Bonsoir à tous,
Même si, à certains moments, les échanges semblent trop abstraits, merci à Prodigal pour ce fil qui approfondit, somme toute, les principes même de notre forum.
Il est certes difficile de suivre cette discussion qui me semble très profonde avec une même volonté de tous les intervenants d’avancer de manière constructive. Mais, les points de vue sont parfois trop différents voire opposés par des mots trop clivants, trop binaires, trop en blanc ou noir.
Ainsi, parler de «
la vérité » que l’on «
sait » ou que l’on «
ignore » me semble freiner un dialogue car, inévitablement, dans une telle approche, chacun a tendance à se placer du côté de la vérité et à placer les points de vue autres du côté de l’ignorance.
N’y a-t-il pas un excès de référence à la vérité dans ce fil ?
Dieu seul est la vérité, de même que Dieu seul est le Bien. N’est-il pas préférable, dans un dialogue, de parler du vrai et du faux, du bon et du mauvais ?
La vérité ou le vrai, ce n’est pas exactement la même chose.
La vérité, c’est «
le » réel. Le mot «
vérité » est un
substantif qui nomme, désigne ou identifie un être, ce qui «
est ». C’est un mot absolu qui ne se réfère à rien d’autre qu’à lui-même et c’est en cela qu’il renvoie à Dieu Lui-même.
Le mot «
vrai » est un
adjectif. C’est un mot relatif qui accompagne ou qui caractérise un ou plusieurs autres mots. Une parole est «
vraie » si elle est conforme à «
la » vérité mais elle ne doit pas nécessairement dire tout de la vérité. Du fait de son caractère relatif, le mot vrai fait apparaître des possibilités diverses. Une parole peut être vraie dans l’aspect objectif de la vérité qu’elle exprime et, en même temps, fausse, dans l’usage qui en est fait. C’est le cas des paroles «
vraies » des trois amis de Job qu’ils utilisaient «
faussement ».
Le mot «
vrai » est même un adjectif qualificatif qui, dans un dialogue, exprime un jugement, ou du moins une opinion, sur une parole d’un autre (cette parole est perçue ou non comme vraie), mais il ne faut pas oublier que c’est un avis ou un point de vue sur la vérité et non la vérité elle-même.
ademimo a écrit : ↑jeu. 12 mai 2022, 22:21
Je vois qu'il n'est pas possible de dire quoi que ce soit de clair et de concret sur cette fameuse notion de "vérité" qu'il s'agirait de faire "émerger" à force de "dialogue".
…
Débat clos en ce qui me concerne.
Il y a là une vague de découragement après de lourds échanges parfois très éprouvants, mais cela n’ôte rien aux efforts constructifs d’Ademimo dans ce fil, même s’ils étaient parfois chargés d’amertume.
Ce que nous pouvons faire émerger dans un dialogue humain ce n’est jamais qu’une meilleure compréhension des points de vue différents et, parfois, un alignement de ces points de vue, un accord sur des mots qui peuvent être considérés ensemble comme vrais.
À cet égard, considérer qu’il serait possible de faire émerger la vérité à force de dialogue peut, en effet, manquer de clarté et de justesse.
Fée Violine a écrit : ↑jeu. 12 mai 2022, 23:57
Pour moi, un dialogue, c'est parler avec quelqu'un, l'écouter, s'intéresser à ce qu'il dit, partager des souvenirs, des émotions, des soucis, créer des liens, faire des projets...
Sans contredire pour autant les autres points de vue, cette approche de Fée Violine met en évidence une différence qui me semble essentielle entre un dialogue et un débat.
Un dialogue, c’est de l’amour. C’est une mise en commun, un partage qui tisse des liens entre les pensées des uns et des autres.
