Siméon et la paix (Lc 2, 29)

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Pharamond
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Pharamond » mer. 29 déc. 2021, 23:52

Ombiace a écrit :
mer. 29 déc. 2021, 22:41
Bonsoir Pharamond. Merci de votre intervention
Mon souci est que pour un homme juste comme Syméon est décrit, accueillir la mort dans la joie ne me semble pas chrétien. ça fait un peu suicidaire.
Vous me direz peut-être que Saint Paul aussi aspire à être avec Jésus, mais, dit-il, pour ses disciples il est nécessaire de demeurer. Du coup, je ne sais pas bien quoi penser
Bonsoir Ombiace,
Il n'y a rien de mal à être dans la joie quand on se sait proche de la mort. Cette disposition d'esprit et de cœur me semble parfaitement chrétienne. Non, cela n'a rien de suicidaire. Et puis, ce n'est pas le sujet. Il ne faudrait pas prêter au vieux Siméon des sentiments qui n'étaient pas les siens. Le vieillard Siméon était simplement très âgé, proche de la mort, et gardait en lui l'espérance de voir le Messie avant son trépas. Il fut dans la joie, non à cause de sa mort prochaine, mais parce qu'il vit le Messie selon la promesse qui lui avait été faite.

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Jean-Mic
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Jean-Mic » jeu. 30 déc. 2021, 12:31

Jean-Mic a écrit :
mer. 29 déc. 2021, 19:28
Il s'agit probablement d'un des évangiles apocryphes. Reste à savoir lequel.
Vérification faite, il ne s'agit pas d'un évangile apocryphe, mais d'un pseudépigraphe (un ouvrage attribué à un auteur qui ne l'a pas écrit) judaïque autour de l'an 100 avant J.C. : la Lettre d'Aristée.

D'après ce texte, septante-deux (72) sages juifs (six de chacune des douze tribus d'Israël) auraient travaillé pendant septante-deux jours à traduire en grec ce que nous appelons l'Ancien Testament. Le nom de Septante (raccourci de septante-deux) est resté à cette traduction grecque de la Bible. Cent ans plus tard, Philon d'Alexandrie (un Juif contemporain de Jésus et du tout-début du christianisme) ajoute que les savants avaient travaillé séparément, chacun dans sa maison, sur l'île de Pharos (où était érigé le fameux phare d'Alexandrie - le détail est amusant : le travail sur la Bible hébraïque est destiné à éclairer le monde, tout comme le phare est destiné à illuminer la nuit), et lorsqu'ils eurent comparé leurs traductions, ils se seraient rendu compte qu'elles étaient absolument semblables ! Cela se serait passé en l'an 270 avant J.C.
Si la traduction en grec de la Bible hébraïque au 3ème siècle en Égypte (dans l'orbite de la prestigieuse Bibliothèque d'Alexandrie) est un fait attesté, il est sans doute prudent de prendre les légendes qui l'entourent avec un peu plus de prudence.

Une deuxième légende vient se greffer sur celle-ci, c'est celle prétendant que Syméon aurait fait partie des septante-deux. Et là, ça coince ! En effet, si celui-ci avait participé au travail de traduction de la Septante, cela signifie qu'il aurait eu ... plus de 270 ans lors de la présentation de Jésus au Temple !

Ephraim a écrit :
mer. 29 déc. 2021, 16:56
C'est une belle légende je trouve, mais une légende quand même :)
Exactement !
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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joe
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par joe » jeu. 30 déc. 2021, 12:59

Ombiace a écrit :
mer. 29 déc. 2021, 22:41
Mon souci est que pour un homme juste comme Syméon est décrit, accueillir la mort dans la joie ne me semble pas chrétien. ça fait un peu suicidaire.
Jésus invite, exhorte ses disciples à être dans la joie alors même qu'il est sur le point d'être crucifié. Et lui-même déclare que sa joie est parfaite. Demeurer dans la joie c'est demeurer en Dieu car Dieu est Joie, même dans les pires moment comme la mort. D'un point de vue psychanalytique c'est suicidaire, du point de vue de Dieu cela me semble libérateur. C'est comme lorsque Jésus dit d'être dans la joie lorsque nous seront persécuté à cause de lui. Saint David décrit bien cet contradiction lorsqu'il parle de joie amère, mais je crois que cette joie est imparfaite, car il décrit la joie humaine , ses limites et non Divine. Un bébé (cf le passage compare un enfant au royaume des cieux) est dans la joie et le royaume des cieux leur ressemble. Dur dur d'être un bébé!!!

