PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

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PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Pylanalyste » mar. 08 nov. 2022, 23:57

Bonsoir à tous,

Je suis un petit peu perdu à certains moments de la messe, notamment au moment où il faut s’agenouiller. Dans ma paroisse, j’observe que cette pratique n’est pas effectuée uniformément, je ne peux donc pas le faire par mimétisme. Comme toujours lorsque je me pose une question, je cherche la réponse à la source. En ce qui concerne la liturgie, sauf erreur, il s’agit de la PGMR. Voici ce que j’ai pu trouver :

43
Ils s´agenouilleront pour la consécration, à moins que leur état de santé, l´exiguïté des lieux ou le grand nombre des participants ou d´autres justes raisons ne s´y opposent. Ceux qui ne s’agenouillent pas pour la consécration feront une inclination profonde pendant que le prêtre fait la génuflexion après la consécration.

Il me reste donc à trouver à quand exactement débute et s’achève la consécration. Le PGMR me semble être moins précis à ce sujet. Les articles 149 à 151 me font penser que la consécration à lieu du Sanctus juste après la préface à Mysterium fidei.

Est-ce bien cela ?

En vous remerciant de m’avoir lu, je vous souhaite à tous une très belle soirée.

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Fée Violine » mer. 09 nov. 2022, 8:42

Normalement, on s'agenouille après le Sanctus et on se relève juste avant le Notre Père, après le Per Ipsum. Mais parfois on se relève en effet juste après la consécration.

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Pylanalyste » mer. 09 nov. 2022, 23:32

Merci, Fée Violine, pour votre réponse.

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Olivier C » sam. 12 nov. 2022, 1:58

Fée Violine a écrit :
mer. 09 nov. 2022, 8:42
Normalement, on s'agenouille après le Sanctus et on se relève juste avant le Notre Père, après le Per Ipsum. Mais parfois on se relève en effet juste après la consécration.
Précisons ici que le per ipsum, le "par lui, avec lui et en lui", avec le amen final prononcé par les participants qui ratifient ainsi toute la prière eucharistique, termine la prière de consécration. C'est pourquoi se relever avant ce moment-là n'a pas beaucoup de sens, bien que beaucoup le font.

Lorsque j'étais séminariste à Bordeaux, il y a 20 ans, chacun faisait sa petite sauce, avec la guerre de clocher qui allait avec, dans une ambiance "catho tradi" (ou "pseudo tradi" selon notre manière de voir les choses). Du coup, moi qui n'y connaissais rien, j'avais décidé de m'aligner sur la PGMR après l'avoir lu. Tout comme vous aujourd'hui.
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Pylanalyste » sam. 12 nov. 2022, 11:54

Bonjour Olivier,

Je vous remercie pour votre réponse.

Je suis confus concernant un point : à quel moment exactement la consécration s’achève-t-elle ?

Jusqu’ici, je pensais (après lecture des points 79d et 151 de la PGMR) qu’elle s’achevait à Mysterius Fidei...

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prodigal
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par prodigal » sam. 12 nov. 2022, 12:36

Je pensais la même chose que vous, cher Pylanalyste, et même je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu autre chose. Moi aussi, donc, je veux bien être éclairé sur ce point.
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Olivier C » lun. 14 nov. 2022, 8:14

Olivier C a écrit :
sam. 12 nov. 2022, 1:58
Précisons ici que le per ipsum, le "par lui, avec lui et en lui", avec le amen final prononcé par les participants qui ratifient ainsi toute la prière eucharistique, termine la prière de consécration.
Pylanalyste a écrit :
sam. 12 nov. 2022, 11:54
Je suis confus concernant un point : à quel moment exactement la consécration s’achève-t-elle ? Jusqu’ici, je pensais (après lecture des points 79d et 151 de la PGMR) qu’elle s’achevait à Mysterius Fidei...
Vous avez raison, la prière de consécration se termine bien avec "vous ferez cela en mémoire de moi" suivit par la proclamation du mystère de la foi.

