L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Perlum Pimpum
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Bonjour,


La similitude du second commandement au premier tient précisément à l’articulation du second au premier, articulation découlant de la nature-même de la charité .

NATURE. La charité est essentiellement un amour pour Dieu infiniment aimable. ORDRE. Parce que la charité est essentiellement un amour pour Dieu, le prochain n’est aimé de charité qu’aimé en et pour Dieu aimé de charité. SIMILITUDE. La similitude du second au premier est que le premier consiste à aimer Dieu pour Dieu infiniment aimable, le second à aimer le prochain pour Dieu infiniment aimable.

Bref, pour le formuler par des prédicables, l’amour pour Dieu est l’essence-même de la charité, l’amour pour le prochain un accident inséparable de cette essence.

Cette inséparabilité n’est pas parce que le prochain serait Dieu (assertion d’idolâtre) ni parce que certains seuls des prochains seront, par la vision intuitive de Dieu, défiés au Ciel (assertion de foi dont les idolâtres détournent le sens pour nier l’ordre de la charité, et par delà l’essence-même de la charité, subordonnant ainsi Dieu à l’homme, en quoi consiste leur idolâtrie), mais parce que Dieu ayant et n’ayant voulu l’homme que pour qu’il aime Dieu, aimer Dieu implique de vouloir que l’homme aime Dieu, en quoi consiste la charité pour l’homme, qui n’est charité que parce qu’elle l’aime en et pour Dieu.


Cordialement.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 8:39 NATURE. La charité est essentiellement un amour pour Dieu infiniment aimable.
Mais la charité n’est que le nom qu’un chrétien donne à l’amour.
Or il est possible d’aimer Dieu sans le connaître, par une affinité naturelle qui n’est pas dépourvue de surnaturel et respectant (ce sera le signe) la règle qu’il a posée par la création.
Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 8:39 Cette inséparabilité n’est pas parce que le prochain serait Dieu (assertion d’idolâtre)
Ce n’est pas ce qu’Asellus a écrit
Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 8:39 ni parce que certains seuls des prochains seront, par la vision intuitive de Dieu, défiés au Ciel (assertion de foi dont les idolâtres détournent le sens pour nier l’ordre de la charité),
Idée que non sans raison beaucoup jugeront hors sujet et « artificielle »
Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 8:39 mais parce que Dieu ayant et n’ayant voulu l’homme que pour qu’il aime Dieu,
Connaissance pas nécessaire et qui n’est pas totalement vraie en toutes circonstances car même en situation d’abandon, il reste nécessaire d’aimer.
Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 8:39 aimer Dieu implique de vouloir que l’homme aime Dieu, en quoi consiste la charité pour l’homme.
La première partie est une évidence souvent bafouée ou détournée par ceux qui prétendent aimer (ils veulent qu’on les aime parce qu’ils aiment Dieu), mais la charité peut se faire ou être donnée par simple extension et sans cette volonté expresse, simplement parce que aimer est l’expression la plus noble de notre nature et cela peut rester désintéressé (ce qui est normal puisque tout amour appartient par capillarité et vient de Dieu, l’ignorer restant possible car le don n’en est pas rendu impossible et il a même perdu le besoin de s’en glorifier, ou d’y rajouter quelque chose.
Un amour où l'on se force, serait-ce pour Dieu, n'est plus de l'amour et montre que nous ne le connaissons pas. Nous en avons le désir, mais est-il pur ? Quand il l'est devenu, il ne veut que ce que Dieu veut et sans que ce soit parce que Dieu le veut, ne se force plus.
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Je suspends très provisoirement mon silence à votre endroit.
cmoi a écrit : lun. 18 sept. 2023, 9:14 Un amour où l'on se force, serait-ce pour Dieu, n'est plus de l'amour et montre que nous ne le connaissons pas.
« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même. » Lc. X, 27.

« Un des scribes, qui les avait entendus discuter, sachant que Jésus avait bien répondu aux sadducéens, s'approcha, et lui demanda: Quel est le premier de tous les commandements ? Jésus répondit : Voici le premier : Ecoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l'unique Seigneur ; Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là. » Mc. XII, 28-31.

Appert ainsi que vous ne connaissez pas.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 9:29 Je suspends très provisoirement mon silence à votre endroit.
J’ignore si je dois comprendre que vous avez décidé d’ignorer tous mes posts et depuis avant, ou si vous faites une exception ici pour moi et non d’autres… en l’occurrence, probablement tous ceux qui vous contrarieraient
Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 9:29 Appert ainsi que vous ne connaissez pas.
Tant de vaine agressivité est avant tout puérile et relève du jardin d’enfant ; et vous ne vous en apercevez même pas !
Aimer de toutes ses forces ne peut précisément se faire en se forçant : est-ce si difficile à comprendre ?
Si je vous imitais, mais je suis obligé de le constater, j’ajouterai que de toute évidence, pour vous, aimer Dieu demande un gros effort vu tout ce que vous savez que cela suppose !

