Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

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Olivier JC
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Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » jeu. 11 mai 2023, 15:27

Bonjour,

Pour lutter contre l'affadissement du forum, je propose de réfléchir sur cet épineux sujet en s'efforçant d'éviter deux écueils, à savoir en premier lieu se contenter de redire l'état actuel de la question d'un point de vue théologie et canonique, et en second lieu, de rester au plus près de la doctrine catholique en la matière, pour d'évidentes raisons.

Le point de départ ne peut-être que le Christ lui-même et ce qui est rapporté de ses propos dans les Evangiles : "Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas". Ce qui aurait pu être interprété comme signifiant qu'une séparation est possible mais peccamineuse, mais a toujours été compris par l'Eglise comme signifiant que ce n'est pas possible.

Les évolutions de la théologie du mariage, et c'est peu dire qu'il y a eu approfondissement en ce domaine, permettent de comprendre la justesse de cette compréhension puisqu'il s'agit d'un don de soi réciproque et que ce qui est donné ne saurait être repris. C'est un résumé lapidaire mais, me semble-t-il, assez exact ce la théologie du mariage aujourd'hui telle qu'elle est proposée par le Concile Vatican II et l'enseignement, notamment, de S. Jean-Paul II.

Concrètement, le Concile de Trente a adopté une formule que l'on retrouve toujours dans le Code de droit canonique, à savoir que "Matrimonium validum ratum et consummatum nulla humana potestate nullaque causa, praeterquam morte, dissolvi potest". Ainsi, l'indissolubilité du lien conjugal est acquise dès lors que deux conditions cumulatives sont réunies : ratum et consummatum.

Le ratum concerne la validité du consentement, au regard des qualités requises pour ce consentement ainsi que de l'absence d'empêchements tels que prévus par le droit. Si le ratum est déficient, le mariage est nul. Dans cette hypothèse, ce n'est pas qu'il y a un lien dissoluble, c'est qu'il n'y a jamais eu de lien. Il n'y a pas grand chose à en dire pour la question présente.

Pour le consummatum, il me semble que la pratique actuelle mériterait d'être interrogée, avec peut-être une certaine audace. En effet, lorsque la formule adoptée par le Concile de Trente a été forgée, la théologie du mariage n'était pas tout à fait ce qu'elle est aujourd'hui. Le mariage était surtout considéré comme un remède à la concupiscence dont la finalité première était la procréation. Ce qui est mis en avant aujourd'hui sur le don réciproque et la place centrale de l'amour entre l'homme et la femme n'existait tout simplement pas à l'époque. Il s'ensuit que le consummatum était compris comme l'union sexuelle faisant suite à l'échange des consentements ce qui, au regard des finalités du mariage, était d'une logique inattaquable.

C'est encore ainsi que le droit canonique considère les choses. Pour celui-ci, en effet, dans un mariage "validum ratum" existe un lien, qui n'est cependant pas indissoluble, puisque le mariage non consummatum peut être dissous par pontife romain. C'est le consummatum qui rend indissoluble le lien né de l'échange valide des consentements. Sachant qu'il y a eu sur ce point une évolution puisqu'il semble, à ce que j'ai pu constater (il n'est pas aisé de consulter la jurisprudence des officialités ou de la Rote romaine), que le mariage ne puisse être consummatum lorsque l'union sexuelle s'avère avoir été un viol. Ce n'est donc pas uniquement la matérialité de l'acte qui est prise en compte.

Le terme consummatum signifie 'accompli', 'achevé'. Tant que l'on regarde le mariage comme ordonné à la procréation des enfants et constitutif d'un remède à la concupiscence, considérer qu'il est accompli après la première union sexuelle s'inscrivant dans la suite cohérente de l'échange des consentements, c'est-à-dire la première union sexuelle librement consenti par chacun des époux est, comme je le disais plus haut, parfaitement logique.

Mais à partir du moment où le mariage est considéré comme le don réciproque de l'homme et de la femme, peut-on encore considérer que cette première union suffit à le considérer comme accompli ? La notion canonique de consummatum n'est-elle pas aujourd'hui trop étroitement comprise en lien avec la théologie qui l'a vue naître et qui s'est depuis grandement approfondie ?

N'y aurait-il pas là une piste qui permettrait de faire face aux défis actuels d'une manière restant fidèle à l'enseignement de l'Eglise et à son évolution, en faisant simplement un pas en avant pour traduire dans le droit canonique les évolutions de la théologie du mariage ? Car, en effet, la théologie du mariage nous parle de l'idéal, en quelque sorte. De l'objectif à atteindre, de l'espérance à poursuivre. Mais il revient au droit canonique de venir dire:
1. à partir de quel moment et sous quelles conditions le lien apparaît (ratum)
2. à partir de quel moment et sous quelles conditions le lien devient indissoluble (consummatum)...

Puisqu'en effet, les autre solutions ont des limites évidentes, que ce soit l'élargissement de la compréhension des causes de nullité ou l'épluchage casuistique des consciences préconisé par Amoris Laetitia. Alors qu'une réflexion sur ce que recouvre la notion de consummatum me semble prometteuse, sans que je puisse (mais peut-être serais-je ici détrompé par plus perspicace que moi) déceler sur le principe une contradiction avec la foi catholique.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Gaudens » jeu. 11 mai 2023, 18:23

Question effectivement intéressante et nullement oiseuse,Olivier,en effet;
J'avoue personnellement mon incompétence à y répondre.Je note seulement que l'on passerait , pour la compréhension du "consumatum", d'une appréciation objective (un acte sexuel complet et abouti ou pas) à une compréhension de nature subjective:le consumatum pourrait différer d'un couple à l'autre,vraisemblablement.Et serait-on alors loin de de que vous pensez être des impasses dans l'approche d'Amoris Laetitia"? Mais n'ayant pas lu ce dernier document,je sèche... Et je ne suis pas sûr que l'intervention d'un canoniste (qui dit le droit) suffise alors à la décision sans apports de théologiens et de psychologues.