Je n'aurais pas dû dire que le "par lui, avec lui et en lui" termine "la prière de consécration" mais bien plutôt les paroles de consécration (je voulais insister sur ce point mais vous ai induit en erreur). Parce que, même si l'on découpe en différente phases la prière eucharistique, jusqu'à distinguer un point culminant avec la "prière de consécration"... c'est bien toute la prière eucharistique qui est consécratoire.

Et oui, car tout n'est pas aussi simple. À quel moment de la prière eucharistique les espèces changent-elles de nature ? Et s'il n'y avait pas de prière de consécration telle que nous la connaissons dans notre tradition latine ?

Lorsque j'étais au séminaire - 20 ans déjà ! - une des grande question liturgique du moment était la validité à accorder à l'anaphore d'Addaï et Mari, une prière eucharistique assyrienne, d'origine très ancienne. Sa particularité est qu'elle ne contient pas la prière consécratoire telle que nous la connaissons, c'est à dire le récit de l'institution. Débats passionnés chez les liturges d'alors ! Je vous spolie la fin : le Saint Siège a reconnu en 2005 la validité de cette prière eucharistique. En fait les éléments qui nous semblent essentiels à nous latin sont contenus ailleurs, sont une forme différente, dans cette prière eucharistique.

Cet épisode qui correspond à ma formation d'alors ne me fera jamais oublier ce point : c'est bien toute la prière eucharistique qui est consécratoire, et non seulement l'imposition des mains, et non seulement les paroles de Jésus reprise par le prêtre. Que les différents moments comme le Sanctus de l'assemblé et l'Amen final prononcé par cette même assemblée ont leur importance. La PGMR en garde une trace d’ailleurs, c'est pourquoi elle dit, après avoir recommencé l'agenouillement lors de la seule consécration :
PGMR n°43 a écrit :Là où il est de coutume que le peuple demeure à genoux depuis la fin du Sanctus jusqu’à la fin de la Prière eucharistique, et avant la communion quand le prêtre dit Ecce Agnus Dei (Voici l’Agneau de Dieu), il sera bon de conserver cette coutume.
Me voici depuis plus "tradi" qu'un tradi...

Et c'est à mon tour d'être troublé : en vous écrivant cette réponse j'ai relu quelques textes, et je vois que le dictionnaire pour la liturgie de Le Gall et même Benoit XVI en son temps se contentent de recommander l'agenouillement lors de la seule consécration.
Benoît XVI, Sacramentum Caritatis, n°65 a écrit :Je pense, d'une manière générale, à l'importance des gestes et des postures, comme le fait de s'agenouiller pendant les moments centraux de la prière eucharistique.
Mais leurs recommandations tiennent peut-être compte du contexte actuel, on revient tellement de loin...
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par cmoi » lun. 14 nov. 2022, 10:34

Bonjour Olivier,

je pense que ce qui "gêne" l'agenouillement jusqu'au "per ipsum" etc. c'est l'acclamation qui a été introduite après la consécration.
De fait, une acclamation se fait debout !
En "puriste", il faudrait alors se relever pour la faire, puis se ragenouiller... Par simplification, on (acté par Benoit XVI) reste debout...
Ceci sans juger de tout ce qui se fait d'autre et des habitudes mais pour rester "dans le ton" de la conversation du fil...

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Kerygme » lun. 14 nov. 2022, 13:52

Je me permettrai d'ajouter ceci : il existe aussi des traditions locales. L'évêque étant le seul liturge du diocèse, il peut donc s'il le souhaitait apporter des modifications.

Par exemple, en Alsace, nous avons pour tradition - héritée de l'Église Allemande - de nous agenouiller tout de suite après le Sanctus pour nous relever après l'Anamnèse. Là où je rejoins beaucoup c'est que c'est devenu un peu chaotique : certains raccourcissent, d'autres rallongent.
C'est aussi pourquoi nos servants d'autel continuent de tintinnabuler alors que cela n'est plus obligatoire.

