Sur Canaan, petit-fils de Noé

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charlotte01
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Sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par charlotte01 » lun. 24 mars 2008, 19:56

Bonjour,

Désolée si la question a déjà été posée.
J'avais une interrogation sur le passage de la Genèse qui nous dit qu'un des fils de Noé (Japhet me semble-t-il) le découvre nu et ivre sous sa tente. Quand Noé apprend cela, il fait de Canaan, son petit fils, un esclave...Je ne comprends pas pourquoi puisque Canaan n'y est pour rien.

Je n'ai pas le texte devant les yeux. J'espère avoir été assez claire pour me faire comprendre :)

Charlotte

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marchenoir
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Re: Question sur Canaan, petit fils de Noé

Message non lu par marchenoir » lun. 24 mars 2008, 23:47

charlotte01 a écrit :Bonjour,

Désolée si la question a déjà été posée.
J'avais une interrogation sur le passage de la Genèse qui nous dit qu'un des fils de Noé (Japhet me semble-t-il) le découvre nu et ivre sous sa tente. Quand Noé apprend cela, il fait de Canaan, son petit fils, un esclave...Je ne comprends pas pourquoi puisque Canaan n'y est pour rien.

Je n'ai pas le texte devant les yeux. J'espère avoir été assez claire pour me faire comprendre :)

Charlotte
Bonjour Charlotte, et soyez la bienvenue dans ce forum.

Le passage auquel vous faites mention est au chapitre neuvième de la Genèse (18-26) :
Les fils de Noé qui sortirent de l'arche étaient Sem, Chan et Japheth; et Cham était père de Chanaan. Ces trois sont les fils de Noé, et c'est par eux que fut peuplée toute la terre.
Noé, qui était cultivateur, commença à planter de la vigne. Ayant bu du vin, il s'enivra, et il se découvrit au milieu de sa tente. Cham, père de Chanaan, vit la nudité de son père, et il alla le rapporter dehors à ses deux frères. Alors Sem avec Japheth prit le manteau de Noé et, l'ayant mis sur leurs épaules, ils marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père. Comme leur visage était tourné en arrière, ils ne virent pas la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils, et il dit:
Maudit soit Chanaan! Il sera pour ses frères le serviteur des serviteurs!
Puis il dit: Béni soit Yahweh, Dieu de Sem, et que Chanaan soit son serviteur!
Comprendre un tel texte n'est pas chose facile. Nous avons, plus qu'à toute autre époque peut-être, tendance à juger tout acte à l'aune de nos mentalités contemporaine. Nous avons beaucoup de mal à "recontextualiser", comme ils disent. Nul doute qu'à l'époque de Moïse (époque à laquelle ces textes furent écrits), si la HALDE existait, ses standards téléphoniques auraient pété...

Devant une telle situation, je veux dire lorsque je ne saisis pas le sens d'un passage biblique, je n'hésite pas à aller voir ce que les Pères ont dit. C'est parfois éclairant. Souvent, je ne comprends pas tout de suite. Leurs explications me servent de méditation et on progresse toujours en méditant sur ce que les Pères ont dit. C'est ce que je vous souhaite.
Saint Jean Chrysostome a écrit :Nous voici parvenus à cette question soulevée partout; sans cesse, en effet, nous entendons dire : pourquoi, quand c'est le père qui s'est rendu coupable, qui a révélé la nudité, est-ce le fils qui reçoit la malédiction? Prêtez-moi, je vous en prie, toute votre attention, et recevez l'explication qu'il vous faut. Nous vous dirons ce que nous aura suggéré la divine grâce, pour votre utilité. Et il dit : Que Chanaan soit maudit, qu'il soit l'esclave de ses frères. Ce n'est pas sans raison, ce n'est pas inutilement, que le texte nomme ici le fils de Cham; il y a une pensée cachée. Noé voulait à la fois punir Cham de sa faute, de l'outrage qu'il en avait reçu, et, en même temps, il ne voulait pas affaiblir la bénédiction que Dieu lui avait autrefois donnée. Dieu bénit, dit l'Ecriture, Noé quand il sortit de l'arche, et ses fils avec lui. (Gn 9,1) Donc Noé ne voulut pas maudire celui que Dieu avait une fois béni; il ne s'arrête donc pas à celui qui lui a fait l'outrage, c'est sur le fils de Cham qu'il fait retomber la malédiction. Soit, dira-t-on, cela montre que Cham n'a pas été maudit, parce qu'il avait reçu auparavant la bénédiction de Dieu. Mais pourquoi, quand c'est Cham qui a péché, est-ce Chanaan qui est puni? Eh bien! cela même n'a pas été fait sans raison; car le père n'a pas subi un moindre châtiment que son fils, et il a senti toute la rigueur du châtiment. Vous n'ignorez pas, en effet, vous savez parfaitement combien de fois les pères ont demandé d'être punis, eux mêmes, à la place de leurs fils. Il est plus triste pour eux de voir leurs fils soumis au châtiment, que de le subir eux-mêmes. Voici donc ce qui est arrivé; c'est que, par suite de l'amour naturel que Cham éprouvait pour son fils, il a senti une douleur plus cruelle; c'est que la bénédiction de Dieu est restée intacte, et que le fils, qui a reçu la malédiction, a expié par là ses propres péchés. Car, bien qu'il encoure actuellement la malédiction pour le péché de son père, encore est-il vraisemblable que c'est en même temps pour ses propres fautes qu'il a été puni. Ce n'est pas seulement à cause du péché de son père qu'il a reçu la malédiction, mais probablement c'est parce que lui-même méritait un plus grand châtiment. Car, en ce qui concerne ce principe que les pères ne sont pas punis pour les fils, ni les fils pour les pères, que chacun n'est puni que pour ses propres fautes, c'est ce que vous trouverez en mille endroits des prophètes. Si quelqu'un mange des raisins verts, il en aura lui seul les dents agacées (Jr 21,39); l'âme qui a péché mourra elle-même (Ez 18,20); et encore : On ne fera point mourir les pères pour les enfants, ni les enfants pour les pères. (Dt 24,16) Donc, que personne parmi vous, je vous en prie, n'ose censurer ce que l'Ecriture nous dit aujourd'hui, comme s'il était permis d'ignorer le but que se propose la divine Ecriture ; accueillez avec de bonnes dispositions ce que dit la parole; admirez l'exactitude merveilleuse de la divine Ecriture, considérez l'énormité du péché. Car, voici ce que le péché a fait d'un frère né de la même mère, sorti des mêmes flancs; le péché en a fait un esclave; il lui a enlevé la liberté ; il l'a (200) assujetti, et c'est de là qu'est sortie la servitude des âges à venir. Et en effet, les hommes d'autrefois n'étaient pas si délicats, n'avaient pas besoin d'une vie si commode, de mains étrangères pour les servir; chacun se servait soi-même; tous étaient égaux en dignité; on ne voyait, au milieu d'eux, aucune inégalité de rang. Quand le péché fit son entrée dans le monde, ce fut pour détruire là liberté, compromettre la dignité naturelle, introduire la servitude; la servitude, ce perpétuel enseignement, cet éternel avertissement à nous adressé, de fuir la servitude du péché, de revenir à l'indépendance de la vertu. Que si l'esclave et le maître veulent retirer de cet exemple un profit durable, qu'ils pensent: l'esclave, de son côté, qu'il doit sa servitude au dérèglement de Cham; le maître, à son tour, qu'assujettissement et servitude n'ont commencé
Cordialement,

