Relations Église-État

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
cmoi
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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » dim. 07 juin 2020, 19:29

Une autre, cette fois juste une considération.

Ce qui se nomme le progrès et qui s’appuie sur la technique ou la technologie a révolutionné nos modes de vie, depuis… que l’ancienne doctrine n’est plus « opérationnelle ».
On s’éclairait à la bougie, le chauffage central était rare, il n’y avait pas de grandes surfaces, d’avions, de TGV, de télévision, d’énergie nucléaire (ni d’internet), les familles aisées étaient de petites sociétés avec leur « personnel », tous les échanges humains se passaient à proximité etc. Il y avait une façon très différente d’être conscient de sa place dans la communauté des hommes et dans la nature, il me semble qu’alors le droit à la liberté religieuse était très protégé - si on n’avait pas celle des proches, c’était d’une telle originalité ! - et qu’il ne serait venu à l’idée de personne de « forcer » une conscience ni de ne pas donner un caractère religieux à ce qui aurait presque tenu de la magie ou de la superstition : le pouvoir politique, là-bas, à la capitale, où se débattait de ces choses qui nous échappaient mais conditionnaient notre vie : qu’une force supérieure heureusement régulait, à défaut d’un chaos qui donnait une idée d’anarchie, et dont on se protégeait par les rapports +/- chaleureux de proximité.

Le contexte était autre… En fait vouloir appliquer aujourd’hui l’ancienne doctrine, c’est refaire à l’envers tous les débats de société qui ont eu lieu, sur l’école laïque et le droit à une instruction pour tous et non nécessairement confessionnelle (Jules Ferry) puis au contraire celui à l’école privée et à une instruction confessionnelle (pour ne prendre qu’un seul exemple ayant donné lieu à tant de batailles): tout s’est inversé. Certaines choses sont devenues des droits qui n’en avaient aucun : ce n’était pas nécessaire, tant cela y était assimilé à ce nécessaire.
Je suis à peu prés certains que la validité de l’ancienne doctrine vient de là, et qu’il est normal qu’elle ait évolué avec les mœurs, indépendamment de ce qui permet de considérer s’ils sont plus ou moins vertueux ou conformes aux dix commandements.

Le monde bouge. comme dans la pub. Il est nécessaire d’y mettre des protections qui n’existaient pas avant. La religion en est une, non plus contre la colère du ciel, mais contre le non-sens et la robotisation de l’homme. Contre le vide et notre petitesse, et non plus nos peurs. Ce serait une amélioration. Si elle doit « revenir » au goût du jour, ce ne sera pas par un pouvoir politique.

Qui peut croire que ce serait par souci du salut des âmes et pour diminuer le nombre des péchés ? Qui peut croire que cela nous préoccupe vraiment, et sera un succès si cela s’obtient par la restriction de la liberté des pécheurs – l’acte deviendra pensée, intention, et cela reviendra au même, avec plus d’hypocrisie et de choses cachées.

On ne convertira personne en lui disant d’entrée de jeu : j’ai raison et tu as tort, confesse tes péchés.
On en se convertit pas par repentir, on se repent parce qu’on est converti. Mais on se convertit par un élan d‘amour.

S’adressant aux catholiques, l’Eglise pouvait dire, car à leurs yeux elle a déjà raison : « c’est comme çà et puis c’est tout ». S’adressant à ceux qu’elle souhaite convertir, elle doit leur accorder le bénéfice d’un discernement, le droit de n’être par eux considérée que comme une possibilité parmi d’autres d’avoir raison, mais ce qui les convaincra, ce ne sont pas nos mœurs (qui ne sont pas parfaites et à l’égard desquelles d’ailleurs nous vivons dans la contradiction), c’est l’amour qui les habite et ce en quoi cela nous rend différent des autres, qui prétendent autant que nous avoir raison et en cela, nous pourrions n’avoir qu’un même défaut.
Aimer quelqu’un, c’est se mettre à sa place, et peut-être cela lui donnera-t-il l’envie de se mettre à la nôtre si ce faisant nous lui apportons quelque chose de plus beau.