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Olivier JC
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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » jeu. 11 mai 2023, 18:39

Gaudens a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 18:23
Je note seulement que l'on passerait , pour la compréhension du "consumatum", d'une appréciation objective (un acte sexuel complet et abouti ou pas) à une compréhension de nature subjective:le consumatum pourrait différer d'un couple à l'autre,vraisemblablement.Et serait-on alors loin de de que vous pensez être des impasses dans l'approche d'Amoris Laetitia"?
A l'heure actuelle, il ne s'agit pas seulement de rechercher la matérialité de l'acte puisqu'il semble qu'en cas de viol, la consommation n'est pas retenue. Mais impossible, malheureusement, de se procurer la décision entière pour en analyser précisément les détails... Mais dans l'idée, effectivement, il ne s'agit plus de rechercher la réalisation du don au niveau des corps, mais de porter une appréciation sur la réalisation de ce don au niveau du cœur, de la personne dans son ensemble.

L'approche d'Amoris Laetitia est différente puisqu'elle s'inscrit dans l'hypothèse où le lien conjugal est valide et consommé, donc indissoluble. Il s'agit, dans la perspective de François et pour résumer rapidement, de rechercher si, s'agissant du cas particulier des divorcés-remariés, si ce qui est objectivement un péché intervenant dans une matière grave ne pourrait pas, au regard de la subjectivité des personnes, n'avoir qu'un caractère véniel. La logique n'est donc pas du tout la même puisqu'il ne s'agit pas de rechercher le degré de réalisation du don de soi mais de rechercher s'il y a ou non un péché commis en pleine conscience et de propos délibéré.

Je crois surtout que la difficulté principale est le positionnement du curseur, si l'on peut s'exprimer ainsi. Parce que la théorie est certes séduisante, mais en pratique, à partir de quel degré de don de soi (apprécié comment ? sur quels critères ?) le lien va-t-il être considéré comme indissoluble ?

Ou faut-il considérer que l'indissolubilité est acquise à partir du moment où le mariage est consommé au sens le plus fort, c'est-à-dire à partir du moment où le don de soi réciproque atteint une telle profondeur que, de facto, la question n'aura même plus à se poser ? J'ai tendance à le penser, mais les implications ne seraient pas anodines et la mise en œuvre devrait impliquer une évolution considérable de la pastorale du mariage, y compris et surtout dans l'accompagnement postérieur à la célébration du mariage.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » jeu. 21 mars 2024, 11:52

Bonjour,

Je relance ce fil, ayant continué ma réflexion sur cette question passionnante, actuelle, et bien moins évidente qu'il n'y paraît lorsqu'elle est abordée d'un point de vue canonique et non théologique.

L'Eglise orthodoxe admet le divorce et le remariage consécutif, la chose est connue, sans pour autant remettre en question la doctrine de l'indissolubilité du mariage. Leur position est fondée sur Mt 19,9, qui les amène à considérer que si Notre Seigneur a permis une exception à la règle générale de l'indissolubilité du mariage, alors l'Eglise a le pouvoir de consentir à d'autres exceptions. L'incise, qui est traduite dans la Bible de la liturgie par "sauf en cas d'union illégitime", n'est clairement pas satisfaisante. La Vulgate indique "nisi ob fornicationem", et le terme que l'on retrouve dans les manuscrits grecs est "porneia".

Ainsi, pour l'Eglise orthodoxe, la dissolution peut intervenir par suite d'atteintes au lien conjugal provenant de la débauche, que ce soit l'infidélité ou les actes immoraux. Elle considère également que cette dissolution peut intervenir par suite de l'absence d'un des époux, laquelle absence doit présenter un caractère définitif suffisamment évident.

Dans la logique de l'Eglise orthodoxe, l'autorité ecclésiale ne prononce pas la dissolution du lien, elle en fait le constat. Référence est ainsi fréquemment faite à S. Cyrille d'Alexandrie : "Ce ne sont pas les lettres de séparation qui dissolvent le mariage par rapport à Dieu, mais bien un mauvais comportement".

Naturellement, cette argumentation n'est pas recevable d'un point de vue catholique sans entrer en contradiction frontale avec les anathèmes proférés par le Concile de Trente :
5. Si quelqu’un dit que le lien du mariage peut être rompu en raison de l’hérésie, ou bien d’une vie en commun insupportable, ou bien en l’absence voulue d’un conjoint : qu’il soit anathème.

7. Si quelqu’un dit que l’Église se trompe quand elle a enseigné et enseigne, conformément à l’enseignement de l’Évangile et de l’Apôtre [Mt 5, 32 ; Mt 19, 9 ; Mc 10, 11–12 ; Lc 16, 18 ; 1 Co 7, 11] que le lien du mariage ne peut pas être rompu par l’adultère de l’un des époux, et que ni l’un ni l’autre, même l’innocent qui n’a pas donné motif à l’adultère, ne peut, du vivant de l’autre conjoint, contracter un autre mariage ; qu’est adultère celui qui épouse une autre femme après avoir renvoyé l’adultère et celle qui épouse un autre homme après avoir renvoyé l’adultère : qu’il soit anathème.
Il semble que d'un point de vue catholique, l'analyse ne peut porter que sur le "consommatum", ainsi que je l'évoquais dans mon premier message. Dans ce cadre, la position de l'Eglise orthodoxe pourrait être regardée comme conforme à la doctrine catholique exprimée au Concile de Trente, en considérant qu'en raison du comportement des époux ou de l'un des deux, le lien matrimonial n'a pas atteint l'indissolubilité. En somme, le comportement a fait obstacle à la consommation du mariage, c'est-à-dire à son achèvement.

