MB a écrit :Moi aussi, je souhaiterais du fond du coeur me laisser aller, en pleine confiance, à la direction de l'Esprit... reste qu'il y a des moments, dans la vie, où l'on doit se poser la question : "j'y vais ou non ?" et là, la réponse prend forcément la forme d'une injonction pratique.
Naturellement. Mais si l'on oublie que cette injonction n'est que pédagogique, et que si nous en avons besoin, c'est en raison de notre faible capacité à agir sous les motions de l'Esprit et donc, in fine, que nous opposons divers obstacles à l'action de l'Esprit en nous (donc, péché), alors, dans un tel cas, le pharisaïme guette.
MB a écrit :De plus, dans les matières dont on cause, il y a une très forte habitude, à laquelle la pastorale des siècles passés n'est franchement pas étrangère, de tout peser en termes de permission ou d'interdiction.
De fait, mais c'est là un vaste sujet. La théologie morale à commencer à partir en live à partir du moment où la conception ockamienne de la liberté l'a emporté sur celle héritée de la sagesse grecque et des Pères de l'Eglise et magnifiquement synthétisée par S. Thomas d'Aquin.
C'est à partir de là que la liberté fut conçue comme la capacité de choisir indifféremment entre une chose ou une autre, tout ce qui s'oppose à ce choix comme la Loi divine apparaissant dès lors comme un obstacle à la liberté. Exit, le fait que créé à l'image de Dieu, l'homme possède en lui de manière encore plus fondamentale que la liberté, une inclination naturelle au bien, au beau, au vrai, de sorte que lorsque sa volonté choisit le mal, le laid, le faux, l'homme n'est pas libre, puisque :
1) Soit l'homme agit conformément à sa nature, dès lors son intelligence voit le bien, sa volonté le veut, et sa liberté l'accomplit.
2) Soit l'homme n'agit pas conformément à sa nature, à ses inclinations naturelles, auquel cas il obéit au Malin, plus encore il
gît au pouvoir du Malin, et n'est donc aucunement libre.
Voyez combien on est loin de la liberté telle que conçue par cet âne d'Ockam, à qui l'on doit la réduction et l'appauvrissement de la théologie morale à la seule question de l'obligation (seule question d'intérêt dans le cadre d'une telle conception de la liberté), et qui règne en maître aujourd'hui !
MB a écrit :Comme me le disait récemment un ami historien : depuis, en gros, le 16ème s., a disparu une certaine façon de faire de la théologie (avant, on parlait de manière positive ; désormais, on interdit - cf. les anathèmes du Concile de Trente, p. ex.). Malgré les efforts de bonnes volontés comme vous, on pense toujours selon ces axes-là.
Il ne faut pas exagérer non plus. La pratique de l'anathème par un Concile est bien antérieure à celui de Trente. Le problème du 16ème, c'est ainsi que je le disais Ockam, dont les idées flottaient certes dans l'air, mais qu'il a systématisé jusqu'à l'extrême.
Du coup, la théologie morale s'est très rapidement (il est d'ailleurs impressionnant de voir avec quelle rapidité !) concentrée sur la notion d'obligation. Les béatitudes, fondement de la théologie morale jusque là, sont ont été oubliées. Est née la spiritualité (tout ce que l'on appelle théologie spirituelle et mystique n'est jamais qu'un démembrement de la théologie morale) : on en vint à croire et enseigner qu'il existe une voie "pépère" pour tout le monde (respecter les obligations) et une autre voie, réservée aux religieux. Le problème de cette croyance, c'est qu'il n'existe dans le christiannisme qu'une seule voie, et c'est celle des béatitudes. Il n'y a pas, et ne saurait y avoir de voie "pépère". Tel est le sens profond de l'insistance de Vatican II sur l'appel universel à la sainteté.
Mais pas seulement ! La théologie de la grâce, par exemple, par essentielle de la théologie morale des Pères ? Oubliée. Elle est désormais "classée" en dogmatique.
Et, naturellement, comme à chaque fois qu'une discipline se sépare du tronc, elle adopte progressivement son propre langage, ses propres méthodes... De sorte qu'elle communique de moins en moins avec le tronc, et encore moins avec les autres branches...
