Kérouac - les origines d'une génération

Littérature - Fiches de lecture - Biographies - Critiques - Essais - Philologie
Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Kérouac - les origines d'une génération

Message non lu par Cinci » jeu. 18 nov. 2021, 18:27

Bonjour,

je lisais un petit volume consacré à l'écrivain Jack Kerouac. Le thème y est tiré de ses écrits et représentait pour Kerouac lui-même une tentative de définition du mouvement "Beat' ou soit la "Beat Generation" (en anglais).

Dans la présentation de l'écrivain :
«... d'origine canadienne française, Jean-Louis Lebris de Kerouac est né dans le Massachussetts en 1922. Il effectue un passage éclair à l'université ou il se consacre surtout au football, avant de se décider de sortir des sentiers battus. Pour vivre, il exerce tous les métiers : pompiste, cueilleur de coton, matelot, déménageur ... C'est en 1944 à New York qu'il fait la connaissance d'Allen Ginsberg et de William Burroughs qui deviennent ses compagnons de virées nocturnes dans les boîtes de jazz ou se mêlent alcool, drogue, homosexualité, délires poétiques et musique. Il commence un roman, qui sera publié en français sous le titre Avant la route. En 1947, il rencontre son jumeau, Neal Cassidy, et tous deux sillonnent les États-Unis. Il s'Inspire de cette expérience pour écrire, en trois semaines sur un rouleau de papier, selon une technique nouvelle, la littérature de l'instant, Sur la route, qui paraît en 1957. Le succès est immédiat et le roman devient le manifeste de la Beat Generation : entraîné par Dean (double de Neal Cassidy), Sal (double de Jack Kerouac) abandonne New-York à la fin des années 1940 pour se lancer dans un voyage effréné à travers tous les États-Unis. Cocasse ou tragique, le récit prend des allures de quête intérieure.

Kérouac écrit et publie beaucoup dans les années suivantes : Les clochards célestes, Docteur Sax, Les anges vagabonds, Big Sur - roman autobiographique dans lequel le héros cherche à fuir San Francisco et les beatniks, jeunes gens désenchantés, révoltés et anticonformistes - ; puis Satori à Paris.

Miné par l'alcool et la drogue, Kerouac meurt en Floride à quarante-sept ans en reniant ses amis du mouvement Beat et affichant publiquement des idées conformistes.

Kerouac a mêlé si étroitement sa vie à son oeuvre qu'elle en est elle-même la substance. Il est présent dans presque chacun de ses livres. Dans l'écriture s'enchevêtre la réalité, les souvenirs, le rêve, les visions, pour aboutir à une méditation sur la vie.»

Un moment donné, dans un des extraits de Kérouac, on trouve ceci (c'est l'écrivain qui parle) :

Jack Kerouac

«... cette photo de dingue qui me représente sur la couverture de Sur la route est la conséquence du fait que je venais de descendre d'une haute montagne ou j'avais passé deux mois complètement seul et normalement j'avais l'habitude de me peigner bien évidemment puisque vous voulez faire du stop sur la route et tout ça et que les filles vous voient comme un homme et non comme une bête sauvage, mais mon ami poète Grégory Corso avait ouvert sa chemise et sorti un crucifix en argent pendu à une chaîne et dit : «Porte ça et porte-le par-dessus ta chemise et ne te coiffe pas !». J'ai donc passé plusieurs jours à San Francisco à me balader avec lui et d'autres comme ça, fêtes, rôles, bars, lectures de poésie, églises, poésie marchée parlée dans les rues, à marcher parler de Dieu dans les rues (et à un moment donné une bizarre bande de voyous sont devenus fous et m'ont dit : «De quel droit il porte un truc comme ça ?» et ma propre bande de musiciens et de poètes leur a dit de se calmer) et finalement le troisième jour le magazine Mademoiselle a voulu prendre des photos de nous et j'ai donc posé comme ça, les cheveux en bataille, le crucifix et tout, avec Grégory Corso, Allen Ginsberg et Phil Whalen, et le seul organe de presse qui n'ait pas ensuite effacé le crucifix sur ma poitrine (sur cette chemise en coton à carreaux sans manches) a été le New York Times, par conséquent le New York Times est tout aussi beat que moi, et je suis content d'avoir un ami.