Ressaisissez-vous !
Refuser à ce point la contradiction (et la voir autant que la vouloir et la mettre partout) ce n'est pas être capable de se montrer théologien.
Je parle d'une théologie d'adulte.
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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cmoi a écrit : lun. 18 sept. 2023, 9:54 de toute évidence, pour vous, aimer Dieu demande un gros effort
De toute évidence, à vouloir aimer Dieu en actes et non en vaines paroles. Volonté par laquelle nous voulons Dieu et ce que Dieu nous ordonne. Par exemple, tendre l’autre joue, ne pas répondre aux méchants, et préférer se taire plutôt que sombrer dans de vaines disputes. Bref, le combat spirituel.


« Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait une belle confession en présence d'un grand nombre de témoins. » II Tim, VI, 12.

« Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu'un seul remporte le prix ? Courez de manière à le remporter. Tous ceux qui combattent s'imposent toute espèce d'abstinences, et ils le font pour obtenir une couronne corruptible; mais nous, faisons-le pour une couronne incorruptible. Moi donc, je cours, non pas comme à l'aventure ; je frappe, non pas comme battant l'air. Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d'être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres. » I Cor. IX, 24-27.

« Souffre avec moi, comme un bon soldat de Jésus-Christ. Il n'est pas de soldat qui s'embarrasse des affaires de la vie, s'il veut plaire à celui qui l'a enrôlé ; et l'athlète n'est pas couronné, s'il n'a combattu suivant les règles. Il faut que le laboureur travaille avant de recueillir les fruits. » II Tim. II, 3-6.


J’ignore si je dois comprendre que vous avez décidé d’ignorer tous mes posts et depuis avant, ou si vous faites une exception ici pour moi et non d’autres
J’ai décidé de fuir les disputes, de ne pas répondre à la polémique par la polémique, de laisser les vaniteux à eux-mêmes, et de m’abstenir soigneusement de répondre aux attaques personnelles seraient-elles hypocritement maquillées en leçons de savoir-vivre.


« Rappelle ces choses, en conjurant devant Dieu qu'on évite les disputes de mots, qui ne servent qu'à la ruine de ceux qui écoutent. Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n'a point à rougir, qui dispense droitement la parole de la vérité. Evite les discours vains et profanes ; car ceux qui les tiennent avanceront toujours plus dans l'impiété, et leur parole les rongera comme la gangrène. » II Tim, 14-16.

« Si quelqu'un enseigne de fausses doctrines, et ne s'attache pas aux saines paroles de notre Seigneur Jésus-Christ et à la doctrine qui est selon la piété, il est enflé d'orgueil, il ne sait rien, et il a la maladie des questions oiseuses et des disputes de mots, d'où naissent l'envie, les querelles, les calomnies, les mauvais soupçons, les vaines discussions d'hommes corrompus d'entendement, privés de la vérité, et croyant que la piété est une source de gain. » I Tim. VI. 3-5.

« Lequel d'entre vous est sage et intelligent ? Qu'il montre ses œuvres par une bonne conduite avec la douceur de la sagesse. Mais si vous avez dans votre cœur un zèle amer et un esprit de dispute, ne vous glorifiez pas et ne mentez pas contre la vérité. Cette sagesse n'est point celle qui vient d'en haut ; mais elle est terrestre, charnelle, diabolique. Car là où il y a un zèle amer et un esprit de dispute, il y a du désordre et toutes sortes de mauvaises actions. La sagesse d'en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d'hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix. » Jc. III, 13-18.

« Le fouet est pour le cheval, le mors pour l'âne, et la verge pour le dos des insensés. Ne réponds pas à l'insensé selon sa folie, de peur que tu ne lui ressembles toi-même. » Pv. XVI, 3-4.

Je retourne au silence.









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« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Ombiace a écrit : lun. 18 sept. 2023, 6:54Jésus dit bien quel est le plus grand et le premier commandement.

