L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

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L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Trinité » mer. 23 nov. 2022, 0:34

Je pense que ce sujet a déjà été débattu, mais je ne le retrouve nulle part.

Que faut il penser de ce passage de l'Evangile gnostique de Philippe, relatif à la relation entre Jésue et Marie Madeleine.

De fait, l’Évangile de Philippe fait référence à Myriam de Magdala (Marie-Madeleine) et la présente comme la compagne de Jésus. Il dit d’abord (sentence
À la différence des Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean,… « Trois marchaient toujours avec le Seigneur : Marie, sa mère, et la sœur de celle-ci, et Myriam de Magdala que l’on nomme sa compagne, car Myriam est sa mère, sa sœur et sa compagne ». Et quelques pages plus loin (sentence 55), il précise : « Le Seigneur aimait Myriam (c’est-à-dire Marie-Madeleine) plus que tous les disciples et il l’embrassait souvent sur la bouche. Les autres disciples le virent aimant Myriam et lui dirent “Pourquoi l’aimes-tu plus que nous ?”. Le Sauveur répondit “Comment se fait-il que je ne vous aime pas autant qu’elle ?” ».

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par cmoi » mer. 23 nov. 2022, 6:51

Que vous répondre ?
Je ne vois que ceci : compte tenu de la morale que Jésus prône (sur le mariage et le divorce, sur rester eunuque...) et des moeurs de l'époque, du fait qu'on ne lui faisait pas de cadeau, croyez-vous vraiment que cela fût possible sans avoir suscité de critiques et de vives polémiques, et compte tenu de celles qui nous ont été rapportées, pensez-vous vraiment que cela ne l'aurait pas été ?
Il y a forcément un mensonge, mais lequel est le plus probable ?
Et si cela avait été vrai, pourquoi ses (autres) disciples (ou rapports) n'y auraient-ils pas "adhéré" mais l'auraient caché ?!

Faut-il aller "au bout des choses" ?
Alors puisqu'il fut un homme, il est certain qu'il eut des érections et qu'elles participèrent à la conscience qu'il aura eu de son corps, peut-être même des "pollutions nocturnes" dans sa période de puberté.
Qu'il ait eu des contact physiques, donc corporels, donc sensibles et même sensuels (mais sans sensualité ni "sexualité" (à moins de considérer tout contact comme sexuel vu que nous sommes sexués) , sinon il ne serait pas "sans péché"), avec des femmes, pourquoi pas !
Adulte, il n'y a donc rien d'improbable qu'il ait pu provoquer des orgasmes chez certaines femmes.
On peut aller jusque-là, mais pas plus loin... Inutile d'ergoter sur ce qui peut se faire ou non sans engager la sensualité (les russes s'embrassent bien sur la bouche !) et en extrapolant sur les moeurs de l'époque...
Côté coeur, c'est pareil : qu'il ait eu des "coups au coeur ", pourquoi pas ! Il devait savoir apprécier la beauté, et les sentiments élevés, et les âmes de valeur. Sans même considérer qu'il était notre créateur et que cela lui donnait un regard et une sensibilité différents...
Mais d'une part, sa vocation excluait le mariage. D'autre part, son enseignement montre clairement comment il a pu résoudre le dilemme de l'attraction physique par un amour plus grand que la pulsion ou l'esthétisme.
Sans même considérer qu'il était notre créateur et que cela lui donnait un regard et une sensibilité différents...
Enfin, il n'avait en cela rien d'exceptionnel : Jean-Baptiste avant lui, et sûrement d'autres, et même sous d'autres latitudes, dans d'autres cultures, parmi des athées (Gautama, Lao Tseu...) son profil "chaste" n'apparait pas comme une caractéristique "unique", mais propre à une certaine sagesse humaine tout à fait accessible... et lui correspondant bien.
Qu'il soit resté célibataire jusqu'au début de sa vie publique n'est pas neutre ni à négliger...
Sa "particularité", c'est comment il conciliait cet état de chasteté à un degré élevé de sociabilité et de charité, de générosité, de don de soi, d'amour!, que à tort nous avons du mal à imaginer sans "aller jusque au-delà"... Mais il faut être réaliste : toutes ses autres instructions qui nous paraissent "irréalisables" (tendre l'autre joue, faire mille pas avec celui qui n'en demande que 10, se réconcilier avec tous avant d'offrir notre offrande sur l'autel, aimer ses ennemis, se réjouir quand on nous persécute, etc.) il les a bien réalisées, lui ! Et l'offrande fut celle de sa vie...
C'est pourquoi c'est un modèle, et aucun domaine n'en est exclu...