Je suis vraiment sincère, Dieu bénisse le New York Times de n'avoir pas effacé le crucifix comme si ça avait été une faute de goût. En fait, qui est vraiment "beat" ici, je veux dire si on parle de "beat" comme «battu», les gens qui ont effacé le crucifix sont vraiment les «battus» et pas le New York Times, ni moi ni Gregory Corso le poète. Je n'avais pas honte de porter le crucifix de mon Seigneur. C'est parce que je suis Beat, c'est à dire que je crois en la béatitude et que Dieu a tellement aimé le monde qu'il lui a sacrifié son fis unique. Je suis sûr que pas un prêtre ne m'aurait condamné pour avoir porté partout le crucifix par-dessus ma chemise et pu que j'aille, même pour aller me faire photographier par Mademoiselle. Et donc, vous tous, vous ne croyez pas en Dieu. Et vous tous les Marxistes et les Freudiens qui savez tout, hein ? Pourquoi vous ne revenez pas dans un million d'années pour m'en reparler, mes anges ?

Récemment Ben Hecht m'a dit à la télévision : «Pourquoi avez-vous peur de dire ce que vous avez en tête, qu'est-ce qui ne va pas dans ce pays, de quoi tout le monde a -t-il peur ? » C'était à moi qu'il parlait. Et tout ce qu'il voulait, c'était que je parle contre les gens, il a sournoisement évoqué Dulles, Eisenhower, le Pape, toutes sortes de gens qu'il a l'habitude de mépriser avec Drew Pearson, il aurait voulu que je parle contre le monde entier, voilà son idée de la liberté, ce qu'il appelle liberté.

Qui sait, mon Dieu, si cet univers en fait n'est pas un vaste océan de compassion, le véritable miel sacré, derrière ce spectacle de cruauté et d'attaques personnelles. [...]

Non, je veux parler en faveur des choses, j'élève la voix pour le crucifix, j'élève la voix pour l'étoile d'Israël, j'élève la voix pour l'homme le plus divin qui ait jamais existé et qui était allemand (Bach), j'élève la voix pour le doux Mahomet, j'élève la voix pour Bouddha, j'élève la voix pour Lao-Tseu ... Pourquoi devrais-je attaquer ce que j'aime au nom de la vie ? Voilà le Beat. Vivez vos vies à fond. Non, aimez vos vies à fond. Quand ils viendront vous lapider, au moins vous ne serrez pas dans une serre, vous n'aurez que votre peau transparente.

Cette photo dingue et si intense de moi sur la couverture de Sur le route ou j'ai l'air tellement battu remonte à bien plus loin que 1948 quand John Clellon Holmes (auteur de Go et de The Horn) et moi étions assis à discuter de la signification de la Génération Perdue et ensuite de l'existentialisme et ou j'ai dit : «Tu sais, c'est vraiment une "beat generation" la nôtre» et il a bondi et dit : «C'est ça, c'est exactement ça !»

[...]

Peut-être, puisque je suis censé être le porte-parole de la Beat Generation (je suis le créateur de l'expression, autour de quoi l'expression et la génération ont pris forme), qu'il faudrait souligner que tout ce cran Beat me vient de mes ancêtres qui étaient bretons, qui étaient le groupe de nobles le plus indépendants de toute la vieille Europe et se battaient sans cesse jusqu'au bout contre la France latine (même si un grand blond sur un navire marchand a ricané quand je lui ai dit que mes ancêtres étaient bretons en Cornouaille, en Bretagne : «Ah ouais, eh bien nous les Vikings on vous tombait dessus pour voler vos filets !») Breton, Viking, Irlandais, Indien, dingue, ça ne fait pas la moindre différence, il n'y a pas de doute quant à la Beat Generation, le noyau dur en tout cas, c'est un sacré groupe d'Américains nouveaux résolus à la joie ... Irresponsabilité ? Qui n'aiderait un homme à l'agonie au bord d'une route déserte ?

