Les poèmes ont besoin de lecteurs

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Christian
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Les poèmes ont besoin de lecteurs

Message non lu par Christian » lun. 23 janv. 2006, 11:56

Bertold Brecht

A une époque où règne la confusion
Où coule le sang
Où l’on ordonne le désordre
Où l’arbitraire prend force de loi
Où l’humanité se déshumanise
Ne dites jamais : c’est naturel
Afin que rien ne passe pour immuable
Dans la règle trouvez l’abus
Et partout où l’abus est montré
Trouvez le remède
Faites en sorte quand vous quitterez ce monde
De n’avoir pas seulement été bon
Mais de quitter un monde bon

Le moins qu’on puisse dire est que Bertold Brecht n’est pas un poète chrétien. Mais tout ce qui monte converge, comme le notait fort justement Teilhard de Chardin. L’ultra-libéral et catholique que je suis ne peut que souscrire à la pensée qui inspire ce poème.

Je n’en connais pas les références et je ne peux même pas mentionner son traducteur. Il a été distribué avec le programme d’une représentation théâtrale à laquelle j’assistais au château de Clermont, en Haute-Savoie, en juillet 1999.

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Raistlin
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Poème

Message non lu par Raistlin » ven. 10 oct. 2008, 9:17

Bonjour à tous, :)

Ci-dessous, un petit poème que j'aime beaucoup et que je trouve très actuel.

Bonne journée.
Aux modernes

Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.

Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D'un sang si corrompu, d'un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches,

Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.

Charles-Marie Leconte de Lisle (XIXième siècle)
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

fil bleu
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Poème d'Aragon

Message non lu par fil bleu » sam. 20 déc. 2008, 23:52

Cette réflexion a été le cheminement de cette année.

Poême d'Aragon: « Les mots qui ne sont pas d'amour »

Il est inutile de geindre
Si l'on acquiert comme il convient
Le sentiment de n'être rien
Mais j'ai mis du temps pour l'atteindre

On se refuse longuement
de n'être rien pour qui l'on aime
Pour autrui rien rien par soi-même
Ca vous prend on ne sait comment

On se met à mieux voir le monde
Et peu à peu ça monte en vous
Il fallait bien qu'on se l'avoue
Ne serait-ce qu'une seconde

Une seconde et pour la vie
Pour tout le temps qu'il vous demeure
Plus n'importe q'on vive ou meure
Si vivre et mourir n'ont servi

Soudain la vapeur se renverse
Toi qui croyais faire la loi
Tout existe et bouge sans toi
Tes beaux nuages se dispersent

Tes monstres n'ont pas triomphé
Le chant ne remue pas les pierres
Il est la voix de la matière
Il n'y a que de faux Orphées

L'effet qui formerait la cause
Est pure imagination
Renonce à la création
Le mot ne vient qu'aprés la chose

Et pas plus l'amour ne se crée
Et pas plus l'amour ne se force
Aucun dieu n'est pris sous l'écorce
Qu'il t'appartienne délivrer

Ce ne sont pas les mots d'amour
Qui détournent les tragédies
Ce ne sont pas les mots qu'on dit
Qui changent la face des jours

Le malheur où te voilà pris
Ne se règle pas au détail
Il est l'objet d'une bataille
Dont tu ne peux payer le prix

Apprends qu'elle n'est pas la tienne
Mais bien la peine de chacun
Jette ton coeur au feu commun
Qu'est-il de tel que tu y tiennes

Seulement qu'il donne une flamme
Comme une rose du rosier
Mélée aux flammes du brasier
Pour l'amour de l'homme et de la femme

Va Prends leur main Prends le chemin
Qui te mène au bout du voyage
Et c'est la fin du moyen âge
Pour l'homme et la femme demain

Cela fait trop longtemps que dure
Le Saint Empire des nuées
Ah sache au moins contribuer
A rendre le ciel moins obscur

Qui sont ces gens sur le coteaux
Qu'on voit tirer contre la grêle
Mais va partager leur querelle
Qu'il ne pleuve plus de couteaux

