L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Crosswind » mar. 22 déc. 2020, 17:31

Xavi a écrit :
mar. 22 déc. 2020, 13:52


Comment répéter avec des mots différents que nous ne sommes pas une addition d’un peu d’esprit et d’un peu de corps, mais le produit d’une union entre de la vie spirituelle divine et de la vie corporelle ? Notre âme en est le produit avec une nature unique mais une double vie : spirituelle et corporelle.

Doit-on comprendre ici que l'homme aurait simultanément un pied dans le divin (que le divin est un ingrédient de son essence) tout autant qu'un pied dehors (qu'il échapperait au divin, par exemple par sa liberté d'action)?

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Xavi » mar. 22 déc. 2020, 18:04

Oui, en effet. Il me semble qu'on peut dire cela comme ça de manière théologiquement correcte.

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Invité » mar. 22 déc. 2020, 23:34

Bonsoir Xavi,
Xavi a écrit :
mar. 22 déc. 2020, 13:52
Il est évident que la théologie, l’exégèse et les dogmes se dégagent de manière de plus en plus fine selon des progrès influencés par la philosophie et les sciences humaines. Cela vaut pour l’âme immortelle comme pour la Trinité et tous les sujets théologiques utilisant des concepts affinés par d’innombrables réflexions. Vous le savez.
Il est en effet indéniable que la foi chrétienne est héritée du judaïsme et de l'influence de la philosophie grecque, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner. La convergence de ces deux courants de pensée qui sont augurés dans le livre de la Sagesse trouvent leur accomplissement en la figure de Jésus.

La définition de la foi est donc à mon sens le fruit d'un cheminement intellectuel d'hommes, à commencer par les Pères de l'Église qui ont interprété ces récits. Inspirés par l'Esprit-Saint me direz-vous mais sans réussir à me convaincre.
Xavi a écrit :
mar. 22 déc. 2020, 13:52
La notion d’âme que nous utilisons, et a fortiori celle d’une âme immortelle, est effectivement le produit d’une longue histoire philosophique et théologique.

Mais, dire que « La vie humaine se terminait avec la mort physique et l'espérance d'une continuité dans un au-delà n'éffleurait même pas les pensées des rédacteurs bibliques » me semble, par contre, non fondé.
À ce propos, je viens de découvrir une synthèse de James Tabor à laquelle j'adhère puisque le fruit de mes lectures aboutit à la même conclusion :