Dans ce fil, Prodigal médite un dialogue d’un genre particulier, celui qui a pour objet la recherche de la vérité ou (ce qui me semble plus juste) de ce qui est vrai sur un point spécifique de la vérité ou (ce qui me semble aussi plus juste) sur des mots pour en parler.
prodigal a écrit : ↑jeu. 12 mai 2022, 9:27
je ne veux que la vérité. Le fait que le dialogue vise la vérité ne découle pas de ma volonté obstinée, mais de la définition que j'ai proposée. Si le mot "dialogue" ne vous plaît pas, trouvez-en un autre
Il me semble que ce qui fait ici difficulté ce n’est pas seulement le mot «
dialogue » mais plutôt le mot «
vérité » tel qu’il apparaît dans l’affirmation «
je ne veux que la vérité ».
Cette difficulté apparaît plus fortement dans un autre message.
prodigal a écrit : ↑mer. 11 mai 2022, 10:05
par le dialogue, celui qui ignore est converti par la parole de celui qui sait, de sorte qu'à la fin les deux partenaires se rejoignent dans la même connaissance. C'est parce que cette éventualité existe que nous dialoguons. Et c'est le vice de l'amour-propre que de vouloir à toute force se dissimuler sa propre ignorance pour être celui des deux qui convertit l'autre, ce qui conduit à l'échec du dialogue.
La vérité apparaît ici en noir et blanc, de manière binaire dans un dialogue où il y en a un qui sait et l’autre qui ignore, ce qui va engager davantage des plaidoiries opposées, un débat qui vise à faire échouer l’autre que chacun considère comme celui «
qui ignore ».
prodigal a écrit : ↑jeu. 12 mai 2022, 9:27
ademimo a écrit : ↑mer. 11 mai 2022, 22:15
En fait, j'ai un peu l'impression que ce qui coince, c'est que vous voulez absolument qu'un "dialogue" tende vers la recherche de la vérité. Le désaccord ne découlerait au fond que de la méconnaissance de la vérité. Et vous ajoutez que sinon, le dialogue n'aurait aucun sens.
Jusque ici je vous suis.
On peut certes dire qu’un dialogue tend vers la recherche de la vérité. Mais, peut-on dire pour autant qu’un désaccord «
ne découlerait au fond que de la méconnaissance de la vérité » et que sinon il «
n'aurait aucun sens » ?
À cet égard, il me semble qu’un désaccord ne découle pas nécessairement d’une telle méconnaissance, mais parfois seulement de points de vue différents sur une même vérité ou d’une attention à des aspects différents de cette même vérité.
Mais, Prodigal amène heureusement des nuances utiles :
prodigal a écrit : ↑lun. 09 mai 2022, 11:40
c'est parce que telle idée peut se discuter qu'on espère par son examen progresser vers davantage de vérité.
ademimo a écrit : ↑lun. 09 mai 2022, 14:01
"progresser vers davantage de vérité", ce n'est pas la même chose que de "faire émerger la vérité", mais ce serait plutôt "éclairer" un échange de points de vue.
En effet, les mots essentiels ici ce sont «
progresser » et «
davantage » car ils ouvrent de l’espace entre les idées et la vérité, avec une possibilité de croissance permettant «
plus de vrai » sans s’enfermer dans une perspective où en dehors de «
la » vérité il n’y aurait que du mensonge.
Ces nuances me semblent nécessaires pour ne pas perdre de vue que l’être humain, avec sa nature indivisiblement corporelle et spirituelle, est dans une position où sa connaissance de la vérité ou du bien requiert, en réalité, une union de la vérité spirituelle qui nous vient de Dieu (une vérité qui ne demeure en nous qu’en communion avec Lui) et du langage des pensées de notre cerveau corporel qui l’exprime dans ses limites. Vérité spirituelle et Cerveau corporel, c’est un mélange d’amour et de raison que nos pensées, nos paroles ou nos écrits essaient d’exprimer le mieux possible, mais sans pouvoir enfermer, ni posséder seul la vérité.
C’est ici qu’on peut retrouver l’opinion de Fée Violine qui met en évidence l’amour comme essentiel à un dialogue pour qu’il ne se transforme pas en débat.