La différence entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe dans cette perspective n'apparaîtrait donc plus que comme une différence de positionnement du "curseur" puisque la première admet en plusieurs circonstances que lien, quoique valablement établi, n'est pas indissoluble. Outre le cas scripturaire du privilège paulinien, ont ainsi été admis au XIIème siècle par le Pape Alexandre III la dissolution du mariage non suivi d'union sexuelle, et sous Pie XI le privilège pétrinien permettant la dissolution du mariage valablement conclu entre un baptisé et un non-baptisé.

D'ailleurs, ce privilège pétrinien est assez intéressant dans la mesure où le pouvoir que s'est ainsi reconnu le Souverain Pontife est classiquement considéré comme étant légitime du seul fait qu'il se le soit reconnu. En d'autres termes, le pape peut le faire parce que, de fait, il le fait. D'une certaine manière, cela rejoint mutatis mutandi la position de l'Eglise orthodoxe évoquée précédemment qui considère qu'elle a le pouvoir de consentir à des exceptions puisque Notre Seigneur en a lui-même formulé une.

Pour ce qui est de l'Eglise catholique, une évolution canonique, esquissée avant le Concile Vatican II et qui ne cesse de prendre de l'ampleur, avec les encouragements des Souverains Pontifes (notamment Benoît XVI et François) prend en compte le bonum conjugum, c'est-à-dire la cause finale du mariage qui est le bien des époux. Cette prise en compte se situe dans le cadre des causes de nullité, naturellement, et entre en ligne de compte dans l'analyse du consentement où des déficiences psychiques ou une simulation quant à ce bien des conjoints peut conduire à vicier le consentement au point d'entraîner un constat de nullité. L'exemple typique serait un mariage où ne sont exclus ni la fidélité, ni la procréation, ni l'indissolubilité, mais qui trouverait sa cause déterminante non pas dans la finalité du mariage mais dans un autre bien, comme l'argent par exemple. La notion jurisprudentielle est toujours en cours de construction, et les sentences rotales en la matière montrent que c'est une notion délicate.

Si l'analyse se fait dans le cadre des causes de nullité, à défaut d'autre voie de droit existante, il n'en demeure pas moins qu'elle me semble pouvoir être comprise non pas seulement dans le cadre du ratum, mais également du consommatum puisqu'il peut être considéré que l'exclusion totale ou partielle ab initio du bonum conjugum s'oppose à la consommation du mariage comprise en un sens plus large que la seule consommation charnelle.

On le voit, une notion théologique à première vue extrêmement simple à expliquer puisqu'il ne s'agit jamais que de l'union d'un homme et d'une femme qui se donnent l'un à l'autre, la notion de don excluant de soi toute rétention/récupération, est en réalité extrêmement complexe à mettre en oeuvre concrètement, c'est-à-dire à traduire juridiquement.

On pourrait ainsi imaginer :
1. Une première voie tenant au ratum, qui est la seule voie actuellement existante, dans le cadre de laquelle vont être analysées les conditions de validité du mariage, incluant donc la qualité du consentement, pouvant donner lieu à un constat de nullité.
2. Une deuxième voie tenant au consommatum conduisant l'Eglise à constater que le comportement des époux ou de l'un des deux a objectivement fait échec au déploiement de la grâce du mariage et à l'achèvement de celui-ci. Une telle voie pourrait conduire l'Eglise, au regard des circonstances, non pas seulement à prévoir comme le fait l'Eglise orthodoxe un rituel spécifique au remariage, à forte tonalité pénitentielle, mais de manière similaire à ce qu'elle fait en matière de nullité à l'heure actuelle à interdire aux époux ou à celui des deux qui est responsable de contracter un nouveau mariage, ou tout au moins à ne pouvoir le faire qu'après une période de pénitence et en rapportant la preuve suffisante, appréciée par l'Ordinaire, qu'un nouveau mariage n'aboutira pas au même résultat, les mêmes causes ayant la fâcheuse tendance à produire les mêmes effets.

Naturellement, une pareille optique devrait conduire à une rénovation pastorale en profondeur, notamment en ce qui concerne l'accompagnement dans les premiers temps du mariage et pendant les périodes de difficultés. Un tel cadre ne peut s'envisager dans le cadre pastoral actuel.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Fernand Poisson » jeu. 21 mars 2024, 12:51

Bonjour,

J'ai une question annexe par rapport à ce fil mais qui me semble néanmoins toucher au sujet.

Les prescriptions du Droit canonique sur le mariage me paraissent aboutir à des conséquences absurdes dans la pratique.

Soit les deux cas de figure suivant :

1) A a été baptisée catholique dans son enfance, elle est non croyante, non pratiquante. Elle épouse à la mairie B qui n'est pas croyant non plus et de surcroit n'a pas été baptisé. Leur mariage est invalide. (C'est la même chose si B a été baptisé dans une autre confession chrétienne, protestante par exemple).

2) A et B ont tous deux été baptisés catholiques dans l'enfance, tous deux non-croyants et non-pratiquants. Ils se marient à la mairie. Leur mariage est valide. Mais il est aussi sacramentel, donc indissoluble, même s'ils n'en ont pas conscience. (C'est la même chose si si A et B ont tous deux été baptisés dans une confession non-catholique, même d'ailleurs une confession qui ne croit pas à l'indissolubilité du mariage).

Soit il y a une subtilité qui m'échappe (je ne suis pas canoniste), soit je ne me trompe pas et la différence entre ces deux situations pose sérieusement question, pour des raisons évidentes.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » jeu. 21 mars 2024, 15:04

Bonjour,

Ce que vous décrivez n'est pas conforme au droit canonique. Dans les deux hypothèses, il n'y a pas de mariage.