MB a écrit :Je vais aussi vous faire une confidence. J'ai lu, et pas seulement ici, beaucoup d'arguments venant appuyer la doctrine de l'encyclique de 67. Tous sont intéressants, et beaucoup sont étonnamment intelligents. Mais - dois-je en avoir honte ? - aucun ne m'a convaincu. Quand il s'agit de dénoncer l'avortement, le stérilet, le remariage des divorcés, l'adultère, pas de problème ; la compréhension vient d'elle-même, même si la conclusion pratique peut paraître inhumainement exigeante.
Personne n'a jamais prétendu que l'art de vivre chrétien soit sieste et farniente.
"Pour les hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible".
Au passage, votre remarque est typique des conséquences de la théologie morale décadente : elle explique ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, mais elle se garde bien d'expliquer "comment" il faut le faire... Le redécouverte de la "vie dans l'Esprit" est plus que providentielle à cet égard !
MB a écrit :Mais quand il s'agit de décrire comme illicites les moyens de contraception en question (en particulier la pilule), là, vraiment, je ne vois pas. On peut dire beaucoup de choses toutes plus pertinentes les unes que les autres, mais dans la matière même du sujet, aucune n'arrive à emporter mon adhésion.
Il faudrait voir quelles sont vos objections. Les obstacles intellectuels qui vous empêchent d'accueillir cette doctrine sont peut-être bien plus fondamentaux que vous ne le pensez.
MB a écrit :Je vais d'ailleurs vous porter un cas d'école, tout à fait authentique ; je sais que je fais un peu comme les Pharisiens avec Jésus, mais cela peut être utile ici. J'ai une excellente amie, avec laquelle je suis très confident. Elle est mariée et catholique. Il se trouve que son deuxième enfant a été conçu sous pilule ; Dieu merci, elle n'était pas du genre à avorter, et elle est devenue la mère d'une adorable petite fille. Eh bien ! dans son cas, la prise de la pilule n'était pas un obstacle de principe à la procréation (elle se savait très féconde).
De fait, la pilule n'est pas efficace à 100 %. Mais je ne vois absolument pas en quoi cela vient infirmer l'enseignement de l'Eglise sur la responsabilisation de la procréation.
MB a écrit :J'en rajoute une couche : Boris, sur un autre fil,
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... ngs#p23730 ,
s'est beaucoup manifesté en faveur de la méthode Billings. L'un de ses arguments (qu'il me corrige si j'ai mal lu) est le constat, dit-il, de son efficacité ; il me semble qu'elle a été représentée comme aussi efficace que la pilule, et plus efficace que le latex. Que choisir alors ? Car si son opinion est juste, la pilule et le latex sont des moyens plus ouverts à la possibilité de la conception, qu'une méthode "naturelle"...
Vous n'avez pas compris une chose, ce qui est au demeurant compréhensible, dans la mesure où, avec
Humanae Vitae, l'Eglise s'est quelque peu laissée piéger par la manière mondaine d'aborder la question : Quelle est la méthode licite pour éviter d'avoir des enfants ?
Alors que le véritable enjeu est celui-ci : Comment user de manière responsable, c'est-à-dire pleinement humaine, de la faculté de procréer que nous a donné Dieu ?
Dans l'exemple de votre amie, la petite fille en question est la "surprise du chef". Fort bien. Mais voilà qui est bien peu humain. Ne pensez-vous pas qu'un enfant a le droit, je dirais même le besoin, de savoir qu'il a été pensé avant que d'être conçu ? Et non pas qu'il est un "raté de la contraception" ?
Voilà l'enjeu : procréer de manière pleinement humaine, c'est y faire participer tout le corps, tout l'esprit, toute la volonté. Un enfant qui n'est pas
personnellement voulu, s'il n'en a pas moins la même dignité que tous, est-il besoin de le rappeler, n'a pas été conçu d'une manière pleinement humaine.
Et cela vaut pour toute méthode, qu'elle soit naturelle ou artificielle. Que le raté soit un raté de la pilule ou un raté de Billings, c'est du pareil au même.
MB a écrit :PS : mais par pitié, ne me recommandez pas la "soumission aimante" à la doctrine... je préférerais qu'on prie pour qu'un jour je comprenne
Le fait de ne pas comprendre ne dispense pas de conserver toute sa confiance à l'enseignement de l'Eglise. Et il ne dispense certainement pas de creuser la question pour lever les obstacles intellectuels qui existent. Pour monter vers Dieu, il faut la foi ET la raison.
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