Mais est-ce le plus important ? En général notre corps exprime ce que nous vivons dans la liturgie, l'important n'est-il pas la disposition intérieure à s'agenouiller plutôt que le mimétisme ou le scrupule ?
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par cmoi » mer. 16 nov. 2022, 5:46

Kerygme a écrit :
lun. 14 nov. 2022, 13:52
Mais est-ce le plus important ? En général notre corps exprime ce que nous vivons dans la liturgie, l'important n'est-il pas la disposition intérieure à s'agenouiller plutôt que le mimétisme ou le scrupule ?
Il me semble qu’il y a eu une sorte d’ambiguïté sur l’agenouillement qui est un acte d’adoration pure, et qui peut devenir un acte de mortification et du coup sujet à cautions et controverses. Cette seconde compréhension a porté préjudice à la première, quand elle ne correspondit plus bien aux mœurs en vigueur.
Au départ, l’agenouillement me fait penser à ces chiens qui s’allongent et tendent leur cou pour se soumettre à plus fort. Il exprime aussi la soumission, la sujétion, et pouvait devenir admiratif/affectueux (mais de moins en moins en accord avec l’évolution des mœurs).
Mais ensuite, les révérences de cour en ont insidieusement « saboté » l’usage : fatuité de celui qui la « fait bien », refus de s’abaisser de cœur, et finalement elle devenait une forme possible de pied de nez masqué… Il valait mieux pas de révérence qu’une révérence au rabais ou sans âme, faite pour la galerie, et des comparaisons suscitant plein de distractions et de mauvaises pensées …

Je vais maintenant sortir du ton du fil, qui assurait une rare maîtrise et neutralité sur le sujet, mais il faut bien dire les choses…

Pourquoi, lors du changement de liturgie, les agenouilloirs ont-ils si rapidement disparu des églises (sauf souvent du premier rang) ? Il devenait difficile de s’agenouiller pour beaucoup (sans compter la tuile pour les vêtements propres…)
Sans doute ? (indépendamment des impacts liés à mes considérations ici préalables ) à cause de ceux qui auraient pris prétexte de l’acclamation pour ne plus s’agenouiller du tout (je reviens au thème du fil)… mais qui ont fait décider pour les autres et sans préavis ni leur demander leur avis.
Cela semble donner raison aux tradis (aussi comme quoi la conception de la « nouvelle messe » fut bâclée), mais ce ne fut qu’un épisode bien court et ensuite, on ne peut pas « passer sa vie » à le reprocher… Et si les tradis n’avaient pas « attaqué » cette messe, elle aurait pu doucement évoluer, mais il a fallu la rigidifier, la figer, pour « résister » à ceux qui avaient décidé de passer à l’attaque au lieu de collaborer à l’améliorer.

Malgré tout, la disposition intérieure est aussi entraînée par les gestes extérieurs, une fois qu’ils sont bien « cadrés ». Mais ainsi, les orthodoxes ont toujours donné à la station debout un sens de « toujours prêt » et donc d’adoration active qu’il nous est possible d’adopter.. ou un autre. Comme les juifs qui mangeaient la pâque debout et « équipés ».
L’important, c’est que cela « fasse sens » et que le sens soit élevé et contribue à la prière. Il est clair que les conditions d’accueil et d’équipement dans nos Eglises aujourd’hui ont le plus souvent marginalisé le sens de l’agenouillement et que cela se retrouve dans nos mœurs. Il nous reste à retrouver autrement un sens profond d’adoration, de cesser d’hésiter entre ce qui ne se fait plus et ce qui pourrait se faire, de retrouver la fierté d’adorer et une autre forme d’humilité, de liberté aussi.
Car actuellement, un seul qui s’agenouille, c’est comme un reproche fait à l’assemblée !