Le mariage naturel n'existe et n'est reconnu comme ayant une valeur par l'Eglise que s'il intervient entre deux personnes non baptisées. Dès lors qu'une partie au moins est baptisée, il n'y aura mariage que s'il est contracté selon les formes canoniques dès lors qu'une personne baptisée est nécessairement soumise à la juridiction de l'Eglise.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par cmoi » ven. 22 mars 2024, 8:18

Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Pour lutter contre l'affadissement du forum, je propose de réfléchir sur cet épineux sujet en
Si l’intention est louable, dans les faits la réalisation de ce genre de solidarité contributive fonctionne rarement sauf de manière imprévisible. Tout semble fait pour étouffer le mérite.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
s'efforçant d'éviter deux écueils, à savoir en premier lieu se contenter de redire l'état actuel de la question d'un point de vue théologie et canonique, et en second lieu, de rester au plus près de la doctrine catholique en la matière, pour d'évidentes raisons.
Dommage que vous ne donniez pas ces évidentes raisons, elles mériteraient d’être creusées.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Le point de départ ne peut-être que le Christ lui-même et ce qui est rapporté de ses propos dans les Evangiles : "Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas". Ce qui aurait pu être interprété comme signifiant qu'une séparation est possible mais peccamineuse, mais a toujours été compris par l'Eglise comme signifiant que ce n'est pas possible.
La vie n’est-elle pas faite sur le modèle d’un impossible que Dieu a rendu possible ?
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Les évolutions de la théologie du mariage, et c'est peu dire qu'il y a eu approfondissement en ce domaine, permettent de comprendre la justesse de cette compréhension puisqu'il s'agit d'un don de soi réciproque et que ce qui est donné ne saurait être repris. C'est un résumé lapidaire mais, me semble-t-il, assez exact ce la théologie du mariage aujourd'hui telle qu'elle est proposée par le Concile Vatican II et l'enseignement, notamment, de S. Jean-Paul II.
S’il ne peut être repris, ce qui est donné peut être détruit ou volé, même par le/la récipiendaire, et ainsi l’échange même gratuit, bafoué, refusé. Il peut même devenir l’objet d’un chantage.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Le ratum concerne la validité du consentement, au regard des qualités requises pour ce consentement ainsi que de l'absence d'empêchements tels que prévus par le droit. Si le ratum est déficient, le mariage est nul. Dans cette hypothèse, ce n'est pas qu'il y a un lien dissoluble, c'est qu'il n'y a jamais eu de lien. Il n'y a pas grand chose à en dire pour la question présente.
Peut-il être considéré comme déficient quand non pas sa nature, mais celle de ce à quoi il est consenti est faussé et ce qui peut n’être découvert qu’après, soit par dissimulation, soit par ignorance ou incompréhension, manque d’éléments d’appréciation. La confiance peut être trahie.

