Cinci a écrit :Non pas ''souhaité'' en ce cas, mais plus comme une responsabilité que Dieu assume lui-même [comme étant l'Être libre qui crée des être libres et pouvant s'adonner au mal par le fait même] et en terme de souffrance de son côté par rapport aux égarés. La manifestation d'un merveilleux amour ne réside pas dans le fait de prendre son parti de la destruction de tel et tels. La manifestation le serait, mais en ce que Dieu prend sur Lui la souffrance du relationnel brisé et dans le fait qu'il ne se résout justement pas à la perte définitive de tel et tels. L'enfer existe (condition souffrante) parce qu'il y a l'amour de Dieu. Il s'agit d'une conséquence et comme du fait de la patience divine.
J’avais cru lire quelque part qu’il ne pouvait y avoir de souffrance en Dieu.
Et c’est vrai qu’une telle idée me laisse perplexe que d’imaginer un manque, une souffrance en Dieu pour l’éternité ?!
Cinci a écrit :Il y a là une phrase-clé :
qu’on ne me parle pas de la possibilité de s’égarer comme de la manifestation d’un merveilleux amour qui respecte un tel choix comme ayant pu le souhaiter dans le don du libre-arbitre
Si j'inverse le sens afin de mieux saisir :
- «Le merveilleux amour consisterait donc à ne pas permettre que l'homme puisse s'égarer durablement, et pour ne pas pouvoir revenir vers Dieu jamais. Le fait qu'il existerait un si grand danger de perdition pour l'homme en principe signerait plutôt la présence d'une représentation de Dieu qui ne serait pas Amour. Et alors l'éventualité de l'enfer condamnerait Dieu. Je ne peux pas concilier mentalement Dieu-Amour avec l'enfer. C'est l'un ou l'autre, non pas les deux.»
Je ne suis pas sûr que tu ais bien saisi en fait.
Bien sûr que l’amour implique que l’homme puisse s’égarer du fait de la nécessité du libre-arbitre indispensable à la relation, à l’amour entre Dieu et la créature. Si Dieu ne
permettait pas que l’homme puisse s’égarer alors cela signifierait que Dieu n’a pas fait don du libre-arbitre, ce qui rend impossible l’amour. Le problème n’est pas dans le fait de
permettre l’égarement via le libre-arbitre mais de le considérer comme la finitude, l’accomplissement, la réalisation. Presque comme pouvant être la
volonté de Dieu sous couvert de l’amour.
C’est Dieu qui crée, personne d’autre et Dieu ne crée pas pour la perdition à ce que je sache. Si la créature est
égarée, doit-on accepter qu’elle soit
égarée à jamais ? Nous parlons ici d’égarée et non pas d’accomplie, tu vois ce que je veux dire ?
Ce qui me fait buter dans votre affirmation, c’est de dire que par amour, Dieu accepte de laisser sa créature égarée ?! Par amour ne devrait-il pas au contraire tout faire pour ramener la créature de son égarement. Vous me direz qu’il le fait mais en affirmant pourtant qu’au final, il resterait certaines créatures qui demeureraient dans le rejet de Dieu. Que ce rejet de la créature soit quelque chose d’irrémédiable et que Dieu ne puisse faire autrement que de l’accepter (rien que la phrase me choque « Dieu ne puisse pas ?! ») paraîtrait compréhensible. Mais dire que parce que la créature, sous prétexte d’une liberté (parce que je n’ai pas dans l’idée qu’il existe une liberté autre qu’en Dieu), refuse Dieu alors celui-ci, sous prétexte d’amour, respecterait ce choix est beaucoup plus discutable.
Je le répète, pour maintenir une telle position, il faut pouvoir affirmer qu’il y a des créatures qui puissent être d’une nature différente de Dieu, indépendante pour que cet égarement soit quelque chose d’irrémédiable comme d’une immutabilité de la créature dans ce qu’elle serait vraiment.
Il faut pouvoir affirmer que Dieu puisse créer des créatures qui ne soient pas fondamentalement bonnes.