« Les anciens Hébreux n'imaginaient nullement l'idée d'une âme immortelle, vivant une pleine vie après la mort, pas plus qu'une résurrection ou ressuscitation quelconque. Les hommes comme les bêtes provenaient de la poussière et retournaient à la poussière (Gen. 2:7 ; 3:19). Le mot nefesh, traditionnellement traduit "âme vivante" mais plutôt compris comme "être vivant", est le même mot utilisé pour toutes les créatures et n'implique aucune idée d'immortalité… Tous les morts s'en vont dans le Sheol, et ils y reposent ensemble, bons ou mauvais, riches ou pauvres, libres ou esclaves (Job 3:11-19). On le décrit comme une région "sombre et profonde", "la Fosse", "le pays de l'oubli", coupé de Dieu et de toute vie humaine plus haut (Ps. 6:5 ; 88:3-12). Bien que dans certains textes, le pouvoir de YHWH atteigne le Sheol (Ps. 139:8), l'idée dominante est que les morts restent, abandonnés à jamais. Ce concept du Sheol peut paraître négatif en contraste avec la vie qui se passe "là-haut" chez les vivants, mais il n'y a pas non plus de notion de jugement ni de rétribution. Lorsqu'on mène une vie d'extrêmes souffrances et misère, comme ce fut le cas de Job, le Sheol peut même apparaître comme un soulagement bienvenu à la douleur – voir Job chap. 3.
Néanmoins, il s'agit à la base d'une sorte de "néant", une existence qui est à peine existence, dans laquelle une "ombre" ou "nuance" de l'ancien soi survit (Ps. 88:10). »
Xavi a écrit :
mar. 22 déc. 2020, 13:52
Je crois (impossible d'utiliser ici un autre mot) que la mort et l’au-delà de la mort ont toujours été une question présente pour tout être conscient capable de partager la vie de Dieu, même si c’est, évidemment et comme toujours, dans les limites du langage et de la culture de chaque époque.
Je ne serais pas aussi affirmatif car ce type d'interrogation survient à partir du moment où l'homme est capable de satisfaire ses besoins primaires qui constituent sa première préoccupation, car vitale. Il est évident que dans une société primitive de chasseurs-cueilleurs où l'agriculture n'existe pas encore et où l'homme n'est pas encore sédentarisé, les pensées sont beaucoup plus tournées vers la satisfaction des besoins rudimentaires que vers la recherche d'un Dieu. Le développement progressif de sociétés qui favorise la mise en commun des compétences et aboutit à une amélioration des conditions de vie, donne le temps à l'homme de s'interroger sur ses origines et donne naissance à la religion. Ce qui n'exclut pas pour autant que l'homme, de tout temps, ait une religiosité innée qui s'est développée au fil des millénaires et qui, de croyances éparses, s'est affinée et transformée en une foi (ou des fois vu la diversité des religions).
Xavi a écrit :
mar. 22 déc. 2020, 13:52
Chez les Hébreux, le shéol a exprimé la question de l’au-delà avec certes une absence profonde de réponse précise. Mais, je ne vois pas ce qui vous incite pour autant à croire que les anciens pensaient à un néant total après la mort comme le pensent aujourd’hui des athées.
Le don de la terre qui est le fil conducteur du pentateuque est dépourvu de toute spiritualité, les attentes sont résolument terrestres : Israël doit y servir son Dieu en échange de sa bénédiction qui se traduit par la paix, la sécurité, la santé, la fertilité, de bonnes récoltes. Jusqu'au terme de sa vie où tout s'arrête.

Aucun verset du pentateuque ne permet de soutenir l'idée d'une immortalité de l'âme, qui n'était pas la préoccupation des rédacteurs, accaparés entièrement par l'attachement à leur terre et à leurs conditions de vie. La finalité de la vie n'était pas la communion éternelle avec Dieu dans un au-delà mais une vie terrestre longue et dans des conditions favorables.

Xavi a écrit :
lun. 21 déc. 2020, 22:14
Nous sommes bien sûr d’accord de constater que « Dieu façonne l'homme à partir de la matière (image du potier qu'on retrouve plus loin dans la Bible) et lui donne la vie (image du souffle) », mais pourquoi ajouter aussitôt, par une interprétation restrictive, que « Il n'est ni question d’une âme ni de l’Esprit-Saint » ?

Contrairement à ce que affirmez, beaucoup de traducteurs de la Bible utilisent le mot « âme » dans le premier chapitre de la Genèse et ils le font non seulement pour la création de l’adam qui devint ainsi une « âme vivante », mais en utilisant même aussi ce mot pour les animaux.

Pour la raison évoquée juste au-dessus, c'est-à-dire sur l'absence de spiritualité du pentateuque.

Toute traduction relève uniquement de choix. Que des traductions optent pour l'utilisation du mot âme n'en fait pas une vérité (et inversement). James Tabor, que j'ai cité ci-dessus, conteste par exemple cette conception.
Invité a écrit :
lun. 21 déc. 2020, 22:14
De même que le concept d’âme, il est évident que le livre de la Genèse ne parle expressément ni de la Trinité, ni de l’Esprit Saint. Cela n’empêche pas l’Église d’en retrouver la trace bien au-delà de ce que l’auteur humain pouvait en penser lui-même.

