot qui revient souvent) dont personne n'a que faire.
Nelly, l'exposé de Popeye est très clair et il rend précisément compte de l'enseignement catholique sur la prédestination. Tout ce que Popeye vient d'écrire n'a absolument rien de personnel, il n'exprime ici aucune idée personnelle, seulement l'enseignement de l'Eglise catholique. Qu'en plus vous semblez ne pas connaître ni comprendre.

Dieu est tout-puissant, il n'y a pas à revenir là-dessus. C'est parce qu'il est tout-puissant qu'il peut nous sauver en s'abaissant jusqu'à mourir sur la croix, vous l'ignoriez ? Et de plus, la grâce est imméritée et, oui, notre Dieu est arbitraire en ce sens-là. Les ouvriers de la dernière heure reçoivent le même salaire que ceux de la première heure : comment vous accomodez-vous de ce scandale ?

Pourquoi les trésors de la foi catholique vous sont-ils ainsi inadmissibles ?
Dernière modification par Charles le mar. 22 août 2006, 7:07, modifié 1 fois.

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » lun. 21 août 2006, 18:57

Etes-vous [ Insultes. | Christophe ] que vous déformiez mes propos jusqu'à en faire des absurdités ??? J'en suis complètement abasourdie. Lorsque je parle du Dieu tout puisssant de Popeye, n'êtes vous pas capable de comprendre que la toute puissance évoquée est celle de l'arbitraire de Celui qui décide de celui qui sera sauvé et de celui qui ne le sera pas. Le Dieu tout puissant du Crédo n'est sûrement pas celui-là.
Que l'image du potier soit une vieille image, je le sais aussi bien que vous. Lui ai-je dénié tout sens ? Sûrement pas. Seulement celui que lui donne Popeye, à savoir de l'utiliser pour montrer que c'est Dieu qui décidequi sera un vase d'honneur ou de déshonneur.

quant au texte qui suit, il est de Saint Augustin. Dit-il lui aussi des stupidités qui prend si bien le contre pied de Popeye.

Je suis confondue par votre capacité à transformer tout ce que j'ai écrit en son contraire.

L'exposé de Popeye n'est sûrement pas très clair car si je vous demandais de m'expliquer certaines phrases, je suppose que vous en seriez très embarrassée. Et en plus, il est faux sur bien des points et précisément ceux que j'ai essayé de développer. Donnez vous la peine de lire la citation de saint Augustin.

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » mar. 22 août 2006, 9:32

Franchement, je n'ai rien à redire à tout ça. Mais qu'est devenu l'histoire du potier qui décide de façonner l'argile dans un sens ou dans un autre qui était l'objet de vos messages précédents ? Nous ne sommes plus dans la même question. Ici vous évoquez le pécheur qui peut toujours s'en remettre à la grâce divine qui lui est continuellement offerte, même dans les conditions les plus douloureuses. L'idée selon laquelle Dieu endurcit les coeurs ne renvoie pas à une décision arbitraire mais au fait que le pécheur rejette la grâce, ce qui fait, que de fait, c'est comme si, Dieu lui endurcissait le coeur, comme il a endurci le coeur du pharaon. Mais Dieu n'a pas rendu le Pharaon méchant arbitrairement : il a laissé jouer ses passions.
Le mot prédestination, s'il est utilisé, renvoie à l'idée que l'homme est prédestiné à Dieu ; à Dieu uniquement. Donc, hier un Dieu potier qui décidait de toutes choses avant même que l'homme se manifeste, ici un Dieu miséricordieux. Je préfère ce dernier. Hélas, je crains de voir bientôt ressurgir l'autre....

Avatar de l’utilisateur
Miles Christi
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 112
Inscription : jeu. 06 avr. 2006, 11:05
Localisation : In Tempore

Message non lu par Miles Christi » mer. 23 août 2006, 8:20

L'image d'une matière terreuse façonnable est particulièrement judicieuse pour dépeindre la nature humaine et la possibilité de son rachat:
La Rédemption

Un exemple maintenant dans l'ordre surnaturel: c'est l'attention donnée à la matière qui a permis à Saint Thomas, théologien, d'être par excellence le docteur de la rédemption, le docteur de la miséricorde. Il a vu, en effet, que, parce que l'homme comporte matière en son essence même, dans l'ordre de l'opération l'homme est susceptible de reprises. Pour la même raison, les purs esprits n'en sont pas capables: ils sont fixés dans leur élection première; c'est la dernière.

On peut introduire dans l'intelligence de cela par une comparaison, qui ne sera qu'une comparaison. Les esprits purs sont comme des cristaux, comme des diamants; une fois brisés, ils sont irréparables. L'homme est comme la glaise; lorsqu'il y a un échec, on remet la masse en boule et on recommence. Je dis que c'est une comparaison, car il est évident que ce n'est pas la matière elle-même qui, chez l'homme est reprise, ce n'est pas notre corps directement et principalement qui est racheté, qui est refait, mais c'est en raison de la matière que l'homme a des pensées et des volontés successives et réformables; c'est en tant que notre âme est unie à la matière et notre intelligence liée à nos sens, c'est en tant que l'homme est rationalis, et non pas purement intellectualis, c'est en tant qu'il est discursif, progressif, qu'il est réformable.

On nomme souvent saint Thomas le docteur angélique. Cela se justifie à certains points de vue; mais si l'on regarde surtout le contenu de sa pensée, je crois qu'il serait beaucoup mieux de l'appeler le docteur humain, à la condition de bien voir que l'homme l'a intéressé spécialement parce que domaine, champ de la miséricorde divine: docteur humain non pas pour exalter l'homme, mais docteur humain parce que voyant tout ce que la miséricorde de Dieu a pu faire dans le plus pauvre, le plus humble des esprits qu'est l'homme, si bien que l'on dirait exactement la même chose en disant docteur de la Rédemption, docteur de la miséricorde.

Commentaire du De Ente et Essentia de saint Thomas d'Aquin

D.J Lallement

In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » mer. 23 août 2006, 9:42

Merci Miles Christi pour ce beau texte qui insiste sur la Miséricorde. C'est vrai, l'argile peut toujours être remodelé, toujours et encore. Et Dieu le remodèle toujours, donne encore et encore la possibilité de le remodeler. Je n'avais pas vu ce sens de l'image. Point de vindicte, (ce mot ne figure même pas à l'"Index des textes doctrinaux du Magistèrs de l'Eglise sur la Foi catholique). Mais de l'Amour, la Rédemption offerte et offerte encore.
Si vous avez d'autres textes, ne vous privez pas de nous les offrir.

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » mer. 23 août 2006, 11:55

questions très très simples à Popeye qui demandent des réponses très très simples.
l) pourquoi voulez-vous parler encore et toujours de la prédestination ?
2) que voulez-vous nous en dire ?
Une phrase ou deux par réponse s'il vous plait, ce qui est un exercice communément demandé dans n'importe quel cours de philo. Ainsi nous saurons d'où nous partons. Je vous remercie.

