L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

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Xavi
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L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » dim. 08 nov. 2009, 20:25

La réflexion sur l’historicité de la Genèse, très développée dans ce forum, ne serait pas complète si la thèse de Mgr Léonard, actuel évêque de Namur, membre de la commission théologique pontificale, n’était pas présentée.

Elle a été présentée dans un livre avant qu’il n’accède à l’épiscopat (Les raisons de croire, Fayard, 1987) mais elle a été reprise lors d’une conférence du 2 juillet 1998 :

http://www.lemediateur.net/projetnouvea ... 1/d21b.htm

Quelques extraits permettent de la présenter avec des questions qu’elle suscite :

Mgr Léonard part de « cette intégrité originelle de l’homme et du cosmos » (p. 205) et constate que « Dieu n’a pas fait la mort » (p. 206). « Mais, objectera-t-on, la mort et même le péché ne font-ils pas manifestement partie des « lois de la nature » ? » (p. 207).

Est-ce que les choses « meurent » ? Le grain de blé qui tombe en terre pour y pourrir et permettre le germe d’un blé nouveau « meurt » t-il ? Peut-on parler de « péché » de la nature, des choses ?
Mgr Léonard a écrit : Si donc nous voulons maintenir l’affirmation chrétienne de l’intégrité originelle de l’homme et de l’univers tout en prenant acte du caractère naturel du mal dans le monde présent, il nous faut logiquement conclure que c’est l’ensemble du monde présent, avec ses lois inexorables, qui n’est pas naturel … La création telle qu’elle est sortie des mains de Dieu était intègre … la corruption du monde présent s’est inscrite jusque dans les lois de la nature … la contagion du péché, porteuse de mort, s’est installée jusqu’au cœur de la nature, jusque dans les lois de fonctionnement, qui acheminent désormais tout être vivant vers sa mort…

La rupture causée par le premier péché n’est donc pas une variation comparable aux modifications survenues dans l’univers présent au cours de son évolution cosmologique, géologique, climatologique ou historique. Il s’agit d’une altération qui, tout en préservant son identité foncière, atteint cependant sa qualité d’être, sa condition ontologique ou, en termes plus simples, son niveau ou son degré d’existence…

Notre monde est bien le même que connut le premier Adam avant la chute, et notre humanité présente reste substantiellement identique à la sienne. Cependant, entre lui et nous, comme entre la création originelle et le cosmos présent, il y a aussi une discontinuité, une rupture qualitative…

A ce point de notre réflexion, une conclusion décisive se dégage : il ne faut donc pas se représenter la chute originelle comme se produisant à l’intérieur du monde présent…

Autrement dit, le péché originel n’a pas été commis par les premiers hominisés de l’évolution biologique … dans cette perspective, le passage du monde réel avant la chute au monde réel après la chute est tout aussi irreprésentable par l’imagination, ou même par la science, que le passage de ce monde-ci au monde nouveau de la Résurrection (p. 207-211)…
Dans une telle perspective, que devient l’humanité pendant les milliards d’années lumière précédant l’arrivée de l’homo sapiens ?
Mgr Léonard a écrit : Certains lecteurs préféreront s’en tenir à la représentation courante selon laquelle Adam et Ève désignent les premiers hommes issus de l’évolution biologique à l’intérieur du monde actuel et de notre histoire présente … en ce qui concerne l’origine (la protologie), ils jugeront nécessaire de situer le Premier Adam dans le temps de l’évolution et de placer le paradis terrestre dans un coin déterminé de la planète. Si on le juge indispensable, on peut s’en tenir à cette vision des choses (p. 221)
C’est exactement, en effet, l’autre point de vue que Mgr Léonard envisage et que, personnellement, je préfère défendre.
Mgr Léonard a écrit : dans cette perspective, Adam et Eve naissent fragiles et mortels comme tout être vivant à l’intérieur de ce monde, et cela en dépit de l’infusion en eux de l’âme immortelle créée immédiatement par Dieu. Il faut alors se représenter que Dieu les dote par miracle des dons préternaturels d’immortalité, de science et d’intégrité et les entoure d’un paradis terrestre artificiel échappant aux lois de la nature (p. 221)
une sorte de réserve préternaturelle située à l’intérieur du cosmos tel qu’il est maintenant, une région qui échapperait aux lois réelles du monde présent, où se trouverait un hominisé récent, doué d’une perspicacité intellectuelle sans faille, d’une volonté sans défaillance, d’une responsabilité inouïe à l’égard de toute l’humanité et du cosmos, échappant par un miracle permanent à la souffrance et au déclin, au vieillissement et à la mort... S’il faut se représenter comme cela l’intégrité originelle, je comprends que l’on s’en débarrasse intellectuellement, qu’on y renonce ou qu’on déclare que c’est simplement du mythe au sens superficiel du terme.(Conférence du 2 juillet 1998)
Effectivement, dans cette autre perspective, Adam et Eve sont susceptibles de mourir s’ils mangent un fruit défendu et sont dotés « des dons préternaturels d’immortalité, de science et d’intégrité ».

Par contre, dans le monde « bon » que Dieu a créé, pourquoi faudrait-il nécessairement un « paradis terrestre artificiel échappant aux lois de la nature » ? Toute la terre était en harmonie avec l’homme. L’homme créé domine toute chose, domine les lois de la nature, comme le Christ pourra le faire lui-même. L’homme a été créé pour ordonner la création sous sa maîtrise.

Le simple renouvellement naturel des choses n’est pas une destruction ou une mort. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme sans cesse dans le monde matériel. La mort concerne la destruction de la personne ou de la nature dont le contrôle est perdu.

La déchéance actuelle du monde ne s’explique-t-elle pas suffisamment par le fait que l’homme n’en a plus le contrôle, la maîtrise ? Le monde déchu est désordonné à cause de l’homme.

Le cardinal Joseph Ratzinger, devenu actuellement notre pape, me semble rester proche de « la représentation courante » évoquée ci-dessus, dans un petit ouvrage (Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, Fayard, 1986).
Le cardinal Joseph Ratzinger a écrit : on constate … la disparition presque totale du message de la Création dans la catéchèse, la prédication et la théologie. On cache les récits de la Création, leur signification est considérée comme n’étant plus supportable… je me suis rendu compte plus clairement encore de l’urgente gravité du problème de la Création dans la prédication actuelle… (p. 9).

Si l’on nous dit de distinguer entre images et sens, nous pouvons objecter : pourquoi ne l’a t-on pas dit plus tôt ? Car il semble bien que l’on ait enseigné auparavant autre chose : il n’aurait pu y avoir autrement de procès Galilée. On en vient finalement à soupçonner cette thèse de n’être qu’un subterfuge de l’Eglise et des théologiens, qui ne savent vraiment plus quoi faire, mais sans vouloir l’avouer, et qui cherchent ainsi quelque artifice derrière lequel se retrancher…

Mais nous ne pouvons échapper à la crainte d’être peu à peu poussés dans le vide, et que vienne le moment où il n’y aura plus rien à préserver, à protéger, où tout le domaine de l’Ecriture et de la foi sera occupé par un rationalisme peu enclin à prendre tout cela au sérieux. A quoi s’ajoute une autre inquiétude. Si les théologiens ou même l’Eglise peuvent modifier de la sorte les limites entre image et contenu, les frontières entre ce qui se perd dans le passé et ce qui garde aujourd’hui une valeur, pourquoi ne pas faire de même en d’autres domaines, par exemples celui, des miracles de Jésus ? Et pourquoi pas même jusqu’au cœur, là où se trouvent la Croix et la Résurrection du Seigneur ? Une argumentation qui prétend défendre la foi en disant « Derrière ce qui est écrit et que nous ne pouvons plus défendre, il y a quelque chose de plus profond », une telle argumentation finit par être davantage un péril pour la foi. C’est alors, en effet, que se pose … la question de savoir s’il subsiste encore quelque chose de solide. Après de telles explications théologiques, plus d’un est resté finalement sur l’impression que la foi de l’Eglise est une sorte de méduse que l’on arrive pas à rattraper, dans laquelle on ne peut rien trouver de ferme » (p. 16-18).