Lorsqu’Abraham rencontre trois hommes près du chêne de Mambré, il ne pense pas avec le concept de Trinité. L’auteur du texte non plus. Et pourtant…


Il n'est nullement question d'une trace primitive mais d'une relecture chrétienne qui s'affranchit des mots et du sens du récit pour en faire un nouveau. L'exemple que vous citez est particulièrement révélateur car la Trinité est totalement absente du récit au chêne de Mambré. Considérons le texte :

Gn 18,6 : "Les hommes se levèrent pour partir et regardèrent du côté de Sodome."
(...)
Gn 18,22 : "Les hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur."
(...)
Gn 18,33: "Quand le Seigneur eut fini de s’entretenir avec Abraham, il partit, et Abraham retourna chez lui."
Gn 19,1 "Les deux anges arrivèrent à Sodome, le soir."
Gn 19,13 "Elle est grande à la face du Seigneur, la clameur qui s’est élevée contre ses habitants, et le Seigneur nous a envoyés pour détruire ce lieu."

Les trois hommes du récit sont donc le Seigneur (le Dieu d'Israël) et les deux anges qui l'accompagnent et qu'il a mandaté pour détruire Sodome et Gomorrhe. Conserver la fidélité du texte exclut de facto toute idée d'une préfiguration de la Trinité. Deux anges ne feront jamais un Dieu.

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Kerygme » mer. 23 déc. 2020, 12:42

Bonjour Xavi,


Je vois que vous tenez déjà la discussion avec 3 interlocuteurs et j'ai des remords à en ajouter.
Tout cela est bien intéressant mais, à moins d'une lecture biaisée de ma part, j'ai la sensation d'une trop grande interpénétration du préhumain avec l'humain.

Je suis plutôt partisan d'une limite franche entre les deux, celle où le préhumain aurait été un modèle vivant pour une création nouvelle. Ou si ce "préhumain" était un parent biologique, sans sa création spirituelle il reste dans l'espèce animale.
Dieu reste bien entendu ce qu'Il est (ou plutôt ce JE SUIS ;) )et je ne prétends pas connaitre ses choix, mais j'ai tendance à penser que lorsqu'on veut arranger la matière on s'appuiera préférentiellement sur une forme ou un modèle préexistant qui a fait ses preuves matérielles/mécaniques/biologiques. Je pars du principe théologique que Dieu étant la source de toutes les perfections, Il l'est donc dans sa simplicité. Et le choix du modèle me semble acceptable car le plus simple.

Je trouve que si on enlève le souffle divin des explications alors cela penche vers une conciliation avec le polygénisme (en tant qu'évolution par micro-mutations, défendue par les Darwiniens), ce qui serait embêtant. Mais cette peut-être mon interprétation qui est influencée.
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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Xavi » mer. 23 déc. 2020, 14:03

Bonjour à chacun,

@ Kerygme

Merci pour vos interventions précieuses même si je me concentre surtout sur les avis divergents. Surtout n’ayez ni remords, ni hésitation, à intervenir. Tout ce que vous venez d’écrire fait chaud au cœur et me réjouit.

@ Invité

Je ne peux, bien sûr, pas vous répondre la même chose qu’à Kerygme, mais je peux vous renvoyer à son message en ce qu’il semble réagir avec des mots qui expriment et résument aussi ma pensée.

La plupart de vos réflexions sont cependant pertinentes et nous mettent d’accord. Et, notamment, sur la bonne synthèse de James Tabor que vous citez mais, de mon point de vue, sans en retenir les nuances.

Et, à la marge, là où les nuances et imprécisions limitent les observations certaines que vous faites, vous avez des convictions qui s’écartent des miennes.

C’est le cas, notamment, lorsque vous écrivez que : « Inspirés par l'Esprit-Saint me direz-vous mais sans réussir à me convaincre. », que « Le don de la terre qui est le fil conducteur du pentateuque est dépourvu de toute spiritualité, les attentes sont résolument terrestres » ou, dans un exemple concret, que « la Trinité est totalement absente du récit au chêne de Mambré ».

De telles phrases me semblent non fondées et contraires à la réalité. La foi me permet de croire le contraire de ce que vous affirmez ainsi.