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » ven. 25 août 2006, 17:02

Je crois que vous mélangez un peu tout : la proposition "Dieu fait miséricorde seulement à qui il veut car il est libre" est fausse. Cela reviendrait à dire qu'il ne tient aucun compte de l'homme particulier qu'il a créé, et qu'Il en use avec lui comme un d'un jouet. Ce qui est une idée complètement exclue des Ecritures. Si c'est cela que propose Popeye, cela le regarde, mais cela est faux. Dieu "prédestine", -et c'est là seulement où le mot peut avoir un sens juste, tout le monde au salut. Il propose sa grâce, encore et toujours et tous les hommes sont sauvés du fait de l'Incarnation.
Dieu est Amour et seul l'Amour rend libre.
Quant à vos propositions suivantes selon lesquelles Dieu a un beau jour pris connaissance de ce qu'était le mal.... Je ne vois aucunement ce que ça veut dire. Avant il ne savait pas ? Il est capable de.... il est Incapable de... Ceci n'a aucun sens.

Avatar de l’utilisateur
Guillaume
Censor
Censor
Messages : 61
Inscription : ven. 02 juil. 2004, 0:06

Message non lu par Guillaume » ven. 25 août 2006, 17:49

tentative d'explication de mes confuseries:

Dieu a un beau jour pris connaissance de ce qu'était le mal signifie que avant que celui-ci(le mal) ne fasse son apparition Dieu n'en soupçonnait pas la possibilité. Aussi non il eut fallut que l'esprit de notre divin créteur eut été perverti pour avoir une telle pensée. D'autre part Dieu n'étant qu'amour il ne pouvait alors pas penser au mal. Quand pour la première fois les hommes choisir de ne pas faire le bien et donc agirent mal, Dieu put enfin connaître cette horeur.

par capable et incapable j'entend notre capacite, ici les capacités qu'a ou n'a pas notre seigneur: il n'en a que une: nous aimer(beaucoup de choses en découlent). Par contre il n'a pas la capacité de faire le mal.

Cela a t'il maintenant un sens ou bien me suis-je encore égaré dans des théories très volatiles et ridicules de par leur naïveté?

En Christ Guillaume

nelly emont
Censor
Censor
Messages : 168
Inscription : mer. 25 janv. 2006, 14:21
Localisation : Hasparren -France

Message non lu par nelly emont » sam. 26 août 2006, 19:57

Ben à mon avis, vous cafouillez pas mal....
Dieu est, traditionnellement pourvu d'un certain nombre d'attributs, dont la toute puisssance, la perfection etc.. Ce ne sont pas des "religions" qui ont d'abord touvé cela, mais des philosophes. Si un dieu existe il ne peut qu'être la perfection même. Dans la perfection, il n'y a pas de place pour le mal.
Dans le christianisme, Dieu a créé l'homme libre. ça nous fait deux notions, celle de créature, c'est-à-dire qui ne tient pas son être d'elle-même mais d'un autre, et celle de liberté, c'est-à-dire une capacité à choisir. Dans ces deux notions résident la possibilité du mal : l'homme étant créé peut ne pas accepter ce statut et se prendre pour Dieu, et il peut choisir de se révolter. Là est le mal, du côté de l'homme, et avant lui de certains anges. Sans vouloir tomber dans le roman feuilleton, on peut supposer que Dieu connaissait de toute éternité cette possibilité, ce qui ne l'a pas empêcher de créer, et de créer pour le bien et la béatitude éternelle tout ce qu'Il a créé.

Avatar de l’utilisateur
Guillaume
Censor
Censor
Messages : 61
Inscription : ven. 02 juil. 2004, 0:06

Message non lu par Guillaume » sam. 26 août 2006, 20:16

Nelly emont,

vous placez le mal dans le choix qu'a l'homme de ce qu'il peut faire.
vous dîtes que Dieu connaissais cette possibilité.

pour l'homme, je vois les choses autrement, je dirai plutôt que Dieu nous a laissé le choix de faire soit le bien soit de ne pas le faire. Je dirai que Dieu n'a pas imaginé un seul instant que nous choisirions de ne pas faire le bien, personnellement je suis éffaré de me voir faire le mal plutôt que de lui préférer le bien, c'est totalement illogique à mes yeux. Pour lui il était sur que nous prendrions le bien. Il n'a même pas cherché à imaginer les conséquences de ne pas faire le bien, il n'a même pas pus imaginer que cela donnerait le mal. A quoi cela lui aurait il servi d'imaginer pareil chose puisque nous n'en aurions pas fait usage?
Nous en avons fait usage et pourquoi? mystère.

pour Dieu, si il connaissait la possibilité du mal, comment a t'il pus penser au mal?

Guillaume qui s'enfonce en confuseries et qui confusément s'en excuse...

Avatar de l’utilisateur
Miles Christi
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 112
Inscription : jeu. 06 avr. 2006, 11:05
Localisation : In Tempore

Message non lu par Miles Christi » lun. 28 août 2006, 11:04

D'abord la position de Saint Thomas d'Aquin sur la prédestination, la grâce, la justice et la miséricorde.

La prédestination et le livre de vie (Q.XXIII-XXIV)

(..)Cette intention domine, pour ainsi dire, tout le plan providentiel: l'évolution des créatures et le jeu des évènements ne sont organisés qu'en vue de favoriser l'accession des "élus" au terme de leur destinée bienheureuse. En raison de sa priorité dans la pensée divine, ce choix des futurs élus est appelé "prédestination". (art. 1-2) (...)

La prédestination est donc avant tout la volonté de procurer le salut éternel à certaines âmes: et il n'est pas possible d'assigner une cause quelconque à la volonté divine souverainement indépendante. Par conséquent, ce n'est pas la prescience des mérites qui dicte à Dieu le choix des prédestinés: "Ce n'est pas en raison des oeuvres de Justice accomplies par nous, mais en raison de sa miséricorde que Dieu nous sauve". (Tite III,5) "Avant que les hommes soient nés et qu'ils aient rien fait, ni bien ni mal, sans aucune considération des oeuvres, mais en vertu d'un libre appel de Dieu"... (Rom IX, 11-13)

(...) En réalité, tout ce qui conduit l'homme au salut est compris dans l'effet de la prédestination, sans en excepter même la préparation à la grâce qui ne peut se faire sans un secours divin. (...)

Le nombre des prédestinés est lui-même certain et fixé d'avance; et non seulement le chiffre global, comme celui des grains de sable de la mer, mais chaque unité nommément.(...)