Tout cela est bien beau, peut-on se dire aujourd’hui, mais, en fin de compte, n’est-ce pas déjà réfuté par nos connaissances scientifiques sur l’origine de l’homme dans le règne animal (p. 57-58).
Ici, nous rejoignons l’histoire bien concrète de l’homme, son origine « dans le règne animal » qui fait l’objet des « connaissances scientifiques ».
Le cardinal Joseph Ratzinger a écrit : les progrès de la pensée … nous aident ici encore à comprendre sous un jour nouveau l’unité interne de la Création et de l’évolution, de la foi et de la raison. Ce fut une découverte caractéristique du XIXè siècle que d’appréhender les choses dans leur histoire, leur développement… l’univers n’est pas une espèce de grosse boite dans laquelle les choses ont été mises telles quelles, mais est comparable à un arbre vivant , en croissance et en devenir… avec les progrès de la recherche, la façon de le comprendre correctement apparaît de façon de plus en plus claire…(p. 58-59)
Il s’agit ici de considérer la création et l’évolution ensemble et non d’envisager un monde antérieur comme une « grosse boite dans laquelle les choses ont été mises telles quelles », de considérer l’apparition des premiers humains avant et en dehors de cette évolution.
Le cardinal Joseph Ratzinger a écrit : D’après les lois physiques, la vie pouvait apparaître mais n’était absolument pas nécessaire. Monod ajoute ici qu’il était extrêmement improbable qu’elle fasse son apparition. … c’est très certainement une fois unique, et sur notre terre, que s’est produit cet événement hautement improbable de l’apparition de la vie.
Selon cette seconde constatation, cet être mystérieux qu’est l’homme pouvait exister sans qu’il y en eut aucune nécessité. Lui aussi est si improbable que Monod, en tant que scientifique, observe que son apparition n’a probablement pu se produire qu’une seule et unique fois. (p. 60)

Abordons maintenant directement le problème de l’évolution et de ses mécanismes… La stabilité existe et se manifeste de telle manière que chaque organisme transmet strictement son modèle… Il se reproduit exactement lui-même…
Monod trouve cependant une voie pour l’évolution dans le constat qu’il peut y avoir erreur de transmission dans la propagation du modèle. Comme la nature est conservatrice, cette erreur, une fois qu’elle s’est produite, se propage. De telles erreurs peuvent s’ajouter, et de leur somme peut surgir quelque chose de nouveau. Monod en tire alors une conclusion stupéfiante : c’est de cette manière que s’est fait l’univers du vivant, c’est de cette manière que s’est fait l’homme. Nous sommes le produit d’erreurs dues au hasard.
Que pouvons-nous dire d’une telle réponse ? Cela reste l’une des taches de la science d’expliquer dans le détail … Mais nous devons avoir le courage de dire : les grands projets du vivant ne sont pas des produits du hasard et de l’erreur. Ils ne sont pas davantage les produits d’une sélection à laquelle on attribue des propriétés divines qui, dans ce contexte, illogiques et non scientifiques, ne sont qu’un mythe moderne.
Les grands projets du vivant révèlent une raison créatrice. Ils nous montrent l’Esprit Créateur d’une manière aujourd’hui plus lumineuse et resplendissante que jamais. Aussi pouvons-nous dire aujourd’hui, avec une certitude et une joie nouvelles : oui l’homme est un projet de Dieu… L’homme n’est pas une erreur, il est voulu, il est le fruit d’un amour.(p. 61-64).
La création de l’homme, comme l’indique la science, se produit bien par une action de Dieu dans l’évolution, dans le temps et dans l’espace. Sans tension, ni discordance entre la science, la raison et la foi.

Les questions sont manifestement aussi difficiles pour les évêques que pour les simples fidèles.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Raistlin » dim. 08 nov. 2009, 21:07

Mgr Léonard a écrit :S’il faut se représenter comme cela l’intégrité originelle, je comprends que l’on s’en débarrasse intellectuellement, qu’on y renonce ou qu’on déclare que c’est simplement du mythe au sens superficiel du terme.
Et que propose Mgr Léonard ?

Pour ma part, cet "état" préternaturel me semble presque validé par la psychologie humaine : si notre état "déchu" était naturel, nul ne se plaindrait de quoique ce soit. Nul ne se révolterait contre notre volonté défaillante, nos pulsions incontrôlables, la souffrance qui nous frappe et bien sûr la mort. Le fait que nous jugions ces choses "mauvaises" et que nous aspirions à beaucoup mieux me semble prouver en quelque sorte qu'un truc cloche.

Vous voulez que je vous dise ? Je crois en un Dieu qui a ressuscité Jésus et qui fait monter au Ciel la Vierge Marie corps et âme. A partir de là, je ne vois aucun problème à imaginer Adam et Eve comme disposant des dons préternaturels classiques.

Vous savez, pour beaucoup de "rationnalistes", la Résurrection est un joli mythe car bien trop en dehors des lois de la nature. :/

Xavi a écrit :Le simple renouvellement naturel des choses n’est pas une destruction ou une mort. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme sans cesse dans le monde matériel. La mort concerne la destruction de la personne ou de la nature dont le contrôle est perdu.
Je suis d'accord avec ça. Quand la Bible dit que la mort est entrée dans le monde par le péché, elle parle de la seule mort "scandaleuse" : celle de l'Homme.

Cordialement,
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » sam. 06 févr. 2010, 15:47

Certes, un évêque n’est pas infaillible et la parole originale de Mgr Léonard sur la création ne devient pas celle du magistère du seul fait qu’en considération de motifs qui ont pu considérer bien d’autres qualités qui lui sont largement reconnues dans ce forum, il vient d’être choisi par le Pape comme primat de Belgique.

Mais, ce choix ne manquera pas de mettre tôt ou tard en avant de la réflexion théologique ce qu’il a écrit sur la création et ce qu’il a confirmé après être devenu évêque de Namur.

Son opinion a la mérite d’une grande clarté et l’originalité de ses déclarations sur des sujets divers suscite souvent l’approfondissement de la réflexion, même si cela provoque parfois aussi la controverse.

Certes, sa réflexion reste ouverte et Mgr Léonard considère qu’un autre point de vue est admissible.

Mais, sauf s’il a revu sa pensée depuis lors (ce qui n’est pas exclu tant le sujet est difficile), ce qu’il propose est cependant clair : la création du monde et de l’homme, y compris le péché originel, ne sont pas des faits qui peuvent être datés dans notre passé historique comme peut l’être le Christ. Adam n’est pas un hominidé à situer à un moment et à un endroit dans notre préhistoire. Mgr Léonard situe le péché originel du premier homme avant « les lois de fonctionnement, qui acheminent désormais tout être vivant vers sa mort », avant les « modifications survenues dans l’univers présent au cours de son évolution cosmologique, géologique, climatologique ou historique ».

Sa conclusion est précise : « il ne faut donc pas se représenter la chute originelle comme se produisant à l’intérieur du monde présent ».

L’autre conviction est radicalement opposée de sorte qu’une seule des deux opinions peut être vraie.

Elle considère que l’apparition de l’homme et le péché originel se sont produits dans le monde présent, au cours de l’évolution du monde concret et historique.

Pour tous ceux qui y croient sans discordance avec les connaissances scientifiques modernes, il ne s’agit pas de nier les renouvellements naturels incontestables des créations matérielles, végétales et animales avant la création de l’homme, ni de prétendre que le premier homme aurait vécu avec un corps et dans un paradis terrestre étrangers aux lois naturelles.

Il s’agit seulement de croire que le premier homme a été créé dans le monde présent après beaucoup d’autres créatures et qu’il a reçu, avec la conscience, la liberté et toutes les caractéristiques qui le font à l’image et à la ressemblance de Dieu, une vie éternelle permettant à sa personne de franchir la mort physique et de dominer la création, comme le Christ l’a manifesté comme vrai Dieu et vrai homme, par ses miracles et surtout par sa résurrection.

