"Que me veux-tu, femme ?"

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Libremax
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"Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Libremax » dim. 24 oct. 2021, 15:19

Bonjour,

j'aimerais vous proposer une lecture alternative d'un passage que nos bibles françaises rendent, je trouve, un peu dérangeant.
Il s'agit de la réponse que Jésus fait à Marie aux noces de Cana, quand celle-ci vient lui indiquer qu'il n'y a plus de vin.
Je vous resitue le passage, tel qu'il nous est donné dans la TOB :

Jn2.1-5 Or le 3ème jour il y eut une noce à Cana de Galilée et la mère de Jésus était là. Jésus lui aussi fut invité à la noce ainsi que ses disciples. Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit: «Ils n'ont pas de vin». Mais Jésus lui répondit: «Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore venue». Sa mère dit aux serviteurs: «Quoi qu'il vous dise, faites-le».

Après cela, on lit que Jésus réalise le miracle de la transformation de l'eau versée dans les jarres d'ablution en un excellent vin, loué par le maître de cérémonie.

On a souvent l'habitude de comprendre la réponse de Jésus comme une sorte de rabrouement devant l'impatience de sa mère à le voir subvenir aux besoins de tous et à user de sa puissance miraculeuse. Cette impatience de Marie a même été utilisée comme argument par les Pères qui s'opposaient à son Immaculée Conception : elle aurait montré une impatience déplacée, ce que Jésus n'aurait pas manqué de lui montrer.
Et Jésus de lui rétorquer une formule un peu froide, en l'appelant "femme".

Pourtant, à peine Jésus fait-il cette réponse qui laisse à penser que Marie était "à côté de la plaque", qu'il se dépêche de lui obéir, et de réaliser un miracle éclatant, dont plusieurs témoins pourront attester (dont les serviteurs, peut-être les disciples de Jésus, ... et Marie, bien sûr). Un miracle à la portée symbolique et didactique énorme.
D'où la question : Jésus a-t-il réellement voulu rabrouer sa mère ?
Je pense que ça ne tient pas. Jésus ne peut pas rejeter l'intervention de Marie et l'instant d'après, sans transition ni explication, l'honorer au-delà de toute attente.

D'aucuns savent peut-être que la phrase de Jésus correspond à une tournure difficilement traduisible de l'araméen : " Femme; quoi, pour moi et pour toi" ? ce qui signifie "femme, en quoi sommes nous concernés?" (et non pas "que me veux-tu"). En fait, il s'agit de la reprise exacte d'une phrase du premier Livre des Rois (1R 17,17), quand la veuve de Sarepta interpelle Elie, parce qu'il l'a miraculeusement nourrie et abreuvée en temps de famine, mais que son fils est mort. Elie ressuscite alors le fils de la veuve.
Ce passage est connu par coeur de tous les Juifs de l'époque, notamment par des gens comme Jésus et sa mère.

Jésus a donc probablement accueilli le signalement de sa mère, non seulement de manière positive (ce que ses actes démontrent par la suite), mais en le resituant en plus dans une allusion à l'Ancien Testament et donc dans son oeuvre de salut : à la phrase de Marie qui faisait écho à la famine d'Israël, Jésus répond par la phrase qui rappelle la résurrection du fils de la veuve. Il est donc ainsi probable que Jésus annonce déjà sa propre résurrection à sa mère.

(c'est une interprétation de Pierre Perrier, à découvrir dans "les Braises de la Révélation")

Qu'en pensez-vous ?

Altior
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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Altior » dim. 24 oct. 2021, 22:28

Bonjour, Libremax !
Libremax a écrit :
dim. 24 oct. 2021, 15:19
Qu'en pensez-vous ?
Cela pourrait représenter une théorie interprétative, quoique, à mon avis, elle ait plutôt l'air d'une spéculation théologique. Pourquoi ? Parce que, s'il était comme ça, cela annule (pas complètement, mais en grande partie) la tournure de situation. Jésus avait un autre plan, il le dit Lui même. Mais, suite à la prière de sa sainte mère, et plus spécialement voyant que les gens qui étaient là obéissent, il change son plan.