Je pense qu’il y a un changement profond et souterrain, relatif au type de relation entretenu avec Jésus (moins passif, plus engagé... moins axé sur la sujetion et plus sur la relation d'amitié), et qui explique les choses assez bien. Le problème c’est que cela n’a pas été formellement formalisé pour éviter un côté trop « disciplinaire », favoriser la liberté, les initiatives et la sincérité…
Ce qui suppose pour que cela agisse des « formations » et une piété solides !

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Kerygme » mer. 16 nov. 2022, 10:10

Bonjour Cmoi,

Je vous rejoins sur l'ambiguïté, j'y ajouterai l'enseignement qui au travers de notre Histoire fait paraitre la position d'agenouillement comme une position de dominé ou de soumis dans le sens très humain du terme. On a bien entendu occulté son sens ecclésial perçu forcément à contre courant.
cmoi a écrit :
mer. 16 nov. 2022, 5:46
Pourquoi, lors du changement de liturgie, les agenouilloirs ont-ils si rapidement disparu des églises (sauf souvent du premier rang) ? Il devenait difficile de s’agenouiller pour beaucoup (sans compter la tuile pour les vêtements propres…)
Il ne faut pas généraliser.
Comme je ne peux parler que de ce que je connais, pardonnez que je parle de mon entourage. Je vais généralement dans 4 paroisses (les deux de ma communauté, une dans la famille, et une autre lorsque je suis en formation diaconale) et trois d'entre elles ont des agenouilloirs; fixes ou mobiles. Et bien leur présence n'invite pas plus de monde à s'agenouiller - qu'ils soient prêtres, diacres ou laïcs - et leur absence n'empêche pas plus ceux qui en ont la disposition intérieure de le faire.

Quand je vais à la cathédrale - où même à celle près de chez vous - où il n'y a pas d'agenouilloirs rien n'empêche d'anticiper en se mettant à une place latérale qui permet d'avoir un espace libre pour le faire. J'ai rarement vu une église justifiant un empêchement matériel, ou sale pour trouver une justification vestimentaire. Un petit carré de tissu sous les genoux peut surmonter cette épreuve Ô combien bloquante :/

Je vais (encore) déborder un peu.

Le constat que je fais et qui me semble le vôtre également c'est que, souvent, le regard des autres l'emporte sur la disposition intérieure alors que c'est un beau témoignage. Une image m'est restée à l'esprit : M. Lech Wałęsa qui s'agenouillait (il était le seul) en costume devant une chaise (car il n'y avait même pas d'agenouilloir au premier rang) lors de la messe quand il était président de la Pologne, quel beau témoignage ! A l'époque j'étais non croyant, c'est dire si son geste a eu un impact et m'a plus tard aidé à méditer sur l'humilité.

Alors me vient naturellement cette réflexion : faut-il qu'il y ait des agenouilloirs pour se mettre à genoux ou est-ce la résultante de nos habitudes confortables ? (je pourrais même faire le parallèle avec le chauffage dans les églises).
Posture qui n'est pas une soumission mais une juste attitude de la créature devant son Créateur dans un acte d'humilité et de dévotion, comme dans la parabole du pharisien et du publicain où ces postures sont mises en opposition.

N'omettons pas non plus nos anciens dont les genoux ne plient plus pour des raisons mécaniques.

C'est bien pourquoi je parlais de l'importance de la disposition intérieure, et vous aussi, car si c'est « pour être vus des hommes » (Matthieu 6:6) ou faire parce que cela doit être fait ... alors à titre personnel, je préfère l'honnêteté de celui/celle qui prendra la posture qui reflète sa disposition intérieure devant Dieu. Que leur oui soit un vrai oui, ou leur non un vrai non, pour le reste Dieu seul sera juge; des tièdes aussi.
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Jean-Mic » mer. 16 nov. 2022, 19:02