Par amour, l’Eglise a déplacé son centre de gravité, c’est pourquoi elle donne cette impression de non-continuité.
Le temps est venu de montrer l’exemple, et non plus de commander

Gaudens
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Re: Relations Église-État

Message non lu par Gaudens » dim. 07 juin 2020, 19:37

Cinci :
Vous citez donc Saint Thomas à l'appui du mauvais procès que vous faites à Gaudium et Spes:
"Le schisme est un péché contre la charité théologale. C'est le péché qui détruit la charité en tant qu'elle fait l'unit de l'Église : "Le péché de schisme, dit saint Thomas, est un péché spécial : il sépare de l'unité que fait la charité quand elle rassemble, non seulement des personnes privées par un lien de dilection spirituelle, mais l'Église entière dans l'unité de l'Esprit Saint (Somme, II-II, qu. 39, a.1) ( p. 1362; Journet, L'Église du Verbe incarné) ".
Soit pour le péché de schisme.Sauf que
1)un schisme a deux auteurs, l'un plus actif que l'autre mais sans que celui-ci puisse être totalement dédouané de toute responsabilité dans l'affaire et donc le péché en question est bien un peu le sien aussi. Je parle là de simples schismes ,pas d'hérésies (le cas Luther ,relevant quelque peu à la fois du schisme et de l'hérésie (mais oui !) est différent. Et n'exagérez pas avec le "Saint Luther" bien que j'aie lu ici ou là des éloges du réformateur en question me paraissant aller bien trop loin dans des bouches catholiques ....).
2) le péché en question est au moins prioritairement ceux des auteurs du schisme , pas leurs héritiers des siècles après. Que le texte de G et S appelle à la charité entre chrétiens à la fois dans et hors de l'Eglise catholique ne devrait choquer aucune personne de bonne volonté ( c a d de volonté bonne).


PS pour Suliko:je suppose que vous vous interdisez de lire Pascal puisqu'il figure à l'Index(aboli depuis quelques décenies mais d'une abolition certainement invalide à vos yeux,je le crains).En tout cas , s'il en est ainsi , quel dommage ! Vous vous priveriez de telles richesses ...

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Suliko » dim. 07 juin 2020, 21:12

Gaudens,
Soyez sûre que je connais bien la différence théorique entre tolérance et liberté religieuse .Il me semblait cependant que vous étiez en fait assez disposée à reconnaitre assez largement la portée d’une telle tolérance au point que la différence concrète entre ses effet et ceux de la liberté religieuse pourrait être dans les faits faible voire minime. Mais quand vous écrivez « si les circonstances l’exigent » ,je me mets à douter fortement.
Vous avez raison d'en douter, car je n'ai nulle part écrit que les différences concrètes entre grande tolérance et liberté religieuse devraient forcément être minimes.
Je ne connais pas assez les détails historiques de la révocation de l'édit de Nantes pour juger de la pertinence de ce choix de Louis XIV. Le problème, c'est qu'à l'époque des guerres de religion, les protestants pratiquaient généralement un prosélytisme intense et provoquaient parfois des troubles parmi les catholiques, détruisant des églises ou des objets de culte, voire tuant des prêtres et des religieux. Il est facile de juger après coup des décisions d'un roi catholique qui verrait une partie non négligeable de sa population passer à l'hérésie et sachant qu'il a le devoir de veiller sur la foi de ses sujets. Evidemment, tant que faire se peut, il faut éviter toute violence et ramener les égarés dans le giron de l'Eglise par la persuasion et la douceur. Mais de telles situations peuvent être très délicates !
Prenons donc un exemple plus simple : dans un Etat/contrée catholique (de population majoritairement ou totalement catholique et dont le chef l'est aussi), le pouvoir temporel n'a pas à mettre sur un pied d'égalité toutes les religions. Il peut (et même doit) poser certaines limites, voire interdictions, aux fausses religions, comme par exemple d'avoir des édifices religieux discrets et de ne pas faire de prosélytisme. Ce serait vraiment le minimum pour un peuple qui se voudrait catholique.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » lun. 08 juin 2020, 3:30

Gaudens,
Soit pour le péché de schisme
La raison d'être de mes citations plus haut concerne la charité, La définition de celle-ci relativement à l'Église. Je vous les amène parce que vous sembliez mettre en doute le fait que le feu cardinal Journet eusse pu véhiculer une définition de la charité comme je vous en avais fait part précédemment.