Puis, nous ne savons pas comment la phrase était en araméen. Tout ce que nous savons (et cela d'une source unique) est que l'Évangile de Matthieu fut écrite initialement en cette langue. Mais cet original s'est perdu, tout ce que nous avons ce sont des versions grecques.

Nous devons prendre en compte l'existence d'un autre passage dans l'Évangile où notre Seigneur s'adresse à Sainte Marie avec l'appellatif « femme ». C'est à la fin, quand il était déjà sur la Croix: femme, voilà ton fils, fils, voilà ta mère ! Il est remarquable que ces deux fois qu'il s'adresse ainsi sont au début et à la fin de sa mission sur la terre. Comme rien d'intervient par pur hasard dans l'Histoire Sainte, à coup sûr il y a une signification. Quelle serait cette signification, je n'en sais rien. Je note simplement que ce fait me rappelle le dicton Ad Iesum per Mariam.

Il y a quelques années, lors d'un sermon sur la péricope des noces de Cana, le prêtre mettait cet appellatif de "femme" en rapport avec Eve, dont le nom serait "femme". Ainsi, Jésus nous montrerait que Sainte Marie est la Nouvelle Eve (chose que nous pouvons savoir d'autres sources aussi, par exemple de la Révélation). Au noces de Cana, la Nouvelle Eve, à la différence de l'ancienne qui appelait l'homme (Adam) à la désobéissance, fait un appel de sens contraire, vers l'obéissance. À l'autre bout, la Nouvelle Eve, à la différence de l'ancienne qui a eu toute une descendance corporelle jusqu'à nous, a aussi une descendance par Saint Jean, le plus jeune Apôtre, le seul qui était mineur, une descendance, cette fois, de nature spirituelle.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 24 oct. 2021, 23:34

.
Dernière modification par Perlum Pimpum le mar. 14 juin 2022, 6:30, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par aldebaran » lun. 25 oct. 2021, 7:39

De https://livres-mystiques.com/partieTEXT ... femme.html?

Ne serait-ce pas plutôt, et selon deux sources en totale concordance:
Saint Augustin, TRAITÉ VIII, 9
Pourquoi donc le fils dit-il à sa mère: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n’est pas encore venue ». Notre-Seigneur Jésus-Christ était Dieu et homme tout ensemble. En tant que Dieu, il n’avait pas de mère, en tant qu’homme il en avait une. Elle était donc la mère de son corps, la mère de son humanité, la mère de l’infirmité qu’il a prise à cause de nous. Or, le miracle qu’il allait faire, il allait le faire selon sa divinité, et non selon son humanité; en tant qu’il était Dieu, et non en tant qu’il était né dans la faiblesse. Toutefois, ce qui est faible en Dieu est plus fort que tous les hommes (1). Sa mère lui demanda donc un miracle; mais comme il allait faire une oeuvre divine, il sembla oublier qu’il était né d’elle et lui dire : Ce qui en moi fait des miracles, vous ne l’avez pas enfanté; ce n’est pas vous qui avez donné l’être à ma divinité; mais comme vous avez donné le jour à mon infirmité, je vous reconnaîtrai lorsque mon infirmité sera attachée à la croix;
Ecrit mystique Tome 2, chapitre 14, 52.6 (ancienne édition) qu'il sera facile pour tous de retrouver:
"Femme, qu'y a-t-il, désormais entre Moi et Toi ?" Jésus en disant cette phrase sourit encore plus doucement et Marie sourit, comme deux qui savent une vérité qui est leur joyeux secret que tous les autres ignorent.

52.7 - Jésus m'explique le sens de la phrase. "Ce désormais, que beaucoup de traducteurs passent sous silence, est la clef de la phrase et l'explique avec son vrai sens.