La cause de la grâce (Q. CXIII)

(...) Pour recevoir le secours de la grâce en vue de faire le bien, aucune préparation n'est requise de la part de l'homme comme s'il devait prévenir l'aide divine: au contraire, toute préparation qui se fait dans l'homme est elle-même l'oeuvre de Dieu . Il n'est pas jusqu'au mouvement du libre arbitre par lequel on se dispose à recevoir le don de la grâce, qui ne soit un effet de la motion divine . Et s'il est dit "qu'il appartient à l'homme de préparer son esprit" (Prov XVI, 1), cela doit s'entendre d'un mouvement du libre arbitre causé principalement par l'action de Dieu"

(...) La diversité peut provenir de la préparation: celui qui se prépare mieux reçoit une grâce plus abondante. Mais ce n'est pas la première raison: car cette préparation elle-même n'est l'oeuvre de l'homme que dans la mesure où son libre arbitre est prédisposé par Dieu . (...)


Les effets de la grâce (Q. CXIII-CXIV)

Effets de la grâce opérante: la justification du pécheur (Q. CXIII)
(...)
En résumé, la justification du pécheur comprend quatre phases: le don de la grâce, c'est la part de la motion divine; le mouvement du libre arbitre vers Dieu par la foi, et le mouvement du libre arbitre contre le péché, c'est la part de la volonté humaine; enfin la rémission de la faute c'est le terme de ce mouvement, où la justification est consommée. (art. 6)
Mais tout cela se fait en un instant. Car l'octroi de la grâce, duquel tout le reste dépend, ne requiert aucun délai. Si parfois le libre arbitre se livre à une certaine délibération, ce n'est qu'un acheminement qui ne fait pas partie de la justification proprement dite (art. 7 et ad. 1m)
Par ordre de nature seulement, l'octroi de la grâce est le premier des éléments de la justification, comme la cause précède les effets. (art. 8)
(...)

Effet de la grâce coopérante: le mérite (Q.CXIV)

L'homme ne peut mériter sa première grâce. Celle-ci est nécessairement un don gratuit: d'une part, en effet, elle est une qualité surnaturelle, donc elle dépasse tout pouvoir de la nature; d'autre part, le péché dont la nature est affligée, constitue un obstacle de surcroît. La grâce est le principe de toute oeuvre méritoire : on peut alors mériter d'autres grâces en vertu de la grâce initiale, mais non cette première grâce elle-même.(art.5)
(...)
Tous les bienfaits que l'on reçoit de Dieu après le péché, surtout ceux qui aboutissent à la réparation, ne résultent donc pas du mérite, pas même d'un mérite obtenu dans l'état de grâce antérieur, qui ne pouvait étendre ses effets au-delà du péché.

La justice et la miséricorde de Dieu (Q. XXI)

(...)

Loin de neutraliser ou de désavouer la justice, la miséricorde la couronne plutôt et la dépasse. Quiconque guérit un mal, remet une dette, ou pardonne une offense, fait plus que remplir un devoir, il offre un cadeau. (art. 3)

En somme, l'oeuvre de la justice divine elle-même est toujours précédée de celle de la miséricorde, et fondée sur elle: car Dieu ne doit rien à sa créature , sinon en raison de ce qu'il lui avait préalablement accordé. Si le mérite exige une juste rétribution, la grâce qui permet de mériter est accordée gratuitement: et c'est par pure bonté que Dieu tire une créature de sa misère naturelle, comme à l'origine il l'a tirée du néant. (art. 4)
Ainsi d'après Saint Thomas, quelques hommes sont prédestinés à jouir de la vie éternelle, et cette prédestination ne fait entrer en ligne de compte que la volonté de Dieu: dès lors la seule réponse à la question "Pourquoi Dieu sauve t-il untel et pas tel autre" n'a pas d'autre réponse que celle-ci: "Dieu le veut!". Et lorsque Saint Thomas évoque la miséricorde divine il ne faut pas se méprendre sur le sens qu'il lui donne, certes il reconnaît la primauté de la miséricorde sur la justice, mais cette miséricorde ne s'applique qu'à un petit nombre d'élus et il le justifie ainsi: en toute justice Dieu n'aurait du sauver personne, donc ne sauverait-il qu'un seul homme que cela constituerait déjà un acte miséricordieux, un dépassement de la Justice. Il faut bien bien voir l'insistance de Saint Thomas sur la primauté de la grâce qui meut le libre arbitre, qui crée les bonnes dispositions intérieures, qui est cause du mérite, etc...Inévitablement surgit la question: "Mais que reste-il alors du libre arbitre, sa valeur étant désormais nulle dans l'économie du salut? dans ce cas pas grand chose, et c'est pourquoi la prédestination selon l'augustinisme et le néo-augustinisme dont s'inspire fortement Saint Thomas a suscité pendant des siècles de nombreuses controverses parmi les autres Saints et théologiens:

C'est en réponse à une citation problématique d'Augustin que Thomas formula son principe général: "Les saints docteurs ont parfois forcé leurs expressions au-delà des limites requises pour la propriété du langage[...]. De pareilles formules ne sont pas à généraliser mais plutôt à expliquer", principe qu'il reprit ailleurs pour d'autres Pères(...)les ambiguïtés de l'augustinisme et l'histoire antérieure de la théologie médiévale rendaient certaines questions inévitables.
Au premier chef de ces questions se trouvait la doctrine de la prédestination. Déjà de son vivant, Augustin avait dû affronter certains "frères" qui redoutaient les conséquences de ses vues sur le sujet et il avait formulé sa réponse dans les deux traités (qui sont peut-être les deux parties d'un seul traité) "De la prédestination des saints" et "Du don de persévérance". Les controverses qui se déroulèrent au cours des cents ans suivants ne résolurent par la question de la prédestination et le IXe siècle eut à ouvrir de nouveau le débat. Ce débat s'était achevé dans la même ambiguïté, sans identifier de doctrine orthodoxe claire au sujet des points disputés. Au IXe siècle, la relation entre la justice de Dieu et la pitié de Dieu était l'un des points fondamentaux du conflit sur la prédestination(...)
Anselme en personne commença à fournir une base pour cette révision. En reconnaissant que dans un certain sens on pouvait dire que Dieu avait prédestiné les mauvaises actions, mais seulement pour les avoir causés comme actions, non pour avoir causé le mal en elles, Anselme formula un principe d'explication pour les déclarations d'Augustin et des autres Pères, et même de l'Ecriture, qui disaient de Dieu qu'il avait prédestiné quelque chose de mal. Il résolut le paradoxe du libre arbitre de l'homme et de la prédestination de Dieu à l'aide d'une résolution du paradoxe plus général du libre arbitre de l'homme et de la prescience de Dieu. La liberté et la prescience n'étaient pas incompatibles, même dans le cas du péché humain, parce que la manière précise de formuler leur relation était: "Dieu sait d'avance que je pécherai sans nécessité". Parce qu'il n'y avait ni passé ni futur en Dieu mais seulement un présent éternel, il était erroné, comme on l'avait fait remarquer lors de la controverse sur la prédestination, de parler comme si Dieu avait connu dans le passé ce qui allait se produire dans l'avenir, car "selon l'éternité[...] tout vrai, et rien que le vrai, est immuablement présent". De la même façon, Dieu n'avait donc en réalité rien prédestiné puisque "tout Lui est en même temps présent". Il était raisonnable de conclure de l'analyse de la prescience que "tous les raisonnements par lesquels nous avons montré plus haut que le libre choix ne contredit pas la prescience montrent pareillement qu'il concorde avec la prédestination".
(...)
Bonaventure énumérait des autorités, deux citations du Nouveau Testament, une d'Augustin et une d'Anselme, à l'appui de l'enseignement que Dieu n'était pas lui-même l'auteur de l'endurcissement du coeur d'un pêcheur. Traitant du même sujet dans son propre commentaire des Sentences de Pierre Lombard, Thomas d'Aquin citait comme autorité le consensus de "ce que les saints", à savoir Denys, Augustin et Anselme, "disent de commun, à savoir que la raison pour laquelle quelqu'un n'a pas la grâce est qu'il a refusé de l'accepter et non que Dieu a refusé de l'accorder". (...)
Cependant, Bonaventure ne fonda pas la certitude de la prédestination dans la seule infaillibilité de la prescience de Dieu mais dans l'immutabilité de son "projet et de son ordonnance". Car comme le dit Thomas d'Aquin: "Le nombre des prédestinés est dit certain pour Dieu non seulement en raison de sa connaissance mais en outre il est certain pour Dieu en raison d'un choix et d'une détermination." L'importance attachée par Thomas d'Aquin à l'élection et à la détermination plutôt qu'à la prescience avait été préfigurée dans l'enseignement selon lequel la cause de la justification n'était pas ce que Dieu connaissait de toute éternité dans son esprit mais ce qu'il avait projeté de toute éternité dans sa pitié. Il était d'autant plus frappant qu'il agît ainsi puisqu'il soutenait que la prédestination appartenait surtout à l'intellect divin alors que Bonaventure l'assignait surtout à la volonté divine.Mais en même temps, Bonaventure invitait à se garder de définir la volonté de Dieu comme une arbitraire "cause des causes et raison des raisons" qui élirait quiconque lui plaisait tout simplement parce que cela lui plaisait; car en voulant exalter la volonté de Dieu, nous risquons au contraire de la diminuer"(...)
Dans un commentaire du passage: "J'ai aimé Jacob mais j'ai haï Esaü", Augustin avait suggéré que la différence s'expliquait par la connaissance divine anticipée des deux hommes. Plus tard cependant, s'étant débattu dans les controverses pélagiennes, Augustin rétracta cette suggestion parce que toute différenciation de ce genre entre les élus et les damnés serait une négation de la priorité de la grâce.(...)
L'obstacle qui demeurait dans la vision augustinienne de la grâce était, comme au Ve et IXe siècles, sa doctrine de la réprobation, qui impliquait une grâce loin d'être universelle. L'endurcissement du coeur de Pharaon, au sujet duquel Godescalc et Hincmar avaient débattu, posait encore problème. Les compilateurs et les commantateurs des XIIe et XIIIe siècles s'efforcèrent d'expliquer le langage d'Augustin sur ce point.(...)
Le résumé d'Augustin par Isidore était cité ainsi: "La prédestination est double". Augustin avait défendu la justice dans la réprobation alléguant que "si tous demeuraient dans les peines d'une juste condamnation, en aucun n'apparaîtrait la grâce miséricordieuse de Dieu, et en retour, si tous étaient transférés des ténèbres à la lumière, en aucun n'apparaîtrait la réalité de la vengeance". Citant cet argument dans une paraphrase, Bonaventure renforça la "nécessité de dissimuler" les voies de Dieu, comme le proclamait un passage de l'épître aux Romains qu'Augustin avait cité à maintes reprises lors de tournants décisifs dans ses déclarations sur le mystère de la double prédestination contre les Pélagiens: "O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Impénétrables sont ses jugements et incompréhensibles ses voies!"
Thomas d'Aquin essaya d'harmoniser l'amour de Dieu avec la réalité de la réprobation divine en soutenant qu'en aimant tous les hommes et en leur souhaitant à tous du bien, Dieu ne leur souhaitait pas à tous le même bien ; "Donc, en tant qu'il ne veut pas pour certains ce bien qu'est la vie éternelle, on dit qu'il les a en haine ou qu'il les réprouve." Ce retrait de la grâce se faisait "par son propre jugement". Quant à la formule du Nouveau Testament qui avait tant gêné Augustin, Dieu "veut que tous les hommes soient sauvés" , il convenait de l'expliquer en se servant des divers procédés avancés par Augustin. De plus, il fallait entendre cette affirmation compte tenu de "sa volonté conséquente", par laquelle il voulait les choses relativement, d'après la manière dont les hommes réagissaient, plutôt que compte tenu de sa volonté antécédente qui est de vouloir "purement et simplement". En conclusion de tout cela, on citait une fois de plus Augustin au sujet d'un jugement divin sur lequel nos sens n'ont pas de prise, ainsi que ce conseil tout aussi augustinien, "Et ainsi la discussion de la prédestination doit se clore dans l'insuffisance de notre entendement, "en sorte que toute bouche doit être fermée et que tout le monde doit se reconnaître condamnable devant Lui" , dont les jugements ne sont pas ouverts à notre inspection mais "doivent être révérés dans un silence impressionnant". Quand Thomas Bradwardine, John Wycliffe, Martin Luther et Jean Calvin ouvrirent à nouveau le débat sur la double prédestination, ils commencèrent par ce néo-augustinisme .

Croissance de la théologie médiévale

Jaroslav Pelikan


Comme on peut le constater les choses sont loin d'être claires: dans son commentaire des Sentences de Pierre Lombard Saint Thomas opte d'abord pour le libre arbitre, libre d'accepter ou de refuser la grâce puis ensuite il se ravise en faveur de la prédestination au sens strict du terme. On peut également se demander si le principe qu'il a lui même formulé, à savoir "Les saints docteurs ont parfois forcé leurs expressions au-delà des limites requises pour la propriété du langage[...]. De pareilles formules ne sont pas à généraliser mais plutôt à expliquer" ne pourrait pas s'appliquer aussi à sa propre doctrine de la prédestination. Dans le cas de Saint Augustin, son combat contre l'hérésie pélagienne l'a effectivement amené à radicaliser ses vues sur la prédestination alors qu'auparavant il expliquait celle-ci par la connaissance anticipée des hommes par Dieu. Plus gênante encore est la tentative de conciliation de Saint Thomas entre le fait que Dieu veut du bien à tous les hommes et le fait que d'office Il en réprouve certains, même si la réprobation est atténuée en disant qu'elle n'est pas élective mais permissive, le résultat est cependant le même: d'office des hommes sont voués à l'enfer. La solution de Saint Thomas est alors de maintenir que Dieu veut du bien à tous les hommes, mais à certains plus qu'à d'autres, ce qui revient à dire que malgré tout l'enfer reste un bien, ce qui est plutôt problématique quoique si l'on considère que être en enfer c'est toujours mieux que de ne pas être du tout (puisque avoir l'être est une perfection conférée par Dieu), cependant l'enfer se définit d'abord et avant tout comme une privation, un mal...Quant à invoquer la volonté conséquente cela revient à réintroduire un argument précédemment rejeté: la connaissance anticipée des hommes... Ces disputes à n'en plus finir sur la prédestination furent l'occasion de donner du grain à moudre aux protestants, avec les conséquences désastreuses que l'on sait pour la Chrétienté:


