jibrillatein a écrit : ↑lun. 16 nov. 2020, 19:26
Bonjour,
En Terminale, je suis des cours de culture religieuse au lycée. Notre professeur (catholique et ayant fait des études de théologie), nous explique qu'il ne faut pas lire la Bible de manière littérale. Jusque là ça va, mais c'est la raison pour laquelle, entendez, pour ne pas être "fondamentalisme", il considère que les passages explicites de Saint Paul sur l'homosexualité ne sont pas à prendre dans un sens fondamentaliste.
Ma question est double : en rapport avec ce fil de discussion, comment avoir une lecture de la Bible non fondamentaliste en poursuivant une thèse "métaphorique" de la Bible à remettre dans le contexte de l'époque etc. ? J'ai l'impression que cela reviendrait à dire tout et son contraire... (Saint Paul dit ça, mais ce n'est pas vrai dans le contexte actuel etc.).
Question subsidiaire : comment lire les consignes de Saint Paul relatives à l'homosexualité ?
Je précise qu'il ne nous a pas donné son point de vue explicite, mais je vois la chose venir quand on parlera de la morale chrétienne...
Merci beaucoup !
Jibrillatein
Bonjour,
Il y a deux choses à distinguer, voire trois :
- ce qu'a voulu dire saint Paul (et ce que comprenaient ses contemporains)
- ce qu'enseigne l'Église aujourd'hui
- et entre les deux, comment ont évolué les positions de l'Église entre saint Paul et aujourd'hui.
De mon point de vue, les paroles de saint Paul n'ont pas à être "traduites" ou interprétées. Tout n'est pas forcément à passer au crible des quatre sens de l'Ecriture. Il est des moments où Paul adresse des sermons à une communauté et s'exprime très clairement. Voilà longtemps que j'y réfléchis. À une époque, j'essayais de trouver un sens qui ne heurte pas les préoccupations morales modernes. Mais non, ça ne fonctionne pas, à moins de tordre le bras au texte. De mémoire, Paul énumère un certain nombre de péchés, dont celui-ci. C'est donc à situer dans le contexte de l'époque et d'une communauté, le texte reflétant l'idée que l'on s'y faisait de ce genre de mœurs.
Aujourd'hui, l'Église enseigne-t-elle quelque chose de différent ? Hé bien, je ne crois pas. Si vous lisez le catéchisme, qui fait foi, il dit plus ou moins la même chose, mais en y mettant les formes voulues par la charité, en gommant au maximum toute idée de condamnation et de rejet.
Et il est difficile pour l'Église de faire autrement, sans acter formellement une prise de distance avec le texte. Mais on voit bien que les hommes d'Eglise ne sont pas tranquilles sur cette question et cherchent une issue. C'est bien ce qu'illustrent les propos du pape récemment. Et donc, au fond, c'est un peu comme si l'Église ne savait pas au juste où elle en est. Personnellement, je crois que nous traversons une époque de flottement sur le plan magistériel, où l'Église voudrait rejoindre les idées du siècle, mais sans avoir pu jusqu'ici sauter le pas. D'où l'embarras de ceux qui doivent enseigner la "culture religieuse". Il y a d'autres questions du même genre comme la croyance dans l'Enfer, le divorce, le célibat des prêtres, l'ordination des femmes, l'évolution des espèces, etc.
En fait, je comprends que l'Église hésite, car si elle se décidait à aller dans ce sens, elle romprait directement avec la Parole écrite, et ce serait l'aventure vers l'inconnue. Peut-être qu'elle n'y survivrait pas. Ou qu'elle serait conduite à un bouleversement complet, sans parler du risque évident de schisme de sa frange traditionnaliste. Le schisme serait même inévitable. La rupture serait consommée côté orthodoxes également. Les conséquences seraient colossales. Peut-être que tous les fidèles déserteraient, et que l'Église s'effondrerait totalement, revivant un second "Vatican II" qui viendrait donner le coup de grâce après les ravages causés par le premier.
Mais pour revenir au professeur de "culture religieuse", je trouve qu'il ne présente peut-être pas les choses du bon côté. Il n'y a aucun "fondamentalisme" à expliquer la position de l'Église. Votre soupçon qu'il chercherait à interposer sa vision personnelle entre vous et ce qu'il est censé transmettre me paraît très justifiée. Il vous présente l'Église comme il voudrait qu'elle soit, dans une sorte d'acte militant. Et ce parti pris montre bien à quel point les représentants de l'Église se sentent paumés depuis le dernier concile entre les avancées envisagées et celles qui ont réellement été actées.
Il aurait pu vous expliquer plutôt la notion de péché, pour relativiser la chose. Car si on reprend saint Paul, il énumère une série de péchés auxquels, finalement, aucun homme n'échappe vraiment. Qui n'est pas pécheur ? Elle est là, la culture religieuse du catholicisme. Un péché est "grave", et en même temps ne l'est pas tant que cela, puisque de toute façon, il est la condition de tout homme en ce monde. La sexualité, en particulier, est entachée de péché, en-dehors de la seule relation conjugale (et encore, même dans le cadre du mariage, elle reste sujette à suspicion. Il n'y a qu'à lire les explications compliquées et sinueuses de saint Thomas d'Aquin). Partant de là, les propos de saint Paul peuvent être relativisés. En cas de passage à l'acte, tout est pardonné au confessionnal, et donc personne n'est rejeté hors du troupeau.