Un petit quelque chose manque dans Gaudium et Spes, dirais-je. Une certaine précision ou nuance capitale est absente. Et puis ce qui manque suffit à produire une inflexion de pensée orientée dans un sens différent des néo-thomistes ou des scolastes d'époque classique. C'est assez subtile mais c'est là quand même. Je ne pense pas avoir la berlue. C'est certain que le résultat se traduit par l'établissement d'un nouveau type de rapport entre l'Église et l'État ou entre le Vatican et les chrétiens dissidents.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » lun. 08 juin 2020, 4:30

Nous avons une doctrine traditionnelle qui relève d’un ordre et d’une argumentation théologale, qui suppose la foi, mais aussi quelque chose de plus car il s’agit de régenter et d’obliger la vie de personnes qui ne l’ont pas à agir selon la doctrine de l’Eglise.
La justification de ce quelque chose de plus peine à se sortir de 2 constats : le fait que cette doctrine ne pourrait s’appliquer que si les catholiques sont majoritaires, ce qui laisse un grand trou dans sa raquette et la rend presque irréaliste. De fait :
  • J’attends de savoir ce qu’elle préconise dans le cas contraire et en quoi cela s’opposerait alors à la nouvelle doctrine, car sinon elles seraient concrètement d’accord dans la plupart des cas actuels,
    Si les catholiques ne sont plus seulement majoritaires, mais quasiment exclusifs (contexte dans lequel cette doctrine est née), à nouveau ces deux doctrines concrètement coïncideraient, ce qui représenterait une sorte de monde idéal qui seul jusqu’à preuve du contraire validerait cette première doctrine. C’est pourquoi le seul argument de sa défense a consisté à dire, à ce propos, qu’il ne s’agit que d’une exposition théorique : ce qui revient tacitement à reconnaitre ses limites et son utopisme. Ce n’est pas parce que la conversation s’est poursuivie sur d’autres thèmes que la preuve n’en a pas été faite.
Comme cette doctrine est théologale, elle a essayé de se justifier en assimilant l’autre à une croyance erronée, condamnée par l’église. Mais il y a une différence entre le libéralisme religieux et le libéralisme politique, et elle n’y est pas parvenue. Elle essaye de se défendre en ramenant la querelle à une autre querelle d’ordre strictement religieux et en se servant de la corde sensible : notre amour et nos devoirs envers Jésus Christ, son règne, etc.

Elle « oublie » que la matière n’est pas d’ordre doctrinal, et que la philosophie est la pierre sur laquelle une grande partie de la théologie s’est assise. A ce titre, la nouvelle doctrine a cherché et jusqu’à preuve du contraire, réussi, à se mettre en accord avec les plus hautes exigences de cette discipline. Une grande partie de la théologie ne s’appuie pas sur la révélation, mais sur la raison et la philosophie. Or le sujet par lui-même en relève davantage que de la théologie.

Or les partisans de la première ne cessent d’en éviter l’augure, à force de citations du magistère, de références à son infaillibilité, à la tradition, etc. mais pas une seule fois ils n’ont ne serait-ce que cherché à nous démontrer le bien-fondé philosophique de leur doctrine (et pour cause !).
Quant à la révélation, elle contient et surtout dans le nouveau testament un nombre incalculable d’exemples qui contestent cette interprétation qu’elle en fait : la défense des opprimés (comment si on est l’oppresseur) des pauvres, une vie qui n’est pas pour ce monde, le respect de la liberté de conscience, etc.

Il faudrait que les preuves de l’existence de Dieu et de la Divinité de Jésus-Christ soient telles qu’incontestables, alors leur doctrine serait légitime (or il faut une grâce pour acquérir la foi : reprocheraient-ils à Dieu de ne pas l’avoir donnée à tous ?). Mais aucun des débats ici-même avec des athées ou agnostiques ou personnes d’autres religions n’est parvenu à les convaincre de cela ou de leur mauvaise foi, par conséquent cette doctrine, si elle ne représente pas une tentative d’y parvenir par la force, n’est pas justifiée dans ses applications pratiques. Elle met la charrue avant les bœufs et n’est qu’une forme d’intolérance et d’abus de droit.