1) La justification par la foi

La racine et le noyau de toute théologie réformée est la doctrine de la justification par la seule foi . Tout cela est caractéristique de l'enseignement de Luther et on peut faire remonter la Réforme à la conviction de la radicale perversité de l'homme et de son total éloignement de Dieu à cause de l'immensité de son péché, ainsi qu'au rejet des solutions couramment acceptées au problème du pardon et de la rédemption. (...) Luther et Calvin croient tous deux à la déparavation totale de l'homme. Ils n'entendent pas par là que rien de ce que l'homme peut faire ne peut jamais être "bon" au sens généralement accepté du terme, mais plutôt que même ce qui est, aux yeux des hommes, de "bonnes actions", est dramatiquement et totalement insuffisant lorsqu'on le mesure au modèle de droiture que Dieu requiert de Ses serviteurs. Le mal que nous faisons est l'expression normale de notre nature humaine corrompue et notre propre responsabilité; mais tout le bien que nous pouvons faire est l'oeuvre de Dieu à travers nous, un don de la libre grâce de Dieu dont nous ne pouvons réclamer le mérite . Il est ridicule de penser à invoquer nos bonne oeuvres devant Dieu Tout-puissant parce qu'elles sont désespérément insignifiantes en considération de la condamnation de notre péché que la justice divine exige; elles sont elles-mêmes, et sans exception, souillées par notre corruption et notre méchanceté; et par ailleurs, dans la mesure où elles sont bonnes, leur bonté vient de Dieu et non pas de nous. Tous les hommes sont égaux devant la condamnation de Dieu. Même les "saints", écrivit Calvin, "ne peuvent accomplir une seule oeuvre qui ne mérite juste loyer d'opprobre, si on l'estime en elle-même". Le pardon et la paix avec Dieu ne peuvent être obtenus ou gagnés par quoi que ce soit que l'homme puisse accomplir de lui-même . (...) Nous sommes justifiés devant Dieu, prétendent-ils, non par des oeuvres, ou par les mérites des saints distribués au moyen des indulgences, mais sola fide, par la foi seule. Et la foi est un don de Dieu, et non quelque chose que l'homme puisse créer par lui-même.

Histoire de la philosophie politique

Leo Strauss et Joseph Cropsey

Luther croit qu'il y a une double nature de Dieu. Il y a le Dieu qui s'est révélé lui-même par sa Parole, mais il y a aussi le Deus absconditus (*) dont les desseins sont impénétrables, qui sauve les pécheurs évidents et condamne ceux qui, à vue humaine, sont justes (...)D'où aussi plus profondément, la doctrine qui sera bientôt connue sous le nom de "doctrine de la double prédestination"(...)

* Cette expression renvoie à un passage d'Isaïe (45, 15): "En vérité, tu es un Dieu qui se cache, Dieu d'Israël, sauveur."


L'Eglise ne doit pas avoir de pouvoirs politiques et juridiques propres

Si le salut vient par la sola fide, la foi seule, l'idée classique d'une Eglise médiatrice du salut disparaît . L'Eglise comme le mot ecclesia l'indique n'est rien d'autre que le Gottes Volk, le peuple de Dieu, ce que Marsile de Padoue appelait déjà la congregatio fidelium, l'association ou l'assemblée des croyants. Cette association n'a pas de réalité autre que celle de ses membres. Il ne doit donc pas exister de clergé séparé du peuple, ayant seul une vocation spirituelle tandis que le peuple aurait une vocation charnelle. Tous les croyants peuvent seconder leurs frères dans la voie spirituelle et en ce sens ils sont tous prêtres: c'est la fameuse doctrine du "sacerdoce universel"(...) Mais Luther n'en tranche pas moins définitivement la querelle des Deux Glaives en faveur du glaive temporel, ou plutôt il refuse de reconnaître qu'il existe deux glaives. Il n'en existe qu'un, et Dieu l'a confié à l'Etat.(...) Dès la guerre des Paysans de 1524-1525, Luther a l'occasion d'appliquer les principes énoncés ci-dessus: "Contre les hordes de paysans pillardes et criminelles, Celui qui périt dans les rangs des princes, devient un bienheureux martyr; mais celui qui tombe en face va tout droit chez le diable! Celui qui pense qu'il n'y a rien de plus dangereux, de plus pernicieux, de plus diabolique qu'un rebelle, qu'il l'assomme, l'étrangle, le saigne, publiquement ou secrètement[...] L'âne veut être battu et le peuple veut être gouverné avec énergie[..]Moi, Martin Luther, j'ai tué tous les paysans révoltés, car j'ai ordonné de les assommer; j'ai leur mort sur la conscience"

En conclusion, la théologie de Luther conduit à un renforcement considérable des pouvoirs de l'Etat, qui ne sont plus concurrencés et compensés par ceux d'une Eglise institutionnelle indépendante.

Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains

Philippe Nemo


Le risque pratique d'une doctrine de la prédestination qui évacue le libre arbitre pour ce qui est de l'accession au salut est donc de dévaloriser considérablement tous les intermédiaires en tant qu'instruments de salut et tous les efforts déployés par ces mêmes intermédiaires, le salut n'étant plus obtenu de façon médiate, mais immédiate.



Reste à savoir quelle est la position de l'Eglise elle-même...en tout cas les arguments en faveur d'une prédestination intégrant comme moment décisif le libre choix de l'homme sont nombreux et valables:


- "Soit!" me dira-t-on. "Mais Dieu, étant bon et tout-puissant selon vous, aurait dû l'obliger à ouvrir les yeux." -C'est justement ce que Dieu ne devrait pas faire, autrement Il le réduirait à l'état d'être inanimé, c'est à dire le dégraderait. Nous avons vu que l'essence même de la vie spirituelle, le fil même pour ainsi dire dont celle-ci est tramée, ce par quoi l'homme est l'image de Dieu, c'est le libre arbitre. Et c'est pourquoi tout ce qui n'est pas accompli par la volonté, mais par la nécessité, est peu estimable: "Car le bien qui vient de la nature ne mérite pas l'estime, mais celui qui vient du libre choix est digne de louange. Faut-il savoir gré au feu de brûler? Il brûle par nature! Où à l'eau de tomber? Elle a cette aptitude de la part du créateur! Faut-il savoir gré à la neige de ce qu'elle refroidit , ou au soleil de ce qu'il brille? Il brille en effet, dût-il ne pas le vouloir! Enchante-moi en voulant les choses meilleures. Tu m'enchanteras si, créé chair, tu deviens spirituel; si tiré par la chair comme par une masse de plomb, tu t'élèves par la raison; si, tombé bien bas, tu t'avères céleste; si enchaîné à une chair, tu montes au-dessus de la chair!"(St Grégoire le Théologien) Quelle femme digne de ce nom accepterait d'être l'épouse d'un homme poussé vers elle par le fouet de la nécessité - que ce soit par la violence extérieure, ou intérieure, je veux dire la basse convoitise - et non par l'amour souverainement libre et n'ayant de compulsif que son propre poids volontaire?

