Xavi a écrit :Il y a nécessairement un choix possible entre cet amour et son absence si un être est créé capable d’aimer et de vivre d’amour.
C’est ce que nous raconte le récit du choix originel dans le jardin d’Eden. Il ne suffit pas de créer des humains parfaitement capables d’aimer pour les faire vivre d’amour. Il faut encore qu’ils choisissent librement d’aimer.
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À cet égard, Dieu ne nous a donc pas soumis à un temps de probation, mais Il nous a créés libres de choisir entre la vie d’amour ou son absence qui est une mort.
Xavi a écrit : ↑ven. 07 janv. 2022, 22:22
La liberté et l'amour sont éternels en Dieu et ils ne disparaissent jamais, mais l'humain ne doit-il pas les choisir à son tour pour qu'ils deviennent éternels pour lui et que son être tout entier, y compris son corps ressuscité, revête l'incorruptibilité ?
Le sujet est tellement complexe.
D'un côté, je vous lis et je ne peux être que d'accord avec vous.
Et d'un autre, j'ai l'impression que cette idée de la liberté qui impliquerait de pouvoir choisir entre Dieu (qui est l'amour et la liberté) et son absence a quelque chose de faux, comme une représentation humaine imparfaite d'une vérité qui est toute autre.
Parce que d'un côté, il est évident que la volonté de l'homme doit se tourner vers Dieu pour qu'il puisse entrer dans cet amour.
Mais d'un autre côté, lorsque l'homme refuse Dieu, il se trouve qu'il se refuse lui-même. Car l'homme n'a d'autre réalité qu'en Dieu. Refusant Dieu, et donc se refusant, il s'écarte de lui-même, de ce qu'il est, de qui il est. On dit alors de l'homme qu'il est égaré, aveuglé, aliéné, étourdi, hébété, en dérilection, ce qui ressemble davantage à une perte de raison, à une volonté qui s'égare plus qu'elle ne fait un choix libre. Lorsqu'on parle du péché, on parle de déchéance, de chute, d'égarement, de perdition, d'esclavage, d'éloignement, etc. Il s'agit davantage d'une perte de ce qui est, d'un détournement de la contemplation divine, et qui produit ces simulacres de choix.
Par ailleurs, quand bien même l'homme refuse Dieu en apparence, il demeure en lui une volonté intacte qui ne veut que Dieu. C’est cette aspiration et ce désir de joie et de béatitude qui se niche au cœur de tout homme.
Il ne peut en être autrement et du fait que Dieu soit notre fondement et du fait de l'union du Christ a l'humanité, uni à tout homme, étant l'homme, le véritable Adam, par qui et pour qui tout a été fait. Il n'y a pas deux humanités mais une seule.
Quelle est donc alors cette volonté de l'homme qui refuse Dieu ? Et qui refusant Dieu se refuserait elle-même puisque se niant ? Quelle est donc cette liberté, ce choix que je fais et qui est contraire à qui je suis fondamentalement, je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux. D'ailleurs Romains 7 est parlant sur ce point. Le péché peut-il donc être appelé liberté ?
Quand je lis dans "le dialogue" de Catherine de Sienne :
"C’est ce que vous montra le glorieux Paul, lorsqu'il a dit dans son épître que vous mortifiiez votre corps et tuiez votre volonté, ce qui est savoir tenir le frein du corps en macérant la chair si elle voulait combattre l'esprit ; mais la volonté doit être entièrement morte noyée, et soumise à ma volonté. La volonté se tue avec ce dû, que Je t'ai dit, que la vertu de discrétion rend à l'âme, c'est-à-dire haine et horreur des offenses, et de sa propre sensualité, qui s'acquiert dans la connaissance de soi. Elle est le couteau qui tue et coupe tout amour-propre fondé sur sa propre volonté. "
N'y a-t-il pas quelque chose comme de l'orgueil a concevoir une volonté, un libre-arbitre donné pour faire ce choix de Dieu ou de le refuser ? Car quelque part, c'est comme se considérer sans Dieu ni maître, comme si par ce libre-arbitre nous pouvions avoir une réalité propre en-dehors de Dieu, comme si nous étions notre propre origine, notre propre fondement et comme si nous pouvions être nous-même sans Dieu.
Il ne nous est pas demandé de faire un choix entre Dieu et le péché comme si le mal avait une valeur, le mal faisant face au bien. Le mal n'a aucune valeur en soi, il n'est pas un attribut de la liberté sans lequel la liberté n'est pas possible. Non, il est une perte du bien, une déchéance de l'amour, une chute de l'unique chemin divin, et non pas un autre chemin.