Peux-tu laisser le feu s'étendre
Qui brûle dans les bois d'autrui
Mais pour un arbre et pour un fruit
Regarde-toi Tu n'es que cendres

Chaque douleur humaine sens-
La pour toi comme une honte
Et ce n'est vivre au bout du compte
Qu'avoir le front couleur de sang

Chaque douleur humaine veut
Que de tout ton sang tu l'étreignes
Et celle-là pour qui tu saignes
Ne fait que souffler sur le feu

Voici ce que ce poême m'a inspiré dans ma recherche de l'Essentiel.

Etre rien, j'ai mis du temps pour l'atteindre
parce q'il y a un rôle à jouer
une situation sociale à préserver
tout un tas de choses à faire et à gagner
un pouvoir à conquérir ou à garder
parce qu'il y a une carte de visite à soigner



L'Essentiel c'est de dépasser ce que je fais, ce que je défends, ma place, ma carte de visite à remplir
la structure, l'institution, l'environnement qui me conditionnent
pour revenir au rien
qui est liberté, qui est qualité de la vie, qui est suppression d'obstacles
Revenir au rien est une purification des intentions
c'est d'enlever tous les obstacles à la bonté et à la miséricorde
et prendre tous les risques pour cela.



Quand il n'y a rien, il n'y a rien à perdre et tout à gagner;
Ce rien, c'est comme la main ouverte, en creu, pour recevoir
Ce rien, c'est une aptitude, un possible, une espérance
Ce rien, c'est une mise à nu pour être habillé
Ce rien, c'est le passage de l'avoir à l'être
Ce rien, c'est la prise de souffle pour la qualité du chant
Ce rien, c'est le lieu de l'Esprit fort, ferme Ps51,12 généreux, porté au bien 13 sainteté 14
Ce rien, c'est l'espace entre deux tisons pour que la flamme jaillisse
Ce rien, c'est le silence qui permet la parole
Ce rien, c'est le vide de la porte ouverte pour laisser le passage
Ce rien, c'est chaque fois que nous disons « Aprés vous »
Ce rien, c'est le trou que je fais pour mettre une semence
Ce rien, c'est le temps de l'espérance
de voir éclater la terre sous la poussée de la tige vers les fleurs et les fruits.
La mort sera peut être le plus grand rien pour la plus grande plénitude

Quand je rencontre quelqu'un, qu'elle est la première question que je pose
« Que fais-tu »? ou « Comment vas-tu »? « Qu'elle est ta vie aujourd'hui »?

Dieu qui voit dans le secret te le rendra
Etre rien, c'est faire toute la place à la Présence de Dieu
c'est faire toute la place à l'humanité.
C'est peut être en ce sens qui faut comprendre
« Celui qui perd sa vie, la trouvera » Lc 9,22-25

Seigneur, ouvre mes lèvres (qu'il n'y ait rien dans ma bouche)
et ma bouche publiera ta louange Ps51


Où se trouve la beauté?
Dans les grandes choses qui, comme les autres sont appelées à mourir
ou bien dans les petites qui sans prétrendre à rien savent incruster dans l'instant un germe d'infini
L'élégance du Hérisson – Muriel Barbery – Gallimard P.94
( A propos du rituel du thé entre la concierge et son amie)

Rien, c'est rien
Deux fois rien, c'est moins que rien
Mais trois fois rien, c'est quelque chose Raymond Devos

etienne lorant
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Les poèmes ont besoin de lecteurs !

Message non lu par etienne lorant » jeu. 11 juin 2009, 14:35

Merci cousine Zélie, pour ce visage tourmenté de Baudelaire ! Je crois que c'est le même qui a décrit l'âme des poètes:

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher

Avant Baudelaire, Vigny avait décrit un état malheureux du poète, qui se raidit devant le monde, parce qu'il lui est impossible d'y trouver son compte:

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !
Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "

(Il se trompait: le "Sort" n'appelle personne... voici un homme déçu qui n'a pas pu se réconcilier avec lui-même)

Merci à vous d'être là !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par zélie » jeu. 11 juin 2009, 19:28

Ah, Etienne, "l'albatros" est le tout premier poème que j'ai appris à 8 ans de Baudelaire, bien avant de savoir qui était Baudelaire! Ca m'a fait sourire de le retrouver quelques années plus tard, l'émotion intacte (enfin, un peu plus que "quelques" quand même!)!