Non, et la "Beat Generation" remonte aux folles années de mon père à la maison dans les années 20 et 30 en Nouvelle-Angleterre qui faisaient un boucan tellement fantastique que personne alentour ne pouvait dormir et quand les flics débarquaient ils buvaient toujours un coup.»

Source : Jack Kerouac - Sur les origines d'une génération, Gallimard, 1994 ( extraits tirés de Vrais blondes et autres), 110 pages

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Kérouac - les origines d'une génération

Message non lu par Cinci » sam. 20 nov. 2021, 19:09

Jack Kérouac

«Quand j'ai vu pour la première fois ces types qui s'entrainaient du côté. de Times Square en 1944, je ne les ai pas aimés non plus. L'un d'eux Huncke de Chicago s'est approché de moi et m'a dit : «Mec, je suis cassé.» D'une certaine façon, j'ai tout de suite su ce qu'il voulait dire A cette époque je n'aimais toujours pas le bop alors introduit par Bird Parker et Dizzy Gillepsie et Bags Jackson (au vibraphone), le dernier des grands musiciens du swing était Don Byas qui allait partir pour l'Espagne juste après mais alors j'ai commencé ... mais avant ça j'avais adoré tout mon jazz au Minton Playhouse (Lester Young, Ben Webster, Joey Guy, Charlie Christian et d'autres) et quand j'ai entendu pour la première fois Bird et Coz au Three Deuces j'ai su qu'ils étaient des musiciens sérieux qui jouaient un nouveau son bien allumé et se foutaient de ce que je pouvais en penser ou de ce que pouvaient en penser mon copain Seymour. En fait j'étais appuyé au bar une bière à la main quand Dizzy est venu demander un verre d'eau au barman s'est collé contre moi et a tendu les bras de chaque côté de ma tête pour attraper le verre et est reparti en dansant comme s'il avait su que j'allais le chanter un jour ou qu'un de ses arrangements porterait mon nom pour je ne sais quelle raison. On parlait de Charlie Parker dans Harlem comme du plus grand musicien apparu depuis Chu Berry et Louis Armstrong.

En tout cas, ces mecs dont la musique était le bop ils avaient l'air de criminels mais ils ne cessaient de parler de choses que j'aimais aussi, en longues descriptions d'expériences personnelles et de visions personnelles, des nuits entières de confessions pleines d'un espoir qui était devenu illicite et avait été réprimé par la Guerre, frémissement, grondement d'une âme nouvelle (toujours cette vieille âme humaine(. Et donc Hunck nous était apparu et avait dit «je suis cassé» avec une lumière irradiant de ses yeux désespérés ... un mot rapporté de je ne sais quelle fête foraine du Midwest ou d'une cafétéria pourrie. C'était un langage nouveau, en fait du jargon nègre (Noir) mais que vous appreniez vite, comme «dingue» qui voulait dire tellement de choses qu'il aurait été difficile de trouver plus économique. Certains de ces mecs déliraient complètement et parlaient sans arrêt. C'était du jazz. En 1948 cela commença à prendre forme. Ce fut une folle année pleine de vibrations quand toute la bande que nous formions marchait dans la rue et saluait et même s'arrêtait à parler à quiconque nous avait jeté un regard amical. On avait des yeux. Ce fut l'année ou je vis Montgomery Clift, pas rasé, avec une veste pourrie, déambuler sur Madison Avenue avec un copain.