Je fus le Fils soumis à la Mère, jusqu'au moment où la volonté de mon Père m'indiqua que l'heure était venue d'être le Maître. À partir du moment où ma mission commença, je ne fus plus le Fils soumis à sa Mère, mais le Serviteur de Dieu. Les liens qui m'unissaient à Celle qui m'avait engendré étaient rompus. Ils s'étaient transformés en liens de plus haut caractère. Ils s’étaient tous réfugiés dans l'esprit. L'esprit appelait toujours " Maman " Marie, ma Sainte. L'amour ne connut pas d'arrêt, ne s'attiédit pas, au contraire, il ne fut jamais aussi parfait que lorsque, séparé d'Elle pour une seconde naissance, Elle me donna au monde, pour le monde, comme Messie, comme Évangélisateur. Sa troisième, sublime maternité mystique, ce fut quand, dans le déchirement du Golgotha, Elle m'enfanta à la Croix, en faisant de Moi, le Rédempteur du monde.

"Qu'y a-t-il désormais entre Moi et Toi ?". J'étais d'abord tien, uniquement tien. Tu me commandais, Je t'obéissais. Je t'étais "soumis". Maintenant, j'appartiens à ma mission.

Ne l'ai-je peut-être pas dit ? "Celui qui met la main à la charrue et se retourne pour saluer ceux qui restent, n'est pas apte au Royaume de Dieu" [3]. J'avais mis la main à la charrue pour ouvrir avec le soc, non pas la glèbe mais les cœurs, pour y semer la parole de Dieu. Je ne l'avais enlevée cette main que quand on me l'avait arrachée de là pour la clouer à la Croix et pour ouvrir par la torture de ce clou le Cœur de mon Père en faisant sortir de la plaie le pardon pour l'humanité.

Ce "désormais", oublié par plusieurs, voulait dire ceci : "Tu m'as été tout, ô Mère tant que je fus le Jésus de Marie de Nazareth et tu m'es tout en mon esprit mais, depuis que je suis le Messie attendu, j'appartiens à mon Père.

Attends encore un peu et ma mission terminée, je serai de nouveau tout à toi. Tu me recevras encore dans tes bras comme quand j'étais petit et personne ne te le disputera plus, ce Fils qui est le tien que l'on regardera comme la honte de l'humanité, dont on te jettera la dépouille pour te couvrir toi aussi de l'opprobre d'être la mère d'un criminel. Et puis tu m'auras de nouveau, triomphant et puis, tu m'auras pour toujours, triomphante toi aussi, au Ciel. Mais maintenant, j'appartiens à tous ces hommes et j'appartiens au Père qui m'a envoyé vers eux".

Voilà ce que veut dire ce petit "désormais", si chargé de signification."
Pour votre sagacité.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Libremax » lun. 25 oct. 2021, 11:59

Altior a écrit :
dim. 24 oct. 2021, 22:28
Cela pourrait représenter une théorie interprétative, quoique, à mon avis, elle ait plutôt l'air d'une spéculation théologique. Pourquoi ? Parce que, s'il était comme ça, cela annule (pas complètement, mais en grande partie) la tournure de situation. Jésus avait un autre plan, il le dit Lui même. Mais, suite à la prière de sa sainte mère, et plus spécialement voyant que les gens qui étaient là obéissent, il change son plan.
Bonjour Altior,
le problème est que je ne vois pas quel autre plan Jésus pouvait bien avoir. En quoi réaliser un premier miracle public à ce moment plutôt qu'un autre pouvait-il changer quoi que ce soit? Jésus avait déjà des disciples, il enseignait, et on voit bien la portée signifiante de ce miracle qu'en aucun cas Jésus ne pouvait ignorer. Et si Jésus avait un "plan", comment pouvait-il le laisser changer par la seule nécessité d'obéir à sa mère, lui qui dira plus tard que sa mère et ses frères sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu ? (Matthieu).
Si Jésus fait allusion à ce passage du Livre des Rois, alors son "heure" est bien celle de sa mort, qu'il met en relation avec celle du fils de la veuve de Sarepta...