Je ne connaissais pas le suivant, d'Alfred de Vigny, mais je trouve que la forme un peu surannée des poésies du 19ème n'enlève rien à leur justesse.

Merci Etienne!

Zélie

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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » ven. 12 juin 2009, 12:50

Voici une amusant, perspicace et joli propos fixant un seul critère de qualité d'une poésie:

"Dans un poème, si l'on demande pourquoi tel mot est à tel endroit, et s'il y a une réponse, ou bien le poème n'est pas de premier ordre, ou bien le lecteur n'a rien compris. Si l'on peut dire légitimement que le mot est là où il est pour exprimer telle idée, ou pour la liaison grammaticale, ou pour la rime, ou pour une allitération , ou pour remplir les vers, ou pour une certaine coloration, ou même pour plusierus motifs de ce genre à la fois, il y a eu recherche de l'effet dans la composition du poème, il n'y a pas eu véritable inspiration.

Pour un poème vraiment beau, la seule réponse, c'est que le mot est là parce qu'il convenait qu'il y fût. La preuve de cette convenance, c'est qu'il est là et que le poème est beau. Le poème est beau, c'est-à-dire que le lecteur ne souhaite pas qu'il soit autre"


Mais de qui est-ce ?
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » ven. 12 juin 2009, 12:56

Je poursuis dans la "minute poésie": voici d'abord "Trouvé au bas d'un crucifix" de Victor Hugo :

Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure.
Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit.
Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit.
Vous qui passez, venez à lui, car il demeure

Et ce poème, extrait de "L'Art d'être grand-père", qui n'a pas pris une ride:

Jeanne était au pain sec...
Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Repose le salut de la société,
S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce :
- Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.
Mais on s'est récrié : - Cette enfant vous connaît ;
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. À chaque instant
L'ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;
Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête.
Vous démolissez tout. - Et j'ai baissé la tête,
Et j'ai dit : - Je n'ai rien à répondre à cela,
J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là
Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte.
Qu'on me mette au pain sec. - Vous le méritez, certe,
On vous y mettra. - Jeanne alors, dans son coin noir,
M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l'autorité des douces créatures :

- Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par Dúbida » ven. 12 juin 2009, 13:27

etienne lorant a écrit :Mais de qui est-ce ?
Simone Weil, non ?

Pour ceux qui veulent "concilier" (je ne trouve pas le bon mot) Dieu et la poésie... http://www.biblisem.net/indexmed.htm

Edit : contente que ce lien vous plaise ! Vous allez avoir de quoi lire :>
Dernière modification par Dúbida le ven. 12 juin 2009, 16:32, modifié 1 fois.

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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » ven. 12 juin 2009, 13:40

Merci Dubida, j'irai piocher dedans, c'est sûr !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » sam. 13 juin 2009, 13:59

Ce samedi, je me suis souvenu de Francis Jammes et de sa

PRIERE POUR ALLER AU PARADIS AVEC LES ANES

Lorsqu'il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : " Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles."
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel.

Les quatre dernières lignes de ce poème sans rimes, sont vraiment d'une très grande douceur. Oh, Francis !, je peux vous accompagner ?
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » sam. 13 juin 2009, 14:01

Dúbida a écrit :
etienne lorant a écrit :Mais de qui est-ce ?
Simone Weil, non ?