En 1948, les mecs, ou les beats, se partageaient en hot et cool. Une grande partie du malentendu à propos de ces mecs et de la Beat Generation en général aujourd'hui provient du fait qu'il y a deux styles distincts de mectitude : le cool aujourd'hui est le laconique sage à barbe, ou schlerm, assis devant une bière éventée dans un bouge beatnik, à L'élocution lente et antipathique, avec des filles qui ne disent rien et sont habillées en noir; le hot aujourd'hui est le bavard dingue au regard brillant (souvent innocent et généreux) qui court de bar en bar, de piaule en piaule à la recherche de tout le monde, criant, infatigable, poivrot, essayant de se «brancher» avec les beatniks souterrains qui l'ignorent. La plupart des artistes de la Beat Generation appartiennent à la tendance hot, naturellement puisque cette flamme aussi petite qu'un gemme a besoin d'une certaine chaleur. Dans la plupart des cas le mélange est de 50-50. Un mec hot comme moi-même a fini par se refroidir dans la méditation bouddhiste, même si lorsque je vais dans un club de jazz j'ai toujours envie de crier : Souffle, petit, souffle !» aux musiciens et de nos jours je me ferais jeter dehors pour ça. En 1948, les mecs hot fonçaient en voiture comme dans Sur la route, à la recherche de jazz dément comme celui de Willis Jackson ou de Lucky Thompson, tandis que les mecs cool observaient un silence de mort devant des groupes musicaux formels et excellents comme Lennie Tristano ou Miles Davis. Les choses en sont toujours à peu près là, sauf que c'est devenu une génération à l'échelle de la nation et que le nom Beat est resté (même si tous les mecs détestent le mot).

Le mot beat signifiait au départ pauvre, fauché, claqué, à la dérive, dans la dèche, dormant dans le métro. Maintenant que le mot a trouvé une reconnaissance officielle, il a fini par désigner des gens qui ne dorment pas dans le métro mais possèdent une certaine attitude ou allure nouvelle, que je ne peux définir que comme un nouveau plus. «Beat Generation» est devenu le slogan ou le label d'une révolution des moeurs en Amérique. Marlon Brando n'a pas été vraiment le premier à le porter à l'écran. Les détectives privés étaient Beat. Bogart, Lorre était était Beat. Dans M, Peter Lorre a relancé tout un truc, je veux dire cette démarche avachie dans la rue.»
(à suivre)

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Kérouac - les origines d'une génération

Message non lu par Cinci » dim. 21 nov. 2021, 1:30

(suite)
J'ai écrit Sur la route en trois semaines pendant le joli mois de mai 1951 alors que je vivais dans le quartier de Chelsea au sud-ouest de Manhattan, sur un rouleau de trente mètres et j'ai mis là en mots la Beat Generation, disant au point ou j'en étais, en plein milieu d'une fête dingue, entre potaches dans une cabane de mineur abandonnée [...]

Le manuscrit de Sur la route fut rejetée au motif qu'il déplaisait au directeur des ventes de ma maison d'édition de l'époque, bien que mon éditeur, un homme très intelligent ait dit : «Jack, c'est comme du Dostoïevski, mais qu'est-ce que je peux faire en ce moment ? » C'était trop tôt. Donc pendant les six années suivantes j'ai été clochard, serre-frein, marin, mendiant, pseudo-indien au Mexique, tout et n'importe-quoi, et j'ai continué à écrire parce que mon héros était Goethe et que je croyais à l'art et que j'espérais un jour écrire la troisième partie de Faust, ce que j'ai fait dans Le docteur Sax. Puis, en 1952, le supplément du dimanche du New York Times publia un article disant, en titre : «Voilà la Beat Generation » (entre guillemets comme ça) et dans l'article il était dit que j'avais trouvé l'expression le premier «quand le visage était encore difficile à reconnaître», le visage de la génération. Après ça on parla un peu de la Beat Generation mais en 1955 j'ai publié un extrait de la Route (en le mélangeant à certaines parties de Visions de Neal) sous le pseudonyme de «Jean-Louis», avec pour titre Jazz de la Beat Generation (que j'ai ensuite changé en Sur la route à la demande pressante de mon nouvel éditeur) et donc l'expression s'est mise à circuler un peu plus vite. L'expression et les mecs. Partout des mecs étrangers et même des gamins de la fac se mirent à jouer les mecs cool et reprendre les expressions que j'avais encore entendues à Time Square au début des années 1940, c'était en train de se développer. Mais quand les éditeurs osèrent finalement et que Sur la route fut publié en 1957, ce fut l'explosion, le champignon atomique, tout le monde se mit à crier qu'il y avait une Beat Generation. On m'interviewait partout ou j'allais pour savoir ce que je voulais dire par là. Les gens commencèrent à se baptiser beatniks, beats, jazzniks, bopniks, bugniks et finalement je fus appelé l'avatar de tout cela.