De façon plus générale, il y a un réflexe de prudence à avoir face à toute tentative intellectuelle d’enfermer la vie dans des cases bien précises et pour aboutir à un jugement comme « à froid », le sujet étant surtout devenu de justifier le juge plus que le plaignant ou l’accusé, car il n’est pas tout à fait à sa place et ne veut pas pourtant la quitter ni en déchoir.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Pour le consummatum, il me semble que la pratique actuelle mériterait d'être interrogée, avec peut-être une certaine audace. En effet, lorsque la formule adoptée par le Concile de Trente a été forgée, la théologie du mariage n'était pas tout à fait ce qu'elle est aujourd'hui. Le mariage était surtout considéré comme un remède à la concupiscence dont la finalité première était la procréation. Ce qui est mis en avant aujourd'hui sur le don réciproque et la place centrale de l'amour entre l'homme et la femme n'existait tout simplement pas à l'époque. Il s'ensuit que le consummatum était compris comme l'union sexuelle faisant suite à l'échange des consentements ce qui, au regard des finalités du mariage, était d'une logique inattaquable.
A ceci près de l’hypocrisie possible (voire de l’aveuglement) du juge et de l’assemblée sur les consentements. Comme vous le signalez, concupiscence et procréation mais pas seulement sortent beaucoup de ce qui appartient à la volonté et l’exemptent presque d’avoir à se prononcer, voire le refusent quand elle s’y oppose avec une légitimité qui n’est pas reconnue (statut de la femme ou des enfants vis à vis de leurs parents, du faible vis-à-vis du fort, de l’ignorant face à l’instruit, etc.)
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Sachant qu'il y a eu sur ce point une évolution puisqu'il semble, à ce que j'ai pu constater (il n'est pas aisé de consulter la jurisprudence des officialités ou de la Rote romaine), que le mariage ne puisse être consummatum lorsque l'union sexuelle s'avère avoir été un viol. Ce n'est donc pas uniquement la matérialité de l'acte qui est prise en compte.
Encore heureux, mais vous rendez-vous compte de ce que déjà peut signifier qu’il faille le traiter comme une exception !
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Le terme consummatum signifie 'accompli', 'achevé'. Tant que l'on regarde le mariage comme ordonné à la procréation des enfants et constitutif d'un remède à la concupiscence, considérer qu'il est accompli après la première union sexuelle s'inscrivant dans la suite cohérente de l'échange des consentements, c'est-à-dire la première union sexuelle librement consenti par chacun des époux est, comme je le disais plus haut, parfaitement logique.
On en revient à la prudence, cette fois à l’égard de ce que cette logique va « couvrir ».
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Mais à partir du moment où le mariage est considéré comme le don réciproque de l'homme et de la femme, peut-on encore considérer que cette première union suffit à le considérer comme accompli ? La notion canonique de consummatum n'est-elle pas aujourd'hui trop étroitement comprise en lien avec la théologie qui l'a vue naître et qui s'est depuis grandement approfondie ?
C’est là malgré tout une façon de condamner et critiquer cette théologie, ce que certains (les tradis, et cela pourrait avoir valeur d’exemple) refusent par principe et par peur, car l’amour existait bien déjà, n’est-ce pas ?
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Mais il revient au droit canonique de venir dire:
1. à partir de quel moment et sous quelles conditions le lien apparaît (ratum)
2. à partir de quel moment et sous quelles conditions le lien devient indissoluble (consummatum)...
Oui, mais cela demande du courage et d’oser briser des tabous dont certains sont devenus religieux.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Alors qu'une réflexion sur ce que recouvre la notion de consummatum me semble prometteuse, sans que je puisse (mais peut-être serais-je ici détrompé par plus perspicace que moi) déceler sur le principe une contradiction avec la foi catholique.
Votre proposition dénotera aux yeux de beaucoup un a priori qu’ils estimeront tel qu’il rendrait non respectable Saint Thomas d’Aquin et tant d’autres, ce dernier faisant figure de principal épouvantail et sans même (ce qui est un tort et ne serait certainement pas respecter sa volonté) entrer dans le détail de ses écrits. Ils diront qu’elle est prometteuse de contestation et cache un désir de réforme qui se croit déjà par lui-même justifié sans l’avoir démontré, surtout que d’autres (à l’opposé mais qui au fond leur ressemblent) auront estimé que ce n’est pas même nécessaire, et que c’est là entrer dans la décadence, le relativisme, etc.
On en revient aux « évidentes raisons » de départ : beaucoup refusent l’évidence au nom de l’ordre, de la sacro-sainte doctrine et de la tradition, du refus des « complications ».
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Mais dans l'idée, effectivement, il ne s'agit plus de rechercher la réalisation du don au niveau des corps, mais de porter une appréciation sur la réalisation de ce don au niveau du cœur, de la personne dans son ensemble.
Enfin vous l’écrivez et c’est bien vu. Mais tout le problème est précisément celui des critères par lesquels en reconnaître l’authenticité et ne pas la bafouer.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
L'approche d'Amoris Laetitia est différente puisqu'elle s'inscrit dans l'hypothèse où le lien conjugal est valide et consommé, donc indissoluble.
C’est une approche prudente et pour ne pas choquer ceux déjà nommés, pour éviter une levée de boucliers !
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Il s'agit, dans la perspective de François et pour résumer rapidement, de rechercher si, s'agissant du cas particulier des divorcés-remariés, si ce qui est objectivement un péché intervenant dans une matière grave ne pourrait pas, au regard de la subjectivité des personnes, n'avoir qu'un caractère véniel. La logique n'est donc pas du tout la même puisqu'il ne s'agit pas de rechercher le degré de réalisation du don de soi mais de rechercher s'il y a ou non un péché commis en pleine conscience et de propos délibéré.
Ce à quoi un tradi répliquera blasé (il ne jettera pas la première pierre…) qu’il sera toujours ou presque trouvé une excuse, ce pourquoi il en refusera la révision car cela était déjà su – en quoi finalement il aura jeté sa pierre ! – et que sinon plus personne ne fera l’effort de se sanctifier – puisqu’il en bave, qu’il ne soit pas le seul !
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Je crois surtout que la difficulté principale est le positionnement du curseur, si l'on peut s'exprimer ainsi. Parce que la théorie est certes séduisante, mais en pratique, à partir de quel degré de don de soi (apprécié comment ? sur quels critères ?) le lien va-t-il être considéré comme indissoluble ?
Voilà la seconde pierre à votre édifice. Vous avancez lentement mais prudemment. Je pense qu’il ne s’agit pas que de degré, mais cela peut se corriger par les critères retenus, encore que s’aperçoit le risque déjà nommé de ne tout simplement pas pouvoir les apprécier avec exactitude et qui suffira pour qu’un tradi refuse d’aller plus loin, à moins qu’il en/y soit obligé.
Olivier JC a écrit :
jeu. 11 mai 2023, 15:27
Ou faut-il considérer que l'indissolubilité est acquise à partir du moment où le mariage est consommé au sens le plus fort, c'est-à-dire à partir du moment où le don de soi réciproque atteint une telle profondeur que, de facto, la question n'aura même plus à se poser ? J'ai tendance à le penser, mais les implications ne seraient pas anodines et la mise en œuvre devrait impliquer une évolution considérable de la pastorale du mariage, y compris et surtout dans l'accompagnement postérieur à la célébration du mariage.
Là vous êtes trop flou. Quelle profondeur qui ne s’éprouve par l’exercice de ce don ? C’est bien connu que les formes de dévoiement de ce don se manifestent rarement immédiatement, il faut d’abord dissimuler pour « séduire et convaincre », et toute personne est capable d‘avoir plusieurs visages.
Vous parlez ensuite « d’implications », mais dans ce cas il n’y aurait plus rien à dire, en réalité ces implications sont rétroactives au sens non pas chronologique, quoique, en ce qu’elles portent sur leur cause – l’indissolubilité – et peuvent en modifier la nature et entrainer la révision de sa « constitution ». Bref, vous mettez en cause la possibilité, au moment du mariage, de connaitre son indissolubilité, l’obligation donc d’en différer le caractère et la nature, vos critiques diront que vous prônez le mariage à l’essai. Vous êtes « revenu en arrière » et ils vous en auront sanctionné !
Et les connaisseurs du judaïsme vous diront que c’est précisément à quoi servent (ou devraient servir) les fiançailles dans cette religion, mais que cela ne marche pas car qui osera en faire ce que c’est même s’il aura trouvé de quoi contester par respect pour la personne, bref pour les mêmes motifs de « gentillesse » qui font que les cathos jugent le mariage indissoluble (quand ils philosophent sur la dignité de la personne avec un résultat déjà donné par Jésus ce qui est plus facile et confortable, qui autorise toutes les bévues un peu subtiles), à moins de faits flagrants mais qui seront reportés ou différés à … après le mariage quand il sera devenu sûr !
Et c’est pourquoi même des concubinages durent alors qu’ils sont bancals, aussi longtemps que c’est possible de « vivre avec »… Car c’est dans l’ordre de la nature d’être à 2 !
Olivier JC a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 11:52
Dans la logique de l'Eglise orthodoxe, l'autorité ecclésiale ne prononce pas la dissolution du lien, elle en fait le constat.
Oui. Et cela va dans le sens et concorderait avec votre argumentaire commencé mais inachevé. Ce que vous développez ensuite.
Je ne rebondirai pas sur vos diverses analyses et j’adopterai à présent un regard tout extérieur.
D’abord, l’Eglise « ne joue pas le jeu » et pour jouer le jeu cela suppose tout un travail d’archiviste encore plein d’archaïsmes qui offense la « parole d’honneur » et qui la sort un peu trop de son rôle et de sa fonction : combien de sacrements reçus, même de confirmation, ne sont pas mentionnés sur l’acte de baptême ! (J’en connais beaucoup qui ont été surpris…) Et pour le mariage, il suffit souvent de se marier à l’étranger…. (etc.) Sans compter les difficultés que cela entraine et qui parfois sont inextricables (typiquement, un athée qui se convertit après avoir épousé un baptisé divorcé civil mais marié religieusement…)
Prendre des décisions, c’est bien, mais encore faut-il en assurer la logistique et est-ce son « travail » ?
Je rejoins en cela ce que vous dites ensuite et qui met en cause la pastorale :
Olivier JC a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 11:52
Naturellement, une pareille optique devrait conduire à une rénovation pastorale en profondeur, notamment en ce qui concerne l'accompagnement dans les premiers temps du mariage et pendant les périodes de difficultés. Un tel cadre ne peut s'envisager dans le cadre pastoral actuel.
Il y a aussi la pratique du jubilé, de l’amnistie, où on efface toutes les ardoises et on repart à zéro… au lieu de se prendre la tête bien inutilement… Dieu saura s’y reconnaitre !
Ce qui compte c’est l’éducation, celle à l’amour, et qu’il ne faut pas laisser se noyer sous des tonnes de difficultés. Celle qui refuse l’avortement, absolument et fermement (si "une femme a le droit", ne devrions-nous pas avoir nous tous celui du moins de savoir celles qui y ont recouru ?). Celle qui préserve la beauté du cœur bon, refuse tout ce qui le souille ou l’opprime, l’exploite, et considère que l’acte sexuel est sacré et vaut préparation, réflexion, etc. Que l’éducation d’un enfant en demande encore plus !
Celle qui consiste à savoir refuser le chant des sirènes et mesurer sa joie à grandir dans l’intimité de Jésus et de Marie. Ceux qui y grandissent savent se reconnaître et là seulement, il n’y a pas de duperie possible. Trop souvent lorsque nous le sommes, dupés, ce qui est trop fréquent, c’est que malgré nous nous y avons consenti parce que par ailleurs nous sommes devenus tièdes.