Mais c'est tout à fait exact ! Mes félicitations car le texte que j'avais cité n'avait pas tout à fait rapport avec la philosophie !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par Dúbida » sam. 13 juin 2009, 14:14

etienne lorant a écrit :Mais c'est tout à fait exact ! Mes félicitations car le texte que j'avais cité n'avait pas tout à fait rapport avec la philosophie !
Je ne mérite pas trop vos félicitions ! Je me doutais que c'était de Simone Weil parce que vous la citez souvent, mais j'ai du faire quelques recherches pour confirmer ;)

---

Sinon, j'aime beaucoup la PRIERE POUR ALLER AU PARADIS AVEC LES ANES que vous avez posté juste avant. Du coup, je me permet de mettre trois poèmes que j'apprécie particulièrement :

Ciel et Terre - Max Jacob, Le Laboratoire central. Je l'avais déjà posté je ne sais plus où sur ce forum, mais décidément je l'aime bien (il n'est pas en entier, comme l'indique les [...]).

Je vois l'amour dans le regard des anges
Je vois le ciel dans le regard de Dieu
Sans coloris seulement en nuances.
Sans gestes nets des gestes dans les yeux
Je vois au ciel plus de lentes tendresses
Que de splendeurs
Moins de clairons, de joie et de liesses
Que de douceurs.
Non ! Je ne veux point d'or, point de couronne
Au front divin
Point de manteau dont la richesse étonne
De sceptre en main. [...]
Le Corps Sacré du Seigneur Notre Père
Est très mignon, mais fort et bien portant
Il pense à tous, les morts et les vivants
Aucun souci pourtant sur ce visage
Plus éclairé qu'une aurore au printemps [...]
Le Seigneur aux humains signifie sa lumière
Chacun de nous du ciel a l'image en son cœur.
Il peut le conquérir avant l'heure dernière.
Et trouver en son Dieu la Paix et le bonheur.
Espérons ! espérons en sa miséricorde
A qui sait demander le Seigneur dit "J'accorde !"
Le Seigneur à la fois donne épreuve et salut
Il nous fait concevoir le bonheur des élus
Pour qu'à le mériter nous mettions plus de zèle
Aimons-nous ! Aimons Dieu ! Et l'amour a des ailes.


"Mon Dieu m’a dit..." - Paul Verlaine, Sagesse

I

Mon Dieu m’a dit : « Mon fils, il faut m’aimer. Tu vois
Mon flanc percé, mon cœur qui rayonne et qui saigne,
Et mes pieds offensés que Madeleine baigne
De larmes, et mes bras douloureux sous le poids

De tes péchés, et mes mains ! Et tu vois la croix,
Tu vois les clous, le fiel, l’éponge, et tout t’enseigne
À n’aimer, en ce monde amer où la chair règne,
Que ma Chair et mon Sang, ma parole et ma voix.

Ne t’ai-je pas aimé jusqu’à la mort moi-même,
Ô mon frère en mon Père, ô mon fils en l’Esprit,
Et n’ai-je pas souffert, comme c’était écrit ?

N’ai-je pas sangloté ton angoisse suprême
Et n’ai-je pas sué la sueur de tes nuits,
Lamentable ami qui me cherches où je suis ? »
[+] Texte masqué
II

J’ai répondu : « Seigneur, vous avez dit mon âme.
C’est vrai que je vous cherche et ne vous trouve pas.
Mais vous aimer ! Voyez comme je suis en bas,
Vous dont l’amour toujours monte comme la flamme.

Vous, la source de paix que toute soif réclame,
Hélas ! Voyez un peu tous mes tristes combats !
Oserai-je adorer la trace de vos pas,
Sur ces genoux saignants d’un rampement infâme ?

Et pourtant je vous cherche en longs tâtonnements,
Je voudrais que votre ombre au moins vêtît ma honte,
Mais vous n’avez pas d’ombre, vous dont l’amour monte,

Ô vous, fontaine calme, amère aux seuls amants
De leur damnation, à vous toute lumière,
Sauf aux yeux dont un lourd baiser tient la paupière ! »

III

– Il faut m’aimer ! Je suis l’universel Baiser,
Je suis cette paupière et je suis cette lèvre
Dont tu parles, ô cher malade, et cette fièvre
Qui t’agite, c’est moi toujours ! Il faut oser

M’aimer ! Oui, mon amour monte sans biaiser
Jusqu’où ne grimpe pas ton pauvre amour de chèvre,
Et t’emportera, comme un aigle vole un lièvre,
Vers des serpolets qu’un ciel cher vient arroser !