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george
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par george » jeu. 30 déc. 2021, 13:36

Ephraim a écrit :
mer. 29 déc. 2021, 16:56
Un prêtre orthodoxe m'avait rapporté la légende suivante :
...
C'est une belle légende je trouve, mais une légende quand même :)
Aucun père de l’Église n'atteste de cela. Et la démonstration de cet orthodoxe n'invalide pas que Siméon puisse être un personnage bien réel du temps de Jésus puisqu'on vous dit que c'est l'Esprit Saint qui lui dit cela à cette époque là.

Ephraim
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Ephraim » jeu. 30 déc. 2021, 14:12

Merci beaucoup Jean-Mic, ça faisait longtemps que je me demandais d'où venait cette histoire!

Ombiace
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Ombiace » jeu. 30 déc. 2021, 15:16

Bonjour Pharamond et Joe. Merci.

J'ai d'abord opiné dans votre sens, puis, à la relecture, Syméon ne parle pas de joie, dans Luc 2.

Il parle de paix.

L'instant (la présentation de Jésus) est à la joie, mais j'ai un doute sur l'ajustement des émotions avec le mode joyeux, s'agissant de la mort de Syméon ou de Jésus.. Lazare, etc..

De jn16,
22 Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.
Dernière modification par Ombiace le jeu. 30 déc. 2021, 15:23, modifié 1 fois.

Ombiace
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Ombiace » jeu. 30 déc. 2021, 15:22

Jean-Mic a écrit :
jeu. 30 déc. 2021, 12:31
Vérification faite, il ne s'agit pas d'un évangile apocryphe, mais d'un pseudépigraphe (un ouvrage attribué à un auteur qui ne l'a pas écrit) judaïque autour de l'an 100 avant J.C. : la Lettre d'Aristée.
Meci pour cette info, Jean Mic

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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Jean-Mic » jeu. 30 déc. 2021, 18:33

Suite des vérifications faites, ...
La légende de Syméon-traducteur est absente des deux évangiles apocryphes les plus prolixes sur la jeunesse de Marie et l'enfance de Jésus : le protévangile de Jacques et l'évangile du pseudo-Matthieu.
De même, en parcourant rapidement ce que quelques Pères de l'Église, Bède le Vénérable, Ambroise de Milan, Grégoire de Nysse, disent de la prophétie de Syméon, il semble qu'aucun ne fasse mention d'une telle légende.
Enfin, pas trace non plus de cette légende dans les légendiers médiévaux : Jacques de Voragine (13ème s.) et Jean d'Outremeuse (14ème s.).

Dit autrement, cela signifie que cette légende est inconnue de la tradition occidentale-catholique. Je suppose qu'il s'agit d'une légende tardive, peut-être même très tardive (après 1054 ?), née chez des grecs ou des héllénistes, et cantonnée dans le monde oriental-orthodoxe.
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Jean-Mic » jeu. 30 déc. 2021, 18:57

En revanche, le récit de la traduction de la Septante (par septante-deux savants juifs, en septante-deux jours, sur l'île de Pharos) est connue du monde juif hellénistique (cf. ce que j'ai écrit plus haut de Philon d'Alexandrie) puis dans le judaïsme de la diaspora. Elle est évoquée sous sa forme légendaire dans le Talmud (2ème-4ème s. après J.C.) ... mais le nom de Syméon ne figure pas parmi les noms des septante-deux !
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Jean-Mic » jeu. 30 déc. 2021, 20:01