Je me rappel d’ailleurs le texte du cardinal Von Balthasar que tu m’avais donné où il disait que le Christ dans sa mort, dans sa descente aux enfers, avait été dans nos plus profonds abysses, nos plus profondes ténèbres pour nous en extirper. Comment ne pourrait-il pas en extirper certains ? Comment quelque chose pourrait-il donc être impossible à Dieu ? La créature a su déchoir, pourquoi ne pourrait-elle plus jamais choir ?
Par ailleurs, il demeure la question du pourquoi la résurrection avec des corps
incorruptibles si l’amour impliquerait tellement de
vouloir (et non pas de
permettre)
la possibilité de s’égarer ?
Et je me demande également pourquoi la passion, cette victoire sur Satan, sur le péché, ce rachat de l’humanité si l’égarement est quelque chose de tout à fait acceptable, naturelle pourrait-on dire. Quel sens conserve l’œuvre du Christ avec une telle approche ?
Pour moi, l’égarement reste l’à côté du libre-arbitre, son talon d’Achille mais pas sa vocation.
Mais l’égarement à son bon côté, à savoir revenir à Dieu en connaissance de cause, l’expérimentation.
La possibilité de l’égarement je comprends mais c’est d’en faire un absolue qui m’échappe.
Cinci a écrit :Alors que la réponse pourrait être qu'il y a un enfer mais parce que Dieu est Amour justement. Et ce qui est proprement terrifiant à vous glacer le sang serait le péché; ce dont on se moque comme d'une guigne. Le poids du péché en soi et qui relate notre propre capacité réelle de refuser Dieu, notre capacité à ne rien vouloir savoir de Dieu définitivement. C'est ce qui est effrayant. On retrouverait là notre bon vieux curé d'Ars qui ne pouvait pas se faire à l'idée : «Maudit de Dieu !» Être assez bête et méchant pour réussir à passer à côté de la vie divine, et pourtant savoir la chose possible.
Il y a un enfer possible mais parce que Dieu est Amour serait aussi le point de vue du père Garrigues apparemment (oui, merci ! la page est intéressante)
Je ne dis pas le contraire en fait. Enfin, il me semble.
Cinci a écrit :Le “jugement de culpabilité m’indique que je suis responsable ; et si je suis responsable, j’apprends les chemins de la liberté. […]” (p. 111)
Oui j’aime bien cette phrase. N’est-ce pas ça l’histoire de la vie humaine, apprendre ?
Mais on apprend pour progresser.
Cinci a écrit :Dire que le mal n’appartient pas ontologiquement à la nature des choses, c’est dire […] que le mal est, pour une part, introduit par la responsabilité de l’homme. C’est le thème de la désobéissance et de la transgression. Pour une part, l’homme a introduit sinon le mal (cela, c’est le serpent), en tout cas la faute, le consentement à ce mal venu d’ailleurs.
Il me semble que cette citation dit quelque part ce que je tente de dire, que ce mal n’appartient pas ontologiquement à l’ordre des choses, ce mal venu d’ailleurs et que pourtant, on semble faire pouvoir devenir la nature même de certaines créatures.
Et en même temps, en y réfléchissant, je dois bien reconnaître que le péché n’a pas d’existence propre pour être venu, comme quelque chose d’extérieur, se présenter à la créature. Surtout en ce qui concerne les anges pour qui le péché n’était pas encore apparu. On ne peut pas dire qu’il fasse partie de la création de Dieu et pourtant il vient de la création de Dieu.
Cinci a écrit :Il y a une clé là-dedans, en ce sens que la présentation des choses qui est faite ici révèle que la notion de mérite ou démérite ne constitue pas un poison toxique, mais participe d'une doctrine libératrice. Responsabilité (même partielle) dans le mal commis (= démérite) mais signe en même temps qu'il est possible de se relever (=mérite). La participation de l'homme à ce qui lui arrive est chevillée au mérite/démérite.
Je peux le concevoir, que Dieu nous partage le mérite ou le démérite, nous fait participer. Un peu comme par la foi, nous faisons les œuvres qu’il a d’avance préparées pour nous (comme dirait Bertrand du TopC
).