Pensez vous que la Loi aurait pu intervertir les premier et second commandements sans modifier sa substance ?
Cmoi a déjà tout dit, je crois, et Prodigal a raison de rappeler qu’il ne faut pas opposer Matthieu :
Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi? Jésus lui dit : "Tu aimeras le seigneur ton dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, et de tout ton esprit, voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même."
Et Jean :
Si quelqu'un dit: J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur; car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas? Et nous avons de lui ce commandement: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.
La fin du verset que j’ai mis en gras rassemble premier et deuxième commandement en un seul. La substance en est-elle modifiée ?

Le christianisme est une religion de paradoxes. Si on ne goûte pas un peu cette saveur-là, si on lui préfère l’esprit « grec », l’esprit de géométrie, alors il existe bien d’autres religions plus « carrées » et « logiques » :hypocrite:

Souvenons-nous aussi qu’au départ, « ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu », « nous l’aimons parce qu’Il nous a aimés en premier »(I Jean 4:19)
Car nous ne sommes pas des anges désincarnés, notre amour ne saurait être spirituellement pur.
Le christianisme tout entier repose sur l’Incarnation, sur Dieu devenu « prochain ». Avant, l’idée de Dieu était abstraite, effrayante même ; or « la crainte n’est pas dans l’amour » (I Jean 4:19)
C’est dans la figure humaine du Christ que les hommes ont appris à aimer Dieu.

Là est toute la différence entre l’amour divin, gratuit, inouï, qui n’attend rien en retour ; et le pauvre amour humain, jamais totalement désintéressé, même lorsqu’il a pour objet l’Être parfait. Car en échange de notre amour, nous attendons tout de Dieu. Tout, c’est-à-dire la vie précieuse, la vie véritable, la vie de l’âme. Si Dieu ne nous la donnait pas, l’aimerions-nous ? La question est moins vaine qu’il n’y paraît.

C’est dans l’amour du prochain que nous pouvons, non pas égaler mais imiter l’amour de Dieu. Avec le prochain, l’acte parfaitement désintéressé devient presque possible. Nous pouvons aimer la Personne du Christ (et à sa suite n’importe quelle personne humaine), sans rien lui demander en retour, comme put le faire Dostoïevski :

« Si on me prouvait que le Christ est hors de la vérité, et qu'il fût réel que la vérité soit hors du Christ, je voudrais plutôt rester avec le Christ qu'avec la vérité. »

La transaction, alors, s’opère ailleurs, dans les tréfonds de l’habitacle divin, de l’âme immortelle satisfaite d’elle-même.
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

Message non lu par Perlum Pimpum »

Asellus a écrit : lun. 18 sept. 2023, 12:42 La fin du verset que j’ai mis en gras rassemble premier et deuxième commandement en un seul. La substance en est-elle modifiée ?
La charité est selon l’ordre exigé par sa nature.

Jusqu’à preuve du contraire, le Christ n’a pas parlé d’un unique commandement d’aimer Dieu et son prochain, mais de deux, marquant par le nombre la nécessaire distinction et subordination de l’homme à Dieu, et conséquemment le fait que l’amour pour le prochain ne relève de la charité qu’autant qu’il soit en dépendance de l’amour pour Dieu.

Il ne s’agit pas de dissocier mais de distinguer les deux commandements, et de les distinguer pour éviter d’avoir à intervertir l’ordre de la charité, interversion qui est sa négation même. C’est précisément parce que l’homme n’est pas Dieu, même cet homme déifié au Ciel par vision intuitive, que l’amour de l’homme pour l’homme n’est pas de soi un amour de charité, pouvant n’être qu’une philanthropie naturelle déconnectée de tout amour pour Dieu. Pour le dire simplement, il ne suffit pas d’aimer l’homme pour aimer Dieu, pas même implicitement. L’amour de charité pour l’homme suppose, pour exister, que Dieu soit aimé, et en cet amour pour Sieu celui pour le prochain aimé en et pour Dieu. Bref, en la charité, l’amour pour le prochain est nécessairement second : il n’est amour de charité qu’en s’articulant à l’amour pour Dieu.

À intervertir l’ordre, à aimer Dieu pour l’homme et non plus l’homme pour Dieu, Dieu cesse d’être considéré et aimé comme fin dernière absolue de ses œuvres, n’étant plus aimé que comme moyen en vue de la fin dernière absolue qui lui est substituée : l’idole de l’Homme. L’interversion de l’ordre de la charité aboutit donc inéluctablement à la destruction de la charité, à laquelle est substituée sa caricature idolâtrique. Ayant interverti l’ordre de la charité, et en cette interversion assujetti Dieu a l’Homme, les idolâtres ont cessé d’aimer Dieu de charité. Cette interversion des valeurs, satanique en son principe, a introduit en l’Église-même l’idolâtrie de l’Homme.

