Je ne sais pas pour le Pater des JMJ, mais je sais que pour une autre traduction "adaptation" française, il y a effectivement eu une "reprise" par le pape. Au Credo, en entendant "de même nature que le Père", il a corrigé en disant "consubstantiel au Père", pour coller au texte latin "consubstantialem Patri".
Ce n'est pas que "de même nature que le Père" est faux... Mais dire "consubstantiel" va beaucoup plus loin : pour faire un parallèle et toutes choses égales par ailleurs (!) je peux être de la même nature (humaine) que mon voisin de pallier. Je ne partage cependant pas avec lui ma substance.
Sur Jean-Paul II et le Pater, je me souviens en tout cas de l'audience privée que nous avions eu, nous, Guides & Scouts d'Europe lors de l'Eurojam. Il avait commencé la rencontre en disant : "nous allons prier ensemble, je pense que vous, Scouts d'Europe, vous savez encore le latin : "Pater noster..."... Inutile de dire que ça a jeté un "certain" froid. Il n'y avait pas grand monde (même chez les Scouts d'Europe !) qui connaissait le Pater en latin. C'est triste, je trouve.
On peut analyser la cause de cela ; c'est assez simple à comprendre, je crois. Ceux qui ont "tiré" les premiers, à n'en pas douter, ce sont les progressistes des années 1950, qui ont commencé les "messes dialoguées" en français dès avant le Concile, le tout au nom du mouvement liturgique ou plutôt de son dévoiement belgico-allemand teinté de marxisme dans l'après guerre. Ce fut aussi l'obsession de certains clercs de vouloir oublier ou faire oublier tout sens sacré (d'où le massacre dans les années 1970 du mobilier de choeur, des bancs de communion, mais aussi et surtout du chant grégorien et de la langue latine pour la prière).
A cette polarisation excessive en a répondu une autre : celle du mouvement rattaché à Mgr Lefebvre, qui a mis cette catastrophe liturgique sur le dos du Concile Vatican II, alors que Vatican II lui même n'a rien demandé de tel. Lorsqu'on voit les textes officiels du magistère, on a au contraire très clairement le signe de la volonté de voir la messe en langue latine, le chant grégorien et même la célébration
ad orientem maintenue.
Cela arrange bien d'ailleurs un certain nombre de "tradis", même aujourd'hui, de voir les catholiques "conciliaires" ou réputés tels se vautrer dans l'abus liturgique (au pire) ou dans les fautes de goût (au mieux). Car cela renforce leur discours et crédibilise leur combat (dont d'ailleurs toutes les idées ne sont pas fausses, loin s'en faut). On a ainsi un commun accord entre les branches les plus ultra des "tradis" et des "progressistes" sur l'interprétation à donner à certains textes, soit de Rome, soit de l'épiscopat français : on regardera ainsi avec intérêt l'article (toujours) polémique de Madiran dans Présent (ci dessous), qui nous explique qu'en fin de compte, l'ordonnance de l'épiscopat français du 12 novembre 1969 interdisait par exemple complètement le latin à la Messe (y compris avec l'ordo de Paul VI). C'est évidemment n'importe quoi. La seule chose que ce monsieur cherche à faire, c'est de polariser au maximum des deux formes du rite romain, afin de faire croire que sa "sensibilité" est la seule traditionnelle, la forme ordinaire du rite romain ne pouvant l'être... Il annonce d'ailleurs son programme à la fin de l'article. Non content de sa "victoire" du 7 juillet 2007 - le motu proprio Summorum Pontificum - il souhaite exploiter la brêche en faisant condamner la "nouvelle messe". Mais pour qui donc se prend il ? Il faudrait d'ailleurs revenir sur cette notion de "forme ordinaire". D'autres personnes (ou plutôt les mêmes, en fait) par exemple prétendent que l'ordo de Paul VI avait pour but de supprimmer à la fois le latin et la célébration dos au peuple.
Résultat des courses, de polarisations en polémiques, d'enchérissements en disputes, et de prises d'assaut d'églises paroissiales en condamnations, il est politiquement incorrect aujourd'hui de prétendre prier en latin... A part à Taizé.
Mais à qui profite le crime ? Aux tradis ? En se faisant petit à petit "propriétaires" d'une expression de la prière qui les réduit à un microcosme souvent teinté d'idéologie et d'enfermement politico-sociologique ?
Aux progressistes ? En se coupant tellement de la puslation de la prière de l'Eglise qu'ils réduisent leurs "liturgies" à des autocélébrations ternes (dans le meilleur des cas) ou gluantes (dans le pire scénario) ?
