Le troublant Très Saint Sacrement de Miracle à Bruxelles

[Xavi]

Il y a, à Bruxelles, dans la principale cathédrale de Belgique, des vitraux qui racontent une étrange histoire qui a suscité un tel malaise, que les autorités diocésaines ont fait le choix d’y arrêter soudainement plus de cinq siècles d’adoration eucharistique dans une chapelle construite pour ce culte et d’apposer un grand panneau de mise en doute des faits miraculeux qui y ont attiré des foules innombrables parmi lesquels des empereurs et des rois.

Cette chapelle, qui est comme un puits de lumière dans un coin de la cathédrale bruxelloise des saints Michel et Gudule, a été construite à la suite d’une vision d’un jeune homme qui venait chaque jour y adorer le saint sacrement qui s’y trouvait, comme partout ailleurs, dans un tabernacle. Cette vision est montrée dans un magnifique vitrail de la nef.

Ce jeune homme raconte que « Une fois, qui fut au mois de Novembre 1436, qu’il était venu en l’Église du grand matin devant le jour ; comme il faisait en ce même lieu les prières étant seul, vint une grande et merveilleuse clarté allentour du lieu où repose ledit S. Sacrement : laquelle ayant longuement considéré et regardé, il se troubla et en eût appréhension. Et comme il était en cet étonnement et admiration, cette clarté et lumière continuant à se faire paraître, il ouït extérieurement une voix, comme d’un homme procédant de l’armoire, où reposait le S Sacrement, qui lui dit : Mon Fils, voici le lieu, où il convient que je sois adoré, et invoqué de toute créature vivante néanmoins je suis négligé et caché en ce lieu, hors la vue des hommes et aliéné de leurs cœurs.
Toutefois, sache certainement que quiconque m’invoquera fidèlement en ce lieu, je le délivrerai de toute tribulation, et le glorifierai.
Laquelle voix et vision lui ayant été répétée par divers jours, il en fut étonné » (Histoire du S. Sacrement de Miracle reposant à Brusselles en l’Église Collégiale de Sainte Goudele, recueillie des chartres et autres anciens écrits de ladite Église, par Estienne Ydens (1602), p. 51 à 53) https://neptun.unamur.be/files/original ... 3572d9.pdf

Vers 1999, la chapelle du Saint-Sacrement en cause fut désacralisée et transformée en musée à l’intérieur de la cathédrale.

Au fond de cette chapelle, un immense vitrail témoigne encore de l’adoration eucharistique de l’empereur Charles-Quint et de toute sa famille.

D’autres vitraux splendides, de part et d’autre de la nef centrale de la cathédrale (une des plus belles du monde), témoignent de l’histoire qui a fondé l’adoration eucharistique en ce lieu, au cœur du pays où l’Esprit Saint a inspiré à Sainte Julienne de Cornillon la fête universelle du Saint- Sacrement (dite Fête-Dieu) célébrée par toute l’Église le deuxième dimanche après la Pentecôte.

Pourquoi tout cela a-t-il été soudainement interrompu dans la chapelle de la cathédrale de Bruxelles qui lui était dédiée ?

Hélas, il y a un drame tragique à l’origine de ce culte eucharistique qui se réfère à un écoulement miraculeux d’hosties consacrées survenu en 1370 et qui aurait été causé par des coups de poignards de Juifs comme le montre l’un des vitraux de la cathédrale.

Il en est résulté une effroyable vague d’antisémitisme avec un massacre et une expulsion des Juifs de Bruxelles.

L’adoration d’hosties poignardées par des Juifs et à l’origine d’un massacre a eu une résonnance démultipliée après l’horreur de la shoah.

En 1977, les autorités diocésaines, en plein accord avec le rabbin de Bruxelles, ont fait apposer un avertissement dans la chapelle puis à l’entrée de la cathédrale (cf. ci-dessous) indiquant que « Le Vendredi saint 1370, à la synagogue, des Juifs auraient transpercé de poignards des hosties dérobées dans une chapelle. Du sang aurait coulé de ces hosties. », puis attirant l’attention « sur le caractère tendancieux des accusations et sur la présentation légendaire du « miracle » », ce qui met en doute tant la réalité des faits dont des Juifs furent accusés que la réalité du miracle rapporté qui se trouve mis entre guillemets.