Alors me direz-vous où je veux en venir ? Ne rien changer et revenir en arrière ? La pratique du jubilé ne résoudra pas tout, bien sûr.. et même rien pour l'avenir, ce serait comme céder devant le monde...
Je crois que comme pour bien d'autres impasses, il n'y a pas d'autre issue que la miséricorde divine. Que le rôle de l'Eglise n'est pas de mettre des verrous oui/non, mais d'emménager des voies personnalisées qui rendent possible l'impossible.
Certes, je reste moi aussi dans le flou... Mais j'aurais partagé votre reconnaissance de nos limites et que la vérité est encore loin de nous...
Prions pour les victimes de notre rigorisme et de notre incompétence... Car même dans les procédures de demande de nullité, il y a des choses regrettables et insuffisantes, une sélection élitiste, une part de non dits et d'artifices, etc.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » ven. 22 mars 2024, 8:51

Bonjour cmoi,

Une remarque rapide en passant avant d'éventuellement approfondir. Les évidentes raisons conduisant à vouloir coller à la doctrine catholique en matière de mariage est liée à la véracité de cette doctrine.

+
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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par prodigal » ven. 22 mars 2024, 10:50

Olivier JC a écrit :
jeu. 21 mars 2024, 15:04


Le mariage naturel n'existe et n'est reconnu comme ayant une valeur par l'Eglise que s'il intervient entre deux personnes non baptisées. Dès lors qu'une partie au moins est baptisée, il n'y aura mariage que s'il est contracté selon les formes canoniques dès lors qu'une personne baptisée est nécessairement soumise à la juridiction de l'Eglise.

+
Excusez-moi, cher Olivier, mais je trouve qu'il y a une ambiguïté, aussi je me permets de vous demander de repréciser votre pensée.
Si je prends à la lettre ce que vous avez écrit, cela signifie que deux personnes mariées selon le droit civil sont considérées comme célibataires par l'Eglise, vivant donc en concubinage coupable.
Si l'une de ces deux personnes décide alors d'abandonner son foyer, et de se marier, pourquoi pas, avec une personne catholique, elle est fondée à le faire, et donc à divorcer selon la loi civile, et même elle fait bien puisqu'à partir de la cérémonie à l'Eglise elle aura cessé de vivre dans le péché. N'est-ce pas absurde?
A l'opposé, il me semble que l'Eglise reconnaît sa valeur propre au mariage civil, même si, bien entendu, elle enjoint à deux catholiques baptisés et mariés civilement de se marier sacramentellement. Ce n'est pas au nom de la non valeur du mariage civil, mais au nom de la valeur surnaturelle du sacrement de mariage, et cela change tout.
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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » ven. 22 mars 2024, 11:17

Bonjour Prodigal,

Le critère est le baptême.

Un homme et une femme tous deux non baptisés :

1. Ils ne peuvent contracter un mariage selon les formes canoniques ;
2. S'ils sont liés par une institution civile ou religieuse correspondant au mariage naturel, ils sont bel et bien mariés, d'un mariage naturel ;
3. S'ils ne sont liés par une telle institution, il s'agit d'union libre, concubinage, fornication...

Si l'un des deux époux reçoit le baptême, le mariage reste un mariage naturel, raison pour laquelle il est éligible à la dissolution en faveur de la foi, l'indissolubilité étant considérée comme propre au mariage sacramentel.