A cela deux explications possibles : leur incompétence en la matière, ou la peur qu’elle n’aboutisse à les déjuger et reconnaître la mise en échec de leur doctrine.
Dès l’instant où ils se refusent d’ailleurs à tout débat d’ordre philosophique mais ramènent systématiquement la question sur un plan théologique, donc d’autorité, le dialogue est impossible (le plus paradoxal étant qu’ils contestent cette autorité actuelle, c’est pourquoi le débat devient vite biaisé, d’autant qu’ils refusent de repartir alors d’une base « neutre » ou philosophique).

Car ce qu’ils préconisent d’appliquer, si le pouvoir revenait à une autre religion, ou à tout autre qu’eux, leur serait insupportable : inutile de détailler ni d’illustrer, il me semble, c’est même d’une certaine façon pour s’en défendre et prémunir que cette doctrine s’est construite ou qu’en tout cas elle est aujourd’hui par eux souhaitée, ce qui là encore est douteux au regard des préceptes évangéliques.

Par ailleurs, ils ne font pas dans beaucoup d‘imagination, car ils envisagent de reprendre purement et simplement ce qui s’est déjà fait, sans avoir vraiment réfléchi aux conséquences.
Ainsi, le citoyen d‘un pays européen qui serait en litige contre son gouvernement, peut maintenant recourir aux tribunaux européens et obtenir gain de cause. Que penseraient de ce gouvernement sans cesse sanctionné pour les abus dus à cette doctrine, ceux qui via leurs impôts devront en payer les frais ?
Prenons l’exemple du divorce qu’ils voudraient interdire. Cela voudrait-il dire la suppression des procédures religieuses d’annulation ? Si oui, il y a abus. Si non, comment traiter ceux dont le mariage n’aura pas été catholique et qui correspondrait aux conditions d’une annulation ?
Je suppose que la « séparation » serait autorisée (sinon, quel climat social !) Or comment interdire à 2 personnes séparées de vivre ensemble ? Voire de se rencontrer en cachette pour faire crac crac ?
On devine que parmi toutes les réponses possibles, soit on favoriserait l’hypocrisie la plus totale et des situations scabreuses, soit on arriverait à un état policier.
On devine qu’ils pratiqueraient la censure, ce qui revient à donner beaucoup de pouvoir aux idées des censeurs.
On devine plein de choses qui pourraient aboutir à une nouvelle inquisition encore plus « partisane » qu’elle ne l’a été.

Il semble qu’ils n’aient pas du tout tiré les leçons de l’histoire… Tellement ils seraient obnubilés par la responsabilité qui serait la leur et qui pourrait n'être qu'un prétexte, au regard des péchés que commettraient les autres.

A cela on pourrait répondre par plusieurs enseignements évangéliques (comme quoi il nous sera plus demandé qu'aux autres, à nous et non pas à cause des autres, ce que complète l'exemple de la paille et de la poutre).

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Gaudens » lun. 08 juin 2020, 9:17

Bonjour Cmoi:
"Dès l’instant où ils se refusent d’ailleurs à tout débat d’ordre philosophique mais ramènent systématiquement la question sur un plan théologique, donc d’autorité, le dialogue est impossible (le plus paradoxal étant qu’ils contestent cette autorité actuelle, c’est pourquoi le débat devient vite biaisé, d’autant qu’ils refusent de repartir alors d’une base « neutre » ou philosophique).

Car ce qu’ils préconisent d’appliquer, si le pouvoir revenait à une autre religion, ou à tout autre qu’eux, leur serait insupportable : inutile de détailler ni d’illustrer, il me semble, c’est même d’une certaine façon pour s’en défendre et prémunir que cette doctrine s’est construite ou qu’en tout cas elle est aujourd’hui par eux souhaitée, ce qui là encore est douteux au regard des préceptes évangéliques.