Le combat contre l’antisémitisme est une nécessité et des historiens ont mis en évidence les développements légendaires de divers récits similaires de l’époque, mais, entre histoire et légende, une lecture nouvelle et apaisée semble aujourd’hui nécessaire pour faire la part des choses entre réalité et légende.

Le rejet de l’antisémitisme autant que la valeur profonde de l’adoration eucharistique invitent à dépasser les souffrances, les injustices et les doutes.

En 2020, le pape François a proclamé bienheureux le jeune « amoureux de l’Eucharistie » qu’était Carlo Acutis, mort à l’âge de 15 ans, dont l’exposition sur les miracles eucharistiques circule aujourd’hui dans le monde.

Parmi ces miracles, il y a, bien sûr, celui de 1370 survenu à Bruxelles qui a suscité un culte immense.

Les vitraux de la cathédrale, qui en racontent l’histoire, proclament toujours et avant tout la présence eucharistique du Christ évoqué de manière symbolique par tout le récit en cause.

N’est-il pas temps de dépasser les doutes et les souffrances de l’antisémitisme qui entravent aujourd’hui la continuité de plusieurs siècles d’adoration eucharistique dans la cathédrale de Bruxelles ?

Il semble avéré qu’il y a eu de graves injustices et des exagérations légendaires, mais ne faut-il pas refaire la clarté sur la réalité de l’histoire ? Le Christ fut lui-même victime d’un procès injuste et est présent au plus profond du mal causé par les hommes pour leur offrir son pardon et la vie éternelle.

Aucun mal ne peut justifier de faire obstacle à l’annonce et à l’adoration de celui qui délivre de tout péché.

Il s’est produit un fait extraordinaire en 1370 à Bruxelles et on peut en débattre à tous points de vue.

Mais, ce qui demeure c’est que l’adoration eucharistique du Christ y fut, pendant des siècles, la source de bénédictions innombrables et qu’elle le reste pour tous.

Petit bémol observé sur place : lorsqu’un visiteur se présente à l’entrée du « musée » (lorsqu’il est ouvert) et indique qu’il souhaite venir y prier devant l’ostensoir des hosties miraculeuses qui s’y trouve, il peut être dispensé du prix d’entrée de deux euros.

Tout ceux qui en ont l’occasion s’émerveilleront de la beauté et de la force spirituelle qui peut se trouver en ces lieux.

[LaCaverneduPelerin]

Un grand merci pour votre article, je ne connaissais pas cette histoire.

En complément, Wikipedia a l'air plutôt bien fournie aussi sur le sujet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sacrement ... 0Synagogue.

[Gustavien]

J’ai été guidé occasionnel dans cette nef réservée au trésor et en effet j’ai du être d’abord instruit par l’actuel doyen Benoît Lobet.
« Tout ça ce sont des légendes destinées à mettre le grappin sur les avoirs de juifs à l’époque. D’ailleurs il n’y a rien dans le reliquaire. (En effet les hosties ont été perdues il y a quelques dizaines d’années). Et de prétendre qu’un spécialiste (un électricien qui réparait quelque chose et avait un tournevis), à ouvert le reliquaire et n’a trouvé que des morceaux de peinture. Il nous a été demandé par le consistoire juif de Belgique d’enlever les vitraux racontant l’histoire. Ils sont du XIX donc on s’en foutait un peu mais finalement on a posé une plaque explicative. Il reste juste un folle et quelques émules qui viennent le dimanche à 3h prier devant l’ostensoir. Je vous demande de ne pas vous mêler à ces dingues ».
Voici donc la version de l’église sur place.
Et je n’ai plus jamais été guidé tant j’ai été dégouté.