Marchenoir
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charlotte01
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Re: Question sur Canaan, petit fils de Noé

Message non lu par charlotte01 » mar. 25 mars 2008, 0:06

Bonsoir,

Merci beaucoup de votre réponse !

L'extrait que vous avez joint est particulièrement intéressant et explicite. Où trouvez-vous de telles explications ? J'espère ne pas paraître trop ignorante en posant une telle question. J'ai 22 ans, j'ai fait du catéchisme jusqu'à ma profession de foi, et j'ai des "lacunes bibliques" :) mais je me plais à pratiquer ma religion, et au cours de mes diverses lectures, je me pose des questions comme celle à laquelle vous m'avez répondue ! Donc merci de cheminer avec moi.

Cordialement

Charlotte

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marchenoir
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Re: Question sur Canaan, petit fils de Noé

Message non lu par marchenoir » mar. 25 mars 2008, 11:08

charlotte01 a écrit :Bonsoir,

Merci beaucoup de votre réponse !

L'extrait que vous avez joint est particulièrement intéressant et explicite. Où trouvez-vous de telles explications ? J'espère ne pas paraître trop ignorante en posant une telle question. J'ai 22 ans, j'ai fait du catéchisme jusqu'à ma profession de foi, et j'ai des "lacunes bibliques" :) mais je me plais à pratiquer ma religion, et au cours de mes diverses lectures, je me pose des questions comme celle à laquelle vous m'avez répondue ! Donc merci de cheminer avec moi.

Cordialement

Charlotte
Bonjour Charlotte.

J'ai trouvé l'explication (cliquez ensuite sur Textes bibliques).

Quant à votre ignorance, rassurez-vous. Non seulement vous n'êtes pas du tout ignorante (combien connaissent cet épisode ?), mais en plus je suis certain que vous avez beaucoup à nous apprendre.

Plaisir. :fleur:

Marchenoir.
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Christophe
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Re: Question sur Canaan, petit fils de Noé

Message non lu par Christophe » mar. 25 mars 2008, 11:20

Merci Charlotte pour votre question, et merci Marchenoir pour votre réponse ! :)
« N'ayez pas peur ! » (365 occurrences dans les Écritures)

charlotte01
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Re: Question sur Canaan, petit fils de Noé

Message non lu par charlotte01 » mar. 25 mars 2008, 12:46

Merci Marchenoir pour les précieux renseignements et Merci Christophe de votre participation !

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mike.adoo
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Re: Besoin d'éclaircissement: L'arche de Noé

Message non lu par mike.adoo » sam. 23 juil. 2011, 22:55

Biensoir a écrit :Bonjour/Bonsoir tout le monde, je ne suis ni catholique ni chrétien mais actuellement je développe un travail sur le christianisme et j'aurai besoin d'éclaircissements sur une histoire de la Bible, celle de l'arche de Noé


Bon... Maintenant la fin !
"Noé commença a cultiver la terre, et planta de la vigne. Il but du vin, s'enivra, et se découvrit au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le rapporta dehors a ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent a reculons, et couvrirent la nudité de leur père; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet. Et il dit: Maudit soit Canaan! qu'il soit l'esclave des esclaves de ses frères! Il dit encore: Béni soit l'Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave! Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu'il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur esclave! Noé vécut, après le déluge, trois cent cinquante ans." (Genèse 9.18 a 9.28)''
Quoi ? Ca a pas de sens. Il punit son fils pour quelque chose qu'il n'a pas fait ?
Bon j'en ai presque finis...
Face a un tel monceau d’incohérences, on peut se demander pourquoi certains créationnistes se battent avec autant d’acharnement pour soutenir l’insoutenable. Donc j'espère que vous pourrez m'apporter des réponse par rapport à cette histoire incohérente. Et si il faut la prendre au sens métaphorique, ça remet en question toute l'histoire de l'origine de l'homme selon les créationniste...