Ô ma nuit claire ! ô tes yeux dans mon clair de lune !
Ô ce lit de lumière et d’eau parmi la brune !
Toute cette innocence et tout ce reposoir !

Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes,
Car étant ton Dieu tout-puissant, je peux vouloir,
Mais je ne veux d’abord que pouvoir que tu m’aimes.

IV

– Seigneur, c’est trop ! Vraiment je n’ose. Aimer qui ? Vous ?
Oh ! non ! Je tremble et n’ose. Oh ! vous aimer, je n’ose,
Je ne veux pas ! Je suis indigne. Vous, la Rose
Immense des purs vents de l’Amour, à Vous, tous

Les coeurs des saints, à Vous qui fûtes le Jaloux
D’Israël, Vous, la chaste abeille qui se pose
Sur la seule fleur d’une innocence mi-close,
Quoi, moi, moi, pouvoir Vous aimer ? Êtes-vous fous,

Père, Fils, Esprit ? Moi, ce pécheur-ci, ce lâche,
Ce superbe, qui fait le mal comme sa tâche
Et n’a dans tous ses sens, odorat, toucher, goût,

Vue, ouïe, et dans tout son être – hélas ! dans tout
Son espoir et dans tout son remords, que l’extase
D’une caresse où le seul vieil Adam s’embrase ?

V

– Il faut m’aimer. Je suis ces Fous que tu nommais,
Je suis l’Adam nouveau qui mange le vieil homme,
Ta Rome, ton Paris, ta Sparte et ta Sodome,
Comme un pauvre rué parmi d’horribles mets.

Mon amour est le feu qui dévore à jamais
Toute chair insensée, et l’évapore comme
Un parfum, – et c’est le déluge qui consomme
En son flot tout mauvais germe que je semais,

Afin qu’un jour la Croix où je meurs fût dressée
Et que par un miracle effrayant de bonté
Je t’eusse un jour à moi, frémissant et dompté.

Aime. Sors de ta nuit. Aime. C’est ma pensée
De toute éternité, pauvre âme délaissée,
Que tu dusses m’aimer, moi seul qui suis resté !

VI

– Seigneur, j’ai peur. Mon âme en moi tressaille toute.
Je vois, je sens qu’il faut vous aimer. Mais comment
Moi, ceci, me ferai-je, à vous Dieu, votre amant,
Ô Justice que la vertu des bons redoute ?

Oui, comment ? Car voici que s’ébranle la voûte
Où mon cœur creusait son ensevelissement
Et que je sens fluer à moi le firmament,
Et je vous dis : de vous à moi quelle est la route ?

Tendez-moi votre main, que je puisse lever
Cette chair accroupie et cet esprit malade.
Mais recevoir jamais la céleste accolade,

Est-ce possible ? Un jour, pouvoir la retrouver
Dans votre sein, dans votre cœur qui fut le nôtre,
La place où reposa la tête de l’apôtre ?

VII

– Certes, si tu le veux mériter, mon fils, oui,
Et voici. Laisse aller l’ignorance indécise
De ton coeur vers les bras ouverts de mon Église
Comme la guêpe vole au lis épanoui.

Approche-toi de mon oreille. Épanches-y
L’humiliation d’une brave franchise.
Dis-moi tout sans un mot d’orgueil ou de reprise,
Et m’offre le bouquet d’un repentir choisi.

Puis franchement et simplement viens à ma table,
Et je t’y bénirai d’un repas délectable
Auquel l’ange n’aura lui-même qu’assisté,

Et tu boiras le vin de la vigne immuable
Dont la force, dont la douceur, dont la bonté
Feront germer ton sang à l’immortalité.