On voudra bien me concéder cela, mais on ajoutera: "Dieu, prévoyant de toute éternité qu'une chose va arriver, celle-ci ne peut pas ne pas arriver; votre liberté est donc chimérique!" - Quelle logique désarmante! Haroun Tazieff prévoit l'éruption de tel ou tel volcan: en est-il pour cela la cause? Dostoïevski, dans les "Démons", a prévu la révolution bolchevique et même décrit implacablement son essence: en a-t-il pour cela été la cause? Goethe, Flaubert, Valéry ont prédit la décadence de la pensée et des arts, à laquelle nous assistons gaiement aujourd'hui: en ont-ils pour cela été les artisans? "Dieu donc, prévoyant ce que nous ferons volontairement, c'est à dire les choses qui sont en notre pouvoir - je veux dire la vertu et le vice -, détermine d'avance les choses qui ne sont pas en notre pouvoir. Et la faculté de prescience du Dieu puissant n'a pas sa cause en nous; mais la prescience divine de ce que nous allons faire a sa cause en nous, car si nous n'allions pas le faire Lui aussi n'aurait pas prévu ce qui n'allait point avoir lieu. Et la prescience de Dieu est vraie et ne peut pas être violée, mais ce n'est pas elle qui est cause de ce qui absolument aura lieu: Il prévoit que nous allons faire ceci ou cela. Il prévoit beaucoup de choses qui ne Lui sont pas agréables, et ce n'est pas Lui qui en est cause, de même qu'un médecin n'est pas cause de la maladie s'il prévoit qu'un tel deviendra malade. Mais devenir malade provient d'une autre cause qui engendre la maladie, tandis que la prescience du médecin provient de son art" (St Jean Damascène)-"Mais", dira-t-on, "Il a prédestiné Judas à Le trahir: donc Judas devait forcément Le trahir, et s'il ne l'avait pas trahi la Rédemption n'eût pas eu lieu" - Il a prédestiné Judas à Le trahir parce qu'il a prévu que Judas accepterait très volontairement de Le trahir. S'il n'allait pas accepter très volontairement de Le trahir, Dieu ne l'eût point prédestiné à cet office, Il aurait trouvé un autre. - "Donc", concluera-t-on triomphalement, "il eût été nécessaire qu'il y eût un autre, pour que la Rédemption pût s'accomplir!" - Sans aucun doute, et même plus qu'un, car si tous les hommes avaient été des justes, il n'y aurait pas eu besoin de Rédemption du tout! Mais le choix de celui qui Le trahirait, de ceux qui Le crucifieraient, n'est point arbitraire ni injuste, car Il a choisi ceux qui devaient de leur propre gré Le trahir et Le crucifier, et qui de toute façon eussent fait le mal, même s'ils n'avaient pas été choisis pour cette besogne. Il a utilisé leur mal, très volontaire, pour le bien.

Certains sont scandalisés par des paroles de l'Ecriture telles que: "Dieu endurcit le coeur de Pharaon"; "L'oeuvre va-t-elle dire à celui qui l'a modelée: 'Pourquoi m'as-tu faite ainsi?' Ou le potier n'est-il pas maître de son argile pour fabriquer de la même pâte un vase pour l'honneur ou un vase pour le mépris?" Concernant la première parole, Origène résout la difficulté à l'aide d'une comparaison très adéquate: "Il est écrit: 'La terre qui a bu une forte pluie venue sur elle et qui produit de l'herbe utile à ceux pour qui on la cultive, reçoit de Dieu sa part de bénédiction; mais si elle porte des épines et du chardon, elle est réprouvée et presque maudite, et finira par être brûlée'. Donc il y a une seule énergie, celle de la forte pluie. Alors qu'il n'y a qu'une seule énergie, celle de la forte pluie, la terre cultivée porte des fruits, et celle qui est négligée et en friche produit des ronces. Et cela paraîtrait diffamatoire que la forte pluie dît: "C'est moi qui ai produit les fruits et les épines sur la terre'; mais quoique diffamatoire, ce serait la vérité, car sans la forte pluie, ni les fruits ni les épines n'eussent été; mais, celle-là se déversant quand il le fallait et avec mesure, les uns et les autres ont été... Ainsi donc les prodiges faits par Dieu sont comme une forte pluie, mais les différents libres choix sont comme la terre cultivée et la terre négligée qui sont en tant que terres, de même nature. De même, si le soleil disait, faisant entendre sa voix: 'c'est moi qui fais fondre et qui dessèche', fonte et dessèchement s'opposant entre eux, il ne dirait pas un mensonge vu ce qui est posé en principe, à savoir que la cire fond et l'argile se dessèche à cause de la même chaleur: ainsi une seule énergie, celle qui a eu lieu par l'intermédiaire de Moïse, a convaincu Pharaon d'endurcissement à cause de la méchanceté de celui-ci..." Quant au passage de St Paul, St Chrysostome commente ainsi: "Il dit cela non supprimant le libre arbitre, mais montrant jusqu'à quel point il faut être docile à Dieu. Car quand il s'agit de réclamer de Dieu des justifications, il faut avoir la même disposition que l'argile. En effet, non seulement ne faut-il contredire ni chercher, mais il ne faut même absolument rien dire ni penser, mais uniquement imiter cette chose inanimée, docile aux mains du potier et se façonnant selon son désir".


L'argument fréquemment employé est qu'une seule et même bonne cause peut avoir des effets bons ou néfastes suivant la façon dont le sujet s'est lui même mis en disposition de subir cette cause, ainsi:


"...Un tel verra comme feu Celui qu'il n'a pas connu comme lumière." St Grégoire le Théologien


Une dernière objection, spécieuse et gaillarde celle-là, se présente contre l'enfer: "Il eût mieux valu que Dieu ne créât que ceux qu'Il a prévu devoir répondre à son appel, ainsi il n'y aurait aucun damné(...)"Dieu s'est dit: 'puisque celui-ci va devenir méchant et anéantir tous les biens qui lui auront été donnés, irais-Je moi aussi le priver totalement du bien, et l'empêcher d'exister? Jamais! Mais quand bien même il doive devenir méchant, Je ne le priverais pas Moi, de participer à Moi, mais Je lui donnerai au moins un bien: la participation à Moi par l'existence, afin que même s'il ne le veut pas, il participe par l'existence à Moi le Bien" (St Jean Damascène) En effet, être, même en enfer, vaut mieux que de ne pas être du tout. La conduite de Dieu à cet égard est un excès de bonté, car Il a ainsi "vaincu sa prescience par sa bonté" (St Chrysostome)(...)"Qui est meilleur, d'un père qui, prévoyant que son fils pervers va mal user de la vie, lui prodigue quand même tout le nécessaire pour qu'il en use bien, ou de celui qui purement et simplement le supprime?