Merci, bonne lecture...
" Maudit soit Canaan " Explication :
Les premiers mots du chapitre 9 du livre de la Genèse sont les suivants : Dieu bénit Noé et ses fils ...
Cela se passait à la sortie de l'arche . Or , les serments de Dieu sont irrévocables . Après la bénédiction , il ne pouvait être question de malédiction .
Nous retrouvons cette importance de la parole lorsque Jacob obtient frauduleusement une bénédiction de son père , aveugle . Lorsque le fils aîné rentra de la chasse et demanda une bénédiction , le père , Isaac se rendit compte de la supercherie ...

Regarde, j’ai fait de lui ton chef de famille, et je lui ai donné tous ses frères pour serviteurs. Je l’ai pourvu de blé et de vin. Que puis-je encore pour toi, mon fils ?”

38 Ésaü dit à son père :

— “N’aurais-tu donc qu’une seule bénédiction ? Bénis-moi aussi mon père !”

Ésaü pleurait, poussait des cris ... ( Genèse , chapitre 27 ) Ce qui était dit était dit !



Autre exemple tiré de l'évangile de Jean au chapitre 19

Pilate rédigea aussi un écriteau et le fit placer sur la croix. Il y était écrit : " Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs ".
Jn 19:20- Cet écriteau, beaucoup de Juifs le lurent, car le lieu où Jésus fut mis en croix était proche de la ville, et c'était écrit en hébreu, en latin et en grec.
Jn 19:21- Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : " N'écris pas : "Le roi des Juifs", mais : "Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs. " "
Jn 19:22- Pilate répondit : " Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. "


Autre exemple tiré de l'évangile de Matthieu au chapitre 14

lorsqu’on célébra l’anniversaire de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodias dansa au milieu des convives, et plut à Hérode,
de sorte qu’il promit avec serment de lui donner ce qu’elle demanderait.
À l’instigation de sa mère, elle dit : Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste.
Le roi fut attristé ; mais, à cause de ses serments et des convives, il commanda qu’on la lui donne,
et il envoya décapiter Jean dans la prison.


Autrefois , la parole avait un grand prix .

Dernier point : Vous avez écrit :" Quoi ? Ca a pas de sens. Il punit son fils pour quelque chose qu'il n'a pas fait ?

Figurez-vous qu'il y a des gens , à notre époque qui , non seulement négligent l'instruction spirituelle de leurs enfants mais se moquent ouvertement de la religion ...je respecte ,mais je peux vous dire , étant donné mon âge et mon expérience , que si mes parents avaient agi ainsi , je le leur reprocherait car des parents n'ont pas le droit d'imposer leurs idées à leurs enfants ; c'est tout simplement indigne .
Ainsi , le fils , qui n'y est pour rien , n'a pas accès à des connaissances par la faute de son père ... Vous me suivez ?

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Xavi
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Re: Question sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par Xavi » mar. 22 sept. 2020, 14:02

charlotte01 a écrit :
lun. 24 mars 2008, 19:56
J'avais une interrogation sur le passage de la Genèse qui nous dit qu'un des fils de Noé [...] le découvre nu et ivre sous sa tente. Quand Noé apprend cela, il fait de Canaan, son petit fils, un esclave...Je ne comprends pas pourquoi puisque Canaan n'y est pour rien.
Ne pensons-nous pas trop vite à une punition ?

Le récit de l’ivresse de Noé et de la malédiction de Canaan est un des plus profondément universels de l’Écriture. Il introduit la longue description généalogique de la dispersion de la descendance de Noé parmi les nations qui aboutit cependant à la promesse d’une nation nouvelle faite à Abraham.

Toute l’action de Dieu est à la fois corporelle et spirituelle, concrète et symbolique. L’un ne va pas sans l’autre car l’action de Dieu est toujours au-delà des seules apparences et effets dans la réalité concrète, mais l’action de Dieu n’est cependant pas une abstraction. Il serait tout aussi vain et erroné de mépriser sa réalité concrète, corporelle, physique que de négliger sa dimension spirituelle.

Certes, Canaan est maudit et, pourtant, c’est le seul territoire décrit avec précision dans la généalogie de la descendance de Noé et c’est surtout la terre de la promesse.

Le territoire des Cananéens s’étend, à l’ouest, sur une longueur d’environ 250 km, le long de la Méditerranée, de Sidon à Gaza, et, à l’est, jusqu’à « Lèsha » (qui signifie la fente, la fissure, et se réfère probablement à la vallée étroite dans les montagnes formée par le Jourdain et qui se prolonge au sud de la Mer morte jusqu’à Eilat et la Mer rouge) (Gn 10, 19).

La description géographique et culturelle (selon leurs lieux, leurs langues et leurs nations) de la descendance de Noé est greffée sur le monde perçu dans le Proche Orient antique avec beaucoup de références concrètes précises et pourtant l’essentiel s’y trouve aussi dans des non-dits et des renversements de perspectives.

Canaan n’est que le quatrième fils de Cham, second des trois fils de Noé que sont Sem, Cham et Japhet. Mais, à la sortie de l’arche, rien n’est dit de Sem et Japhet alors qu’il est précisé que Cham « fut le père de Canaan » (Gn 9, 18). De même, dans le récit de l’ivresse de Noé, l’action de Cham y est racontée avec la précision qu’il est « père de Canaan » (Gn 9, 22). Sans référence à ses autres fils.

L’expression « père de » est plutôt rare dans la Genèse alors qu’au contraire, il y a de très nombreuses mentions de « fils de ». Contrairement à la réalité passive de l’expression « fils de » qui évoque l’origine d’un d’individu ou d’une communauté, l’expression « père de » exprime une transmission, une prolongation d’une personne dans les générations suivantes. L’expression est celle utilisée pour deux descendants de Caïn, dont l’un, Ada est le « père de ceux qui habitent sous la tente ou parmi les troupeaux » et, l’autre, Yabal, est le « père de tous ceux qui jouent de la cithare et de la flûte » (Gn 4, 20-21).