Le mariage naturel n'étant pas considéré comme indissoluble, il s'ensuit qu'il peut être dissous, de telle sorte qu'une personne non baptisée qui a été mariée civilement à une personne non baptisé et a vu ce mariage dissous par l'effet du divorce pourra, ayant été ultérieurement baptisé, se marier selon les formes canoniques avec une autre personne non baptisée (cf. n° 2) ou avec une personne baptisée (cf. n° 3).

Ce que vous regardez comme absurde est donc parfaitement conforme au droit canonique.

Quant au fait que le mariage naturel puisse être dissous, c'est Dieu Lui-même qui l'enseigne puisqu'Il avait admis, au sein du peuple d'Israël, la répudiation. L'Eglise n'a pas compétence pour juger de la validité d'une telle dissolution qui relève exclusivement du droit civil, qu'elle ne peut que se borner à constater, dès lors que sa juridiction ne s'étend pas aux personnes qui ne sont pas baptisées.

Soyons clair : la perspective adoptée ici est exclusivement canonique. Nous savons bien, par Notre Seigneur, que la faculté de dissoudre un mariage a été accordée aux hommes "en raison de la dureté de leur cœur", de telle sorte qu'il est légitime de porter un jugement moral sur la cause de la dissolution. Mais la dissolution elle-même ne peut qu'être constatée, en aucun cas refusée.

Un homme et une femme dont un seul est baptisé :

1. Ils peuvent contracter un mariage selon les formes canoniques à condition d'obtenir de l'Ordinaire une dispense pour disparité de culte, laquelle est accordée lorsque la personne non baptisée est en accord avec les quatre piliers du mariage chrétien et s'engage à respecter la foi de son futur conjoint. Dans ce cas, le mariage est un mariage naturel.
2. S'ils ne sont liés que par une institution civile ou religieuse, fût-elle conforme à ce qu'est un mariage naturel, ils ne sont pas considérés comme mariés par l'Eglise puisqu'une personne baptisée est soumise à la juridiction de l'Eglise et ne peut validement se marier que selon les formes canoniques.

Dans ce cas, le mariage contracté selon les formes canonique devient sacramentel sans formalité lorsque le conjoint non baptisé reçoit le baptême. Il doit être précisé que même s'il s'agit d'un mariage naturel, il n'en est pas moins regardé comme indissoluble à raison de la partie baptisée.

Une homme et une femme tous deux baptisés :

1. Ils ne sont mariés que si le mariage est contracté selon les formes canoniques ; il s'agira d'un mariage sacramentel ;
2. S'ils ne sont liés que par une institution civile ou religieuse (ce qui ne devrait être qu'une hypothèse d'école, mais l'on pourrait imaginer deux baptisés catholiques se convertissant à l'islam, aussi incongru que cela puisse paraître), fût-elle conforme à ce qu'est le mariage naturel, ils ne sont pas mariés.

La raison en est que tout baptisé est soumis à la juridiction de l'Eglise, et que selon le droit de l'Eglise, n'est valide entre baptisés que le mariage contracté selon les formes canoniques.

Ceci étant simplifié, il y a des particularités si le baptême n'est pas reçu dans l'Eglise catholique.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par prodigal » ven. 22 mars 2024, 11:51

Cher Olivier,
la contradiction persiste, et donc avec elle l'absurdité, en particulier en cette partie de votre développement:
Olivier JC a écrit :
ven. 22 mars 2024, 11:17

Un homme et une femme dont un seul est baptisé :
S'ils ne sont liés que par une institution civile, fût-elle conforme à ce qu'est un mariage naturel, ils ne sont pas considérés comme mariés par l'Eglise puisqu'une personne baptisée est soumise à la juridiction de l'Eglise et qu'il ne peut validement se marier que selon les formes canoniques.

Dans ce cas, le mariage contracté selon les formes canonique devient sacramentel sans formalité lorsque le conjoint non baptisé reçoit le baptême. Il doit être précisé que même s'il s'agit d'un mariage naturel, il n'en est pas moins regardé comme indissoluble à raison de la partie baptisée.
Il s'ensuit donc que deux personnes peuvent être non mariées, mais néanmoins leur mariage est indissoluble, si l'une des deux (et seulement l'une des deux) est baptisée. Je maintiens que c'est absurde.
Remarquons que l'absurdité tombe dès que l'on reconnaît qu'un mariage civil est déjà quelque chose qui engage, tout en distinguant le mariage civil du mariage sacramentel. Cela conduit à dire que ces deux personnes sont légitimement mariées selon la loi civile, et sont soumises aux obligations que cela comporte.
Quant à savoir si elles pèchent en continuant leur vie commune, si le péché vaut pour toutes les deux ou seulement pour la partie baptisée, ou si elles pècheraient en se séparant, ces questions juridiques sont passionnantes mais réclament du discernement, ainsi qu'une prise en compte du point de vue éthique (c'est-à-dire qu'il convient en cette matière comme en toute de faire le bien avant tout).
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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » ven. 22 mars 2024, 13:59

Cher Prodigal,

Précisons en préambule que mon exposé ne ressortit pas de la théologie, mais du droit. En la matière, par conséquent, il s'agit d'ouvrir le Code de droit canonique et de lire les règles posées. Ce que j'expose correspond au droit canonique tel qu'il est actuellement en vigueur.

Ce droit est explicable. Il ne peut cependant naturellement être regardé comme parfait puisqu'il n'est qu'une oeuvre humaine s'efforçant de traduire au mieux la Révélation au travers de normes qui sont indispensables au sein de toute société humaine, ce qu'est aussi l'Eglise.

S'agissant du point que vous évoquez, je ne comprends pas votre remarque. Le mariage entre une partie baptisée et une partie non-baptisée n'est indissoluble que s'il est contracté selon les formes canoniques. Il y a donc bien mariage.
En revanche, le mariage uniquement civil entre ces mêmes personnes ne sera pas regardé comme un mariage naturel, pour la simple raison que la partie baptisée ne peut validement se marier que selon les formes canoniques. Ce mariage aura une existence au regard de la loi civile, mais au regard du droit canonique, il est invalide.