La mort et l'au-delà

Père Georges Habra

Passons maintenant à la Justice et à la Miséricorde, et d'abord à l'aspect pastoral:


Naturellement, il y a dans la nouvelle du tribunal un élément inquiétant, et cela aussi est bien. Je veux dire que si l'on considère combien de torts ont causés les détenteurs du pouvoir au Moyen Âge, mais ensuite, en songeant qu'ils seraient jugés, comme ils ont essayé par de bonnes fondations, par de bonnes actions, de réparer le mal qu'ils avaient fait, on voit que la conscience du tribunal était aussi un facteur politique et social. La conscience que je peux pas sortir ainsi tout simplement du monde, que je dois d'une manière quelconque régler mes dettes, et qu'une menace supérieure pèse même sur les très puissants, était extrêmement salutaire. C'est concrètement utile à tout le monde.
Cela ne dit pas encore tout. Nous savons par le Christ que ce juge n'applique pas froidement les articles d'un code, mais qu'il sait faire grâce et qu'à la fin nous pourrons paraître devant lui sans peur. Mais je crois que chacun doit trouver intérieurement cet équilibre, sentir l'existence du tribunal, reconnaître: je ne peux pas tout bonnement n'en faire qu'à ma tête, il y a un tribunal au-dessus de moi - et d'un autre côté ne pas se laisser aller aux scrupules et à l'angoisse.
C'est, me semble-t-il, suivant cette ligne que l'Eglise et le pastorat doivent parler du tribunal. L'Eglise doit pouvoir aussi menacer les puissants, elle doit aussi devant ceux qui gâchent leur vie, l'emploient mal, la détruisent eux-mêmes, pouvoir se présenter avec une attitude menaçante, au nom du droit et du bien et de leur véritable bien-être, de leur vrai bonheur. Mais elle ne doit pas devenir une puissance qui inspire la crainte, elle doit aussi savoir à qui elle parle . Il y a des âmes sensibles, presque malades déjà, que l'on précipite rapidement dans la peur. On doit écarter d'elles les images effrayantes , dans ces âmes-là il faut de toutes nos forces faire briller la parole de la grâce. Et il y a des gens à la peau épaisse sur lesquels il faut littéralement cogner.

Le Sel de la terre

Cardinal Josef Ratzinger

Entretien avec Peter Seewald

La présentation de la vérité a donc aussi son importance, il faut qu'elle soit adaptée à la psychologie de celui qui la reçoit, il ne servirait à rien en effet d'insister lourdement sur la Justice divine face à une âme désespérée, si ce n'est pour la faire désespérer encore plus et peut-être même l'acculer au suicide (ce qui serait contraire au but recherché), tout comme il ne servirait à rien de tenir un discours miséricordieux à un pêcheur invétéré, un criminel endurci qui ne regrette strictement rien, ce serait au contraire le cautionner.





Le désespoir est le plus subtil des péchés. Nulle part ailleurs le démon ne se glisse plus subrepticement. Il prend prétexte d'un magnifique sentiment - la conscience de la grandeur de nos péchés - pour infuser son venin, et cela devient: "Mes péchés sont si grands qu'ils sont impardonnables!" Ce qui équivaut à: "Mes péchés dépassent en magnitude la miséricorde divine": celle-ci ne serait plus infinie! Judas a commis un crime plus grave en allant se pendre par désespoir qu'en livrant le Christ , puisqu'au moins après ce dernier crime il lui restait une possibilité de pardon, après l'autre il n'en restait plus. Aussi St Chrysostome dit-il: "Rien n'a autant de puissance pour le salut que de regarder continuellement le Seigneur et de se suspendre à cette espérance-là. Dût-il [nous] arriver mille chose qui poussent au désespoir, voilà la forteresse qui ne peut être brisée, voilà le refuge imprenable, voilà la tour invincible. Dussent les événements te menacer de mort, de danger, d'anéantissement, ne cesse point d'espérer en Dieu et d'attendre de sa part le salut. Car tout Lui est aisé et facile, et Il pourra trouver une issue à ce qui n'en a point. N'espère donc pas jouir de son soutien uniquement quand les choses vont doucement; mais surtout quand il y a le ballotement des flots et l'orage, et quand le danger suprême est suspendu sur ta tête. Car c'est alors surtout que Dieu manifeste davantage sa puissance".
L'espérance s'exerce non seulement par la contemplation des biens éternels, mais aussi, surtout pour ceux qui vivent encore dans le péché ou ne font que commencer dans la vie spirituelle, par la méditation de l'enfer: "Ne cesse pas, exhorte St Jean Climaque, d'imaginer en toi-même et d'explorer l'abîme du feu éternel, les serviteurs qui n'ont pas de commisération, le juge sans compassion et sans pardon, le gouffre infini, les flammes souterraines, les descentes étroites aux lieux et aux abîmes souterrains effrayants, et les images de choses semblables: afin que le libertinage de notre âme, ayant été réprimé par une grande crainte, notre âme s'unisse à la pureté incorruptible, en accueillant les pleurs qui font resplendir plus que ne le fait le feu". C'est donc une crainte salutaire que celle de l'enfer, et même plus efficace pour les pêcheurs que l'attirance exercée par le Bien, parce que leur sens spirituel est trop émoussé encore pour discerner cette attirance, et leur amour trop servile. Vaines sont les récriminations dont on charge le christianisme sur ce point. Si la crainte de l'enfer a engendré des névroses chez certaines âmes, cela provient de ce que leur crainte n'était pas celle que prescrit l'Evangile, celle qui doit être équilibrée par l'espérance. A mesure que l'amour se purifie, il chasse la crainte servile, mais la crainte reste, saine et transfigurée: on craint alors uniquement d'offenser le Bien-aimé, sans penser aux conséquences(...)

A l'opposé de Judas, qui n'a considéré que la Justice de Dieu oubliant par désespoir Sa Miséricore, est souvent cité Gilles de Rais qui lui n'a jamais perdu espoir et a toujours espéré en la Miséricorde de Dieu, malgré ses crimes abominables:


Chrétien fervent mais magicien et alchimiste, vaillant guerrier, bras droit de Jeanne d'Arc, protecteur des Arts et des Sciences mais tueur d'enfants et sodomite, Gilles de Rais apparaît comme l'une des plus étranges figures de l'histoire. C'est la vie pleine de contrastes abominables, criminelle et quelquefois héroïque de ce pair et Maréchal de France, de ce doyen des barons bretons, mort brûlé par sentences de justice que l'on découvrira ici monstrueuse et pourtant passionnante.