Vous écrivez, et je souligne en gras les portes que vous voulez fermer, « Aucun verset du pentateuque ne permet de soutenir l'idée d'une immortalité de l'âme, qui n'était pas la préoccupation des rédacteurs, accaparés entièrement par l'attachement à leur terre et à leurs conditions de vie. La finalité de la vie n'était pas la communion éternelle avec Dieu dans un au-delà mais une vie terrestre longue et dans des conditions favorables. »

« Aucun » verset ?

« le Seigneur Dieu déclara : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance du bien et du mal ! Maintenant, ne permettons pas qu’il avance la main, qu’il cueille aussi le fruit de l’arbre de vie, qu’il en mange et vive éternellement ! » Alors le Seigneur Dieu le renvoya du jardin d’Éden, pour qu’il travaille la terre d’où il avait été tiré. Il expulsa l’homme, et il posta, à l’orient du jardin d’Éden, les Kéroubim, armés d’un glaive fulgurant, pour garder l’accès de l’arbre de vie. » (Gn 3, 22-24).

Vous pouvez constater que non seulement le récit évoque l’idée que l’humain « mange et vive éternellement » mais aussi l’idée que « l’accès à l’arbre de vie » demeure avec, seulement, un obstacle placé par Dieu Lui-même et qu’il peut donc retirer à son gré.

Mais, vous écrivez avec justesse que « La définition de la foi est donc à mon sens le fruit d'un cheminement intellectuel ». Cela s’applique, bien sûr, à ce qui concerne l’au-delà de la mort.

Dans l’antiquité, vous observez (en citant James Tabor) que « Tous les morts s'en vont dans le Sheol, et ils y reposent ensemble, bons ou mauvais, riches ou pauvres, libres ou esclaves…une existence qui est à peine existence, dans laquelle une "ombre" ou "nuance" de l'ancien soi survit ».

Ces nuances disparaissent, hélas, lorsque vous écrivez que « Les anciens Hébreux n'imaginaient nullement l'idée d'une âme immortelle, vivant une pleine vie après la mort, pas plus qu'une résurrection ou ressuscitation quelconque. », mais, est-ce vraiment différent pour nous ? Nous aussi, avec notre cerveau naturel et nos connaissances, nous avons les plus grandes difficultés à « imaginer » « une pleine vie » après la mort. Notre foi nous fait dépasser cette difficulté mais ne la supprime pas pour notre intelligence terrestre. Nous pouvons imaginer la résurrection ou ressuscitation de Lazare parce qu’elle reste accessible à nos repères, mais, pour ce qui est de la vie éternelle, nos pensées sont bien insuffisantes pour pouvoir nous représenter intellectuellement l’immortalité.

Mais, dans la « religiosité innée » et les « croyances éparses » que vous admettez « de tout temps », la question de l’au-delà se pose cependant inévitablement à tout homme confronté à la mort de ses proches et à la crainte de sa propre mort, même si, comme vous le relevez, ce n’est pas « sa première préoccupation » lorsqu’il doit assurer ses besoins primaires.

Conclusion : oui, la question de l’immortalité est, comme toutes les autres considérations de la foi, dans un état encore très peu développé dans l’Antiquité, mais, non, elle n’a jamais été « absente », totalement, dans l’Antiquité. Sur ce point, vous me semblez trop affirmatif.

Il est bien certain que, comme vous l’écrivez, nous faisons aujourd’hui une « relecture chrétienne » des récits bibliques, mais c’est sur ce point précis, dont le récit du chêne de Mambré est un bon exemple, que nous semblons mettre le curseur à un endroit différent.

Je suis d’accord pour considérer avec vous les limites de ce qu’Abraham et le rédacteur du récit pouvaient penser eux-mêmes dans leur contexte. D’accord aussi pour constater qu’il est légitime d’en faire une relecture chrétienne. Et toujours d’accord pour observer avec vous que cette relecture de la foi est « le fruit d'un cheminement intellectuel d'hommes, à commencer par les Pères de l'Église qui ont interprété ces récits ».

