L'Ecclésiaste ou Qohélet

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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des jardins
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Re: Ecclésiaste, un livre peu connu

Message non lu par des jardins » mer. 11 nov. 2015, 16:46

Le verset que je préfère dans Ecclésiaste est :

« Le sage a le cœur à sa droite, mais le fou a le cœur à sa gauche. »
Ecclésiaste, 10, 2

En fait, le "coeur à sa droite", c'est le Coeur spirituel. Il me semble qu'un "C" majuscule devrait toujours être utilisé lorsqu'on discute du Coeur spirituel. :flash:

Cinci
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Re: L'Ecclésiaste ou Qohélet

Message non lu par Cinci » dim. 13 déc. 2015, 2:37

Toujours pour aider à «positionner» le livre de l'Ecclésiaste ... en passant par la prophétie de Daniel (!)

  • Je contemplais, dans les visions de la nuit :
    Voici, venant sur les nuées du ciel,
    comme un fils d'homme.
    Il s'avança jusqu'a l'Ancien
    et fut conduit en sa présence.
    Il lui fut conféré empire,
    honneur et royaume,
    et tous les peuples, nations et langues le servirent.
    Son empire est un empire éternel
    qui ne passera point,
    et son royaume ne sera point détruit.

    - Daniel 7,13-14
«Le livre de Daniel appartient aux écrits de sagesse, il a la forme d'une grande parabole qui s'apparente au genre du roman et il marque le passage de la sagesse à l'Apocalypse. Tous ces mots réclameraient une explication pour le profane, que je ne donnerai pas ici, sauf à remarquer que cette distinction des genres et des styles dans la Bible permet d'entrevoir une maturation, une avancée dans la conscience religieuse et mystique du peuple d'Israël, dont l'Évangile nous permet de comprendre pleinement le dynamisme. Les livres sapientaux, qui ont hérité de tout ce que la sagesse humaine peut déployer au regard de la Parole divine, pointent vers un dépassement des limites. L'Ecclésiaste exprime la vanité de tout, excepté la foi inébranlable en Dieu, au-delà de toute sagesse. Le mal n'est pas rationnellement soluble. C'est bien pourquoi l'apocalypse se substituera à la sagesse, comme une révélation divine, seule solution possible de l'énigme de l'homme et du monde. Ce n'est plus une simple parole d'enseignement, c'est une parole d'intervention. [...]

C'est le règne de Dieu lui-même qui s'avance, par-delà toutes les tentatives vaines des hommes. L'Apocalypse marque un changement de temps, le passage à une autre période de l'histoire, où s'annoncent ta eschata, «les dernières choses».
En un mot, le livre de l'Ecclésiaste marquerait comme une sorte de limite atteinte, dans la Bible, en matière de sagesse humaine. Et c'est un cul-de-sac! Il n'y a rien de vraiment solide en-dehors du fait de devoir mettre sa foi en Dieu et encore qu'il n'y a pas moyen non plus de saisir le plan divin. C'est le black out ! Il prendra une intervention ultérieure de Dieu lui-même (la venue de Jésus) pour déverrouiller la compréhension des choses.

... le «fils d'homme» apparu sur les nuées du ciel qui va à la rencontre de l'«Ancien des jours» pour remettre en ses mains le Royaume universel est celui qui vient briser la statue représentant toutes les puissances idolâtrées sur la terre. Sur la ruine de ces puissances, le chapitre 2 de Daniel annonce que le Dieu du ciel dressera un royaume qui jamais ne sera détruit. Mais ce royaume appartiendra aussi aux «saints du Très-Haut», à tous ceux qui auront été persécutés et livrés à la mort à cause de leur foi au seul vrai Dieu (7,22). (G, Leclerc, p.134)

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L'Ecclesiaste, chap 9, 7 à 10

Message non lu par Cedricspandrell » lun. 21 nov. 2022, 14:12

Bonjour à tous,

J'ai un doute sur l'interprétation de ce passage mais le dernier verset montre bien que c'est un passage ironique, qu'en pensez vous ?

Genre: profite bien de la vie que tu as en la consumant de manière frivole car après la vie c'est le schéol (enfer) qui t'attends ?
...
Par ailleurs, que signifie :
Sela ?
Que l'on peut trouver parfois en fin de phrase par ex dans Psaume LIV, verset 5:
"Car des étrangers se sont levés devant moi
Et des hommes violents en veulent à ma vie ;
Ils ne mettent pas Dieu devant leurs yeux _Sela."