Par ailleurs, ils ne font pas dans beaucoup d‘imagination, car ils envisagent de reprendre purement et simplement ce qui s’est déjà fait, sans avoir vraiment réfléchi aux conséquences."
Il me semble que vous avez là très bien résumé l'impasse où les tenants de la "doctrine traditionnelle" voudraient nous ramener.

Bonjour Suliko:
L'Edit de Nantes édicté par Henri IV avait justement mis fin aux violences protestantes contre les églises et les prêtres ainsi qu'au prosélytisme effréné de ses ex-coreligionnaires. Les protestants étaient "confinés"(assez confortablement, quoi que toujours hors des grandes villes ) dans leurs temples. Plus de risque de prosélytisme ni de violence quand le regrettable Louis XIV avait abrogé l 'Edit de son grand-père. Il eût pu se limiter à retirer à la "RPR" ("Religion prétendue réformée" ) ses places fortes sans le royaume; la société ,protestante incluse , l'aurait certainement acceptée. Cependant son "appréciation des circonstances" de la tolérance le conduisit à cette catastrophique décision. Pas besoin de plus de commentaire, je pense.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Gaudens » lun. 08 juin 2020, 16:49

Thurar;
pourquoi donc faudrait-il nécessairement être un dirigent catholique pour contribuer au bien commun ? L'histoire est pleine de non catholiques qui travaillèrent au bien commun de leurs compatriotes et aussi ,d'ailleurs, de catholiques qui n'y contribuèrent vraiment pas .
Le sectarisme aveugle n'est pas catholique.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Riou » lun. 08 juin 2020, 17:18

Gaudens a écrit :
lun. 08 juin 2020, 16:49
Thurar;
pourquoi donc faudrait-il nécessairement être un dirigent catholique pour contribuer au bien commun ? L'histoire est pleine de non catholiques qui travaillèrent au bien commun de leurs compatriotes et aussi ,d'ailleurs, de catholiques qui n'y contribuèrent vraiment pas .
Le sectarisme aveugle n'est pas catholique.
Bonjour.
En effet. Il suffit de lire La Rose et le Réséda de Louis Aragon sur deux résistants aux convictions religieuses opposées pour attester de la vérité de votre remarque, et rejeter toutes les pensées sectaires qui ravalent tout ce qui n'est pas eux au rang de "mal absolu".
[+] Texte masqué
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda


C'est peut-être une des questions qui pourraient sous-tendre cette discussion : quelle idée nous faisons-nous des hommes? Comment sont-ils jugé à travers cette discussion? Sur quoi se basent-ils pour les juger et désirer leur imposer un pouvoir religieux? Est-ce à nous de les juger? Je ne préjuge pas de la réponse, mais j'ai l'impression que ces questions sont toujours en filigrane derrière les différentes interventions.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » lun. 08 juin 2020, 17:46

Bonjour Suliko,
Suliko a écrit :
sam. 06 juin 2020, 17:46
Ce n'est pas un droit positif au même titre que le droit à la vie, la propriété privée.
C'est un droit de ne pas être empêché dans son erreur, un droit négatif.
Je suis désolée si vous avez l'impression que je ne tiens pas compte de vos arguments. C'est juste que je n'en perçois pas toujours bien la logique. Quelle différence y a-t-il entre un droit positif à professer tel ou tel culte et un droit négatif à ne pas être empêché d'en professer un ? Si l'Etat se met à dire : désormais, les avorteurs et leurs patientes ne seront plus poursuivis en justice ou : désormais, l'avortement est permis, je ne vois strictement pas la différence : la loi permet dorénavant de procéder à un avortement. Cela me semble plus une subtilité de dialecticien qu'une distinction de fond. Dans tous les cas, vous parlez bien d'un droit, là où autrefois on parlait d'une tolérance.
Si je ne m'abuse la simple tolérance des faux cultes pourrait aussi tomber sous votre critique. Car tolérer, c'est bien ne pas poursuivre en justice, et ne pas poursuivre en justice, c'est permettre.
Mais permettre ne veut pas dire approuver moralement. De même que Dieu permet le mal sans l'approuver.