Le péché originel nous atteste que, contrairement au Christ, le premier homme a immédiatement rompu sa communion avec Dieu de sorte que le monde est resté dans les douleurs de l’enfantement parce que le péché de l’homme l’a privé du jardin d’Eden spirituel et de la maîtrise de ce monde. Le péché de l’homme l’a soumis à la mort. Par lui, la mort est entrée dans le monde alors que tout le monde était créé pour que l’homme le fasse vivre.

N'est-ce pas à un moment et à un endroit de notre monde présent, que les réalités spirituelles du jardin d’Eden (que la Genèse nous présente avec des images matérielles pour notre compréhension) sont devenues inaccessibles par une faute bien réelle de l’homme dans l’histoire ?

Dans ce point de vue, il ne subsiste pas plus de traces scientifiques du péché originel qu’il n’en subsiste de la résurrection du Christ. Le premier s’est soumis à la mort par le péché dès le commencement de son histoire, le second, en tout semblable sauf le péché, a franchi la mort avec la même humanité comme le premier aurait pu le faire pour le bien de toute la création. Dans le même monde présent. Le premier a été chassé du jardin d’Eden spirituel, le second a été élevé dans la gloire.

Le Christ est-il en tout semblable à Adam sauf le péché ou Adam est-il d’une humanité autre que celle du monde présent, que celle du Christ ?

Peut-on croire indifféremment l’une et l’autre affirmation, ce qui reviendrait à dire que la foi de l’Eglise n’aurait plus de contenu certain à cet égard sur la création dans ou en dehors de l’histoire ?

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archi
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par archi » sam. 06 févr. 2010, 19:12

Vos citations sont intéressantes.

Personnellement, je ne sais pas où me situer. Il me semble très difficile de concevoir et encore plus de décrire l'articulation entre le monde perceptible (avec le temps tel que nous le constatons, la Terre telle qu'elle se présente à nous, l'univers perçu par nos lunettes astronomiques) et le monde "primordial", qui d'après certaines données semble "à part", et d'après d'autres fait intégralement partie de notre monde (il s'agit de la même Terre et du même ciel), mais avec un temps et des lois physiques qui semblent bien avoir changé.

En tous cas Mgr Léonard a raison de vouloir "réouvrir" la théologie à ce genre de questions.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
Et chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité.
Déposons maintenant tous les soucis de ce monde.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » sam. 06 févr. 2010, 20:26

archi a écrit : Personnellement, je ne sais pas où me situer... avec ... des lois physiques qui semblent bien avoir changé.
Cette dernière affirmation est souvent reprise et me rend perplexe.

D'où vient cette conviction selon laquelle les lois physiques auraient changé ?

Ni la science, ni la Genèse, ni la Tradition de l'Eglise ou l'enseignement du magistère ne semblent présenter un tel changement des lois physiques.

Il me semble qu'il a toujours été admis que le monde est resté dans les douleurs de l'enfantement parce que l'homme n'y tient pas son rôle et qu'à cause du péché la mort y règne.

Comment respecter l'environnement et reconnaître la beauté de la création de Dieu si ce monde présent est le produit du péché originel ?

Renvoyer la création en dehors du temps présent n'est-ce pas la mettre totalement hors du réel concret ?

Le Christ était-il un vrai homme comme Adam sans le péché ou s'est-il incarné dans un corps d'une nature physique différente modifiée par le péché ?

Ne sommes-nous que des fils "spirituels" de ce premier homme créé, apparus nous-mêmes sur la terre sans création distincte après une longue évolution de milliards d'années ? Comment faudrait-il imaginer cette traversée du temps ou la concrétisation dans le temps et dans l'espace d'une création d'un premier humain et d'un péché originel en dehors du temps présent ?

Si quelqu'un connaît personnellement Mgr Léonard, il serait intéressant de lui poser ces questions.

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Laurent L.
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Laurent L. » dim. 07 févr. 2010, 0:10

Certains lecteurs préféreront s’en tenir à la représentation courante selon laquelle Adam et Ève désignent les premiers hommes issus de l’évolution biologique à l’intérieur du monde actuel et de notre histoire présente
Cette hypothèse semble nier le couple originel et donc le monogénisme. Elle a été condamnée par Pie XII :
Humani Generis a écrit : Mais quand il s'agit d'une autre vue conjecturale qu'on appelle le polygénisme, les fils de l'Eglise ne jouissent plus du tout de la même liberté. Les fidèles en effet ne peuvent pas adopter une théorie dont les tenants affirment ou bien qu'après Adam il y a eu sur la terre de véritables hommes qui ne descendaient pas de lui comme du premier père commun par génération naturelle, ou bien qu'Adam désigne tout l'ensemble des innombrables premiers pères. En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l'Eglise enseignent sur le péché originel, lequel procède d'un péché réellement commis par une seule personne Adam et, transmis à tous par génération, se trouve en chacun comme sien (12).
Il est donc assez effrayant de voir que Mgr Léonard parle de "représentation courante" si celle-ci est jugée hérétique par l'Église, puisque cette conjecture semble s'opposer au dogme de la transmission du péché originel par propagation héréditaire (Concile de Trente, XIXe œcuménique, décret sur le péché originel, 5e session, 17 juin 1546).

Sinon, j'ai une question pour vous, Xavi :) ; vous dites :
Par contre, dans le monde « bon » que Dieu a créé, pourquoi faudrait-il nécessairement un « paradis terrestre artificiel échappant aux lois de la nature » ? Toute la terre était en harmonie avec l’homme. L’homme créé domine toute chose, domine les lois de la nature, comme le Christ pourra le faire lui-même. L’homme a été créé pour ordonner la création sous sa maîtrise.
Comment interprétez-vous alors ces versets de la Genèse :
Gn 2,7. Le Seigneur Dieu forma donc l'homme du limon de la terre; Il souffla sur son visage un souffle de vie, et l'homme devint vivant et animé.
Gn 2,8. Or le Seigneur Dieu avait planté dès le commencement un jardin délicieux, dans lequel Il mit l'homme qu'il avait formé. [...]
Gn 2,15. Le Seigneur Dieu prit donc l'homme, et le mit dans le paradis de délices, afin qu'il le cultivât et qu'il le gardât.
:?:
Il semble en effet que Dieu ait créé l'homme à un endroit (le "limon de la terre" ne pourrait-il pas aussi signifier la planète Terre ?) pour l'en retirer et le placer dans l'Eden, "planté dès le commencement". Dès lors, ne pourrait-on pas considérer que l'Eden est un lieu céleste, un ciel intermédiaire entre la Terre et le Paradis ?

St Thomas d'Aquin suppose :
Ia, 102.4 a écrit :Le paradis était le lieu convenable à l'habitation de l'homme en raison de l'incorruption de l'état primitif. Or cette incorruption n'appartenait pas à l'homme selon sa nature, mais en vertu d'un don surnaturel de Dieu. Donc, pour que cela fût imputé à la grâce de Dieu et non à la nature humaine, Dieu créa l'homme en dehors du paradis et le plaça ensuite dans le paradis pour qu'il y habitât pendant tout le temps de sa vie animale, pour être transféré après cela au ciel, lorsqu'il aurait obtenu la vie spirituelles.
D'ailleurs, il ajoute dans la Tertia Pars :
IIIa, 49.5 a écrit :2. Élie fut enlevé dans le ciel de l'air, non dans le ciel empyrée qui est le lieu des bienheureux. De même Énoch, qui a été enlevé dans le paradis terrestre où l'on croit qu'il vit avec Élie jusqu'à l'avènement de l'Anti-Christ.
Bien à vous,
Laurent.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par petite graine » dim. 07 févr. 2010, 0:38

Adam et Eve = la chair et l'esprit de Dieu

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par archi » dim. 07 févr. 2010, 10:45

Xavi a écrit :
archi a écrit : Personnellement, je ne sais pas où me situer... avec ... des lois physiques qui semblent bien avoir changé.
Cette dernière affirmation est souvent reprise et me rend perplexe.