Mais je vous dois des excuses : j'ai omis de préciser que cette relecture de ce passage de Jean se base sur les travaux de biblistes qui pensent qu'en fait, nous avons bel et bien aujourd'hui un texte du Nouveau Testament qui s'approche de très près de l'original araméen, et qu'il s'agit de la Peshitta, qui n'est, semble-t-il, pas déductible des textes grecs. D'après ces chercheurs, nous avons donc une idée très précise de la formulation araméenne de la phrase et de celle (disponible en araméen aussi) du livre des Rois.
Evidemment, c'est une exégèse souvent un peu différente de celle des pères grecs qui se révèle -et surtout très, très différente de l'exégèse moderne.

De fait, malgré que les méditations que vous évoquez sur l'usage du mot "femme" lorsque Jésus s'adresse à sa mère soient tout à fait valables, il faut aussi considérer qu'on ne voit jamais Jésus interpeler sa mère autrement qu'en l'appelant "femme". Et, à moins que je ne me trompe, il n'y a pour ainsi dire aucun cas dans la Bible où quelqu'un appelle directement sa mère "mère"... Je me demande donc si la tournure vocative adressée à la mère existe dans les langues sémites.
Dernière modification par Libremax le lun. 25 oct. 2021, 14:16, modifié 1 fois.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Libremax » lun. 25 oct. 2021, 13:46

aldebaran a écrit :
lun. 25 oct. 2021, 7:39
De https://livres-mystiques.com/partieTEXT ... femme.html?

Ne serait-ce pas plutôt, et selon deux sources en totale concordance:
Saint Augustin, TRAITÉ VIII, 9
Pourquoi donc le fils dit-il à sa mère: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n’est pas encore venue ». Notre-Seigneur Jésus-Christ était Dieu et homme tout ensemble. En tant que Dieu, il n’avait pas de mère, en tant qu’homme il en avait une. Elle était donc la mère de son corps, la mère de son humanité, la mère de l’infirmité qu’il a prise à cause de nous. Or, le miracle qu’il allait faire, il allait le faire selon sa divinité, et non selon son humanité; en tant qu’il était Dieu, et non en tant qu’il était né dans la faiblesse. Toutefois, ce qui est faible en Dieu est plus fort que tous les hommes (1). Sa mère lui demanda donc un miracle; mais comme il allait faire une oeuvre divine, il sembla oublier qu’il était né d’elle et lui dire : Ce qui en moi fait des miracles, vous ne l’avez pas enfanté; ce n’est pas vous qui avez donné l’être à ma divinité; mais comme vous avez donné le jour à mon infirmité, je vous reconnaîtrai lorsque mon infirmité sera attachée à la croix;
Bonjour aldebaran, et merci pour ces citations.

J'aimerais observer que le lien que vous donnez se rapproche, sans toutefois aller jusqu'au bout, de l'interprétation que le proposais : la réponse de Jésus a un écho très clair dans le livre des Rois.

L'explication que vous citez ensuite est par contre bien étonnante, (malgré tout le respect que j'ai pour Saint Augustin) d'autant qu'elle contredit le lien que vous donnez: Jésus répondrait de la sorte à Marie, en l'appelant "femme" plutôt que "mère", parce que le miracle qu'il s'apprêtait à réaliser était de nature divine, ce qui lui fait "oublier" de répondre à sa mère en tant qu'homme... Il faudrait donc imaginer un hypothétique oubli de nature pour expliquer une attitude du Christ. Ça ne me semble guère tenir debout.

La troisième explication enfin, revient à dire que Jésus rejette l'autorité que Marie a sur lui parce que, "désormais" il appartient au Père, il n'est plus soumis à sa mère, il n'a plus à lui obéir.
Outre le fait que je me demande de quel texte grec (ou latin?) Augustin tire son "désormais" ( "και λεγει αυτη ο ιησους τι εμοι και σοι γυναι ουπω ηκει η ωρα μου ne" ne contient rien de traduisible par désormais) qui aurait été ignoré par les traducteurs, son interprétation est tout de même un peu mise à mal par le fait que Jésus obéit précisément à sa mère en réalisant le miracle, qui va non seulement initier le renouveau d'Israël, mais aussi fournir la noce en vin.