[Xavi]

La télévision belge a évoqué ce sujet la semaine dernière (le 24 juillet 2023), lors de son journal télévisé de 19h30, en la présentant comme « la légende des Hosties sanglantes ». La video est toujours en ligne sur internet :
https://www.rtbf.be/article/perles-d-et ... s-11229034

Il y a été dit que « C’est une légende selon laquelle des membres de la communauté juive ont volé des Hosties et les ont profanées. Elles ont pu être noyées, mises au feu ou poignardées. Une légende qui n’a aucun fond de vérité, mais qui, en 1370, a forcé les Juifs de Bruxelles à l’exil. Ce n’est qu’en 1970, six cents ans plus tard donc, qu’une plaque a été installée pour dénoncer, je cite, le caractère tendancieux des accusations. »

Hélas, l’affirmation que c’est une légende ne semble guère juste, ni pour les faits historiques, ni par rapport à l’injustice causée aux Juifs, ni par rapport à l’immense culte populaire qui a duré des siècles, ni à l’égard de la « folle » et des « quelques émules », évoqués par Gustavien, ce qui semble viser une paroissienne de l’église Sainte-Catherine qui a écrit un livre sur le sujet, avec le soutien d'une équipe.

Ce livre est accessible gratuitement sur internet :
http://plug.izone.be/cap-ciel-bxl/le-tr ... -le-livre/

J’ai lu ce livre qui m’a fait découvrir ce sujet mais qui a été vivement critiqué non seulement d’un point de vue historique, mais aussi du fait d’un manque de perception du caractère très antisémite du récit en cause.

Je partage assez bien ces critiques, mais il s’agit néanmoins d’un travail sérieux et approfondi qui ne justifie en rien une qualification insultante à l'égard de son auteur dont ni la bonne foi, ni l’engagement chrétien, ne peuvent être sérieusement contestés.

Il est certes fort possible qu’il n’y ait plus rien dans l’ostensoir qui est actuellement exposé dans la cathédrale.

Mais, les vitraux en cause n’en demeurent pas moins un patrimoine magnifique qui mérite une présentation correcte des faits en cause qui, pour l’essentiel ne sont pas des légendes mais des faits certains.

Des Hosties ont été volées dans la chapelle Saint Catherine puis ont été retrouvées en 1370, après plusieurs mois, avec des marques qui ressemblaient à du sang. Une femme a accusé des Juifs d’avoir poignardé ces Hosties.

Le vitrail principal montrant des Juifs poignardant des Hosties n’est, hélas, pas une légende, mais une image des accusations bien réelles qui ont existé et sur la base desquelles plusieurs Juifs ont été torturés et brûlés vifs, ce qui, hélas, n’est pas non plus une légende. La réalité d’Hosties portant des traces qui ressemblaient à du sang est aussi solidement établie par un rapport détaillé effectué plus de trente ans après les faits qui les a constatées officiellement en 1402 à une époque où ces Hosties étaient toujours visibles.

Ce qui n’est pas davantage une légende c’est qu’une bulle pontificale du 19 mars 1436 du Pape Eugène IV a reconnu les faits et qu'un immense culte populaire en est résulté durant des siècles.

Il reste aujourd’hui à faire sereinement la part des choses entre la réalité historique et les interprétations ou croyances en cause.

[Fée Violine]

Il n'est évidemment pas douteux que les juifs aient été persécutés, malheureusement, dans divers pays et à diverses époques.
Ce qui est douteux, ce sont les prétextes invoqués pour justifier ces persécutions. On les a accusés d'empoisonner des puits, de propager des épidémies, de tuer des enfants chrétiens (la même accusation qu'envers les premiers chrétiens qu'on accusait de manger des enfants, à cause d'une mauvaise compréhension de l'eucharistie), et de profaner des hosties. Ce qui est bien invraisemblable, étant donné l'insécurité où ils vivaient : pourquoi donc auraient-ils cherché les pires ennuis par des provocations absurdes ? Quand on vit dans un climat de persécution, on se fait tout petit, à moins d'être suicidaire (je ne parle pas bien sûr des chrétiens qui témoignent de leur foi).