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Æoline » mer. 23 nov. 2022, 12:30

A ma connaissance, le terme "bouche" est une reconstitution du texte. Si je me souviens bien de mes lointaines études, le papryrus présente un trou après les mots "il l'embrassait souvent sur sa..." La restitution du terme manquant, dans ces cas-là, se fait à l'aide du contexte et de l'espace du texte manquant, dont la longueur donne une indication sur les nombres minimum et maximum de lettres possibles. Le choix final parmi les restitutions possibles reste une question d'interprétation, avec toute la subjectivité que cela implique. En l'occurrence, il me semble me rappeler que d'autres "candidats" du vocabulaire copte peuvent convenir, tels que les mots "main" ou "tête".

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Libremax » mer. 23 nov. 2022, 13:07

Trinité a écrit :
mer. 23 nov. 2022, 0:34
Que faut il penser de ce passage de l'Evangile gnostique de Philippe, relatif à la relation entre Jésue et Marie Madeleine.

De fait, l’Évangile de Philippe fait référence à Myriam de Magdala (Marie-Madeleine) et la présente comme la compagne de Jésus. .
Bonjour Trinité,

par ailleurs, si vous vous posez la question sur une éventuelle valeur factuelle d'une relation entre Jésus et Marie-Madeleine, vous pouvez d'emblée l'écarter du fait que le texte s'écarte ouvertement et explicitement du témoignage des Evangiles, de la réalité de son humanité et en même temps, semble-t-il, sa naissance virginale. L'évangile de Philippe est un recueil de sentences établissant tant bien que mal une déviance du témoignage néo-testamentaire, un discours déconstruit sur ce qui est caché, lumineux, parfait, céleste, stable ou instable ... et au milieu de tout cela surgissent quelques détails sur le rapport entre Jésus, sa mère, son nom, ses disciples, Marie-Madeleine.

La question la plus intéressante, pour moi, serait plutôt de savoir pourquoi ce rapprochement entre Jésus et Marie-Madeleine est suggéré, et notamment dans des évangiles gnostiques ?
Une piste de réponse serait peut-être que le gnosticisme a tendance à nier toute substance aux réalités terrestres. Ici bas, le clair et l'obscur, le bien et le mal n'ont pas de réalité propre. De même, probablement, le masculin et le féminin. Marie-Madeleine ayant été ressenti comme l'exemple parfait du disciple féminin (grossière erreur), son rapprochement exacerbé, son initiation mystique, et notamment le geste symbolique du baiser, expriment cet anéantissement de la sexualité.
Dernière modification par Libremax le jeu. 24 nov. 2022, 10:00, modifié 1 fois.

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Trinité » mer. 23 nov. 2022, 13:39

Bonjour c moi,

Merci de votre position , que je partage volontiers, et des différentes considérations que vous avez évoqué.

Jésus était un homme comme nous tous , sans le péché, et soumis certainement à toutes les conséquences des réactions sexuelles, inhérentes à tous les hommes.
Maintenant vu le message qu'il a dispensé sur le mariage , le divorce ect...... , comme vous dites , il me semble impossible qu'il se soit marié , et j'ai même vu quelque part, qu'il ait eu une fille du nom de Sarah....
Il n'aurait plus été crédible et cela allait à l'encontre de sa mission de nous sauver du péché , par sa mort et sa résurrection .

Comme vous lites : "son profil "chaste" n'apparait pas comme une caractéristique "unique", mais propre à une certaine sagesse humaine tout à fait accessible... et lui correspondant bien. "
Maintenant, je m'étonne cependant de toutes ces différences émanant de ces textes apocryphes , pouvant semer le doute dans l'Esprit de tout à chacun.