Dans la généalogie de Noé, il n’y a qu’une seule autre mention d’un « père de », c’est lorsqu’il est dit qu’il naît aussi des fils à « Sem, père de tous les fils d’Heber » (Gn 10, 21), ce qui se réfère aux Hébreux qui, plus tard, recevront Canaan en héritage.

Dans la descendance de Cham, il faut observer qu’avant Canaan, il y a trois autres fils : Koush (c’est ainsi que la Bible nomme l’Éthiopie), Misraïm (c’est ainsi que la Bible nomme l’Égypte) et Pouth (probablement une autre nation d’Afrique du Nord Est qui peut être la Lybie), et que Canaan, souvent sous domination égyptienne, fut pour ces nations un carrefour commercial essentiel pour leur commerce avec les autres nations dont principalement la Mésopotamie.

Canaan, avant d’être un individu ou un territoire, c’est d’abord un mot qui signifie « commerce, marchand, trafic ».

Dans ce contexte, dès sa première mention, lorsqu’il est dit de Cham qu’il est « père de canaan ». il y a une ambiguïté car cela n’indique pas nécessairement ici le fait qu’il a engendré un fils nommé Canaan, mais peut se comprendre comme sa désignation comme fondateur du commerce, le père des commerçants et des trafiquants, de ceux qui vivent au carrefour commercial des nations qu’était Canaan.

La généalogie de Noé invite à mettre en parallèle ce Cham « père de Canaan » et son frère Sem « père des fils de Heber », sur la base de leur attitude différente en présence de l’ivresse de leur propre père Noé.

Le commerce est une activité orientée vers les biens matériels, les biens terrestres.

Avec un cœur ainsi tourné vers le terrestre, Cham ne cherche pas par priorité à secourir son père mais choisit par priorité de diffuser l’information (le scoop) alors même que cela peut augmenter l’humiliation de son père.

Tout au contraire, Sem adopte immédiatement et prioritairement une attitude qui cherche à couvrir l’humiliation, voire la faute de son père. La priorité est donnée à l’amour et au pardon. En fait, en couvrant son père d’un manteau, Sem agit comme Dieu lui-même dans le jardin d’Eden. Après avoir choisi de s’approprier une connaissance séparée de Dieu, Adam et Ève se sont découverts nus et honteux (dans un état qui sera celui de Noé), mais le Créateur les a couverts d’un vêtement de peau pour protéger leur vie. Ce fut le premier pardon de Dieu.

En voyant son père Noé nu et humilié, Sem a choisi l’amour et le pardon par priorité. Après avoir ainsi agi comme Dieu, il est le premier, dans la Genèse, à être reconnu non seulement comme priant Dieu ou comme marchant avec Dieu, mais comme un humain inspiré par Dieu car Noé, pour la première fois, va qualifier le Seigneur, le Créateur, YHWH (Yahveh), de « Dieu de Sem » (Gn 10, 26), le Dieu d’un humain.

Il sera de ce fait le « père » des fils d’Heber, des Hébreux, de ceux qui vont préservés de la dispersion des nations, du peuple qui adore le Créateur unique du Ciel et de la terre.

Tout au contraire, le commerce, la recherche des biens matériels du « père de Canaan », sera source d’esclavage.

C’est l’amour et le pardon qui fondent la descendance bénie. Et Canaan lui sera soumise.

Le récit de la malédiction de Canaan se révèle ainsi sous un autre jour non comme une punition mais comme une révélation. L’attention prioritaire aux choses matérielles écarte de l’amour et réduit en esclavage.

Mais, la malédiction est toute relative car Canaan ce sera aussi la terre de la promesse, la terre du peuple élu, la terre de l’incarnation du Christ et du salut.

Le pardon de Dieu vient rechercher le pécheur au plus profond des malédictions.

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Re: Question sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par Invité » mar. 22 sept. 2020, 19:21

Je propose pour ma part une autre explication, beaucoup plus simple, fondée sur la Bible. Car cette théorie du matérialisme défendue par Xavi me semble étrangère au sens du récit biblique. J'ignore si les Pères de l'Eglise l'ont développée en ce sens.

Lévitique 18,7 : "Tu ne découvriras point la nudité de ton père et la nudité de ta mère ; c’est ta mère, tu ne découvriras pas sa nudité."

Or que nous apprend Gn 9,22 ? "Cham, père de Chanaan, vit la nudité de son père, et il alla le rapporter dehors à ses deux frères."

Il n'est donc guère étonnant qu'il reçoive une malédiction contrairement à ses frères qui, "Comme leur visage était tourné en arrière, ils ne virent pas la nudité de leur père". (Gn 9,24)

La rédaction du récit dans sa forme finale intervient bien évidemment en pleine connaissance de la Loi.

J'ajouterais également qu'il me semble tout à fait plausible de souligner que la malédiction de Canaan présente un lien implicite avec la future conquête de son pays.

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Re: Question sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par gerardh » mar. 22 sept. 2020, 21:55

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Établi pour gouverner la terre, Noé donne la preuve qu'il ne sait pas se gouverner lui-même. Cham «qui se moque d'un père» (Proverbes 30:17) et s’amuse du péché, comme fait le monde aujourd'hui, attire la malédiction sur ses descendants, les Cananéens. Nous verrons qu’en effet plusieurs nations issues de Cham et mentionnées dans ce chapitre deviendront les ennemies du peuple de Dieu: Babylone (Shinhar), l'Égypte (Mitsraïm), Ninive, les Philistins et les Cananéens dont le pays sera donné en possession à Israël.