Pas à l'Eglise, en tout cas, qui s'est vue amputée dans un certain nombre de pays de la langue commune du rite romain, pour des raisons qui sont toutes plus mauvaises les unes que les autres. Toutes les grandes religions ont leur langue sacrée. Les Juifs ont l'Hébreu, les Musulmans l'Arabe, les Hindous le Sanscrit, etc... Il est assez naturel de prier, c'est à dire de s'adresser à Dieu, en n'utilisant pas la langue de tous les jours, tout comme on n'utilise (normalement !) pas à la messe une vaisselle commune (un calice, ce n'est pas un verre - même en cristal -, et une patène, ce n'est pas une assiette - même en porcelaine de Limoges). Question de manifestation de la transcendance. Même le Christ procédait ainsi : "Eli, eli, lemma sabaktani !". Et il n'a pas été compris des auditeurs. Peu importe... Il ne s'adressait pas à eux. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec la thèse de certains "tradis" qui disent : "
la messe de S. Pie V en Français, oui. La Messe de Paul VI en Latin, non." Cela jette une suspicion plus que désagréable sur la messe que célèbre le souverain pontife lui même... Et cela décrédibilise la fonction liturgique et universelle du latin. Ce sont d'ailleurs les mêmes "tradis" ou "progressistes" qui ne voient pas forcément de différences notables entre une messe de S. Pie V et une messe de Paul VI en latin dos au peuple.... Dans les deux cas, pour ces gens, la messe ordo 2002 en latin, c'est condamnable. Tradis et progros d'accord sur les questions de liturgie... On croit rêver. Bref, je me méfie de l'opinion de gens qui tirent des arguments éculés de l'éditorial d'un "quotidien ayant le sens de la conjugaison" pour s'y conformer immédiatement, de façon totalement grégaire... Pour sortir de la crise liturgique, il va pourtant falloir commencer par penser par soi-même.
On pourrait ainsi tout simplement imaginer de pouvoir sans idéologie aucune, comme le demande Sacramentum Caritatis, utiliser largement le latin à la Messe, et la "forme catholique" de la liturgie romaine (c'est à dire orientation, ornements, encens, clochette soutanes etc), sans aucun état d'âme ni a priori. Tout simplement faire ce que demande le pape. Faire comme lui, dans sa chapelle privée, tous les matins, toujours "dos au peuple", le plus souvent en latin, et de façon systématique avec l'ordo de 2002.
Il faudrait pour cela "couper le sifflet" à tous ceux qui souhaitent l'empêcher. Et curieusement, comme démontré ci dessous, ce n'est pas toujours ceux qu'on croit qui y sont opposés...
Donc, commençons par le Pater.
Et ne nos inducas in tentationem... Qui ne le connaît pas par coeur, sur le forum ?
Jean Madiran, Présent a écrit :Quelques distinctions et nuances utiles…
… pour nous préparer au 14 septembre 2007
Pendant 38 ans, des réfractaires, prêtres et laïcs, ont gardé vivante une messe interdite depuis 1969 par la hiérarchie ecclésiastique.
Les réfractaires ont soutenu deux contestations, soit séparées soit conjointes, mais qu’il importe de distinguer pour ne pas confondre, si l’on veut comprendre où nous allons.
Quand Paul VI promulgue sa messe nouvelle, le 3 avril 1969, il n’apparaît pas clairement, tout d’abord, si elle est destinée à cohabiter avec la messe traditionnelle ou bien à la supprimer. Cela restera une question discutée, et incertaine, jusqu’en novembre.
Si bien que la contestation qui a été chronologiquement la première est celle qui critique publiquement la structure, les formules et l’esprit de la messe nouvelle. Ce fut principalement le Bref examen présenté à Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, estimant que cette messe « s‘éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique » ; et ce fut la Déclaration du P. Calmel, assurant que ce nouveau missel, tel qu’il était rédigé, allait ouvrir les portes à une liturgie évolutive, dont la prolifération permanente deviendrait très rapidement incontrôlable.
Cette première contestation fut en outre accompagnée, suivie, développée par plusieurs travaux et ouvrages de laïcs, dont le livre de Louis Salleron intitulé La nouvelle messe.
Le 12 novembre 1969, une ordonnance de l‘épiscopat français, devançant et aggravant les décisions pontificales, rendait obligatoire, et obligatoirement en langue française, à partir du 1er janvier 1970, la messe nouvelle de Paul VI.
Une telle obligation impliquait donc l’interdiction non seulement de la messe traditionnelle, mais de tout latin liturgique.
Les réfractaires y répondirent par une seconde contestation, déclarant qu’un tel interdit était illégitime, juridiquement et moralement inexistant.
A partir de 1978, l’hostilité destructrice commença imperceptiblement à diminuer. La volonté d’interdire devenait peu à peu moins unanime dans la hiérarchie ecclésiastique. Ici ou là, la messe « ancienne » bénéficiait de quelques tolérances, voire de quelques autorisations. Mais c‘était le régime de l’autorisation préalable. Même largement accordée, ce qui fut rarement le cas, l’autorisation n‘était qu’une dérogation particulière ; elle impliquait le maintien en vigueur de l’interdiction.
C’est pourquoi cette seconde contestation a été prolongée et réitérée jusqu’au 7 juillet 2007.
Contester l’interdit relevait du sens commun. La coutume a force de loi. Elle ne peut être corrigée que dans ses exagérations, dérives ou pollutions éventuelles. Elle ne peut être supprimée que si elle est entièrement ou globalement mauvaise : hypothèse insoutenable pour la messe célébrée pendant des siècles et des siècles par les saints, par les papes, par les docteurs, par les confesseurs. Pourtant la volonté personnelle de Paul VI a bien été de la supprimer. Il serait à la fois imprudent et injuste de vouloir le dissimuler. Dans son allocution consistoriale du 24 mai 1976, il avait clairement précisé que la messe traditionnelle n‘était plus permise qu’« aux prêtres âgés ou malades célébrant sans assistance de fidèles », et que le nouveau missel avait été « promulgué pour prendre la place de l’ancien » ; à quoi il exigeait « une prompte soumission au nom de l’autorité suprême qui nous vient du Christ ». C'était un abus de pouvoir. Cette interdiction a vécu. Reste l’autre contestation, portant sur la nouvelle messe en elle-même. A demain.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6405 de Présent, du Jeudi 23 août 2007, p.1