Et parce qu’une erreur quant au principe entraîne inéluctablement une foule de conséquences désastreuses, les errements doctrinaux et pratiques sont devenus légion. Il suffit de regarder les prises de positions doctrinales et conséquemment la praxis de certaines conférences épiscopales, pour ne rien dire de faits plus graves encore, pour comprendre que ce dont nous parlons ne relève pas d’une théorie abstraite sur laquelle finasser, mais de la vie ecclésiale en Christ, pour autant qu’on y vive encore. Ce qui est combattu ici est bien plus qu’une fausse compréhension de la charité. C’est le basculement du théocentrisme à l’anthropocentrisme sous couvert fallacieux de charité ; basculement ayant ouvert la voie de la subversion antéchristique (en de nombreux pans) de l’Église.

Donc, pour répondre à la question, oui, la substance est totalement modifiée.

Bonne continuation.
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Asellus a écrit : lun. 18 sept. 2023, 12:42

C’est dans l’amour du prochain que nous pouvons, non pas égaler mais imiter l’amour de Dieu. Avec le prochain, l’acte parfaitement désintéressé devient presque possible. Nous pouvons aimer la Personne du Christ (et à sa suite n’importe quelle personne humaine), sans rien lui demander en retour, comme put le faire Dostoïevski :

« Si on me prouvait que le Christ est hors de la vérité, et qu'il fût réel que la vérité soit hors du Christ, je voudrais plutôt rester avec le Christ qu'avec la vérité. »

La transaction, alors, s’opère ailleurs, dans les tréfonds de l’habitacle divin, de l’âme immortelle satisfaite d’elle-même.
Cher Asellus,
laissez moi d'abord vous dire que j'ai lu avec grand plaisir vos messages, et j'espère qu'il y en aura beaucoup d'autres.
Ceci me met plus à l'aise pour cependant contester un point de détail de votre exposé. Cela concerne l'articulation que vous faites entre l'amour désintéressé et la citation de Dostoievski que je reproduis à mon tour.
L'amour de la vérité est nécessairement un amour désintéressé, c'est pourquoi il est plus rare qu'on ne pourrait le croire. En effet, si l'on adhère par avance au vrai plutôt qu'au faux, ce n'est pas pour y gagner quelque chose, mais par simple besoin de vérité. Il arrive d'ailleurs qu'il faille en payer le prix.
En revanche, l'attitude de Dostoievski me paraît dangereuse. Si quelqu'un voulait vraiment préférer le Christ à la vérité, c'est soit parce qu'il n'a pas la foi et en souffre, mais veut demeurer en l'état qui est le sien, soit parce qu'il attend quelque satisfaction en retour (les deux étant bien entendu compatibles). Cette posture, qui pose un choix là où il n'y en a pas, indiquera souvent, plus qu'un grand amour du Christ, un désir pervers de fanatisme, qui se porte aux extrêmes par l'attirance qu'exerce la folie, fausse libératrice des prisons supposées de notre simple raison.
Bien sûr, nous savons depuis saint Augustin que "la mesure de l'amour est d'aimer sans mesure", mais "sans mesure" ne veut pas dire follement, cela veut seulement dire que l'excès d'amour n'existe pas, ou alors ce n'est pas de l'amour pur. Rien ici ne s'oppose à la vérité, et ne songe à la sacrifier. :)
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

Message non lu par Ombiace »

Je trouve votre discours pédagogique et sensé, cher Perlum Pimpum, vos remarques, pertinentes et profondes. Merci à vous, PP
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Merci Ombiace.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Bonsoir Prodigal !
Je vous remercie de votre estime, le sentiment est réciproque.

Il est toujours malaisé de parler au nom de quelqu’un d’autre (du reste nous ne comprenons parfois pas totalement nos propres opinions !) ; mais il me semble que ce que Dostoïevski voulait dire ne s’apparente pas à un éloge de la folie ou du fanatisme. La folie, il la connaissait bien, il l’a côtoyée de par son épilepsie. Je ne crois pas du tout qu’il ait voulu l’idéaliser.

Que veut dire aimer le Christ lorsque celui-ci est hors de la vérité ? Pour moi, je le vois comme l’expression d’une confiance infinie, aveugle, en la beauté d’un Idéal suprahumain, envers et contre tout. C’est une attitude héroïque. Le dernier carré de Waterloo, si vous voulez.
C’est une déclaration d’amour désintéressée, ce qui en effet est très rare ; mais pas impossible.