Là encore, c'est une interprétation qui semble vouloir expliquer pourquoi Jésus ne s'adresse pas à Marie en l'appelant par exemple "Mère", voire "maman", alors que le lien que vous indiquiez montre que l'appellation "femme" dans la culture hébraïque n'avait sans doute rien de péjoratif, au contraire.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par aldebaran » lun. 25 oct. 2021, 15:17

Bonjour Libremax,
Libremax a écrit :L'explication que vous citez ensuite est par contre bien étonnante, (malgré tout le respect que j'ai pour Saint Augustin) d'autant qu'elle contredit le lien que vous donnez...
J'avais compris l'explication de Saint Augustin un peu différemment, mais je peux parfaitement faire un contresens. Il me semblait que l'on retrouvait l'idée qu'il y a bien ici une distinction qui s'opère entre le fils du Père et le fils de Marie sa mère; la mission du Dieu prend le pas sur la vie du fils homme-Dieu de Marie.
Cet épisode serait un peu à rapprocher de celui où Jésus reste avec les savants du Temple et ses parents le cherchent partout. Finalement Jésus leur rétorquera que sa mission prime comme de faire la volonté du Père.

Pour le terme "femme", je pense que vous avez raison. D'ailleurs de mémoire mais je n'ai pas réussi à retrouver le passage, dans l'évangile de Jean Jésus s'adresse aussi à une femme selon ce terme.
Malheureusement je n'ai pas trouvé non plus de références sur la manière codifiée qu'utilisaient les juifs pour s'adresser aux femmes, parenté ou non, en public à l'époque de Jésus pour confirmer ce point.

Gaudens
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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Gaudens » lun. 25 oct. 2021, 18:02

En tous cas,merci à Libremax,Altior et Aldébaran pour ces éclairages différents mais qui permettent de dépasser le vague malaise qu'inspire une lecture rapide de ce passage(la mienne en tous cas jusqu'à aujourd'hui).Peut-être que vos perspectives,certes bien différentes,se rejoignent-elles au fond.A méditer.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Fée Violine » lun. 25 oct. 2021, 19:24

Là encore, c'est une interprétation qui semble vouloir expliquer pourquoi Jésus ne s'adresse pas à Marie en l'appelant par exemple "Mère", voire "maman", alors que le lien que vous indiquiez montre que l'appellation "femme" dans la culture hébraïque n'avait sans doute rien de péjoratif, au contraire.
Jésus, en tant qu'humain, a dû suivre l'évolution psychologique de tous les humains. Il a donc eu à faire sa crise d'adolescence comme tout le monde. Il l'a commencée à 12 ans, au Temple. Et à Cana il l'a dépassée puisqu'il agit malgré le fait que sa mère le lui demande ! (selon je ne sais plus quel psychologue, on reconnaît que quelqu'un est adulte quand il fait quelque chose même si ça fait plaisir à ses parents).

Par ailleurs, sur le terme "femme": j'ai souvenir qu'une dame disait, dans un groupe d'étude biblique où on étudiait ce texte, qu'en Afrique du Nord où elle avait longtemps vécu, on appelle les veuves "femme", ce qui indiquerait que Joseph était déjà décédé à l'époque de Cana. Je ne sais pas si un spécialiste du monde arabe peut le confirmer ?

En tout cas, une fois de plus ça se confirme : il est bien difficile de comprendre la Bible dans une traduction et dans une culture différente.

J'ai vu d'anciennes traductions de l'évangile qui disaient "Madame".