D'où vient cette conviction selon laquelle les lois physiques auraient changé ?

Ni la science, ni la Genèse, ni la Tradition de l'Eglise ou l'enseignement du magistère ne semblent présenter un tel changement des lois physiques.
Il faudrait voir ce qu'on englobe dans les "lois physiques". Je prends un passage, Gn 2, 4b-6:
Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n'avait encore poussé, car Yahvé Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol. Toutefois, un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol.
Il me semble que ce passage contredit directement les lois de la circulation atmosphérique (elles-mêmes dépendant des lois de la thermodynamique). Doit-on y voir une organisation différente de la planète Terre? Un comportement différent des gaz qui constituent l'atmosphère?

D'un autre côté, nos lois physique sont connues dans un univers "einsteinien", qui comprend 3 dimensions d'espace et une de temps. Le Paradis Terrestre doit-il être situé dans un univers einsteinien, ou bien ce dernier n'est-il que l'extension indéfinie des conditions présentes?

D'un autre côté, on peut considérer notre monde du point de vue thomiste, le monde quantique étant la "materia prima" totalement indifférenciée, le monde physique (celui que j'ai appelé einsteinien) étant celui de la "materia secunda", la matière signée par la quantité. Que représente le "monde" paradisiaque dans ce schéma? Sachant que l'extension du Paradis terrestre semble limitée, il me semble que c'est un "monde" où l'aspect "quantité" est moindre et l'aspect "qualité", ou forme substantielle, est prédominant... mais j'ai conscience que c'est vague!

Ce qui me paraît certain, c'est que c'est le même cosmos. Par contre, nous n'avons pas la même perception de celui-ci. Les lois physiques connues étant celles que nous avons observées et établies dans notre perception, il ne me semble pas injuste de dire que les lois physiques du Paradis Terrestre sont "différentes"... mais d'un autre côté, il y a sûrement une ressemblance et des points communs puisque c'est le même cosmos à la base.

In Xto,
archi.
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » dim. 07 févr. 2010, 11:54

Bonjour Laurent,

Merci pour toutes ces références très justes et pertinentes.

Il faut, bien sûr, être très prudent avec les interprétations. La thèse de Mgr Léonard paraît sortir la création du monde présent, mais, si la considère que la Genèse nous parle bien de notre monde dans le temps et dans l’espace, il nous reste à situer son récit dans une échelle d’interprétation depuis le point de vue de ceux qui pensent que c’est une parabole exclusivement symbolique jusqu’à ceux qui le comprennent dans un sens extrêmement réaliste.

Personnellement, il me semble qu’elle nous enseigne l’essentiel de l’action de Dieu et de l’origine de l’homme dans la vérité historique.

Seule la science nous donne, avec encore beaucoup de questions et d’incertitudes, les détails de l’apparition du monde et de l’homme, mais la Genèse nous donne sur cette même réalité scientifique et historique le point de vue sur l’essentiel pour notre vie et notre foi.

Le limon ou la poussière de la terre vise les éléments biologiques et chimiques qui composent notre corps. C’est bien de cela que notre corps est formé, mais ni la Genèse, ni la foi, ne permettent, surtout avec nos connaissances scientifiques actuelles, de penser que la création fut instantanée. C’est donc à travers des milliards d’années que notre corps fut formé.

Mais, dès le commencement, au corps matériel, le Seigneur joint une réalité, une vie spirituelle. Il place ce corps dans un jardin d’Eden. Il me semble que tout indique que ce jardin est une réalité bien présente à l’endroit où le premier homme a été créé, mais aussi qu’il s’agit d’une réalité spirituelle.

Ce jardin délicieux est une réalité spirituelle qui coexiste avec la réalité matérielle. C’est encore vrai aujourd’hui mais de manière voilée : nous ne sommes pas faits que de notre corps qui vit dans le monde visible, mais aussi d’une âme immortelle qui vit dans une réalité spirituelle.

Dès le commencement Adam est mis avec son corps dans ce jardin spirituel. Les évènements et le péché originel vont se passer dans cette double dimension dans laquelle vit l’homme. Matérielle et spirituelle. L’homme devait garder ce jardin spirituel dans la création matérielle, mais, hélas, nous voyons encore que ce n’est pas le cas.

Dès lors, il me semble que vous suggérez de manière assez juste que : « l'Eden est un lieu céleste, un ciel intermédiaire entre la Terre et le Paradis ».

La messe dominicale m'attend, je poursuivrai plus tard.

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » dim. 07 févr. 2010, 15:43

Bonjour Archi,

Dans ce sujet, les lois physiques considérées par Mgr Léonard sont celles de notre monde présent.

Vous écrivez « Il faudrait voir ce qu'on englobe dans les "lois physiques". Je prends un passage, Gn 2, 4b-6 ».

Le texte de Gn 2, 4b-6 semble se référer aux trois premiers jours du premier récit de la création dans le chapitre qui précède. Le temps où Dieu fit « le ciel et la terre » me semble viser le tout début, la séparation du spirituel et du matériel. Le flot qui monte de la « terre » me semble viser les deuxième et troisième jour lorsque sont créés les eaux puis du sec. Le même mot terre est utilisé pour désigner le « sec » par rapport au « liquide » puis pour désigner notre planète. Il me semble que la définition du mot « terre » dans le troisième jour de la Genèse doit nous éviter de confondre ce mot avec celui qui désigne la terre créée le quatrième jour. Ces sens différents d’un même mot se retrouve aussi dans le début de la Genèse, pour le mot adam qui désigne tantôt une personne masculine précise nommée « Adam », tantôt chacun des deux premiers humains (Gn 5, 2).

Il me semble que le récit de Gn 2, 4 –9 et particulièrement la formation de l’homme avant même les plantes nous parle en grande partie des trois premiers jours de la création, et, comment, avant même la création de notre planète dans notre système solaire, Dieu commence déjà à façonner l’homme.

Il le façonne dès les origines du monde matériel et, en même temps, il lui crée un jardin d’Eden.

A la lumière de ce que nous enseignent les apparitions du Christ ressuscité, on peut imaginer une manifestation matérielle ou corporelle de ce jardin d’Eden, mais personnellement, du fait qu’il comprend en son centre un arbre de la « connaissance », ce qui est une réalité immatérielle, il me semble que ce récit nous parle d’une réalité immatérielle, spirituelle, ce que vont confirmer les dialogues avec Dieu et sa fermeture finale par des anges. Cela me paraît, dès lors, un récit imagé.

Mais, cela ne signifie pas que ce n’était pas bien réel et historique. Il me semble que la Genèse nous relate une expérience spirituelle décisive, le péché originel, commis par les premiers humains bien concrets. Mais, la faute est spirituelle. Son effet spirituel va, par contre, priver l’homme de son rôle dans le monde bien réel et le soumettre à la mort.

Personnellement, l’imprécision de la Genèse pour les trois premiers « jours » de la création permet de constater qu’ils sont compatibles avec les lois de la circulation atmosphérique et, pour le surplus, je ne peux pas appliquer les lois de la circulation atmosphérique au jardin d’Eden du fait que sa présence pour les premiers humains était spirituelle. Même si on peut admettre une matérialisation possible, il est tout aussi possible et il me semble personnellement probable que, matériellement et corporellement, l’endroit où ont vécu les premiers humains était banal, ordinaire dans sa réalité physique terrestre.

Donc, quand vous écrivez « il ne me semble pas injuste de dire que les lois physiques du Paradis Terrestre sont "différentes" », c’est le mot « physiques » qui introduit la difficulté. Le « paradis » terrestre, c’est une réalité spirituelle présente dans la réalité physique mais cette réalité (le paradis) n’est pas elle-même physique, matérielle, terrestre. Comme je le comprends, il n’y a pas de loi « physique » dans l’Eden spirituel et là où les hommes vivaient spirituellement dans cet Eden ils vivaient corporellement et matériellement dans la réalité terrestre avec ses lois physiques qui ne concernent que ce qui est terrestre.