Toutes les réflexions dans ce sujet sur les préhumains ne font rien d’autre. Si nous méditons cette question, c’est bien certainement par une « relecture chrétienne » et un « cheminement intellectuel » qui continue, par rapport aux connaissances actuelles, le travail des Pères de l’Église « qui ont interprété ces récits » sur la base plus réduite des connaissances scientifiques et théologiques de leur époque.

Ce travail de relecture et d’interprétation ne s’arrête jamais et, pour un catholique, se poursuit sans cesse en communion avec l’enseignement du Magistère et en veillant à sa nécessaire cohérence avec tout cet enseignement officiel que nous nommons la Tradition.

Faut-il pour autant considérer que cette relecture « s'affranchit des mots et du sens du récit pour en faire un nouveau » ? Par rapport à ce que pensait l’auteur primitif du récit, c’est exact que la lecture chrétienne s’en affranchit. Est-ce, pour autant, un « nouveau » récit ? Le mot manque peut-être de nuances car il risque d’enfermer le récit dans « un » sens, une pensée unique qui serait celle de son auteur humain antique.

La relecture chrétienne a certes renouvelé la compréhension des textes de l’Ancien Testament et leur a donné une portée bien au-delà de ce que leurs auteurs primitifs pouvaient imaginer.

Mais, et c’est peut-être ici une divergence essentielle, vous semblez écarter l’inspiration par l’Esprit Saint (« Inspirés par l'Esprit-Saint me direz-vous mais sans réussir à me convaincre. ») et donc la portée du sens réel d’un texte au-delà de ce que son auteur humain a exprimé de son point de vue humain marqué par toutes ses caractéristiques personnelles et culturelles de son époque.

Dans l’exemple des trois personnages du chêne de Mambré (évoqués de manière trinitaire dans la célèbre icône de Roublev), vous résumez votre pensée en écrivant que « Les trois hommes du récit sont donc le Seigneur (le Dieu d'Israël) et les deux anges qui l'accompagnent et qu'il a mandaté pour détruire Sodome et Gomorrhe. Conserver la fidélité du texte exclut de facto toute idée d'une préfiguration de la Trinité. Deux anges ne feront jamais un Dieu. »

Vous me semblez défendre ici une « fidélité » qui me semble, en réalité, une fidélité à la seule pensée humaine supposée de l’auteur du texte ce qui est de nature à vous priver de ce que l’inspiration du texte peut apporter bien au-delà.

En fait, il me semble que le texte biblique lui-même se limite à présenter trois hommes. Il n’y a dans le récit littéral ni Dieu, ni anges, mais un fait singulier qui bouleverse : Abraham adore. Votre résumé est déjà lui-même une interprétation et une supposition que vous estimez pouvoir fonder sur ce qu’il vous semble qu’un homme de l’antiquité pouvait se représenter. C’est une approche légitime mais seulement dans la perspective humaine que vous retenez.

La relecture chrétienne permet d’y percevoir une préfiguration de la Trinité.

Cela nous ramène au sujet de ce fil qui, en effet, est aussi une relecture chrétienne d’une question ouverte et actuelle dans l’Église.

Les connaissances scientifiques actuelles sont au-delà de ce que pensaient l’auteur du récit biblique et les commentateurs des siècles passés qui n’avaient pas ces connaissances, mais ces connaissances scientifiques actuelles ne sont certainement pas au-delà de la connaissance de Dieu Lui-même au moment où il a inspiré nos textes sacrés.

Toute relecture conforme à la foi de l’Église est toujours fondée sur cette conviction de la parfaite cohérence de la vérité inspirée non seulement avec les connaissances du passé mais avec toute vérité qui serait découverte dans l’histoire par les sciences ou la théologie.

Au besoin, nous pourrons en faire un fil de discussion dans un sujet distinct car notre échange me semble ici bien au-delà du sujet spécifique des préhumains.