Dans d'autres passage de l'AT , j'ai cru comprendre que c'était un lieu, mais je ne comprends pas son insertion par ex dans le psaume précité.

Merci.
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Re: Doute sur l'interprétation

Message non lu par Libremax » lun. 21 nov. 2022, 16:52

Bonjour,

le sens de Séla s'est, semble-t-il, un peu perdu. Sa traduction dans la septante par diapsalma permet de confirmer qu'il s'agissait d'une indication de pause, voire d'interlude dans la scansion ou le chant du psaume.

Ce passage :

07 Va, mange avec plaisir ton pain et bois d’un cœur joyeux ton vin, car Dieu, déjà, prend plaisir à ce que tu fais.
08 Porte tes habits de fête en tout temps, n’oublie pas de te parfumer la tête.
09 Savoure la vie avec la femme que tu aimes, chaque jour de cette vie de vanité qui t’est donnée sous le soleil, tous ces jours de vanité… Voilà ton lot dans la vie et dans la peine que tu prends sous le soleil.
10 Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le avec la force dont tu disposes, car il n’y a ni travaux, ni projets, ni science, ni sagesse au séjour des morts où tu vas.


a une certaine ironie, mais certainement pas sur la frivolité des meurs décrites.
Il semblerait que le terme hébreu que le français traduit par "vanité" ait un sens plus large. L'auteur parle du caractère insaisissable de la vie, et dont la finalité nous dépasse. Et pour cause : elle est dans les mains de Dieu seul. Il s'agit donc bel et bien de profiter de la vie et du moment présent, comme d'un don de Dieu, même si l'avenir ne nous appartient pas.

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Re: Doute sur l'interprétation

Message non lu par Cedricspandrell » lun. 21 nov. 2022, 21:34

Merci LibreMax de votre retour,
Cependant dans mon interprétation et quand je relis ma Bible Crampon, je vois le dernier verset comme une sanction.
Bon étant novice, je n'ai évidemment pas la science infuse, mais d'ailleurs la traduction même porte à confusion : dans ma Bible c'est schéol et dans la votre séjour des morts ; schéol se rapporte plus à un purgatoire genre pas très attractif alors que le séjour des morts adoucit la chose non? Ce qui change grandement la tournure du dernier verset et pourquoi Dieu nous encourageait à boire du vin et mener une vie insouciante alors que dans toute l'Ecriture , surtout dans l'AT, c'est la rigueur qui est de rigueur ?
J'étais à l'heure avec le Seigneur.

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Re: L'Ecclésiaste ou Qohélet

Message non lu par Cedricspandrell » mar. 22 nov. 2022, 2:10

Peut-être que l'Ecclesiaste est le livre de la résignation, et continuer à avoir la foi même dans la résignation est la plus grande preuve d'amour pour Dieu ?
Et que ce qu'il se passe sur terre n'a que peu d'importance, l'Ecclesiaste enseigne sur la mortification de nos passions pour totalement s'abandonner à Dieu. Enfin c'est mon impression.
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Re: L'Ecclésiaste ou Qohélet