Mais je pense aussi qu’il ne faut pas prendre la formule au pied de la lettre. Car enfin, comment prouver que le Christ est hors de la vérité ? Plus généralement encore, comment imaginer qu’un jour nous puissions être en possession d’une Vérité à l’état pur, d’une Vérité vraiment vraie ? Ce n’est pas pour demain. Il faudra attendre les trompettes du Jugement :sun:

C’est donc que le romancier avait en vue autre chose.
Quelles qu’aient pu être par ailleurs ses positions, il ressort de ses écrits qu’il a toujours combattu l’athéisme. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre cette citation, que je n’aurais peut-être pas dû tronquer. La voici en entier :
[+] Texte masqué
Je vous dirais à mon sujet que je suis un enfant du siècle, enfant de l'incroyance et du doute jusqu'à ce jour et le serai même (je le sais) jusqu'à la tombe. Que de souffrances effrayantes m'a coûtées et me coûte aujourd'hui cette soif de croire, qui est dans mon âme d'autant plus forte qu'il y a davantage en moi d'arguments contraires. Et cependant Dieu m'envoie parfois des instants où je suis parfaitement tranquille : dans ces instants j'aime et je trouve que les autres m'aiment, et c'est dans ces instants-là que je me suis composé un Credo dans lequel tout pour moi est clair et sacré. Ce Credo est simple, le voici : croire qu'il n'est rien de plus beau, plus profond, plus sympathique, plus raisonnable, plus viril et plus parfait que le Christ, et non seulement qu'il n'est rien, mais - je me le dis avec un amour jaloux - qu'il ne peut rien être. Bien plus, si quelqu'un me prouvait que le Christ est hors de la vérité, et qu'il fût réel que la vérité soit hors du Christ, je voudrais plutôt rester avec le Christ qu'avec la vérité.
Sa foi n’était donc pas différente de celle de n’importe qui. Simplement, il a pressenti avec plus de force peut-être les conséquences monstrueuses que pouvait engendrer l’incroyance. Sans dieu(x), sans religion(s), le bien et le mal n’existent pas. À une époque où, contrairement à la nôtre, la grande majorité de la population européenne était encore croyante, il a voulu doter les âmes tourmentées à sa semblance d’un Credo « post-chrétien » (je hais ce terme) afin d’éviter qu’ils ne basculent dans le nihilisme.

Son œuvre, si on voulait la résumer, est une révolte non contre le divin instrument de notre entendement, mais contre la raison ratiocinante de l’esprit areligieux, contre les idéologies modernes (scientisme, matérialisme, individualisme) qui ont tellement rabougri l’âme occidentale ces dernières décennies. C’est ainsi en tout cas que je le comprends. Un refus non de la raison en tant que telle, mais d’une idéologie, d’un système de pensée athée qu’on nomme parfois abusivement le « rationalisme ».
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

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Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 21:22 Merci Ombiace.
J'aurais une question, svp, Perlum Pimpum, puisque nous semblons tout deux préférer Jésus aux personnes de notre famille :

Dimanche dernier, c'était l'évangile du débiteur impitoyable.
Celui ci (a) devait une somme rondelette à son maître, qui la lui remet.
Le maître le fait finalement jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé cette dette, car lui même ne pratique pas la miséricorde avec une tierce personne (b) endettée envers lui.

Ma question est :
Comment doit se comporter (a), selon vous, si (b) a contracté une dette, non pas envers lui (a), mais envers le maître. Lui doit il miséricorde ?

Pour vous comprendre :
Si (b) est marié à (a) devant Dieu, et que (b) est favorable à l'avortement, tandis que (a) est soucieux de l'enseignement de l'Eglise en la matière, quelle forme doit alors prendre l'amour conjugal de (a) ? Doit-il tenir pour secondaires les valeurs de vie que Jésus a voulu pour ses créatures sur la croix), c'est à dire, aimer physiquement (b) comme si de rien n'était, ou au contraire, tenir ces valeurs pour premières et patienter en amour jusqu'à leur adoption par (b), si cela se produit ?
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Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 12:05
J’ai décidé de fuir les disputes, de ne pas répondre à la polémique par la polémique, de laisser les vaniteux à eux-mêmes, et de m’abstenir soigneusement de répondre aux attaques personnelles seraient-elles hypocritement maquillées en leçons de savoir-vivre.
Perlum Pimpum a écrit : lun. 18 sept. 2023, 12:05 Je retourne au silence.
Faites ce que vous pouvez ou voulez, mais vous ne pouvez pas à la fois dire (sous le fil « que se passe-t-il lors de la mort » :
Mais quant aux doctrines, si j'estime devoir attaquer au lance-flamme, j'attaque. Somme toute, nul n'est obligé à débattre. Mais dès lors qu'on lance ou qu'on intervient dans un débat, il faut avoir le cuir assez solide pour encaisser les objections.
... et faire la chochotte dès que quelqu’un vous contredit sans pour autant d’ailleurs « sortir le lance-flamme ».
C‘est un peu facile quand ce n’est pas vous qui triomphez de sortir le joker « polémique », de traiter les autres de vaniteux et leurs attaques de personnelles, de les prétendre maquillées quand elles ne le sont guère.
Ayez un minimum d’équité et de fraternité, traitez vos dysfonctionnements au lieu de les ignorer.