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Trinité » mer. 23 nov. 2022, 14:00

Libremax a écrit :
mer. 23 nov. 2022, 13:07
Trinité a écrit :
mer. 23 nov. 2022, 0:34
Que faut il penser de ce passage de l'Evangile gnostique de Philippe, relatif à la relation entre Jésue et Marie Madeleine.

De fait, l’Évangile de Philippe fait référence à Myriam de Magdala (Marie-Madeleine) et la présente comme la compagne de Jésus. .
Bonjour Trinité,

par ailleurs, si vous vous posez la question sur une éventuelle valeur factuelle d'une relation entre Jésus et Marie-Madeleine, vous pouvez d'emblée l'écarter du fait que le texte s'écarte ouvertement et explicitement du témoignage des Evangiles, de la réalité de son humanité et en même temps, semble-t-il, sa naissance virginale. L'évangile de Philippe est un recueil de sentences établissant tant bien que mal une déviance du témoignage néo-testamentaire, un discours déconstruit sur ce qui est caché, lumineux, parfait, céleste, stable ou instable ... et au milieu de tout cela surgissent quelques détails sur le rapport entre Jésus, sa mère, son nom, ses disciples, Marie-Madeleine.

La question la plus intéressante, pour moi, serait plutôt de savoir pourquoi ce rapprochement entre Jésus et Marie-Madeleine est suggéré, et notamment dans des évangiles gnostiques ?
Une piste de réponse serait peut-être que le gnosticisme a tendance à nier toute substance aux réalités terrestres. Ici bas, le clair et l'obscur, le bien et le mal n'ont pas de réalité propre. De même, probablement, le masculin et le féminin. Marie-Madeleine ayant été ressenti comme l'exemple parfait du disciple féminin (grossière erreur), son rapprochement exacerbé, son initiation mystique, et notamment le geste symbolique du baiser, expriment cette anéantissement de la sexualité.
Bonjour Libremax,

Merci de votre réponse;
J'entends bien tout cela , à cet égard les pères de l'Eglise ont du avoir un travail énorme pour ne garder que les Evangiles canoniques , avec tout ces textes apocryphes qui trainaient ...
Il n'en reste pas moins vrai, et comme je le disais à c moi, que ces textes sèment le doute dans les esprits ...
J'en reviens toujours à mes discussions, que je peux avoir à droite ou à gauche avec ma famille ou mes frères à ce sujet...
Nous avons besoin d'un certain nombre de connaissance , à cet égard , pour soutenir la conversation avec les personnes ne manquant pas de nous relater ces textes, pour nous mettre (ou même pas...) dans l'embarras.
Par vos avis éclairés à tous , depuis que je suis sur ce forum , j'ai eu beaucoup d'explication sue certains point nébuleux.

MERCI

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Kerygme » mer. 23 nov. 2022, 14:59

Bonjour,

Il y a aussi deux éléments à ne pas négliger :

Un évangile dit de Philippe (je connaissais les Actes de Philippe mais pas d'évangile) ne veut nullement dire qu'il a été écrit par l'Apôtre du même nom, mais il peut l'être par une communauté issue d'une région évangélisée par celui-ci.

Une étude qui date d'environ 10 à 15 ans a démontré qu'il faut environ deux siècles pour qu'une histoire devienne un mythe ou une légende avec tous les apports, embellissements, fantasmes, apportés à la source originelle. Ce qui protège la Bible de cela est la rigueur employée par les juifs et les copistes dans leur transmission, la découverte des documents de Qumran ont prouvé cela.


C'est bien pourquoi un apocryphe, au sens catholique (puisque les protestants appellent ainsi les livres qu'ils ne reconnaissent pas), doit être pris avec beaucoup de prudence.