Message non lu par cmoi » mar. 22 nov. 2022, 3:40

Bonjour Cédric,
Je confirme ce que vous a écrit Libremax, en particulier sa « chute » :
Libremax a écrit :
lun. 21 nov. 2022, 16:52
Il s'agit donc bel et bien de profiter de la vie et du moment présent, comme d'un don de Dieu, même si l'avenir ne nous appartient pas.
car plus que de résignation, il faudrait parler de désenchantement, d’un désenchantement dû à la foi, à l’espoir qu’elle devrait contenir et qui ne se réalisait pas, la promesse même étant trop floue pour que sa portée soit suffisante.
N’oubliez pas que nous sommes plusieurs siècles avant la venue du Christ, que l’idée d’une vie possible après la mort à mis du temps pour cheminer dans les esprits, qu’elle est l’objet de spéculations qui ne vont pas jusqu’à l’idée d’enfer ou de purgatoire, ni de paradis, mais plutôt de néant ou d’un mystère.
Cedricspandrell a écrit :
mar. 22 nov. 2022, 2:10
Peut-être que l'Ecclesiaste est le livre de la résignation, et continuer à avoir la foi même dans la résignation est la plus grande preuve d'amour pour Dieu ?
Et que ce qu'il se passe sur terre n'a que peu d'importance, l'Ecclesiaste enseigne sur la mortification de nos passions pour totalement s'abandonner à Dieu. Enfin c'est mon impression.
Du coup ce qui se passe sur terre a beaucoup d’importance - et c’est toujours vrai, sinon nous n’y serions pas encore ! même si en effet, on peut désormais la relativiser au regard du temps qui suivra. Non, cela ne nous enseigne pas la mortification, sinon comme vous l’avez perçu mais dans ce sens de résignation (que maintenant nous pouvons et devons dépasser), car « nous avons péché » et que les limites de la vie présente en sont la conséquence, mais ce qu’il en reste du don initial est suffisant pour trouver un certain bonheur et que l’ecclésiaste a manifestement trouvé, mais qu’il aurait voulu dépasser.
D’où ses merveilleuses considérations, et son équilibre et sa sagesse derrière ses contradictions et paradoxes… D'où son actualité toujours !
En creux et pour nous, il y a une leçon d’espérance, de celle apportée par la « bonne nouvelle » des Evangiles. Mais cette Espérance ne veut pas dire que notre temps n’a pas d’importance, au contraire, il nous apprend et nous aiguise, si nous avons la foi, cette foi que jamais l’Ecclésiaste ne perd ou n’a perdu et qui explique son « spleen ».
Cedricspandrell a écrit :
lun. 21 nov. 2022, 21:34
pourquoi Dieu nous encourageait à boire du vin et mener une vie insouciante alors que dans toute l'Ecriture , surtout dans l'AT, c'est la rigueur qui est de rigueur ?
Mais cette rigueur était nécessaire, il fallait qu’il y ait quelque chose à « observer » pour cristalliser la foi et le manque, et pouvoir ainsi se libérer d’un fardeau pour goûter une joie modeste et sans mélange. Penser à la façon dont Marie devait vire et ressentir les choses avant l’Annonciation. Vin et vie « insouciante » n’étaient que les adjuvants de l’époque pour parvenir à la joie, à défaut de Présence Réelle et de la connaissance de la grâce et de Son Amour -mais il était possible d’avoir des « pressentiments ».
Ce qu’il y a à retenir d’un tel livre, c’est à quel point la vie spirituelle (surnaturelle) peut être « collée » à la vie naturelle, qu’elles sont indissociables et que ce n’est pas en fuyant les conditions de notre existence temporelle que nous parviendrons à vivre dans l’intimité avec Dieu, mais au contraire en les assumant toutes, pleinement, bonnes et mauvaises. A ce titre l'auteur est un sage, en dépit de son ton qui s'approche d'un certain désespoir, mais que relève des considérations comme celle de ce passage qu'il ne faut donc pas comprendre autrement que comme un "resserrement"' autour de ce que la vie a de bon, et l'acceptation du reste qui nous est un creuset dont nous ne comprenons pas tout mais qui est entre les mains de Dieu.
Le livre ne parle jamais de cette foi, la réflexion semble s'en détourner, mais elle est pourtant bien là, ou plutôt Dieu et la croyance en son existence sont bien sous-jacents, mais l'homme qui se croit "abandonné" a cherché seul et par sa réflexion à méditer sur sa condition, il a osé un moment se priver de "Révélation" et considérer son sort, et il se trouve que cela s'ajuste parfaitement à une sorte de loi naturelle que le Christ viendra illuminer de notre "libération" à l'égard de Satan. Sans la foi, aujourd'hui, le constat fait reste patent et montre ses limites (à ce constat, car concernant la foi, au contraire, il montre qu'elle seule nous en affranchit vraiment...)