cmoi a écrit :
mer. 16 nov. 2022, 5:46
Il me semble qu’il y a eu une sorte d’ambiguïté sur l’agenouillement qui est un acte d’adoration pure, et qui peut devenir un acte de mortification et du coup sujet à cautions et controverses. Cette seconde compréhension a porté préjudice à la première, quand elle ne correspondit plus bien aux mœurs en vigueur.
Au départ, l’agenouillement me fait penser à ces chiens qui s’allongent et tendent leur cou pour se soumettre à plus fort. Il exprime aussi la soumission, la sujétion, et pouvait devenir admiratif/affectueux (mais de moins en moins en accord avec l’évolution des mœurs).
Mais ensuite, les révérences de cour en ont insidieusement « saboté » l’usage : fatuité de celui qui la « fait bien », refus de s’abaisser de cœur, et finalement elle devenait une forme possible de pied de nez masqué… Il valait mieux pas de révérence qu’une révérence au rabais ou sans âme, faite pour la galerie, et des comparaisons suscitant plein de distractions et de mauvaises pensées …
Vous avez d'autant plus raison que le geste de l'agenouillement n'est pas à l'origine un geste chrétien !
Pendant les premiers siècles chrétiens, pas d'agenouillement ! La posture de l'adoration issue de la chrétienté romaine, c'est la posture de l'orant. C'est la seule qu'on puisse voir dans les catacombes, sur les sarcophages romano-chrétiens, etc. Son archétype, largement diffusé dans l'Orient chrétien, et toujours d'actualité jusque dans les icônes contemporaines, est ... l'Orante, en l'occurrence la Vierge Marie, modèle de celle qui prie et adore. Elle se tient debout, les mains levées, paumes visibles.
Le geste de l'agenouillement est apparu très tardivement et en Occident seulement ! Il est l'imitation d'un geste de respect et de soumission venu du monde germanique, où le sujet s'agenouillait devant son prince, le soldat devant son chef. D'ailleurs, à ma connaissance, il n'y a pas d'agenouillement chez les chrétiens orthodoxes et chez la plupart des catholiques des rites orientaux.

Même en Occident, la Vierge agenouillée n'apparaît dans l'imagerie qu'à la toute toute-fin du Moyen-Âge. Idem pour les saints, les patriarches ou les prophètes. Pas d'agenouillement dans les mosaïques byzantines ou carolingiennes ! Pas plus sur les chapiteaux romans ! Pas plus sur les tympans gothiques ! A ces époques encore, les personnages sont le plus souvent représentés debout. Mais les plus nombreuses et les plus belles images de la Vierge nous la montre ... assise ! Les représentations de la Vierge agenouillée à l'Annonciation n'apparaissent qu'au cours du Quattrocento (15ème s. italien) et ne deviendront vraiment courantes qu'avec la Renaissance. Or si l'agenouillement est jusque-là absent des représentations, c'est tout simplement qu'il n'était pas ou peu pratiqué dans la liturgie, et même dans la vie de tous les jours hors du cadre militaire cité plus haut.

Par ces considérations historiques et liturgico-géographiques, je ne vise pas à dénigrer le "bel agenouillement d'un homme libre" comme disait Péguy (quel bel oxymore !). Je ne veux que replacer le geste de l'agenouillement dans le contexte liturgique qui est le sien : celui pratiqué par des millions de chrétiens de rite occidental au cours de plusieurs siècles d'Histoire. Il est bien clair que, parmi tous les gestes possibles et imaginables, le geste d'un chrétien qui s'agenouille devant son Dieu comme un serviteur devant celui qu'il reconnaît comme son maître est riche de sens. Il n'est néanmoins pas le seul et, comme toute l'Histoire de la liturgie le montre, d'autres gestes peuvent être tout aussi signifiants dans des circonstances similaires.