Après la condamnation de Jeanne d'Arc, lorsqu'elle fut livrée au bûcher, Gilles de Rais plonge dans une sombre mélancolie. Jeanne a traversé l'histoire à la vitesse d'une comète, d'un météore. Elle laisse dans le coeur de Gilles de Rais une nostalgie terrible, dont il ne pourra se défaire. Il sera brûlé, lui aussi, condamné au bûcher, mais pour des actions diamétralement opposées...

Bivouaqués à Louviers, Gilles et la Hire avaient oeuvré, têtus, utilisant la force et la corruption, à faire évader la Pucelle, et Jeanne périe, le maréchal pense, l'âme fendue, qu'au vraie la Vierge de Domrémy s'enjaultrait (se trompait) lorsqu'elle proclamait le Bien éternel vainqueur du Mal. "Le Mauvais est invincible, la Pucelle l'aurait-elle servi qu'une légion de diabloteaux l'eussent arrachée du feu", gronde Monseigneur de Rais. Monseigneur de Rais est à une toise du gouffre...

A son procès, Rais afficha, du 19 septembre au 14 octobre, une insolence fracasse, récusa les juges ecclésiastiques et laïcs, sous-entendit que les actes d'un Laval-Craon, pair et maréchal de France, chambellan du roi, lieutenant général de Bretagne, doyen des barons armoricains, ne ressortissaient point à la loi commune, traita Monseigneur de Malestroit et maître Blouyn de simoniaques et de ribauds. Puis, ce fut le coup de théâtre: le 15 octobre, le sorcier infanticide, en simples habits de drap blanc, les joues baignées de pleurs, avoua être coupable des innombrables forfaits dont on l'incriminait, et il s'adressa en ces termes à Prelati: "Adieu, François, mon amy! Jamais nous ne nous entreverrons en cest monde: je prye Dieu qu'il vous doint pacience et cognoissance, et soyez certain, mais que vous ayez patience et espérance en Dieu, que nous nous entreverrons en la grant joye de Paradis! Pryez Dieu pour moy et je pryerai Dieu pour vous"...Le compaing de Jeanne la Pucelle, le héros d'Orléans avait triomphé de l'ogre de Tiffauges et de Machecoul.

Le mardi 25, le tribunal ecclésiastique statua du sort du "mémorable fauve". Il formula deux arrêts, que Monseigneur de Malestroit communiqua d'une voix solennelle à Gilles et à l'auditoire: "Le nom du Christ invoqué, Nous, Jean, évêque de Nantes, et frère Jean Blouyn, bachelier en Saintes Ecritures de l'Ordre des Frères Prêcheurs de Nantes, vicaire désigné par l'Inquisition, siégeant au tribunal et n'ayant que Dieu seul devant les yeux(...). Après avoir examiné les dépositions des témoins(...), les aveux publics que l'accusé a faits spontanément, nous prononçons, décidons et déclarons que toi, Gilles de Rais, cité à notre tribunal, t'es rendu coupable d'hérésie, d'apostasie, de l'invocation des démons et que tu as encouru pour cela la sentence d'excommunication et les autres peines prévues par le droit(...)" - "Le nom du Christ invoqué, Nous, Jean, évêque de Nantes, ayant personnellement suivi et par le promoteur connu les débats du procès intenté en matière de foi, à toi, Gilles de Rais(...), décidons, prononçons et déclarons que tu as perpétré le crime sodomique avec des enfants des deux sexes, commis un sacrilège et violé les immunités ecclésiastiques; pour cela nous t'excommunions, et déclarons que tu dois subir les autres peines fixées par le droit, être puni et corrigé comme l'exige les Saints Canons".
Ayant dit, Monseigneur de Malestroit demanda au maréchal: "Exécres-tu tes abominations? Veux-tu revenir dans le sein de Notre Mère Eglise?". Les réponses furent affirmatives; l'évêque rapporta la censure spirituelle; le frère Jean Jouvenel confessa Gilles, que le prélat enjoignit de déférer incontinent au tribunal laïc, seul habilité-"Ecclesia abhoret a sanguine"-à connaître et à châtier de la peine de mort les homicides...

La brise est hivernale, le glas vrombit. Les rues étrécies grouillent de populaire. Progressant lentement vers la prairie de la Biesse, où des bûchers que surmontent des gibets attendent le baron et ses égorgeurs, les longent Monseigneur de Malestroit, les membres du tribunal ecclésiastiques et les tonsurés du diocèse, Monseigneur de l'Hospital et les magistrats du duc, des gens d'armes, les condamnés, d'innombrables Nantais et paysans... Le peuple, "dont (Rais) avait mâché et craché le coeur", le peuple, vengé ce 26 octobre et miséricordieux, clame le De Profundis, la Prose des Trépassés: "Nos timemus diem Judicii/Quia mali et nobis conscii/Sed tu Mater summi concilii/Para nobis docum refugii/O Maria/Tunc iratus Judex"; dans les églises qui jalonnent la route, les menus du défilé pausent et s'assermentent au Père Céleste de jeuner trois jours pour assurer la paix éternelle à Gilles. Moyen Age, justicier exemplaire et vrai chrétien!

Le lugubre cortège franchit les canaux de la Loire. Il accède à la prairie de la Biesse...Gille exhorte Poitou et Henriet à la fermeté, "eur demande "d'être forts et vertueux devant les tentations diaboliques et d'avoir grand regret et une grande contrition de leurs méfaits, mais aussi d'avoir confiance en Dieu, et de croire qu'il n'était si grand péché qu'un homme pût commettre que Dieu ne pardonnât dans sa bonté et sa bénignité, à condition que le pécheur eut en son coeur un regret et une grande contrition, et lui demandât merci avec beaucoup de persévérance". Poitou et Henriet battent leur coulpe, et remercient "ledit Gilles de Rais des bons conseils et de l'avertissement qu'il leur donnait pour le salut de leurs âmes, disant tenir la mort de ce monde pour agréable, étant le grand désir qu'ils avaient de la miséricorde de Dieu et de la confiance qu'ils avaient d'aller au Paradis dans sa gloire , priant leur maître de vouloir pour lui-même ce qu'il leur conseillait". A genouillon, Gilles joint les mains, sanglote, crie à l'assistance en oraison: "Je suis votre frère chrétien, ô vous qui êtes présents! O vous surtout dont j'ai fait mourir les enfants! par la Passion de Notre-Seigneur, je vous en supplie, priez Dieu pour moi. De bon coeur pardonnez-moi le mal que je vous ai fait, ainsi que vous désirez vous-même de Dieu merci et pardon". Onze heure tinte. Le bourreau garrotte Gilles d'un gorgerin d'escossoy(corde de potence), l'entraine, et "après qu'il (Rais) (est) attaché au gibet, (est) tirée ladite scalbelle de dessoulz ses piez et le feu approché de son corps, tant qu'il (est) pendu et brûlé ensemble". Poitou et Henriet sont meurtris presque aussitôt...

Gilles de Rais




Jean Silve de Ventavon


In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Bing [Bot] et 109 invités