Pour éviter de réécrire ce qui l'a déjà été, je me permets de vous renvoyer à une réponse similaire donnée concernant le livre d'Enoch mais qui parle aussi des Actes de Philippe :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... A9#p448756
« N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jean 3,18)

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Libremax » mer. 23 nov. 2022, 15:02

Trinité a écrit :
mer. 23 nov. 2022, 14:00
J'entends bien tout cela , à cet égard les pères de l'Eglise ont du avoir un travail énorme pour ne garder que les Evangiles canoniques , avec tout ces textes apocryphes qui trainaient ...
Peut-être.

En même temps, il y a un critère qui apparaît de plus en plus aujourd'hui qui permet de comprendre ce qui réglait la question de la canonicité des textes : c'est leur usage comme lectionnaires liturgiques, et comme base de catéchèse.
Ils ont tous une sorte de tronc commun thématique, même avec Jean (en gros : Jean-Baptiste / appel des Douze / Miracles / Passion / Résurrection) , que ne présentent pas les autres évangiles. Aujourd'hui, des spécialistes sont capables de mettre en corrélation les péricopes de chaque évangiles avec le probable cycle liturgique juif de l'époque. Ça c'est pour le liturgique.
Les Pères de l'Eglise sont très nombreux à citer, à de multiples reprises, les évangiles canoniques, contrairement à n'importe quel autre texte apocryphe. Ça c'est pour la partie catéchétique (il y a un enseignement sur le Christ qui est commun, et qu'on ne retrouve que dans les canoniques).

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Libremax » mer. 23 nov. 2022, 15:42

Kerygme a écrit :
mer. 23 nov. 2022, 14:59
Un évangile dit de Philippe (je connaissais les Actes de Philippe mais pas d'évangile) ne veut nullement dire qu'il a été écrit par l'Apôtre du même nom, mais il peut l'être par une communauté issue d'une région évangélisée par celui-ci.
D'autant qu'il a très bien pu exister un éminent mystique nommé Philippe qui a pu rédiger son propre mémento, ou quelqu'un qui a pris des notes sur son enseignement.
"Philippe" n'est pas un nom rare, on n'est pas tenu d'y voir une pseudonymie.

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par cmoi » jeu. 24 nov. 2022, 6:21

Toujours sans prendre en compte sa Divinité, donc notre foi, il y a un autre signe et qui fait appel à la lectio divina : plus on s‘y adonne, plus il apparait évident.
Il est admis/reconnu que les femmes ont du mal à distinguer entre l’élan sexuel et celui du cœur, en elles-mêmes (don total de soi) autant que chez l’homme – bien qu’elles puissent choisir un « parti-pris ». Elles attendent donc de l’homme un indice.

Or dans toutes les rencontres de Jésus avec des femmes, il apparaît assez clairement qu’elles n’ont aucun doute sur le caractère non sexuel de « son énergie profonde » et pas seulement à cause de son pouvoir de guérison.
Aussi qu’elles le ressentent toutes comme infiniment ouvert et disponible, mais pour une autre « aventure » à caractère néanmoins exclusif.
Comme le dit une mystique contemporaine, nous sommes toutes et tous, chacun de nous, celui ou celle qu’il aime de plus précieux. Là, le surnaturel vient s’insérer dans un naturel qui rend comme allant de soi quelque chose de rare, mais d’incompatible avec une union qui ne le serait plus (rare - du moins comme situation psychologiquement défectueuse, car socialement c'est quasiment inconcevable - autant que naturelle).

L’exemple le plus flagrant est celui de cette prostituée éventuellement de luxe (voire courtisane, pour tout corser) qui sur ce point est la moins susceptible de confusion. C’est un fantasme bien masculin, mais si peu réaliste, qu’une telle femme, après la scène chez le pharisien (Luc) ait recherché cela avec lui et que son pardon à lui soit allé « jusque-là » et qu’elle l’ait souhaité ! C’est même aller à l’envers du texte et de ses extensions possibles (à supposer par exemple qu’elle soit aussi la sœur de Marthe) au réalisme si aisément compréhensible.

C’est jouer sur la corde sensible de ce qui en lui « choquait » ses contemporains, et pousser le bouchon bien trop loin.