Ce concept ne vous pose probablement aucun problème par rapport ni à la science, ni à la pensée des rédacteurs de la Genèse.

Dans le cadre d’une évolution progressive des vivants terrestres, le préhumain est défini de manière conventionnelle par rapport à un état de ressemblance avec ce que nous sommes et les anciens ne pouvaient pas penser de cette manière sans nos connaissances scientifiques actuelles.

La relecture chrétienne ne s’impose que pour celui qui considère l’humain sur la base spécifique d’une âme immortelle qui, vous en conviendrez, ne peut être acquise progressivement. On ne peut être à moitié ou aux trois-quarts immortel, en mélangeant ainsi du temps à l’éternité, ce qui n’a pas de sens.

Vous êtes bien clair en considérant qu’il n’y avait pas d’humain à l’époque des dinosaures. Je suppose, par contre, que vous admettez que notre corps avait des ancêtres biologiques à cette époque.

Alors, revenant au sujet, et selon toutes vos réflexions, que dites-vous de l’émergence des humains tels que nous ? Si vous n’acceptez pas que nous sommes des âmes immortelles et que cela nous singularise de toute autre créature terrestre, nous ne pourrons que constater un désaccord.

Si vous acceptez une singularité de l’humain par rapport à la vie éternelle de Dieu, alors la question d’un commencement (et pas seulement de l’origine) dans l’histoire et de préhumains à ce moment me semble inévitable.


NB : L’ensemble de mes réflexions concernant l’historicité d’Adam et Ève et du livre de la Genèse a été développé dans une synthèse réactualisée ce 24 mai 2023, sous le titre « Un jardin dans l’Eden », disponible en pdf dans la section Théologie de ce forum sous l’intitulé « Évolution, création, incarnation : un livre à télécharger » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 92&t=20369

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Kerygme » mer. 23 déc. 2020, 14:29

Invité a écrit :
mar. 22 déc. 2020, 23:34
Les trois hommes du récit sont donc le Seigneur (le Dieu d'Israël) et les deux anges qui l'accompagnent et qu'il a mandaté pour détruire Sodome et Gomorrhe. Conserver la fidélité du texte exclut de facto toute idée d'une préfiguration de la Trinité. Deux anges ne feront jamais un Dieu.
C'est un peu rapidement conclu et comme ce n'est nullement la rubrique je mets ma réponse en spoiler.
[+] Texte masqué
Tout dépend selon la Tradition dans laquelle on se place.

Dans une exégèse stricte, ou même historico-critique, ce passage n'a pas pour but de parler de la Trinité mais de découvrir l'hospitalité selon la vie en Dieu, et de la place de l'étranger. Pour ce dernier il faut replacer le récit dans l’histoire particulière d’Abraham en tant qu’étranger suivant Dieu, et c'est saint Jean Chrysostome (dans sa 41ème homélie) qui en parle dans une belle formulation dans laquelle Abraham se tient au seuil, et non couché à l'intérieur, à l’heure la plus chaude pour être disponible afin d'accueillir sans discernement trois inconnus.

Comme le dit Xavi : la relecture chrétienne a certes renouvelé la compréhension des textes de l’Ancien Testament.
C'est l'éclairage chrétien (par st Ambroise notamment) qui y voit une allusion au mystère de la Trinité, représenté bien plus tard et si joliment par la fameuse icône de Roublev. C'est cet éclairage qui nous parle d'un Dieu qui se révèle et rejoint l’histoire particulière, pas le contexte historique juif.