La conclusion d'un mariage civil n'emporte pas nécessairement la conclusion d'un mariage naturel. Encore une fois, le critère est celui du baptême.

Cette règle est-elle nécessaire ou contingente ? En d'autres termes, l'Eglise pourrait-elle considérer qu'un mariage simplement civil conclu entre une partie baptisée et une partie non baptisée soit reconnu par le droit canonique comme un mariage naturel ? Rien ne me semble s'y opposer d'un point de vue théorique dans la mesure où, contracté selon les formes canoniques, le mariage entre ces personnes serait valablement un mariage naturel.

Qu'en est-il de l'indissolubilité d'un tel mariage ? A mon sens (je n'ai pas fait de recherches sur ce point précis), l'indissolubilité n'est pas ici de fait, mais de droit, en ce sens que la partie baptisée, en cohérence avec la foi de l'Eglise, n'a pas le droit de provoquer la dissolution du mariage. Il pourrait cependant être admis, d'un point de vue théorique et au terme d'un raisonnement fondée sur les privilèges paulinien et pétrinien, que la partie non baptisée puisse efficacement provoquer cette dissolution, ce qui n'est pas le cas en l'état actuel du droit canonique.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par prodigal » ven. 22 mars 2024, 14:26

Cher Olivier,
ce que je ne comprends pas, c'est le rôle essentiel que le droit canonique tel que vous le présentez (et je vous fais confiance pour penser que votre présentation est juste) fait jouer à l'idée d'un mariage naturel, tout reposant apparemment sur la distinction entre mariage dit naturel et mariage civil. Cette idée de mariage naturel non civil me semble dépourvue de signification, disons en tous cas que je ne la comprends pas.
Si on supprime cette difficulté, il me semble que la question se ramène à deux questions :
1) une personne baptisée commet-elle forcément une faute si elle se marie non sacramentellement?
2) une personne baptisée et mariée mais non sacramentellement a-t-elle le devoir de briser son couple en l'absence de possibilité de recevoir le sacrement de mariage?
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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Olivier JC » ven. 22 mars 2024, 16:38

prodigal a écrit :
ven. 22 mars 2024, 14:26
ce que je ne comprends pas, c'est le rôle essentiel que le droit canonique tel que vous le présentez (et je vous fais confiance pour penser que votre présentation est juste) fait jouer à l'idée d'un mariage naturel, tout reposant apparemment sur la distinction entre mariage dit naturel et mariage civil. Cette idée de mariage naturel non civil me semble dépourvue de signification, disons en tous cas que je ne la comprends pas.
La distinction est nécessaire dès lors que la grâce ne détruit pas la nature. Ainsi le mariage sacramentel est-il un mariage naturel élevé à la dignité de sacrement. Cette élévation ne fait pas disparaître le mariage naturel, mais l'assume.

C'est pour cette raison qu'un mariage célébré selon les formes canoniques n'est qu'un mariage naturel dès lors que fait défaut ce qui est nécessaire à ce qu'il soit sacramentel, c'est-à-dire que les deux parties soient baptisées.

La distinction est en outre nécessaire dans la mesure où le mariage naturel présente certaines caractéristiques qui peuvent ne pas se retrouver dans un mariage civil, de telle sorte qu'un mariage civil n'est pas nécessairement un mariage naturel. L'exemple typique à notre époque est le mariage civil contracté entre deux personnes de même sexe. Ce n'est pas un mariage naturel.

Enfin, j'ajouterai qu'il convient de ne pas raisonner en prenant comme modèle de référence le modèle français, avec l'indépendance stricte qui le caractérise entre le mariage civil et le mariage religieux. Il est des pays où le mariage célébré selon les formes canoniques est reconnu et produit des effets juridiques selon le droit civil (l'inverse n'étant pas vrai mais pouvant théoriquement l'être dans le cadre de la théologie sacramentaire catholique puisque seul l'échange des consentements fait le mariage). En France, le mariage canonique ne produit aucun effet en droit civil, et est d'ailleurs pénalement sanctionné s'il n'est précédé d'un mariage civil.

prodigal a écrit :
ven. 22 mars 2024, 14:26
1) une personne baptisée commet-elle forcément une faute si elle se marie non sacramentellement?
Une personne baptisée qui contracte un mariage uniquement civil n'est pas validement mariée puisqu'elle ne peut validement se marier, selon le droit de l'Eglise auquel elle est soumise par l'effet du baptême, que selon les formes prévues par ce droit.
prodigal a écrit :
ven. 22 mars 2024, 14:26
2) une personne baptisée et mariée mais non sacramentellement a-t-elle le devoir de briser son couple en l'absence de possibilité de recevoir le sacrement de mariage?
Oui. Il n'en irait différemment que si l'Eglise décidait de faire produire à un mariage uniquement civil des effets canoniques, ce qui est théoriquement possible mais n'est pas le cas en l'état actuel du droit canonique.

Ceci étant dit quant aux principes, naturellement.

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Re: Indissolubilité, qu'est-ce à dire ?

Message non lu par Fée Violine » ven. 22 mars 2024, 18:05

prodigal a écrit :
ven. 22 mars 2024, 14:26

2) une personne baptisée et mariée mais non sacramentellement a-t-elle le devoir de briser son couple en l'absence de possibilité de recevoir le sacrement de mariage?
Charles Péguy était dans cette situation : baptisé mais ayant tout laissé tomber, converti après son mariage avec une athée militante refusant le baptême des enfants. Il est resté marié, sans pouvoir recevoir aucun sacrement à cause de sa situation, ce qui était évidemment très douloureux pour lui. Heureusement pour lui (si j'ose dire), il n'a pas souffert trop longtemps puisqu'il est mort dès le début de la guerre en 1914, après quoi sa femme et ses enfants se sont fait baptiser.
Il y a évidemment des priorités : briser une famille serait bien pire que vivre sans sacrement de mariage.

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