Reconnaitre ses défauts n’est pas incompatible avec la nécessité du cuir que vous évoquiez, et il ne faudrait pas que celui de Dieu serve au vôtre de chausse-trappe ou d’évacuation quand ils sont incompatibles. C’est ce qu’a voulu vous faire comprendre Asellus (mais pas que lui) en vous rappelant l’heure du jugement, voulant vous faire entendre que vous aviez des charbons ardents à dissiper au-dessus de votre tête – hélas, cela les a accrus mais pas de leur fait, alors peu osent encore vous en faire part et c’est bien ce qu’encore hélas (car par de la bonne manière) vous semblez rechercher.
Espérant vous en débarrasser incognito en continuant de les déverser un jour sur les nôtres ?

Vous laissez ici entendre que ce ne sont que des mots et que vos actes ne sont pas concernés : faut-il vraiment que vous vous défendiez ainsi pour prétendre à une perfection et que vous nous croyiez dupes de vos artifices ?
Le problème c’est que vous vous donnez des droits que vous n’accordez pas aux autres, comme si vous apparteniez à une classe privilégiée et que nous étions des esclaves et pas seulement de l'erreur et du péché, ne méritant de recevoir ni d'émettre ce que vous considérez à tort comme des familiarités, tandis que vous seriez intouchable. Vous ne connaissez que la loi du plus fort et vous prétendez en bénéficier par une protection spéciale.
Vous êtes en devenir et comme vous êtes, la cause ne vous en appartenant pas exclusivement ; assumez-le vraiment, c’est la première étape pour se corriger à supposer que vous le souhaitiez car pour le moment vous y verriez peu d’intérêt quand cela ne concernerait à vos yeux que nous, mais surtout pas vous (trahison subtile).

Fuir les disputes serait une bonne chose qui n’impliquerait pas le silence, lequel ne les résoudra en rien (c'est un mieux, mais aussi une échappatoire), qu’elles soient déclarées ou non. Or ce que vous fuyez n’est pas la dispute, mais l’allégeance de courtoisie qui pourtant fait droit à certains principes chrétiens. Vous avez oublié à qui le Christ s’est identifié, précisément à ceux qui sont obligés d’en faire et de bien plus désagréables.

P.S. Instrumentaliser à tort et à travers l'Ecriture sainte ne saurait avoir valeur d'absolution ni d'un juste discernement.
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prodigal
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

Message non lu par prodigal »

Asellus a écrit : lun. 18 sept. 2023, 21:44 Son œuvre, si on voulait la résumer, est une révolte non contre le divin instrument de notre entendement, mais contre la raison ratiocinante de l’esprit areligieux, contre les idéologies modernes (scientisme, matérialisme, individualisme) qui ont tellement rabougri l’âme occidentale ces dernières décennies. C’est ainsi en tout cas que je le comprends. Un refus non de la raison en tant que telle, mais d’une idéologie, d’un système de pensée athée qu’on nomme parfois abusivement le « rationalisme ».
Cher Asellus,
je suis tout à fait d'accord avec votre interprétation de Dostoievski. Il faut bien distinguer la citation isolée, telle qu'elle est souvent utilisée, et la pensée véritable de Dostoievski, qui oblige à contextualiser, ce que vous avez eu la bonne idée de faire.
Cependant, il me semble que cela révèle une tension profonde, caractéristique d'une époque où la foi ne va plus de soi du tout. La raison de choisir le Christ plutôt que la vérité, c'est que la vérité qui se serait imposée, ce serait le positivisme. Or, cette identification souffrante de la vérité au positivisme, voire au scientisme, est problématique. Si tout ce qui n'est pas scientifique est considéré comme irrationnel, la foi devient forcément quelque chose d'indéfendable, qui ne peut se transmettre que par l'émotion collective, au détriment de l'intelligence.
Il me semble que Blaise Pascal avait génialement anticipé le problème, en montrant que ce qui dépasse la raison ne la contredit pas, bien au contraire. "Rien de plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison".
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)
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Perlum Pimpum
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Re: L'amour véritable peut-il se dispenser d'être universel ?