Pour eux ce sont 3 anges : Raphaël (Dieu soigne) qui devait le soigner de sa récente circoncision, Michel (qui est comme Dieu) qui devait lui communiquer le message de la visite, Gabriel (Dieu est fort) qui devait détruire Sodome et Gomorrhe. Abraham exerce à l’égard des trois visiteurs toutes les règles de l’hospitalité sémitique, il obéit à cette règle perpétuée jusqu’à aujourd’hui par les Bédouins : il accueille ces visiteurs comme Dieu lui-même, les honore avec piété et leur donne avec générosité.
Le virage est pris au moment de la question : « Où est Sara, ta femme ? », où l'acte d'hospitalité se transforme en révélation. Et là les 3 visiteurs ne sont plus des invités qu'on reçoit comme Dieu lui-même, mais ses envoyés.
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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Xavi » jeu. 24 déc. 2020, 10:47

Invité a écrit :
jeu. 24 déc. 2020, 0:26
Bonsoir Xavi et Kerygme,

Force est de constater que nous ne parviendrons pas à un consensus. Je vais répondre sur les trois principaux points.

1. … je ne me reconnais pas dans cette tendance chrétienne qui, au prétexte que l'Ancien Testament ne se comprend qu'à la lumière du Christ et de sa résurrection, veut associer la figure du Christ ou les fondements de notre foi au moindre verset : ainsi l'arbre de vie qui préfigurerait Jésus, le protévangile dans la malédiction du serpent, la Trinité au chêne de Mambré…


2. Concernant le récit d'Adam et Eve, il n'enseigne absolument pas l'immortalité de l'âme humaine…


3. … L'apparition de l'humanité est relativement récente au regard de la formation de l'univers et à l'évolution de notre planète.

Concernant ma position : je pense que l'homme est le fruit d'une évolution entièrement naturelle et dépourvu de toute intervention divine. Dieu est la cause première de la naissance de l'univers, par Lui la création se substitue au néant. Mais l'expansion continue de l'univers, la formation de notre planète, l'apparition de la vie et son évolution, la naissance et l'évolution de l'humanité obéissent entièrement aux lois de la physique, issues du génial Penseur.

Pour moi, l'homme est le fruit d'un long processus de l'évolution…
Un développement que je considère entièrement soumis aux lois qui régissent le monde et non conséquence d'une quelconque intervention divine directe dans l'histoire.

Par le développement de son intelligence, l'homme a fini au fil du temps par prendre conscience de lui-même (ce qui le distingue du règne animal) et dans le cadre de sa réflexion sur ses origines et sur sa destinée qui découle nécessairement de cette prise de conscience du soi, a fini par conceptualiser très récemment à l'échelle de l'histoire humaine le principe d'une âme immortelle. Cette profession de foi est donc l'aboutissement d'un long cheminement intellectuel. Est-elle une réalité pour autant, toute la question est là. Je n'ai pas de réponse…
Merci, cher Invité, pour votre longue intervention très profonde qui dépasse cependant le sujet sur les préhumains.

J'en ai souligné quelques aspects essentiels.

Ils me semblent confirmer que la question essentielle qui est en cause est bien une question de foi et que c’est bien la question de l’âme immortelle qui est première. Sans la conviction de cette immortalité, je pense que votre point de vue est bien compréhensible.

Votre intervention mérite une réponse détaillée et attentive, mais il me semble préférable d’en faire un sujet distinct dans la section « Apologétique » du forum où votre message a été déplacé sous un nouvel intitulé « L’âme immortelle est-elle une réalité ? » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 38#p429938

Dans l’immédiat, en ce temps de Noël, je ne peux bien sûr que vous inviter à regarder la crèche où Dieu se rend visible car il n’y pas de meilleure lumière pour éclairer chacune des questions qui nous occupe.

Sainte et paisible fête de Noël à vous-même, cher Invité, et à tous les lecteurs de ce message.

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Invité » jeu. 24 déc. 2020, 10:57

Bonjour Xavi,

Merci pour votre réponse. Vous avez bien fait.

Il est vrai que je suis profondément attristé par cette crise de foi que je traverse et Noël n'aura malheureusement pas la même signification cette année que d'accoutumée. Ainsi est la vie.

Belle fête de Noël à vous également !

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Re: L’existence de préhumains est plus qu’une hypothèse

Message non lu par Trinité » jeu. 24 déc. 2020, 14:18

Joyeux Noël à tous! :coeur:

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