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Re: Question sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par Xavi » mer. 23 sept. 2020, 12:09

Invité a écrit :
mar. 22 sept. 2020, 19:21
Je propose pour ma part une autre explication, beaucoup plus simple, fondée sur la Bible. Car cette théorie du matérialisme défendue par Xavi me semble étrangère au sens du récit biblique. J'ignore si les Pères de l'Eglise l'ont développée en ce sens.

Lévitique 18,7 : "Tu ne découvriras point la nudité de ton père et la nudité de ta mère ; c’est ta mère, tu ne découvriras pas sa nudité."

Or que nous apprend Gn 9,22 ? "Cham, père de Chanaan, vit la nudité de son père, et il alla le rapporter dehors à ses deux frères."

Il n'est donc guère étonnant qu'il reçoive une malédiction contrairement à ses frères qui, "Comme leur visage était tourné en arrière, ils ne virent pas la nudité de leur père". (Gn 9,24)

La rédaction du récit dans sa forme finale intervient bien évidemment en pleine connaissance de la Loi.

J'ajouterais également qu'il me semble tout à fait plausible de souligner que la malédiction de Canaan présente un lien implicite avec la future conquête de son pays.
Bonjour Invité,

Je suis surpris que vous perceviez ma méditation comme une « théorie du matérialisme » … Comme vous y allez !

Mais, vous ne dites pas en quoi elle vous semble « étrangère au sens du récit biblique ».

En ce qui concerne le matérialisme, vous ne précisez pas ce que vous contestez et, en ce qui me concerne, il me semble, en effet, que le récit en cause de la malédiction de Canaan (qui signifie commerce ou marchand) nous invite effectivement à ne pas survaloriser les aspects matériels, terrestres ou physiques de la réalité, mais à faire prévaloir, au contraire, la portée spirituelle des événements concrets en cause et de la généalogie qu’ils introduisent.

Pour la question de la nudité, votre rapprochement avec le Lévitique est pertinente, mais elle n’aborde qu’un aspect limité du récit qui me semble pouvoir être compris dans le contexte plus général de la postérité de Noé expliquée dans la Genèse.

Je ne connais pas de réflexions d’un Père de l’Église qui ait détaillé la question en cause en ce qui concerne Canaan (qui n’est pas responsable de l’attitude de son père), mais cela ne nous empêche pas d’y réfléchir et d’approfondir notre intelligence de la foi, en restant, bien sûr, toujours attentif à une parfaite cohérence avec tout le reste de l’Écriture et l’enseignement de l’Église.

Et, il y a du boulot à notre époque où beaucoup croient trouver dans les avancées de la science, de la critique historique ou de l’exégèse, des motifs de mettre en doute la valeur historique de ces anciens récits de la Genèse remplis de symbolisme.

En réalité, la valeur spirituelle de l’Écriture est profondément enracinée dans l’histoire concrète.

De même que l’humain est indivisiblement corporel et spirituel, la révélation de Dieu dans l’Écriture sainte s’enracine dans l’histoire concrète même si c’est souvent avec des images et des symboles.

Vous pouvez certainement préférer une lecture « beaucoup plus simple », voire littérale, et y trouver un éclairage suffisant, mais vous conviendrez qu’une telle lecture laisse sans réponse beaucoup d’observations détaillées dans mon message précédent.

Il n’y a d’ailleurs aucune contradiction entre nos observations qui éclairent seulement des aspects différents.

Vous terminez votre réflexion en évoquant un lien possible avec la future conquête du pays.

Et vous avez raison, mais c’est précisément ce « lien » qui ne doit pas être perçu trop « matériellement ».

Vous avez compris que Canaan (qui signifie commerce ou marchand) me semble pouvoir représenter la recherche de biens matériels ou visibles et qu’il me semble qu’il faut le mettre en perspective avec les fils d’Heber qui me semblent représenter la fidélité à Dieu.

Oui, il me semble que la conquête du pays (une réalité bien matérielle) se trouve directement confrontée à la malédiction de Canaan.

À ce sujet, il me semble pertinent d’être attentif au fait que la descendance de Noé est dispersée, selon la descendance génétique, les lieux, les langages et les nations, et que, dans ce tableau, nous avons d’une part, Cham, le « père de Canaan » qui est maudit (Gn 9, 25), et, d’autre part, Sem, le « père des fils d’Heber » qui est béni (Gn 9, 26 et Gn 10, 21).

Heber, c’est celui qui précède la division du pays comme l’indique le nom de son fils aîné Peleg (Gn 10, 25).

De manière a priori étonnante, il n’est pas dit un mot de la descendance de ce Peleg dans la longue description de la descendance dispersée, alors même qu’il s’agit pourtant de l’ancêtre d’Abraham et du peuple d’Israël. Ne faut-il pas être attentif au sens de cette omission ?

La seule descendance d’Heber qui est développée est celle d’un autre fils, nommé Yoqtane, ce qui signifie « insignifiant ».

Dans ce contexte, lorsqu’il est écrit que Sem est le « père des fils d’Heber », l’omission de la descendance de Peleg me semble indiquer qu’elle n’est pas « dispersée » selon la génétique, les lieux, les langages ou les nations. Des rabbins ont développé l’idée qu’Heber était ainsi l’homme « un », universel avant la division.

Lorsqu’il est dit de Sem qu’il est le « père » des fils de son arrière-petit-fils Heber (et l’évangile de St Luc y ajoute même une génération), et que cette descendance principale est ensuite omise, ce n’est clairement pas le seul lien génétique qui compte.

Lorsque Canaan est maudit et qu’aucun territoire ne situe la descendance de Peleg, ce n’est clairement pas le territoire qui compte.

Ce qui compte, n’est-ce pas la foi, l’amour et le pardon de Sem que montre le récit où il secourt Noé et qui manifeste ainsi le « Dieu de Sem » ? N’est pas aussi le fait qu’une descendance d’Heber va éviter la division et manifester ainsi une humanité a l’image d’un « Dieu de Sem » indivisible qui est amour ?