Message non lu par Perlum Pimpum »

Bonjour Ombiace‘
.
J'aurais une question, svp, Perlum Pimpum, puisque nous semblons tout deux préférer Jésus aux personnes de notre famille :

Dimanche dernier, c'était l'évangile du débiteur impitoyable.
Celui ci (a) devait une somme rondelette à son maître, qui la lui remet.
Le maître le fait finalement jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé cette dette, car lui même ne pratique pas la miséricorde avec une tierce personne (b) endettée envers lui.

Ma question est :
Comment doit se comporter (a), selon vous, si (b) a contracté une dette, non pas envers lui (a), mais envers le maître. Lui doit il miséricorde ?

Pour vous comprendre :
Si (b) est marié à (a) devant Dieu, et que (b) est favorable à l'avortement, tandis que (a) est soucieux de l'enseignement de l'Eglise en la matière, quelle forme doit alors prendre l'amour conjugal de (a) ? Doit-il tenir pour secondaires les valeurs de vie que Jésus a voulu pour ses créatures sur la croix), c'est à dire, aimer physiquement (b) comme si de rien n'était, ou au contraire, tenir ces valeurs pour premières et patienter en amour jusqu'à leur adoption par (b), si cela se produit ?


Dimanche dernier, la première lecture était tirée du Siracide (XXVII 30 -XXVIII 7). On y lisait notamment : « Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur est passé maître. Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ; celui-ci tiendra un compte rigoureux de ses péchés. Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. »

Venait ensuite le Psaume CII, qui magnifie la miséricorde divine : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse. Il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés. »

Romains XIV, 7-9, nous rappelait ensuite, en termes très beaux, que les saints vivent et meurent en Christ, à l’imitation du Christ : « Frères, aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants. »

Et enfin, précédé de Jn. III, 34 dans l’Alleluia, qui réitère le commandement d’imiter le Christ en aimant nos frères, l’Évangile de Matthieu (XVIII, 21-35), où la parabole du débiteur impitoyable, qui réitère en termes nouveaux l’enseignement du Siracide, est précédée du commandement de pardonner toujours : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? Jésus lui répondit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. »

Ce dernier passage doit être mis en lien à Mt. XVIII, 15-17 : « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain. Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. »

Et en parallèle à Lc. XVII, 3-4 : « Si ton frère a péché, reprends-le; et, s'il se repent, pardonne-lui. Et s'il a péché contre toi sept fois dans un jour et que sept fois il revienne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras. »



De sorte d’abord que le pardon suppose la confession et la contrition de celui auquel il s’adresse. « Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir ? Produisez donc un fruit digne du repentir. » (Mt. III, 7-8). Serait absurde de pardonner l’offense de celui qui ne s’en repent pas. Le Christ ne le fait pas pour les péchés actuels commis, comme appert des règles de droit divin régissant l’administration du sacrement de pénitence. La confession et la contrition des fautes sont exigées, et en la contrition tout à la fois la douleur-détestation d’avoir péché, la volonté de satisfaire pénitentiellement, et le ferme propos de ne plus pécher à l’avenir. Ce n’est que pour le péché originel, qui a proprement parler n’est pas commis par les descendants d’Adam mais contracté à leur génération, que le pardon est offert sans que soit besoin de confesser et de se repentir d’un acte qui n’a pas été personnellement commis. De sorte que, puisque nous avons à pardonner en imitation du Christ, autant nous devons être prêts à pardonner qui se repent, autant nous n’avons aucunement à pardonner à qui ne se repent pas. Dans ce dernier cas, loin qu’il faille pardonner, il faut sévir. Jésus l’indique assez en disant : « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, … et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain. Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Il y a ici un distinguo à opérer selon que vous soyez simple particulier ou magistrat.