*
* *

Puis, va ! Garde une foi modeste en ce mystère
D’amour par quoi je suis ta chair et ta raison,
Et surtout reviens très souvent dans ma maison,
Pour y participer au Vin qui désaltère,

Au Pain sans qui la vie est une trahison,
Pour y prier mon Père et supplier ma Mère
Qu’il te soit accordé, dans l’exil de la terre,
D’être l’agneau sans cris qui donne sa toison,

D’être l’enfant vêtu de lin et d’innocence,
D’oublier ton pauvre amour-propre et ton essence,
Enfin, de devenir un peu semblable à moi

Qui fus, durant les jours d’Hérode et de Pilate
Et de Judas et de Pierre, pareil à toi
Pour souffrir et mourir d’une mort scélérate !

*
* *

Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs
Si doux qu’ils sont encor d’ineffables délices,
Je te ferai goûter sur terre mes prémices,
La paix du coeur, l’amour d’être pauvre, et mes soirs

Mystiques, quand l’esprit s’ouvre aux calmes espoirs
Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice
Éternel, et qu’au ciel pieux la lune glisse,
Et que sonnent les angélus roses et noirs,

En attendant l’assomption dans ma lumière,
L’éveil sans fin dans ma charité coutumière,
La musique de mes louanges à jamais,

Et l’extase perpétuelle et la science,
Et d’être en moi parmi l’aimable irradiance
De tes souffrances, enfin miennes, que j’aimais !

VIII

– Ah ! Seigneur, qu’ai-je ? Hélas ! me voici tout en larmes
D’une joie extraordinaire : votre voix
Me fait comme du bien et du mal à la fois,
Et le mal et le bien, tout a les mêmes charmes.

Je ris, je pleure, et c’est comme un appel aux armes
D’un clairon pour des champs de bataille où je vois
Des anges bleus et blancs portés sur des pavois,
Et ce clairon m’enlève en de fières alarmes.

J’ai l’extase et j’ai la terreur d’être choisi.
Je suis indigne, mais je sais votre clémence.
Ah ! quel effort, mais quelle ardeur ! Et me voici

Plein d’une humble prière, encor qu’un trouble immense
Brouille l’espoir que votre voix me révéla,
Et j’aspire en tremblant.

IX


– Pauvre âme, c’est cela !
Et enfin Ballade pour prier Notre-Dame, de François Villon

Dame du ciel, régente terrienne,
Emperière des infernaux palus,
Recevez-moi, votre humble chrétienne,
Que comprise soie entre vos élus,
Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse
Sont bien plus grands que ne suis pécheresse,
Sans lesquels biens âme ne peut mérir
N'avoir les cieux. Je n'en suis jangleresse :
En cette foi je veux vivre et mourir.

A votre Fils dites que je suis sienne ;
De lui soient mes péchés abolus ;
Pardonne moi comme à l'Egyptienne,
Ou comme il fit au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eût au diable fait promesse
Préservez-moi de faire jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on célèbre à la messe :
En cette foi je veux vivre et mourir.

Femme je suis pauvrette et ancienne,
Qui riens ne sais ; oncques lettres ne lus.
Au moutier vois, dont suis paroissienne,
Paradis peint, où sont harpes et luths,
Et un enfer où damnés sont boullus :
L'un me fait peur, l'autre joie et liesse.
La joie avoir me fais, haute Déesse,
A qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblés de foi, sans feinte ne paresse :
En cette foi je veux vivre et mourir.

Vous portâtes, digne Vierge, princesse,
Iésus régnant qui n'a ni fin ni cesse.
Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,
Laissa les cieux et nous vint secourir,
Offrit à mort sa très chère jeunesse ;
Notre Seigneur tel est, tel le confesse :
En cette foi je veux vivre et mourir.

etienne lorant
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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » sam. 13 juin 2009, 19:21

Oui, c'est du très bon choix ! De Villon je connais évidemment "La ballade des Pendus", mais ces pendus m'en ont rappelé d'autres... plus tardifs:

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël!