Parce qu’elle n’est pas mentionnée dans la descendance divisée physiquement (matériellement) en lieux, en langages et en nations, cette descendance se révèle comme fondée sur une base autre.

Ce qui unit et évite la division, c’est la foi au Dieu unique, créateur du Ciel et de la terre. Dans l’antiquité où chaque peuple avait « son » dieu, puis souvent de multiples dieux en conflit, les langages religieux étaient aussi divisés que le reste, mais il y a toujours eu des humains qui ont cru que Dieu est « un », qu’il est amour, pardon et harmonie. Quoi qu’en pensent ceux qui imaginent que le monothéisme aurait été inventé au cours du premier millénaire avant Jésus-Christ.

Tant Noé que Sem ou Abraham adoraient le Dieu « un ». Même si le polythéisme était généralisé parmi les nations.

Canaan, qui est maudit, est le carrefour commercial de ces nations. Ce n’est pas ce lieu géographique qui fonde le peuple de Dieu, même si Dieu va y envoyer Abraham et y installer sa descendance.

C’est bien le matérialisme de Canaan qui éloigne de la bénédiction.

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Xavi
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Re: Sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par Xavi » ven. 02 oct. 2020, 11:18

Le récit de la Tour de Babel vient compléter la compréhension de la malédiction de Canaan.

Dans le contexte du pays des inventeurs de l’écriture (la plaine de l’eden sumérien à la confluence du Tigre et de l’Euphrate, Babel et Ur sont tous dans le pays de Shinear au sud de la Mésopotamie aussi appelé Sumer), un cœur tourné vers l’accumulation des biens terrestres (Canaan = marchand, commerce) n’est-il pas un cœur perdu, privé de la vie de Dieu ?

J’ai déjà observé ailleurs dans ce forum la résonance que « l’image de Dieu » et l’argile, dans le récit de la création de l’humain, présentent par rapport à l’écriture sumérienne gravée dans l’argile et qui, à l’origine, était faite d’images. Ne sommes-nous pas des lettres vivantes de Dieu qu’Il grave dans la matière ? L’écriture, qui permet à une pensée libre de s'exprimer dans de la matière (une tablette d’argile ou un papier avec de l’encre), n’est-elle pas un symbole particulièrement pertinent pour la création sur terre d’un être nouveau capable de partager la vie d’amour de Dieu mais aussi de lui ressembler par une pensée libre capable, à son tour, de transformer et de développer le monde matériel créé ? Un symbole pertinent pour exprimer que l’immatériel (l’incréé, Dieu) vient rejoindre notre monde (le créé) pour y créer du nouveau.

Immédiatement après la malédiction de Canaan, le récit biblique donne une longue généalogie de la descendance dispersée de Noé après le déluge puis en donne l’explication. Pourquoi Dieu a-t-il dispersé cette descendance ?

Eh bien, ici encore, on retrouve, symboliquement, de l’accumulation matérielle, celle qui me semble maudite en Canaan. Avec, à nouveau, une allusion à l’écriture, car, au lieu de fabriquer des tablettes d’argile pour écrire comme Dieu (en mettant de la pensée, de la parole, du spirituel, dans le matériel), les descendants de Noé préfèrent utiliser les briques d’argile pour les accumuler et faire monter une tour jusqu’au ciel, « dont le sommet soit dans les cieux » (Gn 11, 4).

Si nous ne nous enfermons pas dans une lecture littérale, la symbolique semble forte.

Que faire avec et dans le monde matériel, terrestre ? L’objectif est-il d’accumuler toujours et encore des biens terrestres comme le symbolise Canaan, le marchand, pour atteindre Dieu de cette manière, voire pour maîtriser les cieux, la réalité spirituelle de Dieu ?

L’objectif proposé par le Créateur n’est-il pas tout autre ? Ne s’agit-il pas plutôt de mettre de l’immatériel, du spirituel, dans la création, en harmonie d’amour avec le Créateur ?

Ne nous arrêtons pas au premier degré : il n’y a pas là une condamnation des marchands ou du commerce, en tant que tels, mais peut-être de ce qu’ils symbolisent : la priorité dans le matériel et son accumulation. On peut être un excellent marchand et donner néanmoins la priorité aux biens spirituels et à Dieu. Le commerce peut être sain lorsqu’il est un outil pour le bien commun.

Il n’y a, évidemment, pas davantage de condamnation des constructeurs de villes ou de tours. Mais, le symbole n’est-il pas éclairant ? La glaise argileuse peut être utilisée pour « l’écriture » (mettre de l’immatériel, de la pensée libre, du spirituel, dans une réalité physique) ou pour « la construction » (accumuler du matériel physique).

À cet égard, le récit biblique, qui a ses racines dans le pays de Sumer d’Abraham et de ses ancêtres, paraît se référer à une réalité historique que les Sumériens connaissaient bien. Grâce à leur écriture cunéiforme, leur langue et leur écriture étaient connues de tous et pratiquées par tous les érudits dans le monde antique. C’était la langue universelle. Sa pratique a soudainement cessé à l’époque de la destruction de Ur en 2004 avant Jésus-Christ et elle n’a plus subsisté (pendant néanmoins encore plus de mille ans) que comme langue sacrée écrite connue des seuls spécialistes, de manière comparable à la subsistance du latin après la chute de l’empire romain.

Lorsqu’ils accumulaient les briques dans le but d’édifier une tour pour la faire monter jusqu’au ciel, les humains pensaient atteindre ce ciel avec une accumulation physique. Mais, il y avait beaucoup de ziggourats en Mésopotamie et les Sumériens savaient bien que, chaque fois, il fallait arrêter la construction après quatre ou cinq étages sans avoir atteint le ciel.