Pourtant c'était en tant que catholique et non à la demande insistante d'aucun de ces «niks» et certainement pas avec leur approbation non plus, que j'étais allé un après-midi dans l'église de mon enfance (l'une d'entre elles !), Ste Jeanne d'Arc à Lowell, Massachussetts, et tout à coup les larmes aux yeux j'avais eu une vision de ce que j'avais voulu dire par «Beat» quand j'entendis le silence sacré dans l'église (J'étais tout seul là-dedans, il était cinq heure de l'après-midi, des chiens aboyaient dehors, des enfants criaient, et les feuilles d'automne, les flammes des cierges qui dansaient pour moi seul), la vision du mot Beat voulant dire béatifique ... Il y avait le prêtre qui prêchait le dimanche matin, tout à coup par une porte de côté entre tout un groupe de types de la Beat Generation dans des imperméables ceinturés comme des membres de l'IRA, venus en silence «adorer» la religion ... J'ai su alors.

Mais c'était en 1954, et donc quelle horreur j'ai ressentie en 1957 et bien entendu plus tard en 1958 en voyant Beat repris par tout le monde, la presse, la télévision et les comiques et la soupe hollywoodienne pour parler de la délinquance juvénile et des horreurs de New-York et de L.A. ravagés par les bagarres et ils ont commencé à appeler ça Beat, à appeler ça béatifique ... [...] Ou encore, quand un meurtre, un meurte banal eut lieu à North Beach, ils l'appelèrent massacre Beat, alors que pendant toute mon enfance j'étais l'excentrique du quartier parce que j'empêchais les enfants de jeter des pierres aux écureuils, de faire bouillir des serpents dans des boîtes de conserve ou d'essayer avec une paille de faire exploser des grenouilles. Parce que mon frère était mort à l'âge de neuf ans, son nom était Gerard Kerouac, et il m'avait dit : «Ti Jean, ne fais jamais de mal à une créature vivante, toutes les créatures vivantes, que ce soit un petit chat ou un écureuil, toutes vont au ciel directement dans les bras neigeux de Dieu, alors ne fais jamais de mal à aucune d'entre elles et si tu vois quelqu'un le faire empêche-le par tous les moyens» et quand il est mort une file de sombres nonnes en noir de la paroisse de St Louis de France s'étaient succédé à son lit d'agonie pour entendre ses dernières paroles sur le Ciel. Et mon père aussi, Leo, n'a jamais levé la main sur moi pour me punir ou pour punir les animaux domestiques, et cet enseignement m'a été transmis par les hommes dans ma maison et je n'ai jamais rien eu à voir avec la violence, la haine, la cruauté, et toute cette horrible absurdité que, néanmoins, Dieu, en raison de sa grâce qui dépasse les bornes de l'imagination humaine, finira par pardonner ... ces millions d'années pendant lesquelles je m'enquiers de toi, Amérique.

Et donc maintenant il y a des numéros beatniks à la télévision, qui commencent par une satire de filles qui s'habillent en noir et des types en jeans et sweatshirts avec couteaux à cran d'arrêt et svatiskas tatoués sur les aisselles, ça finira en superproductions respectables avec des crooners en jeans parfaitement retaillés par Brooks Brothers et autres articles assortis, en d'autre terme, ça n'est qu'un changement de mode et de moeurs, une simple croûte de l'histoire [...] Il n'y a donc pas de quoi s'exciter.