Il me semble donc incertain d’affirmer que « l'extension du Paradis terrestre semble limitée », ce qui se réfère au temps et à l’espace terrestre et ne convient guère à une réalité spirituelle

Celui qui veut matérialiser historiquement le jardin d’Eden et considérer ce jardin comme un endroit de nature terrestre se retrouve devant les objections insurmontables évoquées par Mgr Léonard.

Le catéchisme nous indique que le récit de la chute dans le jardin d’Eden est un récit « imagé » (CEC, n° 390). L’arbre de la connaissance évoque « symboliquement » une réalité (CEC, n° 396).

Mais, la réalité historique de la faute spirituelle est, elle, bien réelle. Aussi réelle que les fautes que nous pouvons encore commettre dans notre cœur même lorsque rien n’apparaît matériellement au dehors.

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Olivier JC
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Olivier JC » dim. 14 févr. 2010, 9:53

Bonjour,

La perspective développée par Mgr Léonard, pour stimulante qu'elle soit, m'apparaît cependant entachée d'une difficulté, en ce qu'elle postule l'existence d'une discontinuité radicale entre la création avant le péché originel et après le péché originel.

Le fond de la pensée de Mgr Léonard est de faire un parallèle entre la transfiguration de la Création qui surviendra lors de la Parousie, ce qui m'apparaît très discutable. En effet, la discontinuité est clairement affirmée dans ce cas là par les textes bibliques, notamment par S. Paul. Ce qui n'est pas le cas concernant les origines.

Finalement, cette lecture n'a qu'une seule raison d'être, à savoir trouver un moyen intellectuellement satisfaisant de présenter la foi catholique concernant les origines dans le contexte scientifique de l'évolution.

Le problème central est celui de la similarité des lois régissant la Création avant l'apparition de l'homme comme après le péché originel.

La notion d'inachèvement de la Création est sur ce point un secours intéressant.

En effet, la Création est sortie inachevée des mains de Dieu (CEC), et, dans le plan divin, il appartient à l'homme de la porter à son achèvement.

Dans les Evangiles, Jésus apaise une tempête. Les bêtes sauvages, dans le désert, le servent. Et cela ne tient pas qu'à sa condition divine. Voir, par exemple, S. François d'Assise.

En bref, le Paradis de la Genèse ne devrait pas être regardé comme un lieu géographique dans lequel aurait été inséré l'être humain, et dont il aurait été expulsé lors du péché originel.

Le Paradis, c'est la Création telle qu'elle se trouve achevée par la présence en son sein de l'homme originel, institué maître de la Création par Dieu. Avec le péché originel disparaît ce dominium (qui demeure, certes, en son principe, mais non dans ses effets), et le Paradis s'évanouit donc.

Pour prendre une image, il émane de l'homme originel comme un "champ" spirituel qui, venant de Dieu, porte la Création à son achèvement. Se détournant de Dieu, ce "champ" spirituel se tarit et la Création retrouve son état d'inachèvement.

Une telle adaptation permet de demeurer dans le cadre classique du récit des origines, sans avoir à postuler une improbable discontinuité.
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Xavi
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » dim. 14 févr. 2010, 11:11

Merci, cher Olivier, pour cette excellente synthèse qui rejoint le sujet ouvert dans le sous-forum sur l’Ecriture Sainte sur le Christ, vrai Dieu et vrai homme :

viewtopic.php?f=91&t=11991&p=114925#p114925

L’analyse du père Gitton, à l’occasion d’un récent colloque va dans le même sens. Cf le sous-forum La vie de l’Eglise / Agenda :

viewtopic.php?f=90&t=10224&p=115813#p115813

Je serais heureux d’avoir vos réflexions dans l’approfondissement des questions de la création dans les sujets ouverts dans le sous-forum des Salons / Philosophie sur « La Bible et l’Univers » :

viewtopic.php?f=27&t=11186&p=115712#p115712

et dans le sous-forum de l’Ecriture Sainte sur « Adam et Eve : quelle réalité concrète ? » :

viewtopic.php?f=91&t=9603&p=115714#p115714

Comme le Pape l’a exprimé à plusieurs reprises, c’est vraiment devenu une priorité pour la foi et l’évangélisation aujourd’hui.

[14 janvier 2012 : L’ensemble de mes messages de ce fil ont été revus et intégrés dans un ensemble de réflexions sur l’évolution, la création et l’incarnation intitulé « Adam et Eve : quelle réalité concrète ? » dont le document de travail actuel est disponible dans le sous-forum de l’Ecriture Sainte :
viewtopic.php?f=91&t=20369]

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » dim. 15 sept. 2013, 17:38

Après trois ans et demi, il me semble utile de reprendre dans ce forum la difficile discussion que suscite l’opinion de Mgr Léonard.

Comme Mgr Léonard, je ne pense pas que les premiers humains ont été façonnés sur cette terre en un instant, à partir de la poussière du sol, sans aucune évolution de leur corps parmi les autres vivants, sans mère biologique.

Comme Mgr Léonard, je ne pense pas non plus que Adam et Eve sont les premiers hominidés ou les premiers homo sapiens.

Comme Mgr Léonard, je crois que ce premier couple partageait la vie de Dieu et avait avec son Créateur tout pouvoir sur le monde. Ces premiers humains immortels créés à l’image de Dieu ont fait un choix libre qui les ont éloignés de Dieu et de l’harmonie avec le monde qu’ils avaient en communion avec Dieu.

Par contre, je crois que c’est à un moment de l’histoire concrète de notre monde que Dieu a créé ce premier couple d’êtres à son image, avec une âme immortelle capable de partager éternellement sa vie.

Affirmer que ce premier couple n’a pas existé dans l’histoire concrète mais qu’il s’agit d’une réalité « historique » hors du temps et de l’espace de notre monde est, en fait, une négation de sa réalité historique par une modification du sens des mots.

En effet, la réalité historique, c’est ce qui a réellement existé dans l’histoire concrète. Parler d’une réalité historique en dehors du temps et de l’espace donne aux mots un sens abstrait qui en vide le contenu. Pour que le blanc soit noir, il suffit certes de changer la définition de l’un des deux mots, mais changer le sens des mots ne supprime pas la réalité.

Il me semble qu’il faut être clair : en considérant que Adam et Eve n’ont pas existé dans l’histoire concrète, Mgr Léonard invite à nier une création concrète dans l’histoire et une descendance biologique d’un couple originel que l’Eglise a toujours affirmée.

Il prétend que le doute est possible dans la foi de l’Eglise. Est-ce exact ?

Seul le Magistère du Pape a l’autorité pour lui répondre.

Faudrait-il désormais tenir pour incertain qu’il y a eu une création d’êtres nouveaux à l’image de Dieu dans le monde matériel bien concret dans lequel nous vivons ? Faudrait-il tenir que plus aucune certitude de foi ne permet d’affirmer que la présence d’âmes immortelles sur la terre a surgi dans l’histoire par une création de Dieu et que leur origine terrestre ne serait qu’un mystère total ?

Ne convient-il pas de croire, au contraire, que, dans l’histoire biologique et terrestre des vivants du monde présent, il y a eu une création nouvelle qui a créé des âmes immortelles dans des corps d’homo sapiens produits par l’évolution et par une généalogie biologique qui ont abouti à une conception dans le corps d’une mère biologique ? Ne convient-il pas de croire qu’Adam, comme Eve, ont eu une mère biologique qui n’était pas une femme créée à l’image de Dieu, même si elle a été divinement préparée pour faire naître un être radicalement nouveau ? La création d’Adam et Eve n’a-t-elle pas été une action divine dans l’histoire de la nature ?

Le Christ nous représente une image parfaite de ce qu’a été la création du premier Adam.