Le récit s’inscrivait ainsi dans la réalité historique mais en fait une lecture spirituelle peut y révéler une action de Dieu.

C’est Lui qui « descend » vers celui qui tente vainement de « monter » vers Lui.

Et, pour les empêcher de « de faire tout ce qu’ils décideront » (littéralement : « tout ce qu’ils ont en train de planifier ») (Gn 11, 6), Dieu décide de confondre leurs langages afin qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres et de les disperser au loin.

Il me semble qu’il ne faut pas nécessairement y voir trop vite une punition ou une vengeance divine. Comme dans le jardin d’Eden, Dieu est toujours amour et pardon.

Dans le jardin d’Eden, Dieu a recouvert Adam et Ève d’un vêtement pour les protéger de la mort introduite par leur péché originel, mais il les a écartés de l’arbre de vie pour leur éviter de vivre éternellement dans la séparation et la souffrance.

Ici encore, lorsque les humains ne projettent que d’accumuler du matériel et d’en dresser une tour au cœur de leur ville pour tenter vainement et orgueilleusement de se saisir du ciel divin, le regard d’amour de Dieu ne regarde pas la réalité créée séparément de sa réalité spirituelle et du chemin de vie qu’il veut offrir aux humains.

Par la création, et plus encore plus tard par son incarnation, Dieu vient rejoindre la réalité créée et la féconder.

Le but de Dieu est toujours le même : faire partager sa vie éternelle d’amour.

En tournant leur cœur vers l’accumulation matérielle, terrestre, et en cherchant à atteindre la réalité spirituelle (le ciel) de cette manière, les humains s’engagent dans une impasse où les opinions humaines sur le divin vont se démultiplier et se perdre dans d’innombrables contradictions.

La réalité, c’est qu’il est impossible pour l’humanité d’être « un » sans communion et harmonie avec le Dieu « un ».

Dans le jardin d’Eden, il fallait les empêcher de « vivre éternellement ». À Babel, il fallait les empêcher de « faire tout ce qu’ils sont en train de planifier » car c’est un sommet matériel incapable d’atteindre les cieux dont la vaine recherche ne peut que les égarer loin de la communion avec Dieu et de la vie d’amour sans souffrance ni mort à laquelle Dieu les invite.

Le but des humains était de consolider leur communauté et d’éviter leur dispersion, mais, en essayant vainement de se saisir de Dieu par des moyens terrestres et leurs efforts, que symbolise la tentative de construire une tour « dont le sommet atteint le ciel ». En vain, car les humains qui cherchent ainsi à s’emparer de Dieu se perdent simplement dans leurs tentatives. Seul Dieu peut « descendre » au niveau de l’humain, mais l’humain est incapable d’atteindre Dieu par ses propres moyens terrestres. Le créé ne peut atteindre l’incréé. Seul l’inverse est possible.

La construction matérielle d’une tour pour atteindre les cieux n’était pas l’objectif initial de croître et multiplier, de se soumettre toute la création, que Dieu a voulu pour l’humanité, mais un objectif enfermé en un lieu et sur la base d’une accumulation exclusivement matérielle et terrestre.

Sur la base d’une lecture littérale du texte, on peut cependant se demander pourquoi donc, dans le récit biblique, Dieu a-t-il voulu embrouiller leurs langues pour qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres ?

C’est là une question qui paraît insoluble si la parole de Dieu est entendue littéralement selon la compréhension humaine des liens de causalité. Est-ce que Dieu « cause » la mésentente et l’incompréhension entre les humains en ce sens que, sans une nouvelle intervention divine dans l’histoire, cette mésentente et cette incompréhension n’auraient pas existé ?

Un tel raisonnement n’est-il pas obscur par rapport à la réalité spirituelle ?

Ne faut-il pas plutôt chercher davantage à comprendre la parole de Dieu, dans le récit biblique de la tour de Babel, comme une révélation de Dieu et de la réalité de sa création ?

Dieu dit ce qui est. Pour les anciens, dans le langage biblique, cela peut souvent s’exprimer sous la forme « Dieu veut ou décide ce qui est ». Mais, la volonté de Dieu n’était-elle pas souvent une volonté de respecter la liberté des humains qu’Il a voulu libres pour être capables de partager sa vie d’amour ?

La division et la mésentente étaient depuis longtemps dans le cœur des humains. Ils n’avaient, hélas, pas besoin d’une intervention divine pour se disputer, se diviser et se disperser.

C’est bien par l’action des humains que la langue universelle sumérienne a disparu dans l’histoire concrète. Mais, c’est aussi, réellement, la volonté de Dieu qui s’est ainsi accomplie.

L’accumulation des biens terrestres symbolisée par Canaan n’atteindra jamais le Ciel.

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Re: Sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par Invité » sam. 10 oct. 2020, 7:27

Vos interprétations sont décidément alambiquées Xavi.

Encore une fois, parce que l'une des significations de Canaan pourrait être "marchand", vous construisez tout un raisonnement à partir de cette seule supposition, tout en vous éloignant complètement du texte biblique. Pour information, l'une des significations également acceptées pour Canaan est "terres basses", une autre, répandue elle aussi, et certainement la plus acceptée, est la référence aux teintures rouges que le peuple local réalisait.

Les préoccupations que vous développez sont étrangères au récit de la Tour de Babel dont le sens consiste une nouvelle fois à démontrer la désobéissance de l'homme face à la volonté de Dieu.

Gn 9,1 : Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : " Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre."

Au lieu de remplir la terre, que décident de faire les hommes ? L'inverse !

Gn11, 4 : Ils dirent encore : « Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet soit dans le ciel, et faisons-nous un monument, de peur que nous ne soyons dispersés sur la face de toute la terre. »

Ils veulent rester grouper !