Mais toutefois, malheur, malheur à ceux qui pensent que Beat Generation signifie crime, délinquance, immoralité, amoralité ... Malheur à ceux qui l'attaquent simplement parce qu'ils ne comprennent pas l'histoire et les aspirations des âmes humaines ... Malheur à ceux qui ne comprennent pas que l'Amérique doit, devra, est en train de changer, je dis pour le meilleur. Malheur à ceux qui croient à la bombe atomique, qui croient à la haine envers les pères et mères, qui nient le plus important des Dix commandements, malheur à ceux qui ne croient pas à l'incroyable douceur de l'amour charnel, malheur à ceux qui sont les porte-étendards de la mort, qui croient au conflit et à l'horreur et à la violence et qui remplissent nos livres et nos écrans et nos salons de cette merde, malheur en fait à ceux qui font des films atroces sur la Beat Generation ou d'innocentes ménagères sont violées par des beatniks ! Malheur à ceux qui sont les véritables et sinistres pécheurs que Dieu trouve encore à pardonner ...

Malheur à ceux qui crachent sur la Beat Generation, le vent le leur renverra.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Kérouac - les origines d'une génération

Message non lu par Cinci » dim. 21 nov. 2021, 20:31

J'ajouterais le souvenir personnel d'un article de 2015 ayant paru dans le journal Le Devoir, dans son cahier de fin de semaine.


Ici sur Neil Cassidy, le "pote" de Kerouac :
[...]

Par les deux bouts

Il aura manqué à cet Apollon du pays cow-boy et improbable lecteur de Proust, pour faire oeuvre, un remède à l’incessante bougeotte, quelque chose comme un équivalent western de l’asthme proustien ou de la syphilis flaubertienne. Éclaboussé par le succès de Sur la route, célébré dans une flopée d’autres ouvrages (Howl, Go, Acid Test…), Cassady devra se contenter du rôle moins modeste de héros de roman et de mythe vivant.

Mythe vivant ? Il ne faut pas chercher ailleurs le chaînon manquant entre les générations beat et psychédélique.

Au tournant des années 60, Ken Kesey, dont les sauteries au LSD commençaient à faire du bruit, était un fan de Sur la route. Quand se présente une occasion d’en rencontrer le héros, il le recrute dans sa propre bande, lui confie le volant d’un autobus rempli de doux dingues et les voici repartis sur la même bonne vieille route pour écrire le nouveau chapitre de l’histoire de la culture américaine. En sa compagnie, Cassady, que quelqu’un décrira comme la plus crédible incarnation du mouvement perpétuel, va passer sans effort de la bagnole lancée à fond de train au vieux bus peinturluré, des speeds gobés comme des bonbons au jus d’orange baptisé à l’acide, et d’une femme à l’autre, toujours. Une telle existence à toute allure finit par laisser des marques. Mais des regrets ?

https://www.ledevoir.com/opinion/chroni ... u-plancher

J'ai enfin compris l'origine du nom du célèbre groupe musical "The Beatles" soit dit en passant. Tout concorderait bien : la période, la fascination des musiciens anglais pour la musique américaine, l'idée de rechercher un souffle nouveau, celle de participer d'une nouvelle mentalité ... ; être «Beat» ... l'appel à une autre forme de spiritualité dégagée du vieux moule. On y retrouverait jusqu'au même type d'excès avec les drogues, s'agissant de Cassidy.

Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4302
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

Re: Kérouac - les origines d'une génération

Message non lu par Trinité » dim. 21 nov. 2021, 22:22

Fabuleux mon cher Cinci!

Quelle vie!

J'ai tout lu ! :)

En effet!Est que les" beat..les"se seraient inspirés de cette état d'âme de l'auteur!

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 72 invités