La réponse d’Aeoline, l’hypothèse de Libremax sur les gnostiques, sont autant de pistes intéressantes et bien plus probables. Il faut en effet, tenant compte de ce que Kerygme nous rappelle sur le foisonnement des apocryphes, pour construire une telle réalité-souvenir, de la part d’un croyant (et non d’un faussaire, hypothèse à priori à rejeter) quelque chose de spécial que le gnosticisme peut expliquer.

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Faber
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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Faber » jeu. 27 juil. 2023, 18:52

Bonjour à tous,

Je viens de lire les commentaires suite au premier message de @Trinité.
Je m'inscris en faux sur pas mal de choses. Pourquoi ne pas accepter le fait que Jésus eut été un homme complet ? […]
Mais lui dans les évangiles dit "canoniques" l'a t'il affirmé ? Ce qui est certain c'est que Jésus est Juif ! Mieux : il est Judéen exactement. C'est un Nazoréen. Les nazoréens font partis du mouvement essénien. Il a probablement passer une année chez eux, et cela est beaucoup moins que son cousin, Jean qui sera appelé le Baptiste.
Toujours est-il qu'il est reconnu comme rabbi : Jésus est rabbin. Il a fait ses études. A l'époque on faisait des études de l'âge de 8 ans à l'âge de 12 ans. Ensuite on allait travailler. Lui a aussi continué à étudier les textes. Les évangiles nous en font mention puisqu'on le voit à l'âge de 12 ans dans le Temple à discuter et "enseigner". Mais sa mère le rattrape par le collet et l’emmènera loin, probablement en Égypte (peut-être sa véritable maison puisque Nazareth n'existe pas à cette époque) : ses parents l'avaient perdu. Après cela on n'a plus de trace jusqu'à ce qu'il commence son ascension.
Jésus est rabbin. Et contrairement à votre pensée Trinité (vous dites qu'il n'aurait pas été crédible), un rabbin est crédible lorsqu'il a connu l’entièreté de son humanité, sa composante masculine dans son corps. Il lui faut prendre compagne.
Revenons sur Myriam de Magdala. Madeleine n'est pas un prénom à cette époque. La ville de Madgala n'existe pas. En revanche il y a une étymologie de ce mot : "Magdala" vient de "Migdal", la Tour. En Asie mineure à cette époque il y a foison de cultes étrangers. Le père de Myriam est un riche marchand qui a des caravanes qui sillonnent la méditerranée. Myriam est orpheline très jeune, à Béthanie avec sa sœur Marthe et son frère Lazare. Elle est envoyée au Temple d'Artémis qui comporte 2 Tours dans lesquelles résident les prêtresses. Dans les Temples d'Artémis, il y a des jeunes filles qui sont éduquées et qui reçoivent l'enseignement pour devenir prêtresses : d'où l'usage à cette époque du mot "vierge", qualité exigée par le culte. Elles s'occupent toute la journée à faire l'entretien du temple et doivent nettoyer et purifier 7 fontaines qui représentent les 7 représentations d'Artémis. Voilà l'origine des fameux 7 démons, daïmon en grec, esprits, dont Jésus va l'affranchir alors qu'elle a choisit de le suivre. On dit, pour discréditer ce culte, que les prêtresses d'Artémis sont orgiaques, des orgies : voilà le prétexte prit par les premiers pères de l'église de Rome pour en faire une prostituée. Mais c'est entièrement faux !
A la lecture des évangiles apocryphes de Myriam de Magdala, de Thomas et Philippe, à la lecture des actes des apôtres, des actes de Philippe, on se rend compte que la confusion entretenue sur la personnalité de Myriam pendant des siècles ainsi que le déni de l'église ont tronqué la lecture des faits. L'herméneutique, c'est à dire la nécessité de nous projeter dans les conditions de vie de l'époque, des personnages qui constituent cette histoire, c'est bien l'herméneutique qui permet de retrouver un peu de clarté dans tous ces textes.
Jésus n'est pas venu créer une nouvelle religion. Il est venu pour permettre à ses contemporains, Judéens comme lui, de mieux appréhender la spiritualité et de les faire sortir du dogme tout en leur demandant d'appliquer la loi mosaïque. Pourquoi ? Parce que cette loi était bonne pour équilibrer les relations sociales : les lois de Moïse sont une sorte de contrat social. En revanche il voulait en abolir toute la douleur mal interprétée par les Hommes : les lapidations, la notion de péché par exemple.
Prenons ce dernier exemple: le péché. Le latin dans la vulgate a traduit le mot grec "Hamartia" par "peccabile". Mais c'est encore une erreur de compréhension. Le mot "Harmatia" ne signifie pas "péché" mais il signifie "manquer sa cible". Je vous laisse faire la relation avec une phrase dans l'évangile de Myriam de Magdala où il est écrit : "devenons l'être humain [anthropos] dans son entièreté". Voilà comment ne pas manquer sa cible !
Maintenant permettez-moi de vous souhaiter de bonnes recherches et réflexions et de faire comme Myriam à la page 17 de son évangile lorsque elle dit : " je vais au silence".