Enfin, en parlant plus haut des Vierges assises, on a pu se rendre compte que la position assise n'était pas seulement une position confortable d'attente, encore moins une non-position liturgique. Elle est, les Vierges à l'Annonciation le prouvent, la position de celle qui se laisse enseigner et qui se met à l'écoute de Dieu. Ah ! Puissions-nous nous en souvenir lorsque nous sommes assis à l'église !
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par Pylanalyste » jeu. 17 nov. 2022, 0:09

Bonsoir à tous,

Je vous remercie infiniment pour le temps que vous consacrez à répondre à mes interrogations, j’ai beaucoup appris en lisant chacune de vos réponses.

Comme souvent, une réponse suscite de nouvelles questions :

En effet, comme vous l’avez précisé, cher Olivier C, la PGMR indique ceci :

PGMR Article 43
[…] Il appartient toutefois à la Conférence des évêques d´adapter les gestes et les attitudes décrits dans l’Ordinaire de la messe à la mentalité et aux justes traditions des peuples, selon la norme du droit[53]. On veillera cependant à ce qu´ils correspondent au sens et au caractère des différentes parties de la célébration. Là où il est de coutume que le peuple demeure à genoux depuis la fin du Sanctus jusqu’à la fin de la Prière eucharistique, et avant la communion quand le prêtre dit Ecce Agnus Dei (Voici l’Agneau de Dieu), il sera bon de conserver cette coutume.[…]

Ainsi, j’ai tenté de trouver l’avis de la Conférence des évêques de France sur la question, et je n’ai rien trouvé de tel. Quelqu’un aurait-il une piste ou une source ? Un tel document existe-t-il ?

D’autre part, cher Cmoi, vous indiquez ceci :
cmoi a écrit :
lun. 14 nov. 2022, 10:34

Bonjour Olivier,

je pense que ce qui "gêne" l'agenouillement jusqu'au "per ipsum" etc. c'est l'acclamation qui a été introduite après la consécration.
De fait, une acclamation se fait debout !
En "puriste", il faudrait alors se relever pour la faire, puis se ragenouiller... Par simplification, on (acté par Benoit XVI) reste debout...
Ceci sans juger de tout ce qui se fait d'autre et des habitudes mais pour rester "dans le ton" de la conversation du fil...
C’est très intéressant et votre conclusion me paraît tout à fait sensée. Cependant -et je vous prie de bien vouloir me pardonner cette interrogation si candide- j’ignore pourquoi une acclamation doit être réalisée debout et la PGMR ne me dit rien à ce sujet. Pourquoi est-ce ainsi ?

cmoi
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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par cmoi » jeu. 17 nov. 2022, 6:03

Pylanalyste a écrit :
jeu. 17 nov. 2022, 0:09
j’ignore pourquoi une acclamation doit être réalisée debout et la PGMR ne me dit rien à ce sujet. Pourquoi est-ce ainsi ?
Je pourrais vous répondre que « c’est la tradition », mais c’est aussi très intuitif. L’acclamation païenne ou civile (qui est en train d’envahir les Eglises en certaines occasions, et c’est un signe inquiétant à la base, mais qui peut annoncer une mutation, laquelle est à surveiller…) se fait par des applaudissements, n’est-ce pas ?
Or quand on veut lui donner un « plus », ou bonus, ne se fait-elle pas debout ?
A l’Eglise, quand il est le temps d’une acclamation, cette position debout signifie que ce bonus est systématiquement requis pour Dieu, que c’est la moindre des choses, et le chant liturgique peut couronner le tout.