Non, il nous est commandé de revenir à Dieu, de nous détourner du péché, de faire mourir notre volonté et nous soumettre à Dieu. Car qu'est-ce que cette volonté qui nous fait pécher si ce n'est une folie, une aliénation, et qu'est-ce que se soumettre à Dieu si ce n'est rencontrer son vrai moi et entrer dans la liberté d'être soi-même ?
Dans le récit de la Genèse, je ne vois pas Dieu inviter l'homme à choisir entre lui et le mal, mais je le vois plutôt interdire de se détourner de lui, de pécher (car se détournant ainsi de soi-même).
Je ne le vois pas dans toute la Bible faire l'éloge d'une telle liberté. Je ne le vois que condamner une telle conception, que condamner et reprimander celui qui se détourne de Lui. Ce qui serait assez surprenant s'il s'agissait là de l'exercice de la liberté, liberté bonne en soi.
J'ai parfois l'impression que la vie est plutôt un enseignement pour nous apprendre à accepter ce que nous sommes, créés par Dieu et n'ayant aucune existence, réalité en-dehors de Dieu. C’est l'apprentissage de l'humilité qui abandonne cette prétention de pouvoir être libre par un refus de Dieu, en faisant sa propre volonté, en étant sa propre référence, son Dieu et maître.
C'est quelque chose de très difficile mais qui est pourtant si libérateur.
J'ai fait cette expérience récemment de me retrouver avec de fortes douleurs au dos, ce qui est très compliqué pour exercer mon métier. Et me retrouvant dans cette souffrance, diminuer, comme humilié, je me suis senti étonnamment bien, allégé. Comme si cette humiliation à laquelle je devais me soumettre me faisait me sentir petit, sans autre choix que d'accepter, accueillir cette douleur. C'était comme un enseignement qui m'était donné là, pour me rappeler que c'est en s'humiliant, en se faisant tout petit, en se dépouillant du trop de "moi", de ma volonté que je trouvais la liberté, la paix, la légèreté. Étrange paradoxe.
Pour ce qui est de choisir d'aimer ?
D'une, je ne suis pas sûr que lorsqu'il s'agit d'amour il soit question d'intellect ou de raison. Je ne suis pas sûr que lorsque j'aime quelqu'un je l'ai choisi. Non, je l'aime simplement.
On peut choisir d'agir avec amour, respecter mais choisir d'aimer ? Je ne sais pas.
On peut choisir de se tourner vers Dieu et ainsi s'ouvrir à l'amour. Il s'agit alors ici davantage d'un acte de foi, de confiance. Oui, certainement qu'il est davantage question de foi dans ce choix, de s'ouvrir à Dieu.
De deux, l'amour est un don de Dieu. Il ne vient pas de nous-même comme si nous avions l'amour en nous, par nous-mêmes, comme si nous étions amour. C'est plutôt Dieu en nous qui nous fait aimer, l'aimer.
Au final, simplement il est que l'homme est une personne et qu'en tant que tel il est doté d'une volonté. Et une volonté pour être vraiment une volonté doit nécessairement être libre. Il est aussi que l'homme en tant que créé est un être fini et donc faillible et faible. Il me paraît davantage chuter par faiblesse, par l'intermédiaire de cette volonté dont il est doté.
Et il est nécessaire que cette volonté se tourne vers Dieu "librement" car si c'est Dieu qui obligeait la volonté, ce serait comme une négation de la personne qu'est l'homme. Comme un viol ?
Je pense que l'homme est libre du fait d'être une personne doté d'une volonté mais pas libre de pouvoir être ce qu'il est sans Dieu. La liberté ne me semble pas consister à pouvoir choisir de pécher mais à être qui nous sommes, comme entrant dans sa vraie demeure, devenant pleinement soi-même. Et se trouvant trouvant Dieu. C’est plus comme se connaître, devenir vraiment soi, s'accomplir, où la liberté se confond avec le fait d'être.
Tout cela n'est que réflexion personnelle. Je préfère le préciser car le sujet est bien trop complexe pour que je puisse imposer ici des certitudes.
Je m'interroge car quand je vous lis, je peux me dire oui ça paraît évident, et pourtant à côté il y a des aspects qui le rendent beaucoup moins.
Xavi a écrit :l'humain ne doit-il pas les choisir à son tour pour qu'ils deviennent éternels pour lui et que son être tout entier, y compris son corps ressuscité, revête l'incorruptibilité ?
Oui mais si l'amour et la liberté nécessite de pouvoir dire "non", d'être corruptible alors ce serait comme leur négation et leur mort que l'incorruptibilité. On ne pourrait alors la souhaiter.
Xavi a écrit :Dieu, la possibilité du mal n'a pas de réalité et cela n'affecte en rien sa liberté et son amour. En communion éternelle avec Lui, il peut en être de même pour tout humain.
C'est donc bien que la liberté et l'amour en soi ne "nécessitent" pas de pouvoir s'y refuser pour exister. Non ?