Ombiace a écrit :
mer. 29 déc. 2021, 22:41
Mon souci est que pour un homme juste comme Syméon est décrit, accueillir la mort dans la joie ne me semble pas chrétien. ça fait un peu suicidaire.
Vous me direz peut-être que Saint Paul aussi aspire à être avec Jésus, mais, dit-il, pour ses disciples il est nécessaire de demeurer. Du coup, je ne sais pas bien quoi penser.
Bien sûr que si, il est chrétien d'accueillir la mort dans la joie. Ce n'est pas par hasard que l'Église a souvent choisi d'honorer les saints le jour anniversaire de leur naissance au Ciel (comprenez : de leur mort), jour de la rencontre infinie avec le Seigneur, et jour d'entrée dans le Royaume.

Nombreux sont d'ailleurs les saints et les mystiques qui ont dit quelque chose de similaire, sans pour autant être des suicidaires. Un exemple : sainte Bernadette disait qu'elle "aimerait mourir" pour revoir la Dame et la Grotte. Cela dit bien qu'elle avait compris que ce qu'elle avait vu et vécu à la Grotte était un avant-goût du Ciel, et qu'elle ne vivrait jamais rien de tel "dans ce monde mais dans l'autre" (18 février 1858, 3ème apparition).
[+] Texte masqué
Un autre exemple, qui m'est très cher, même s'il ne s'agit pas d'un saint canonisé par l'Église : mon grand-père Léon a accueilli la mort avec une immense sérénité, comme un juste qui sait que ce soir, il verra Dieu en face. Cette mort édifiante a changé ma vie, rien que ça ! J'avais 16 ans, je l'avais accompagné dans ses derniers jours, et en mourant il m'a laissé deux choses en souvenir : son rond de serviette (l'histoire serait trop longue à raconter) ... et la foi en un Dieu bon qui accueille le juste dans son Royaume.
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Ombiace » jeu. 30 déc. 2021, 20:27

Merci pour le texte masqué, Jean Mic, et pour votre commentaire
Jean-Mic a écrit :
jeu. 30 déc. 2021, 20:01
Nombreux sont d'ailleurs les saints et les mystiques qui ont dit quelque chose de similaire, sans pour autant être des suicidaires.
Quelle distinction faites vous entre la "joie" de mourir et un penchant suicidaire ?

Si c'est pour revoir des ancêtres, il n'y a même pas besoin d'être saint, c'est à la portée de n'importe quel croyant..

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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Jean-Mic » jeu. 30 déc. 2021, 20:37

Rien à voir avec les ancêtres, du moins dans ce que j'ai écrit !

Mourir dans la joie, c'est de l'apaisement et de la confiance. Se suicider, c'est du désespoir, ou plutôt de la désespérance. Accueillir la mort n'a rien à voir avec se donner la mort !
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Ombiace » jeu. 30 déc. 2021, 20:51

Il me semble que désirer les choses du ciel n'entre pas dans la catégorie
Jean-Mic a écrit :
jeu. 30 déc. 2021, 20:37
du désespoir, ou plutôt de la désespérance
Et pourtant, il faudrait, de mon point de vue en tout cas, un certain déni pour occulter que cela revient à désirer la mort

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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Fée Violine » jeu. 30 déc. 2021, 21:04

Mais non, voyons.
C'est tout au plus une acceptation, puisque pour aller au Ciel, il faut bien passer par la mort. Comment voulez-vous faire autrement ?

Ombiace
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Re: Siméon et la paix (Lc 2, 29)

Message non lu par Ombiace » jeu. 30 déc. 2021, 21:41

Fée Violine a écrit :
jeu. 30 déc. 2021, 21:04
Mais non, voyons.
C'est tout au plus une acceptation, puisque pour aller au Ciel, il faut bien passer par la mort. Comment voulez-vous faire autrement ?
Nous sommes bien d'accord, Fée Violine. C'est bien ce que je voulais dire : Vouloir la vie après la mort, c'est d'abord vouloir la mort. On ne peut l'occulter

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