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Libremax » lun. 25 oct. 2021, 21:11

aldebaran a écrit :
lun. 25 oct. 2021, 15:17
J'avais compris l'explication de Saint Augustin un peu différemment, mais je peux parfaitement faire un contresens. Il me semblait que l'on retrouvait l'idée qu'il y a bien ici une distinction qui s'opère entre le fils du Père et le fils de Marie sa mère; la mission du Dieu prend le pas sur la vie du fils homme-Dieu de Marie.
Bonsoir aldebaran,

je vois ce que vous voulez dire. En même temps, Jésus étant pleinement homme et pleinement Dieu, Verbe de Dieu incarné, on ne peut pas trop dire que sa mission divine prend le pas sur sa vie humaine : les deux ne font qu'un, ou alors, le Christ n'est plus Dieu fait homme.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par aldebaran » mar. 26 oct. 2021, 8:14

Libremax a écrit :
lun. 25 oct. 2021, 21:11
aldebaran a écrit :
lun. 25 oct. 2021, 15:17
J'avais compris l'explication de Saint Augustin un peu différemment, mais je peux parfaitement faire un contresens. Il me semblait que l'on retrouvait l'idée qu'il y a bien ici une distinction qui s'opère entre le fils du Père et le fils de Marie sa mère; la mission du Dieu prend le pas sur la vie du fils homme-Dieu de Marie.
Bonsoir aldebaran,

je vois ce que vous voulez dire. En même temps, Jésus étant pleinement homme et pleinement Dieu, Verbe de Dieu incarné, on ne peut pas trop dire que sa mission divine prend le pas sur sa vie humaine : les deux ne font qu'un, ou alors, le Christ n'est plus Dieu fait homme.
Bonjour Libremax,
Vous avez raison je me suis mal exprimé : il s'agit de comportement et non d'état. Il est sans équivoque et non débattable effectivement que Jésus ait été à la fois tout à fait homme et tout à fait Dieu tout au long de son passage terrestre.
Mais n'oublions pas que cet épisode marque le début de la vie publique de Jésus ; s'Il n'était que le fils de Marie, rabbi ou non Il aurait pris femme et fondé une famille à Nazareth, tout en s'occupant de sa mère ***. Il signifie ici, et je pense que Saint Augustin guidé de l'Esprit Saint décrit la même idée **, que le Jésus privé qui n'accomplit qu'une vie "normale" de jeune juif fils de Marie et donc assujetti à elle, à part l'épisode du Temple à ses douze ans mais pour reprendre de suite un cours normal *, entre dans sa mission publique qui est le but de son Incarnation. En quelque sorte, la paternité de Dieu le Père prend le dessus sur la maternité humaine de Marie, ce qui est admirablement (et pour cause) décrit dans le troisième extrait de mon premier commentaire.

* Il leur dit: «Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?»
50 Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.
51 Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth et il leur était soumis. Sa mère gardait précieusement toutes ces choses dans son coeur.
Luc 2.49

** En tant que Dieu, il n’avait pas de mère, en tant qu’homme il en avait une. Elle était donc la mère de son corps, la mère de son humanité, la mère de l’infirmité qu’il a prise à cause de nous. Or, le miracle qu’il allait faire, il allait le faire selon sa divinité, et non selon son humanité; en tant qu’il était Dieu

*** On commente très peu ce fait, mais dans le monde juif un Jésus simple homme aurait eu à charge de veiller sur sa mère devenu veuve, Lui chef de famille désormais. Or, on le voit bien dans les évangiles, lors de sa vie publique Il ne cesse avec ses disciples de parcourir tout l'espace à évangéliser et faire des miracles, monter au Temple pour les fêtes rituelles mais sa mère ne l'accompagne pas (n'est jamais citée). C'est très bien décrit dans l'œuvre mystique, que c'est un déchirement accepté de la mère (fait partie de cette douleur d'épée qui lui traverse le cœur qui aura son aboutissement ultime à la crucifixion), et une douleur pour Jésus de ne plus avoir sa mère mais qu'il visite quand il peut. Dans l'œuvre, Marie est prise en charge par la parenté, notamment Marie d'Alphée et ses fils cousins de Jésus (autres que les apôtres Jacques le mineur et Jude). Même si elle reste dans sa maison de Nazareth, seule donc.
Dernière modification par aldebaran le mar. 26 oct. 2021, 13:06, modifié 3 fois.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par aldebaran » mar. 26 oct. 2021, 8:23