D’autres fois, la position debout signifie seulement la politesse. Elle est donc aussi la position de base, et plus interactive que les autres, celle des échanges. Une explication partielle serait de comparer à quand vous êtes invité chez quelqu’un : vous ne devriez pas vous asseoir avant d’y être invité.
La position assise (tant que j’y suis) signifie l’écoute. Elle est très importante face à Dieu et doit être orante, comme l’a bien exprimé et défendu Jean-Michel. Elle correspond à sa manière à un certain recueillement, mais moins que l’agenouillement qui est aussi curieusement plus actif ou intense, plus « solitaire » aussi – dans la prière de pas seulement l’adoration.
Jean-Mic a écrit :
mer. 16 nov. 2022, 19:02
Pendant les premiers siècles chrétiens,
Merci pour ce bref aperçu historique et récapitulatif
Kerygme a écrit :
mer. 16 nov. 2022, 10:10
Alors me vient naturellement cette réflexion : faut-il qu'il y ait des agenouilloirs pour se mettre à genoux ou est-ce la résultante de nos habitudes confortables ? (je pourrais même faire le parallèle avec le chauffage dans les églises).
Je m’étais posé cette question après les changements initiés par le concile. Mais comme vous le dites vous-même ensuite, j’avais l’exemple de ma grand-mère pour penser que :
Kerygme a écrit :
mer. 16 nov. 2022, 10:10
N'omettons pas non plus nos anciens dont les genoux ne plient plus pour des raisons mécaniques.
Et j’étais envoyé comme « éclaireur » pour réserver les places. L’ennui c’est que les autres familles faisaient pareil avec leurs enfants vaillants, et je vous laisse deviner la suite qui fit que des rangs d’agenouilloirs furent rajoutés par le clergé.
Aujourd’hui, suite à une chute, je fais partie de ceux qui ont besoin d‘un agenouilloir pour prendre la position sans dommage !
Il n’empêche que c’est exagérer quelque peu de penser que sans, c’est inoffensif. Vous pensez en homme avec pantalon et bien portant. Pensez-vous aux jupes et robes, aux toilettes féminines ? Imaginez le sol en période de pluie ou de neige ? Réellement, cela devient un acte de mortification et non plus d’adoration…
Kerygme a écrit :
mer. 16 nov. 2022, 10:10
Il ne faut pas généraliser.
Je retrouve bien là votre souci de défendre le concile, mais pour une fois que les tradis ne se manifestent pas dans une discussion dont ils pourraient profiter, soyons honnêtes : Il y a bien eu, de la part des évêques en retour d’une session de ce dernier concile, un enthousiasme inexplicable qui les conduisit à un comportement étrange autant qu’inexpliqué. Dans son livre « Dieu ou rien » le cardinal Sarah en parle lui-même (ce fut donc à portée internationale – ou « catholique »), qui ni le critique ni l’explique – pourtant, il connaissait bien l’évêque et en prendra la succession, j’en aurai donc attendu une de lui…
On peut deviner que l’explication en soit la nécessité de briser des habitudes, d’empêcher un « retour arrière » etc., moins l’enthousiasme qui leur fut donné dans la mise en œuvre de ces changements (sinon que le St -Esprit avait soufflé) mais le constat était quand même décoiffant et ne concerna pas que les agenouilloirs.
Si l’Alsace est « à part » pour certaines raisons historiques en catholicisme, j’ignore s’il faut y voir une différence en cela, mais la situation n’en est pas à ce que chacun ait son agenouilloir comme c’était le cas et ceux en voulant un (plus assez pour que ce soit encore vrai, certes, mais plus assez ne choisissent aussi cette attitude et préfèrent « l’option » de rester debout et s’incliner) doivent se livrer à ce jeu bien connu de « la chaise qui manque ».

Nous sommes tous d’accord que cette attitude n’a pas le monopole de ce qu’elle signifie et traduit, mais le fait d’avoir supprimé le matériau qui la permet et de continuer à la prôner comme la meilleure a quelque chose d’anachronique, comme si nous étions encore « en transitoire » (ce que je crois, mais cela devient trop long comme transition !)