Nous pouvons et devons essayer d’être vrais, et essayer de l’être de mieux ou mieux ou de plus en plus, mais, sans jamais oublier que nos paroles ou nos écrits sont exprimés par les moyens limités de notre cerveau corporel qui n’est juste que lorsqu’il est bien raccordé spirituellement à l’Esprit Saint, à l’Esprit d’amour. Hélas, le péché originel a blessé ce lien d’amour et ne nous permet guère aujourd'hui une claire vision.
ademimo a écrit : ↑lun. 09 mai 2022, 14:01
en démocratie, toutes les opinions ont le droit de s'exprimer, et qu'à la fin, c'est le peuple qui tranche. Sinon, c'est le totalitarisme. Il n'y a plus qu'à ériger un Ministère de la Vérité, comme dans un certain livre.
Il me semble qu’il subsiste cependant ici un malentendu par rapport à «
toutes les opinions » qu’on a le droit d’exprimer.
Il y a des opinions qui concernent des choix concrets à effectuer, par exemple les choix politiques, ou des préférences affectives. Pour un choix à effectuer parmi d’autres possibles, l’opinion peut être réservée, mais aussi être claire et tranchée en blanc ou noir. Le 24 avril, il fallait choisir Macron, Le Pen ou l’abstention. Trois opinions possibles parfaitement claires. Entre deux candidats d’un télécrochet, je peux avoir une opinion sur le meilleur d’entre eux. Même entre des idées, l’opinion peut exprimer un choix. Un dialogue sans convergence est possible sur de telles opinions. Ici, la notion de vérité n’est pas pertinente.
Il y a d’autres opinions qui n’ont pas pour objet un choix, mais la vérité d’une parole. Et là surgit d’abord et surtout le besoin d’un travail d’interprétation qui peut s’avérer très complexe car les mots de celui qui parle ont un sens, une matérialité et un but qui ne sont jamais exactement les mêmes que ceux perçus par celui qui écoute.
À cet égard, la vérité est ce qu’elle est, mais elle est dans l’infini du réel que notre cerveau est incapable de saisir totalement et les mots pour la dire et le point de vue pour la regarder peuvent diverger fortement dans un dialogue sans qu’il y ait nécessairement du «
mensonge » ou du «
faux » d’un côté ou de l’autre.
Souvent la contradiction consiste seulement à insister sur un aspect de la vérité alors que l’interlocuteur veut mettre en avant un autre aspect.
Parfois, les mots utilisés peuvent faire apparaître une contradiction non réelle qui ne résulte que d’une signification différente donnée aux mêmes mots.
prodigal a écrit : ↑mer. 11 mai 2022, 9:26
Il n'y a de dialogue possible qu'entre personnes prêtes à renoncer à leur opinion et à lui préférer la vérité.
Cette phrase ne me paraît pas heureuse car elle me semble mettre d’emblée une condition préalable ou de la suspicion dans les bases d’un dialogue et cela signifie surtout que chacun devrait se demander «
est-ce que l’autre est prêt à renoncer à son opinion et à lui préférer la vérité ? ».
Il me semble qu’il y a là un danger pour l’ouverture nécessaire à l’autre dans un dialogue. Celui qui a une opinion sur une question relative à la vérité (il ne s’agit pas ici des préférences affectives comme celle des supporters de l’OM ou du PSG) me semble nécessairement penser qu’elle est conforme à la vérité. Vouloir séparer d’emblée opinion (ce que je pense être vrai d’un point de vue subjectif et relatif à moi-même, dans toutes mes circonstances concrètes) et vérité (ce qui est absolument vrai et s’étend infiniment au-delà de moi), comme condition d’un dialogue, n’est-ce pas refuser à chacun de pouvoir être ce qu’il est et tel qu’il est avec ses pensées propres ?
Il me semble qu’il n’y a de dialogue possible que si on accepte que l’autre puisse avoir un point de vue différent et être aimé avec ce point de vue et que si on est intéressé par la découverte de ce point de vue différent.
Et, pour que le dialogue soit possible, il faut aussi que cela soit réciproque.
Un dialogue fondé sur l’amour ne soumet l’autre à aucune condition préalable. Mais, parce que c’est de l’amour, il est vrai de constater aussi qu’un dialogue n’est pas toujours possible ou opportun.