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles
Se heurtent longuement dans un hideux amour.

Hurrah! les gais danseurs, qui n'avez plus de panse!
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs!
Hop! qu'on ne sache plus si c'est bataille ou danse!
Belzébuth enragé racle ses violons!

Ô durs talons, jamais on n'use sa sandale!
Presque tous ont quitté la chemise de peau;
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau:

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton:
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.

Hurrah! la bise siffle au grand bal des squelettes!
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer!
Les loups vont répondant des forêts violettes:
A l'horizon, le ciel est d'un rouge d'enfer...

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d'amour sur leurs pâles vertèbres:
Ce n'est pas un moustier ici, les trépassés!

Oh! voilà qu'au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l'élan, comme un cheval se cabre:
Et, se sentant encor la corde raide au cou,

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Il fallait bien être Rimbaud pour écrire un Bal des Pendus !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par etienne lorant » dim. 14 juin 2009, 17:57

Voici, attribué à Simone Weil, un texte dont je n'ai pas pu cerner l'origine :

IL RESTERA DE TOI,
« Il restera de toi ce que tu as donné
Au lieu de le garder dans des coffres rouillés.
Il restera de toi, de ton jardin secret,
Une fleur oubliée qui ne s'est pas fanée.
Ce que tu as donné
En d'autres fleurira.
Celui qui perd sa vie
Un jour la retrouvera.
Il restera de toi ce que tu as offert
Entre tes bras ouverts un matin au soleil.
Il restera de toi ce que tu as perdu,
Que tu as attendu plus loin que tes réveils.
Ce que tu as souffert
En d'autres revivra.
Celui qui perd sa vie
Un jour la retrouvera.
Il restera de toi une larme tombée,
Un sourire germé sur les yeux de ton cœur.
Il restera de toi ce que tu as semé,
Que tu as partagé aux mendiants du bonheur.
Ce que tu as semé
En d'autres germera.
Celui qui perd sa vie
Un jour la retrouvera. »

Et maintenant, un peu de Prévert, toujours perspicace, efficace et simple:

Déjeuner du matin
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café

Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné

Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler

Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier

Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête

Il a mis son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie

Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j’ai pris
Ma tête dans ma main
Et j’ai pleuré.

Bon dimanche !

Etienne
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Les poètes

Message non lu par Dúbida » dim. 14 juin 2009, 20:27

etienne lorant a écrit :Et maintenant, un peu de Prévert, toujours perspicace, efficace et simple
:oui:

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Et nox facta est, I - Victor Hugo

Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme.

Il n'avait pas encor pu saisir une cime,
Ni lever une fois son front démesuré.
Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré,
Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
Il tombait foudroyé, morne, silencieux,
Triste, la bouche ouverte et les pieds vers les cieux,
L'horreur du gouffre empreinte à sa face livide.
Il cria : Mort ! - les poings tendus vers l'ombre vide.
Ce mot plus tard fut homme et s'appela Caïn.

Il tombait. Tout à coup un roc heurta sa main ;
Il l'étreignit, ainsi qu'un mort étreint sa tombe
Et s'arrêta. Quelqu'un d'en haut lui cria : - Tombe !
Les soleils s'éteindront autour de toi, maudit !
Et la voix dans l'horreur immense se perdit.
Et pâle, il regarda vers l'éternelle aurore.
Les soleils étaient loin, mais ils brillaient encore.
Satan dressa la tête et dit, levant ses bras :
- Tu mens ! - Ce mot plus tard fut l'âme de Judas.

Pareil aux dieux d'airain debout sur leurs pilastres
Il attendit mille ans, l'œil fixé sur les astres.
Les soleils étaient loin, mais ils brillaient toujours.
La foudre alors gronda dans les cieux froids et sourds,
Satan rit, et cracha du côté du tonnerre
L'immensité qu'emplit l'ombre visionnaire,
Frissonna. Ce crachat fut plus tard Barabbas.

Un souffle qui passait le fit tomber plus bas...

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