Fée Violine a écrit :
lun. 25 oct. 2021, 19:24
Là encore, c'est une interprétation qui semble vouloir expliquer pourquoi Jésus ne s'adresse pas à Marie en l'appelant par exemple "Mère", voire "maman", alors que le lien que vous indiquiez montre que l'appellation "femme" dans la culture hébraïque n'avait sans doute rien de péjoratif, au contraire.
Jésus, en tant qu'humain, a dû suivre l'évolution psychologique de tous les humains. Il a donc eu à faire sa crise d'adolescence comme tout le monde. Il l'a commencée à 12 ans, au Temple. Et à Cana il l'a dépassée puisqu'il agit malgré le fait que sa mère le lui demande ! (selon je ne sais plus quel psychologue, on reconnaît que quelqu'un est adulte quand il fait quelque chose même si ça fait plaisir à ses parents).

Par ailleurs, sur le terme "femme": j'ai souvenir qu'une dame disait, dans un groupe d'étude biblique où on étudiait ce texte, qu'en Afrique du Nord où elle avait longtemps vécu, on appelle les veuves "femme", ce qui indiquerait que Joseph était déjà décédé à l'époque de Cana. Je ne sais pas si un spécialiste du monde arabe peut le confirmer ?

En tout cas, une fois de plus ça se confirme : il est bien difficile de comprendre la Bible dans une traduction et dans une culture différente.

J'ai vu d'anciennes traductions de l'évangile qui disaient "Madame".
Bonjour Fée Violine,
On ne cite plus Joseph dans les évangiles plus loin que l'épisode de Jésus resté au Temple, donc à ses douze ans. Pour la fête de Cana, Marie s'y rend seule, sans son époux, ce qui n'est pas dans les mœurs juives de l'époque. Il est admis je crois que Joseph était déjà mort, et Marie veuve.

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Fée Violine » mar. 26 oct. 2021, 15:21

Certes, mais ce n'est pas la question.
Ce qu'il faudrait savoir, c'est s'il est vrai que dans certaines cultures, on appelle les veuves "femme ". Et encore, "femme " est un mot français, mais l'équivalent dans d'autres langues (en n'oubliant pas que d'une langue à l'autre, le vocabulaire ne se superpose pas) a certainement des connotations diverses.
Bref, il me semble qu'il est assez inutile d'épiloguer sur un mot...

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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par aldebaran » mar. 26 oct. 2021, 16:40

Fée Violine a écrit :
mar. 26 oct. 2021, 15:21
Certes, mais ce n'est pas la question.
Ce qu'il faudrait savoir, c'est s'il est vrai que dans certaines cultures, on appelle les veuves "femme ". Et encore, "femme " est un mot français, mais l'équivalent dans d'autres langues (en n'oubliant pas que d'une langue à l'autre, le vocabulaire ne se superpose pas) a certainement des connotations diverses.
Bref, il me semble qu'il est assez inutile d'épiloguer sur un mot...
"Alors il se redressa et, ne voyant plus qu'elle, il lui dit: «Femme, où sont ceux qui t'accusaient? Personne ne t'a donc condamnée?»"
Jean 8,10
C'était peut-être une façon usuelle de s'adresser à une femme en public dans la culture juive de cette époque et en araméen. Il faudrait un spécialiste pour nous confirmer cela.

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Libremax
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Re: "Que me veux-tu, femme ?"

Message non lu par Libremax » mar. 26 oct. 2021, 16:54

Jn4.21 Jésus lui dit: «Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.
Jn20.13 «Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu»? Elle leur répondit: «On a enlevé mon Seigneur et je ne sais où on l'a mis».

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