[Perlum Pimpum]

Ce qui est bien invraisemblable, étant donné l'insécurité où ils vivaient : pourquoi donc auraient-ils…

Par haine du Christ…

[Fée Violine]

Vous raisonnez d'un point de vue chrétien.
Pour le haïr, il faudrait qu'ils le connaissent. Les juifs connaissent mal le christianisme, et réciproquement d'ailleurs.
De plus, il faudrait qu'ils croient à la présence réelle !
La situation des juifs européens au Moyen Âge est la même que celle des chrétiens au Pakistan actuellement, qui n'auraient pas idée de brûler un coran vu qu'ils sont suffisamment persécutés sans avoir rien fait de mal. Brûler un coran en Suède, c'est facile, ce n'est pas dangereux. Mais pas dans un pays musulman !
Bref, je ne crois pas à ces histoires d'hosties profanées par des juifs.
D'ailleurs, on se demande comment ils auraient bien pu se les procurer...

[prodigal]

Quel que soit le péché, on peut toujours supputer à bon droit qu'il est commis par haine du Christ.
Ainsi, en particulier, l'antisémitisme, dans lequel on reconnaît aisément la haine du Christ, comme le nazisme l'a manifesté.

[Perlum Pimpum]

Bonjour,

Vous raisonnez d'un point de vue chrétien.
Pour le haïr, il faudrait qu'ils le connaissent. Les juifs connaissent mal le christianisme, et réciproquement d'ailleurs.
De plus, il faudrait qu'ils croient à la présence réelle !
La situation des juifs européens au Moyen Âge est la même que celle des chrétiens au Pakistan actuellement, qui n'auraient pas idée de brûler un coran vu qu'ils sont suffisamment persécutés sans avoir rien fait de mal. Brûler un coran en Suède, c'est facile, ce n'est pas dangereux. Mais pas dans un pays musulman !
Bref, je ne crois pas à ces histoires d'hosties profanées par des juifs.
D'ailleurs, on se demande comment ils auraient bien pu se les procurer...

Votre question était au conditionnel : « pourquoi donc auraient-ils… » La réponse l’était aussi, quoiqu’implicitement. S’ils l’ont fait, c’est par haine du Christ.

Et la haine formelle du Christ, beaucoup l’ont parmi eux. À preuve entre mille, les Toledot Yeshu.

Je pourrais vous expliquer les raisons symétriquement inverses de l’antijudaïsme chrétien et de l’antichristianisme juif. Tout tourne autour de cette unique question : qui est Israël et qui est Edom…

Quel que soit le péché, on peut toujours supputer à bon droit qu'il est commis par haine du Christ.
Ainsi, en particulier, l'antisémitisme, dans lequel on reconnaît aisément la haine du Christ, comme le nazisme l'a manifesté.

D’une, tout péché implique matériellement une haine de Dieu, mais le péché de haine formelle de Dieu est un pêché spécial. Si je tombe dans un péché de fornication, je me détourne de Dieu (aversion matérielle à Dieu par conversion formelle à la créature), sans pour autant nécessairement avoir la haine formelle de Dieu poussant conséquemment à Le maudire en des imprécations atroces…

De deux, l’antijudaïsme n’est aucunement l’antisémitisme. Vous amalgamez confession israélite et ethnie hébraïque, race et religion…

De trois, précisons que l’anti-judaïsme des chrétiens - évidemment il faut en être - est une hostilité à la forme post-chrétienne-et anti-chrétienne du judaïsme. Et cette hostilité existe dès le NT, à preuve certains écrits de saint Paul et de sain Jean. Précisons encore qu’en rigueur de doctrine le catholicisme est la plénitude du christianisme, le christianisme la plénitude du judaïsme : le vrai juif, c’est le catho…

[prodigal]

Il n'y a aucune contradiction entre la remarque que j'ai faite et ce que vous exprimez sur un ton à la fois magistral et bourru qui me paraît inadapté.
Ma remarque visait simplement à mettre en évidence que "haine du Christ" n'est pas une explication convaincante, surtout si elle vise à justifier les persécutions dont les juifs ont été victimes. Rien de plus.