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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Kerniou » sam. 29 juil. 2023, 10:25

Un grand merci pour toutes ces information si éclairantes!
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

Gaudens
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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Gaudens » sam. 29 juil. 2023, 12:43

Je rebondis sur les remerciements au second degré de Kerniou (ça ne vous aura pas échappé,cher M.Faber ,je pense) pour trois ou quatre remarques:

Pour vous,Magdala et Nazareth n'existaient pas au début de l'ère chrétienne.Dommage pour votre affirmation péremptoire que les recherches archéologiques de ces dernières décennies disent l'inverse: certes Nazareth était une insignifiante bourgade ("que peut-il venir de bon de Nazareth?") et Madgala était connue des auteurs du Talmud soir comme la Tour des teinturiers(Migdal Sebahay) soit comme la Tour des poissons (Migdal Nunya) avec deux possibles localisations assez proches , en Galilée évidemment.

Vous affirmez ensuite que les jeunes filles étaient souvent vouées aux temples d'Artemis avec une possible vocation à la prostitution sacrée.Dans le monde grec peut-être mais rien ne le signale en Judée ou même dans la plus mélangée Galilée.D'autant que l'Evangile situe Myriam (les deux d'ailleurs, Marie de Magdala et Marie de Béthanie) en milieu juif où tout cela était en abomination.

Quant à affirmer que le rabbi Jésus (là,pourquoi pas lui attribuer une juvénile formation rabbinique? rien d'impossible en effet) devait avoir pris compagne pour être un vrai rabbi: d'une part il n'a pas poursuivi cette éventuelle formation jusqu'à être un vrai rabbi (pharisien , en ce cas) et d'autre part, un rabbin ne prend pas de "compagne" mais bien une épouse légitime, ce que Jésus n'eut jamais en sa courte vie. Quant à faire de Jésus un essénien, c'est une vieille thèse(voyez les travaux de Dupont Sommer il y a cinquante ans ) mais rien n'indique qu'il ait eu plus que des contacts épisodiques avec des représentants de ce groupe (ce qui est en effet moins vrai de Saint Jean-Baptiste vraisemblablement).


Enfin,vous avez le droit d'interpréter le message de Jésus comme vous le faites, c'est d'ailleurs très en phase avec ce que le monde occidental post moderne aime à croire ... mais ce n'est en rien ce que nous a transmis la Tradition chrétienne.Idem pour vos considérations sur le péché,bien sûr.

Trinité
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Re: L'Evangile apocryphe de Philippe et Marie Madeleine

Message non lu par Trinité » sam. 29 juil. 2023, 13:04

Bonjour Faber,

Je m'associe aux réflexions de Gaudens.
Franchement, je maintiens ma position relative au fait que, Jésus n'aurait pas été crédible, s'il avait eu une vie humaine avec une relation sexuelle...
Cela me parait complètement incompatible, avec la mission pour laquelle il est venu dans ce monde...
Maintenant, je n'ai pas assez de connaissances historiques, à l'exception des Evangiles canoniques, pour discuter avec vous des éléments que vous présentez sur Marie Madeleine.
Il me semble que pas mal de vos infos émanent des Evangiles apocryphes.
Une petite question indiscrète :)
Ne seriez vous pas protestant ;)

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