Il s’agit bien d’une création sur la terre, dans l’histoire. Et l’histoire, ce sont les faits dans le temps passé et dans l’espace. De la réalité de la création au delà du temps et de l’espace, nul ne peut dire ni contredire de manière claire avec des paroles humaines et terrestres.

Le Christ, Dieu de toute éternité, a été créé dans un corps issu d’une évolution par une femme qui n’était pas de nature divine. De même, ne convient-il pas de penser qu'Adam (comme Eve) a été créé immortel à l’image de Dieu dans un corps issu d’une évolution par une mère qui n’était pas immortelle à l’image de Dieu mais qui était seulement un être vivant dans la création.

Entre cette conviction et le rejet de la réalité historique de la création et du péché originel dans le monde présent que propose Mgr Léonard, seul le Pape paraît pouvoir actuellement éclairer la foi de l’Eglise.

Le 28 février 2010, j’ai écrit à Mgr Léonard la lettre qui suit :
à Mgr Léonard, Xavi a écrit :Cher Monseigneur Léonard,

J’ai eu l’occasion de lire récemment les réflexions sur la création que vous avez présentées dans un ouvrage de 1987 sur « Les raisons de croire » … […]

Merci d’avoir abordé ce sujet trop souvent délaissé sans dissocier la foi et la raison, en harmonie avec les connaissances de la science qui nous aident à approfondir davantage notre foi.

Le récit intuitif et imagé de la Genèse est d’une richesse complexe. Il évoque la création de l’homme dans sa vraie réalité qui ne concerne pas seulement sa vie terrestre, pour laquelle la science nous donne aujourd’hui beaucoup plus d’indications, mais aussi sa participation à la vie spirituelle.

Chacun peut comprendre qu’il convient d’écarter l’idée d’un « paradis terrestre artificiel échappant aux lois de la nature » (p. 221) et de réfléchir notre foi « sans naïveté » (p. 222).

Le jardin d’Eden évoque des réalités immatérielles dont il est vain de chercher à retrouver des traces matérielles.

Mais, votre réflexion m’a cependant surpris et m’interpelle par rapport à des convictions que j’ai toujours cru bien établies quelle que soit l’opinion de chacun sur le poids respectif du symbolique et du réaliste ou de l’historique dans les limites raisonnables que permettent l’enseignement de l’Eglise et les acquis actuels de la science et de l’exégèse.

Vous écrivez : « Certains lecteurs préféreront s’en tenir à la représentation courante selon laquelle Adam et Ève désignent les premiers hommes issus de l’évolution biologique à l’intérieur du monde actuel et de notre histoire présente … Si on le juge indispensable, on peut s’en tenir à cette vision des choses » (p. 221) et « Une seconde grande hypothèse – la nôtre – consiste … à ne pas situer le premier péché à l’intérieur du temps présent et à renoncer à l’identification d’Adam et Ève avec les premiers hominisés » (p. 222).

Comme personne ne doute du fait qu’au cours de l’évolution du monde présent, l’apparition des humains sur la terre est assez récente, faut-il comprendre que tout l’enseignement du Magistère basé sur « Adam et Ève », selon le nom attribué aux premiers humains, ne concernerait pas les premiers humains de l’histoire biologique dans le monde présent, les premiers êtres ayant reçu une âme immortelle à un moment de cette histoire ?

Faut-il en déduire une incertitude dans l’enseignement de l’Eglise en présence de deux hypothèses qui ne peuvent être vraies ensemble ?

Vous écrivez : « Notre univers présent est donc un univers déchu. Bref, les lois actuelles de l’univers ne sont que les lois d’un monde cassé, et non l’ordre originel de la création » (p. 207), « la corruption du monde présent s’est inscrite jusque dans les lois de la nature » (p. 208), « tout l’univers actuel est abîmé par la chute originelle » (p. 218) et « La conséquence du péché d’Adam, c’est alors précisément que l’ensemble de l’univers préternaturel déchoit et devient, depuis le big bang initial – tel que se le représentent nos astrophysiciens – jusqu’à aujourd’hui, cet univers que nous connaissons, livré à l’irréversibilité du temps, et aux lois de vie et de mort de la nature abandonnée à ses propres ressources » (p. 222-223).

Faut-il comprendre que, de ce point de vue, il ne peut plus être affirmé de manière certaine que le monde présent est tel que Dieu l’a créé, qu’il est bon jusque dans ses lois naturelles y compris dans ses renouvellements comprenant de la « mort » physique et uniquement matérielle, et qu’il n’est dans les douleurs de l’enfantement et soumis au pouvoir du néant et du malin que parce que l’homme n’y tient pas sa place à cause du péché originel ?

Ne faut-il plus croire que, dans la création, c’est seulement l’homme qui a reçu des dons préternaturels (« lui permettant de dépasser les contingences naturelles ») dont il s’est privé par le péché originel, mais que c’est tout l’univers qui aurait été préternaturel ?

Faut-il annoncer que le monde présent tout entier est abîmé, cassé, déchu, et ne plus y voir l’œuvre bonne de Dieu dont le mal physique ne résulte que du fait que l’homme qui a reçu des dons préternaturels n’y tient pas son rôle à cause du péché originel ?

Vous écrivez : « au lieu d’en être le roi, l’homme en devint le produit, issu de lui par l’évolution biologique et abandonné à son pouvoir écrasant et, en fin de compte, mortel » (p. 226), « au point d’y naître empiriquement comme fruit de l’évolution animale, ce qui n’était pas leur destinée primitive d’esprits incarnés » (p. 225) et « la genèse de l’homme par l’évolution animale n’est pas le lieu du premier péché mais l’une de ses conséquences » (p. 226).

Faut-il comprendre, en ce qui concerne l’apparition sur la terre du premier être animé ayant une âme immortelle, qu’au lieu d’y être créé par Dieu au cours de l’évolution, l’homme en est un produit abandonné, que la genèse de l’homme dans notre monde présent, ce serait le péché et non un acte créateur direct de Dieu, que notre présence dans le monde présent ne serait pas notre réelle destinée, que nous serions des esprits incarnés créés dans un monde autre et apparus biologiquement dans un monde déchu ?

Vous écrivez : « Comment attribuer à des brutes qui viennent à peine d’accéder à la conscience une lucidité et une volonté suffisantes pour leur faire endosser la responsabilité d’une faute ayant de telles répercussions cosmiques et historiques ? Comment prendre au sérieux les dons préternaturels d’Adam – intégrité, science, immortalité – si le bénéficiaire de ces dons doit être identifié (qu’on nous pardonne l’expression) à un « singe évolué », à un premier hominisé déjà doté, certes, d’une âme spirituelle, mais à peine issu de l’inconscience animale et encore totalement inculte ? » (p. 210).

Faut-il exclure que lors de leur création à l’image de Dieu dans le monde biologique présent, les premiers êtres humains dotés d’une âme immortelle ont pu avoir une claire vision de Dieu, en communion spirituelle avec Lui (« l’intelligence, c’est de me connaître ») leur donnant une intelligence et une conscience spirituelles bien supérieures à celles qui nous restent, malgré une conscience cérébrale encore inculte ? Faut-il considérer que la lumière qui leur venait de la communion avec Dieu était moindre que celle de notre conscience et de notre intelligence actuelles du seul fait que leur corps, y compris leur cerveau, provenait d’une évolution animale ?

Vous écrivez : « nos premiers parents au sens du dogme et non de la paléontologie ne sont pas à situer « avant » ( ?) la chute, dans un quelconque moment du temps cosmique et historique » (p. 215).

Faut-il comprendre que, de ce point de vue, en ce qui concerne la création, le dogme est limité aux réalités hors du temps et de l’espace et que le Christ historique, le nouvel Adam, ne s’est pas incarné dans la condition historique du premier Adam, mais dans une condition différente (la nôtre) ? N’était-il pas en tout semblable au premier Adam, sauf le péché ?