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Re: Doute sur l'interprétation

Message non lu par Libremax » mar. 22 nov. 2022, 12:51

Cedricspandrell a écrit :
lun. 21 nov. 2022, 21:34
Merci LibreMax de votre retour,
Cependant dans mon interprétation et quand je relis ma Bible Crampon, je vois le dernier verset comme une sanction.
Bon étant novice, je n'ai évidemment pas la science infuse, mais d'ailleurs la traduction même porte à confusion : dans ma Bible c'est schéol et dans la votre séjour des morts ; schéol se rapporte plus à un purgatoire genre pas très attractif alors que le séjour des morts adoucit la chose non? Ce qui change grandement la tournure du dernier verset et pourquoi Dieu nous encourageait à boire du vin et mener une vie insouciante alors que dans toute l'Ecriture , surtout dans l'AT, c'est la rigueur qui est de rigueur ?
Bonjour Cedricspandrell,

je suis tout à fait d'accord avec Cmoi.
Le mot hébreu Sheol, c'est le séjour des morts, et rien d'autre. Alors oui, il y a des textes qui donnent à penser que c'est une "sorte de purgatoire" (quoiqu'il faudrait s'entendre sur ce qu'on entend par là, la notion de purgatoire étant en elle-même totalement étrangère à la spiritualité juive, d'autant plus si on y ajoute un "sorte de..."), un état où l'esprit n'aurait plus de but ni de ressenti.
Mais la foi dans l'après-vie chez les Juifs avant Jésus est l'objet de bien des débats. La conviction d'un "séjour des justes", d'un "sein d'Abraham" était-elle nécessairement si tardive, alors que même les Egyptiens croyaient en une félicité éternelle ? Ce n'est sans doute pas si simple.

Donc non, la traduction liturgique n'adoucit rien. Elle laisse le lecteur face à l'inconnu vis à vis de ce qui lui adviendra dans l'au-delà, inconnu dont Dieu est le seul maître.
Je vous laisse méditer sur la riche réponse de cmoi à propos de la "rigueur" de l'Ancien Testament.
Dans lequel il n'est nullement interdit de "boire son vin d'un coeur joyeux", de "porter des habits de fête en tous temps", ni de "savourer la vie avec la femme qu'on aime". Il y a même là, finalement, une forme d'encouragement à "profiter de la vie", comme on dit.

L'Ecclésiaste est un livre de sagesse. Cette sagesse invite non pas à se détourner de toute joie et de tout plaisir au nom d'une mort sans espoir, mais plutôt à vivre ce qui nous est donné en sachant que nous ne maîtrisons pas notre condition, sauf à observer la Parole de Dieu.

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Re: L'Ecclésiaste ou Qohélet

Message non lu par cmoi » mer. 23 nov. 2022, 6:10

Il me semble que ce beau texte, considéré sous une autre perspective, apporte en fait la consolation à tous les découragés, les meurtris, ceux qui sont saturés d’amertume et d’adversités, en ouvrant leur horizon et leur « coupant l’herbe sous les pieds » sans s’en prendre à leurs motifs mais en les respectant. Il ne prône ni la révolte ni la fatalité (le "mektub !" des musulmans), ni la résignation (plutôt l’acceptation du réel), ni la légèreté, mais l’ici et maintenant qui cache de petits plaisirs toujours accessibles, et sinon la patience.
Il trouve un juste équilibre en évoquant les cycles de la nature, son impassibilité impartiale et ce que les bouddhistes appelleraient l’impermanence des choses. Il ne « joue » pas sur les vertus théologales, mais les vertus cardinales qu’il renforce : tempérance, justice, force et prudence. Sa modération va jusqu’à tolérer les excès et arrondir les angles (ainsi conduit-il à la résignation mais ceux qui sont tentés par la révolte, pour leur faire retrouver l'équilibre. Or les trop joyeux et insouciants y trouveront de quoi s'assombrir et réfléchir, etc.).
Il égalise et pacifie l'âme.
Sous l’apparence du contraire, c’est un bel hymne à la liberté, une invitation à la responsabilité. Ce qui pourrait lui être reproché, c’est d’être quelque peu égoïste. Même s'il invite à goûter aux bienfaits de la solidarité et les reconnaît, il ne "défend" pas la charité mais reste centré sur l'ego : c'était en quelque sorte nécessaire pour donner du poids à sa "démonstration", et il aurait sinon perdu son effet de consolation, serait devenu moralisateur. Il réussit à donner une leçon, sans l'être ; et il en donne le change, comme s'il en avait reçu une, qu'il partage.
Alors qu'il semble recéler une certaine critique à l'égard de notre créateur, il absorbe la nôtre et nous en dépouille, nous condit à l'humilité et même, à approfondir le mystère de la vie dans un état presque de contemplation qui va plus loin que l'acceptation du réel.

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