Quant à Dieu qui "descend", ce n'est absolument pas pour répondre par amour à l'homme qui tente de monter à lui. Vous voyez bien que l'homme n'est pas dans ce récit dans un cheminement spirituel pour répondre à l'appel de Dieu mais dans une logique d'opposition à Dieu.

Dieu, dont l'AT dit qu'il est au Ciel, descend "pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes". Il n'est nullement question de tendre la main à l'humanité mais de constater l'ouvrage de leur rébellion.

Dieu descend de sa maison (le Ciel) pour vérifier de ses propres yeux les activités de l'homme. On retrouve exactement la même idée juste avant la destruction de Sodome et Gomorrhe :

Et Yahweh dit : " Le cri qui s’élève de Sodome et de Gomorrhe est bien fort, et leur péché bien énorme. Je veux descendre et voir si, selon le cri qui est venu jusqu’à moi, leur crime est arrivé au comble ; et s’il n’en est pas ainsi, je le saurai. " (Gn 18,20-21)

Vous êtes tout à fait libre de développer votre propre théologie mais il serait peut-être judicieux d'avertir les lecteurs non informés qu'elle n'est ni développée dans le catechisme de l'Eglise catholique ni par ses Pères.

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Re: Sur Canaan, petit-fils de Noé

Message non lu par Xavi » sam. 10 oct. 2020, 11:21

Bonjour Invité,

Merci pour vos réflexions.

La négativité de votre réaction est cependant étonnante pour un sujet qui, en effet, n’attire guère l’attention.
Invité a écrit :
sam. 10 oct. 2020, 7:27
Vos interprétations sont décidément alambiquées Xavi.

Vous êtes tout à fait libre de développer votre propre théologie mais il serait peut-être judicieux d'avertir les lecteurs non informés qu'elle n'est ni développée dans le catechisme de l'Eglise catholique ni par ses Pères.
Je ne vois rien dans mes messages qui développe une théologie personnelle ou originale, ni une quelconque incohérence de mes médiations par rapport à l’enseignement des Pères ou de l’Église.

Vos griefs irrités ne répondent d’ailleurs rien aux détails et observations des messages postés, mais proposent seulement d’autres interprétations qui ont certes leur valeur, mais ne contredisent pas d’autres approches possibles.

Vous semblez seulement considérer que les textes bibliques ne seraient susceptibles que d’une seule lecture ou d’une seule interprétation à la manière des fondamentalistes protestants qui pensent que la Bible est « claire ».
Invité a écrit :
sam. 10 oct. 2020, 7:27
Les préoccupations que vous développez sont étrangères au récit de la Tour de Babel dont le sens consiste une nouvelle fois à démontrer la désobéissance de l'homme face à la volonté de Dieu.
Le sens que vous relevez est bien exact, mais il me semble que c’est à tort que vous pensez pouvoir y limiter le sens du texte et considérer comme « étrangères » les réflexions que j’ai développées d’un autre point de vue.

Les textes bibliques, comme d’ailleurs tous les écrits humains, sont susceptibles de plusieurs niveaux de lecture et de points de vue différents qui ne sont pas en contradiction du seul fait de leurs différences.
Invité a écrit :
sam. 10 oct. 2020, 7:27
Gn 9,1 : Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : " Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre."

Au lieu de remplir la terre, que décident de faire les hommes ? L'inverse !

Gn11, 4 : Ils dirent encore : « Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet soit dans le ciel, et faisons-nous un monument, de peur que nous ne soyons dispersés sur la face de toute la terre. »

Ils veulent rester grouper !

Quant à Dieu qui "descend", ce n'est absolument pas pour répondre par amour à l'homme qui tente de monter à lui. Vous voyez bien que l'homme n'est pas dans ce récit dans un cheminement spirituel pour répondre à l'appel de Dieu mais dans une logique d'opposition à Dieu.

Dieu, dont l'AT dit qu'il est au Ciel, descend "pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes". Il n'est nullement question de tendre la main à l'humanité mais de constater l'ouvrage de leur rébellion.

Dieu descend de sa maison (le Ciel) pour vérifier de ses propres yeux les activités de l'homme. On retrouve exactement la même idée juste avant la destruction de Sodome et Gomorrhe :

Et Yahweh dit : " Le cri qui s’élève de Sodome et de Gomorrhe est bien fort, et leur péché bien énorme. Je veux descendre et voir si, selon le cri qui est venu jusqu’à moi, leur crime est arrivé au comble ; et s’il n’en est pas ainsi, je le saurai. " (Gn 18,20-21)
Tout cela est bien exact et je suis entièrement d’accord avec vos observations, mais en quoi y voyez-vous une contradiction avec les messages que vous critiquez ?
Invité a écrit :
sam. 10 oct. 2020, 7:27
parce que l'une des significations de Canaan pourrait être "marchand", vous construisez tout un raisonnement à partir de cette seule supposition, tout en vous éloignant complètement du texte biblique.
Vous avez raison d’observer que je médite le texte en cause à partir de l’une des significations du mot « Canaan ». Cela ne supprime, ni ne contredit en rien les autres interprétations possibles, ni leur valeur pour éclairer d’autres aspects du récit sacré.

Par contre, vous ne précisez en rien en quoi vous pensez que la réflexion proposée s’éloignerait « complètement » du texte biblique. Un tel grief n’est pas fondé si vous ne répondez pas aux observations proposées et que vous vous limitez à en proposer d’autres qui ne les contredisent en rien.


NB : L’ensemble de mes réflexions concernant l’historicité d’Adam et Ève et du livre de la Genèse a été développé dans une synthèse réactualisée ce 24 mai 2023, sous le titre « Un jardin dans l’Eden », disponible en pdf dans la section Théologie de ce forum sous l’intitulé « Évolution, création, incarnation : un livre à télécharger » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 92&t=20369

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