Faut-il mettre en doute la conviction que le Christ a vécu dans le monde présent avec les dons préternaturels du premier Adam, que c’est parce qu’il était vraiment homme, le seul vrai fils de l’homme tel qu’il était à l’origine sans le péché, en tout semblable à Adam et à nous, sans le péché, qu’il a pu vivre « quarante » jours sans manger ni boire, changer de l’eau en vin, arrêter le vent et la tempête, marcher sur l’eau, assécher un figuier, multiplier des pains, soumettre des porcs à une force spirituelle, guérir des malades, faire marcher un paralysé, donner la vue à un aveugle, rencontrer Moïse et Elie sur la montagne, ressusciter des morts, et franchir lui-même la mort physique ?

N’est-il pas juste de penser que l’homme créé aurait pu et dû dominer le monde en communion avec Dieu en ayant les mêmes pouvoirs que ceux que le Christ a manifestés ?

Excusez-moi de solliciter ainsi déjà si vite votre sollicitude apostolique et pastorale par des questions qui me tiennent à cœur.

En vous remerciant […]
Dans sa réponse, Mgr Léonard m’a écrit, notamment : « j’ai écrit ce livre très fouillé sur Les Raisons de croire…
Ce livre m’a demandé un grand effort pédagogique et je pense qu’il me serait difficile d’être plus précis en répondant à vos interrogations.
Je ne puis donc que vous renvoyer à ce que j’ai écrit…
En ce qui concerne les questions qui vous font le plus de difficultés, je pense qu’il s’agit, le plus souvent, de thèses théologiques qui ne nécessitent pas l’adhésion ferme du croyant
».

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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Peccator » lun. 30 sept. 2013, 14:33

Xavi a écrit :Après trois ans et demi, il me semble utile de reprendre dans ce forum la difficile discussion que suscite l’opinion de Mgr Léonard.
Merci d'avoir relancé ce fil, il est très intéressant.

Il me semble qu’il faut être clair : en considérant que Adam et Eve n’ont pas existé dans l’histoire concrète, Mgr Léonard invite à nier une création concrète dans l’histoire et une descendance biologique d’un couple originel que l’Eglise a toujours affirmée.
Considérez Adam et Eve non ne soient pas les père et mère biologique de l'humanité, n'est pas nier la création concrète. Notre existence, la vôtre, la mienne, sont bien la preuve de cette création.
Par contre, envisager qu'Adam et Eve soient les parents biologiques de toute l'humanité, mais n'ont eux-même été créés qu'au sein de l'espèce "animale" homo sapiens pose une énorme difficulté : que sont devenus les descendants de tous les autres membres de l'espèce ? Question d'autant plus urgente qu'ils sont eux dénués du péché originel.
Il prétend que le doute est possible dans la foi de l’Eglise. Est-ce exact ?
Dans la mesure où l'Eglise n'a pas affirmé que ce serait un point de dogme, alors oui le doute est possible.
Seul le Magistère du Pape a l’autorité pour lui répondre.
Non : soit c'est un point de dogme déjà établi, et tout le monde peut répondre en citant le texte définissant le dogme. Soit ce n'est pas un point de dogme, et tout le monde peut réfléchir à la question et donner son avis. Le Magistère infaillible du Pape est un des moyens de répondre définitivement à la question, en établissant la réponse justement comme un dogme devant être cru de foi.


Faudrait-il désormais tenir pour incertain qu’il y a eu une création d’êtres nouveaux à l’image de Dieu dans le monde matériel bien concret dans lequel nous vivons ?
Non : vous, moi, tous les gens qui lisent ce forum sont des être nouveaux créés par Dieu dans le monde matériel bien concret dans lequel nous vivons. C'est là quelque chose de bien certain.
Ne convient-il pas de croire, au contraire, que, dans l’histoire biologique et terrestre des vivants du monde présent, il y a eu une création nouvelle qui a créé des âmes immortelles dans des corps d’homo sapiens produits par l’évolution et par une généalogie biologique qui ont abouti à une conception dans le corps d’une mère biologique ?
Il y a création nouvelle d'une âme immortelle pour chaque être humain, qui s'allie à la "généalogie biologique" pour que soit un nouvel être humain. Chacun de nous est créature de Dieu, nous ne sommes pas le produit à la nième génération d'une création lointaine dans le passé de l'humanité.

Le Christ nous représente une image parfaite de ce qu’a été la création du premier Adam.
Attention, terrain glissant...
Le Christ, Dieu de toute éternité, a été créé dans un corps issu d’une évolution par une femme qui n’était pas de nature divine.
Et hop, vous avez glissé : le Christ n'a pas été créé. "Engendré, non pas créé, de même nature que le Père".
De même, ne convient-il pas de penser qu'Adam (comme Eve) a été créé immortel à l’image de Dieu dans un corps issu d’une évolution par une mère qui n’était pas immortelle à l’image de Dieu mais qui était seulement un être vivant dans la création.
Vos propos peuvent prêter à croire qu'il y aurait création d'une âme immortelle qui viendrait s'insérer dans une enveloppe corporelle pré-existante. Attention terrain glissant : vous être très proche du dualisme platonicien.

Il me semble plus juste de dire que l'âme a été créée avec le corps, plutôt que dans le corps.

Je n'ai pas mes ouvrages de référence sous la main, il faut que j'y retourne dès que possible pour m'assurer de ce point.


Faut-il comprendre que, de ce point de vue, en ce qui concerne la création, le dogme est limité aux réalités hors du temps et de l’espace et que le Christ historique, le nouvel Adam, ne s’est pas incarné dans la condition historique du premier Adam, mais dans une condition différente (la nôtre) ? N’était-il pas en tout semblable au premier Adam, sauf le péché ?
Attention, Jésus Christ n'est pas "en tout semblable au premier Adam, sauf le péché" : Jésus Christ est Dieu qui a pris chair. Il n'est pas créature de Dieu, c'est une différence fondamentale avec Adam.
Faut-il mettre en doute la conviction que le Christ a vécu dans le monde présent avec les dons préternaturels du premier Adam,
Pour autant que je sache, rien ne permet de penser qu'Adam ait eu des dons préternaturels. Jésus est capable de miracles parce qu'Il est Dieu. Ses disciples sont capables de miracles au nom de Dieu, pas parce qu'ils ont des pouvoirs préternaturels.
N’est-il pas juste de penser que l’homme créé aurait pu et dû dominer le monde en communion avec Dieu en ayant les mêmes pouvoirs que ceux que le Christ a manifestés ?
Non, ce n'est pas juste, cf ma réponse précédente.
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Re: L’alternative historique de la création de Mgr Léonard

Message non lu par Xavi » mar. 01 oct. 2013, 18:51

Un grand merci Peccator d’oser vous engager avec beaucoup de profondeur et d’intelligence dans cette réflexion très difficile qui demande beaucoup de réflexion, de prudence et de modération.
Peccator a écrit : Considérer que Adam et Eve ne soient pas les père et mère biologiques de l'humanité, n'est pas nier la création concrète. Notre existence, la vôtre, la mienne, sont bien la preuve de cette création.
Nous parlons ici de la création de l’humanité définie par la présence d’une âme immortelle capable de partager éternellement la vie de Dieu. Nous en sommes certes la preuve, mais il n’y en avait pas du temps des dinosaures. La création « concrète » dont nous parlons, c’est de savoir s’il y a création par Dieu d’un être nouveau à son image à un moment entre le temps des dinosaures et notre temps présent.
Peccator a écrit : Par contre, envisager qu'Adam et Eve soient les parents biologiques de toute l'humanité, mais n'ont eux-même été créés qu'au sein de l'espèce "animale" homo sapiens pose une énorme difficulté : que sont devenus les descendants de tous les autres membres de l'espèce ? Question d'autant plus urgente qu'ils sont eux dénués du péché originel.
Vous avez raison de parler d’énorme difficulté, mais il est clair que, puisque tous les descendants du premier couple originel ont hérité de l’être nouveau qu’ils ont transmis, les lois de la généalogie suffisent pour pouvoir constater qu’en moins de deux mille ans, cette nouveauté dominante dont « tous » ont hérité s’est répandue dans leur espèce sans aucune exception.