Vous parlez d’un choc spirituel quand incroyant vous voyiez Lech Walesa s’agenouiller (et je m‘en souviens aussi) lors ne dédaignez pas celui d’un enfant catho de bonne famille allant se glisser dans la crypte de sa paroisse (devenue interdite d’accès ! Mais comme certains étaient réapparus « en haut », je voulais en avoir le cœur net…) pour la voir inutilisable car devenue l’entrepôt de tous ces agenouilloirs en chaos, décrétés tabous ou obsolètes.
Il est vrai que peu virent ce spectacle dont je n’oublierai jamais l’émotion qu’elle produisit en moi…

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Re: PGMR - Les gestes et attitudes du corps - Agenouillement

Message non lu par cmoi » jeu. 17 nov. 2022, 7:39

Pylanalyste a écrit :
mar. 08 nov. 2022, 23:57
Je suis un petit peu perdu à certains moments de la messe, notamment au moment
Pardonnez-moi de détourner ce moment et de vouloir parler de l’offertoire, car mes explications précédentes ne vous permettent pas de comprendre pourquoi l’assistance est alors assise : il n’y a rien à « écouter », ce serait une erreur de le croire, mais « participation active ».

C’est d’ailleurs la clé du changement liturgique initié par la « nouvelle messe » et qui repose, de l’avis unanime mais diversement apprécié, sur une volonté de faire davantage « participer » les fidèles.
On pense alors souvent à la prière universelle, aux lectures, à l’orientation de l’autel, au baiser de paix, aux chants, à « l’ambiance », au latin remplacé, etc. mais c’est une erreur.

C’est théologiquement surtout au moment de l’offertoire et qui « condense » l’essentiel du changement. Relisez l’ancien texte (aux propos très beaux et majestueux, mais centrés sur la péroraison du prêtre) et reprenez le nouveau, c’est flagrant et cela tient d’abord en peu de mots prononcés, car le nouveau est délibérément sobre : « et du travail des hommes ». Et ensuite dans les 2 réponds ajoutés alors qu’il n’y en avait aucun « béni soit…etc. »

L’offertoire, c’est le moment où chacun apporte « sa peine » et tous ses mérites « de la semaine » (messe dominicale) pour les unir au sacrifice du Christ. Et comme chacun est indigne, c’est le prêtre qui les représente tous : d’où le fait de rester assis, effacé, humble, car un « plus grand » que nous nous représente pour apporter notre offrande. Et il est bon que nous « participions » par ces 2 réponds très laconiques.

En ce sens, la nouvelle liturgie met mieux en valeur le rôle du prêtre tel que le défendent les tradis, alors que dans leur liturgie il se montrait très égoïste !

Reprenez encore une fois l’ancien texte et vous verrez en quoi c’est très nouveau, bien que le « sens » ici clairement exprimé existait et était reconnu d’avant.
Sous cette impulsion, le sens du lavement des mains a presque été inversé : alors que le prêtre exultait de joie en faisant le tour de l’autel pour fêter son innocence recouvrée (il anticipe un résultat dû à ses prières précédentes et que donnera la consécration), là il demande humblement à ce que sa faute soit effacée (parce qu’il réalise la responsabilité d’avoir été élu pour intercéder et ce que cela signifie) !

Ce moment de l’offertoire est capital. Et il est trop souvent « saboté » par un chant (le pire, c'est l'intermède ou l'accompagnement musical, décidé par des animateurs laïcs bien intentionnés mais ignares, qui pouvait se comprendre avant pendant que le prêtre disait ses prières à voix basse avec Dieu, mais qui devient un contre-sens avec la nouvelle et squeeze tout : il faudrait se boucher les oreilles pour dire à Dieu que cette musique est un don en + et pour lui seul.)
Lequel peut se comprendre comme une façon pudique de se cacher d’oser apporter son offrande et d’y accorder de la valeur, et donc l’ajout d’une prière chantée « en double », mais cette « bonne évaluation » de ce que cela devrait être est trop/plus souvent un exutoire, une façon d’oublier ce qui se passe dans le plaisir du chant, laissant le prêtre « faire son taff » à l’autel…

Pardonnez-moi… mais il fallait que je « revienne » le dire… et puisque vous semblez vous intéresser à juste titre à « ces détails qui font tout »
Dernière modification par cmoi le jeu. 17 nov. 2022, 12:21, modifié 1 fois.

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