Comme simple particulier, sévir signifie seulement fermer la porte de l’amitié jusqu’à ce que le prochain soit revenu à de meilleures dispositions, s’il y revient. Mais même alors, sévir en se gardant de toute attitude intérieurement malsaine. L’inimitié du juste pour les pécheurs est une chose, le ressentiment agressif en est une autre. Il y a seulement à prendre acte des dispositions mauvaises du prochain, et à s’indigner de son mépris de la justice. De sorte que les saints peuvent être confrontés à des situations particulièrement délicates à raison de l’impénitence des impies. Un homme qui serait confronté en plein prétoire au ricanement de celui ayant violé sa fille, sa sœur ou sa femme, aura spontanément des envies de meurtre, et selon des modalités particulièrement cruelles, envies qu’il lui faudra canaliser, et qu’il canalisera d’autant plus facilement que la grâce sanctifiante aura pénétré jusqu’au plus profond de son cœur. D’abord en refusant de se faire justice soi-même, quelque tentante soit l’envie. « Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur est passé maître. Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ». Ensuite en étant réellement prêt à pardonner si l’impie changeait réellement d’attitude pour enfin se repentir d’un cœur contrit et humilié. Car « d’un cœur contrit et humilié, Dieu n’a point de mépris » (Ps. LI, 17). En vérité, tous les péchés, aussi abominables qu’ils puissent être, sont pardonnés à celui qui s’en repent d’un cœur vraiment contrit par motif surnaturel, car la contrition parfaite (qui suppose la foi et l’espérance) est fille de la charité, charité en laquelle nous avons notre justification. « La haine excite des querelles, mais l'amour couvre toutes les fautes. » (Pr. X, 12). « Avant tout, ayez les uns pour les autres une ardente charité, car la charité couvre une multitude de péchés. » (I P. IV, 8). De sorte qu’au final, l’attitude héroïque du saint confronté au cas d’espèce envisagé ci-avant, c’est, tout en s’indignant de l’impiété du scélérat et de refuser de lui pardonner tant qu’il ne se repent pas, de prier avec ferveur pour qu’il s’en repente. Là est l’imitation du Christ, car là est la charité pour les impies d’ici-bas : vouloir qu’ils cessent d’être tels pour enfin aimer Dieu, le vrai Dieu, le Dieu de la foi théologale.

Comme magistrat, sévir implique d’infliger les peines vindicatives prévues par la loi, pour autant que la loi des hommes soit conforme à celle de Dieu. Et donc, le cas échéant, aller jusqu’à infliger la peine de mort, si la loi le prescrit en châtiment du crime. Mais même alors, en priant et espérant pour que la peine serve à la conversion et contrition du coupable avant qu’il ne comparaisse au redoutable tribunal de Dieu…



Vous envisagiez le cas où le péché d’autrui ne serait pas contre un tiers mais contre Dieu. La vertu surnaturelle de piété filiale implique pourtant que tout péché contre le Père offense ses fils adoptifs par grâce dans la mesure-même où il offense leur Père. Faut-il donc pardonner les offenses qu’autrui fait au Père ? Ne l’avons nous-mêmes pas offensé de mille manières par nos péchés passés ? Ne nous a-t-il pas pourtant pardonné, nous qui vivons désormais de la vie du Christ ? Certes, tant que nous n’étions pas contrits et humiliés, nous n’étions qu’haïssables, mais c’est précisément parce que nous étions tels qu’il fallait que Dieu nous fasse miséricorde pour nous réordonner à Lui.

Et donc, pour vous répondre, pardonnez le péché d’autrui contre Dieu pour autant qu’autrui s’en repente ; et s’il ne s’en repent pas, ne lui pardonnez pas, pas encore, mais priez avec ferveur et profondeur pour qu’enfin il s’en repente, afin qu’en son repentir il trouve Dieu et en vive, en L’aimant. Bref, mon sentiment est qu’hors le cas du privilège paulin, il est tout à la fois inutile, nuisible, peccamineux, de briser un mariage au risque d’exposer le conjoint à l’adultère et les enfants à l’abandon.

Ceci dit, si l’animadversion causée par l’impiété de (b) devient telle que (a) ne supporte plus de vivre avec (b), une séparation de fait peut s’envisager. Car « L'homme inique est en abomination aux justes, et celui dont la voie est droite est en abomination aux méchants. » (Pr. XXIX, 27). Si donc l’amour surnaturel de (a) pour Dieu excède l’amour naturel qu’il a pour (b), (a) se détournera de (b) à proportion qu’il se tournera vers Dieu, démontrant ainsi par les préférences de son amour où est son trésor et son cœur.

Nous savons d’ailleurs tous ce que Jésus en pense. « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu mettre la division entre l'homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l'homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. »

Mais nous savons aussi qu’il serait fautif d’exposer autrui au péché. La séparation de fait n’est donc qu’un pis-aller. Aussi, plutôt qu’envenimer les choses jusqu’à ce que l’atmosphère du mariage devienne si irrespirable que la séparation de fait soit rendue inéluctable, les conjoints doivent se supporter avec patience et œuvrer à l’harmonie. Le mariage est un glorieux martyr…
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »
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