Ce sujet a déjà été développé dans ce forum : cfr, par exemple : dans le sous-forum sciences et technos, le sujet « Tous descendants biologiques d’Abraham » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... it=Abraham
Peccator a écrit : Dans la mesure où l'Eglise n'a pas affirmé que ce serait un point de dogme, alors oui le doute est possible.

soit c'est un point de dogme déjà établi, et tout le monde peut répondre en citant le texte définissant le dogme. Soit ce n'est pas un point de dogme, et tout le monde peut réfléchir à la question et donner son avis. Le Magistère infaillible du Pape est un des moyens de répondre définitivement à la question, en établissant la réponse justement comme un dogme devant être cru de foi.
En effet, cela me semble exact.

Nous avons bien sûr le rappel du catéchisme : « Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme » (CEC 390)

Dans l’encyclique « Humani Generis » (avec le sous titre : « sur quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique »
http://www.vatican.va/holy_father/pius_ ... is_fr.html

le Pape Pie XII écrit : « C'est pourquoi le magistère de l'Eglise n'interdit pas que la doctrine de l' " évolution ", dans la mesure où elle recherche l'origine du corps humain à partir d'une matière déjà existante et vivante - car la foi catholique nous ordonne de maintenir la création immédiate des âmes par Dieu - soit l'objet, dans l'état actuel des sciences et de la théologie d'enquêtes et de débats entre les savants de l'un et de l'autre partis : il faut pourtant que les raisons de chaque opinion, celle des partisans comme celle des adversaires, soient pesées et jugées avec le sérieux, la modération et la retenue qui s'imposent; à cette condition que tous soient prêts à se soumettre au jugement de l'Eglise à qui le mandat a été confié par le Christ d'interpréter avec autorité les Saintes Ecritures et de protéger les dogmes de la foi…

Mais quand il s'agit d'une autre vue conjecturale qu'on appelle le polygénisme, les fils de l'Eglise ne jouissent plus du tout de la même liberté. Les fidèles en effet ne peuvent pas adopter une théorie dont les tenants affirment ou bien qu'après Adam il y a eu sur la terre de véritables hommes qui ne descendaient pas de lui comme du premier père commun par génération naturelle, ou bien qu'Adam désigne tout l'ensemble des innombrables premiers pères. En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l'Eglise enseignent sur le péché originel, lequel procède d'un péché réellement commis par une seule personne Adam et, transmis à tous par génération, se trouve en chacun comme sien…

Comme dans le domaine de la biologie et de l'anthropologie, il en est qui, dans le domaine de l'histoire, négligent audacieusement les limites et les précautions que l'Eglise établit. Et en particulier, il Nous faut déplorer une manière vraiment trop libre d'interpréter les livres historiques de l'Ancien Testament, dont les tenants invoquent à tort, pour se justifier, la lettre récente de la Commission Pontificale biblique à l'Archevêque de Paris (13), Cette lettre, en effet, avertit clairement que les onze premiers chapitres de la Genèse, quoiqu'ils ne répondent pas exactement aux règles de la composition historique, telles que les ont suivies les grands historiens grecs et latins et que les suivent les savants d'aujourd'hui, appartient néanmoins au genre historique en un sens vrai, que des exégètes devront étudier encore et déterminer…
»
Peccator a écrit : vous, moi, tous les gens qui lisent ce forum sont des être nouveaux créés par Dieu dans le monde matériel bien concret dans lequel nous vivons. C'est là quelque chose de bien certain…
Il y a création nouvelle d'une âme immortelle pour chaque être humain, qui s'allie à la "généalogie biologique" pour que soit un nouvel être humain. Chacun de nous est créature de Dieu
Bien sûr, mais cela ne vient-il pas, pour chacun, par une transmission généalogique par nos parents ? Vous remontez jusqu’où dans l’histoire ? Jusqu’aux homo erectus, aux australopithèques, à leurs ancêtres aquatiques, végétaux ? Dans toute cette chaîne qui remonte dans le passé jusqu’au Big Bang, où et comment apparaît pour la première fois un tel être nouveau et qui d de ses parents biologiques ?
Peccator a écrit : nous ne sommes pas le produit à la nième génération d'une création lointaine dans le passé de l'humanité.
Comment peut-il en être autrement ?
Peccator a écrit : Vos propos peuvent prêter à croire qu'il y aurait création d'une âme immortelle qui viendrait s'insérer dans une enveloppe corporelle pré-existante. Attention terrain glissant : vous être très proche du dualisme platonicien.
Il me semble plus juste de dire que l'âme a été créée avec le corps, plutôt que dans le corps.
Vous avez ici raison de parler de terrain glissant. L’âme est créée avec le corps.
Je crois comme vous que le corps (en tant que corps d’un humain créé à l’image de Dieu) est créé humain en même temps que l’âme. L’âme est issu de cette union de l’esprit insufflé par Dieu et d’un corps (la « poussière du sol » dont parle la Genèse), mais la question qui se pose est de savoir si cette création a pu se faire avec de la matière corporelle en provenance de l’évolution biologique et en cohérence avec cette évolution.

La perception de Saint Augustin est éclairante sur la chaîne causale qui peut être considérée.

Dans le sous-forum sur l’Ecriture Sainte, le sujet sur St Augustin et la création a été intégré dans le sujet : Adam et Eve : un récit vraiment historique :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... t=Augustin
Peccator a écrit : Attention, Jésus Christ n'est pas "en tout semblable au premier Adam, sauf le péché" : Jésus Christ est Dieu qui a pris chair. Il n'est pas créature de Dieu, c'est une différence fondamentale avec Adam.
Nous ne parlons, bien sûr ici, que de son humanité.
Peccator a écrit : vous avez glissé : le Christ n'a pas été créé. "Engendré, non pas créé, de même nature que le Père"
Bien sûr que le Christ est engendré non pas créé puisqu’il est Dieu de toute éternité. Mais, son incarnation est une « création » comme vient de l’écrire notre Saint Père Benoît XVI juste avant de quitter son ministère :
Cf , dans le sous-forum de théologie, le sujet « L’incarnation est une création » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... ncarnation
Peccator a écrit : Pour autant que je sache, rien ne permet de penser qu'Adam ait eu des dons préternaturels.
Mgr Léonard décrit bien les dons préternaturels d’Adam et Eve.

Le catéchisme nous rappelle que « toutes les dimensions de la vie de l’homme étaient confortées. Tant qu’il demeurait dans l’intimité divine, l’homme ne devait ni mourir, ni souffrir » (CEC 376). Il avait la « maîtrise » du monde (CEC 377)
Peccator a écrit : Ses disciples sont capables de miracles au nom de Dieu, pas parce qu'ils ont des pouvoirs préternaturels.
Exact, puisqu’ils sont comme nous héritiers du péché originel. Sinon, ils déplaceraient les montagnes…
Peccator a écrit : Jésus est capable de miracles parce qu'Il est Dieu
Je suis convaincu que ses miracles sont indissociables de son humanité. Il n’est pas Dieu déguisé en homme. Il est le vrai fils d’Adam, tel qu’il était au commencement. Vrai homme. Il nous montre ce qu’est et ce que peut vraiment le vrai fils de l’homme créé à l’image de Dieu. Vainqueur de tout mal et de la mort.

Il aurait certainement pu utiliser toute la puissance de Dieu puisqu’il est Dieu de toute éternité.

Mais il s’est vraiment fait homme tel que nous, sauf le péché. Ce n’est pas sa puissance divine qu’il a utilisée, mais Il a agi en Dieu fait homme par la communion avec son Père et la prière.

Il a montré que le vrai homme, tel qu’il a été créé avant le péché originel, est capable de miracles et de victoire sur la mort.

Il peut déplacer des montagnes…

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