Maintenant pour vous répondre davantage sur le fond, j'entend par "droit négatif" un droit à ne pas être contraint (dans une certaine mesure) lorsqu'on commet le mal.
C'est en réalité assez intuitif à mon avis : ce n'est pas parce que quelqu'un pèche que vous avez systématiquement le droit d'user de la force pour l'en empêcher. Vous pouvez l'avoir dans certaines circonstances. Mais dans d'autres, il faut tolérer le mal. Et s'il y a une obligation envers une personne, c'est que réciproquement cette personne a un droit.
Mais ce n'est pas pour autant que la personne est moralement autorisée à pécher.

Pour moi, la liberté religieuse, c'est la tolérance traduite en termes juridiques, et la mise en évidence de son lien avec la dignité humaine.
Non, saint Grégoire n'établit pas un droit, et ce d'autant plus qu'il ne parle que des juifs. Non seulement il n'étend pas cette tolérance à tous les faux cultes, mais de plus, cette tolérance n'établissait pas une égalité de droit entre juifs et chrétiens. Si la liberté religieuse était un droit, ce pape aurait dû l'accorder à toutes les religions. Non seulement il ne l'a pas fait, mais en plus la liberté accordée aux juifs est partielle.
Vous avez raison.
Oui. Le pouvoir civil doit être explicitement catholique, dans la mesure du possible. Ce n'est pas incompatible avec la liberté religieuse.
Bien sûr que si que c'est incompatible, puisque cela empêche les hérétiques ou les infidèles de chercher à étendre leur culte de la même manière que les catholiques. Cela les prive également de certains droits que leur religion leur accorde, comme le droit à la polygamie (pour les musulmans) ou au divorce, tandis que les catholiques voient la morale chrétienne pleinement reconnue et encouragée par le droit. Cela peut également priver les non-catholiques de certaines hautes fonctions publiques, ou du moins favoriserait les catholiques. De plus, l'instruction publique étant pleinement catholique, cela les obligerait à fonder avec leurs propres moyens - parfois limités - des écoles confessionnelles. Ce n'est pas un hasard si globalement les juifs et les protestants français étaient favorables à la séparation de l'Eglise et de l'Etat !
On peut avoir tout cela et leur autoriser le culte public tout de même !
Pour finir, et je sais que je me répète, citez-moi un pays où c'est votre interprétation conservatrice de DH qui a été mise en oeuvre. Car j'ai bien l'impression que cette herméneutique de la continuité est un beau rêve inexistant dans la réalité. Et comme le dit Cinci, tel n'est pas le discours du clergé catholique, sauf quelques voix discordantes.
DH ne fixe pas tant une politique précise que certains principes à prendre en compte dans la conduite du gouvernement, laquelle relève d'une estimation prudentielle faillible. Je ne sais pas s'il y a eu volonté d'appliquer DH (et où), mais il y a pu avoir des erreurs de prudence et/ou une mauvaise compréhension du texte.

Cinci
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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » lun. 08 juin 2020, 22:13

Salut Prodigal,
Prodigal :

Cher Cinci,
je crois que vous vous laissez aller et lâchez la bride à votre plume alerte et toujours plaisante à lire.
Merci.

Mais enfin redescendons sur terre! jamais l'Eglise dite conciliaire n'a défendu les droits du satanisme, ni en théorie ni en pratique
Je ne dis pas que les évêques sont d'accord avec le satanisme, ni qu'ils devraient trouver génial la formation d'une telle contre-Église.

Sauf que le régime de la liberté de conscience, la liberté de religion telle que comprise dans l'idéologie des droits fondamentaux de 1948, lui, accorde un droit d'expression (et communautaire aussi) aux satanistes. Un droit de pouvoir fleurir au soleil et de se développer, et tel que personne n'aura doit en retour d'entraver sa marche, ni gouvernement civil ni Église d'aucune sorte. Je prend cet exemple à la fois parce qu'il est extrême bien sûr, amusant d'une manière si l'on veut mais également réaliste. Parce que la chose existe déjà ! Une pareille contre-Église a déjà pignon sur rue aux États-Unis. En parfaite légalité. Ce qui sera normal ici.

L'idée c'est que nos évêques reconnaissent comme bons, à leurs racines mêmes, les principes de ce système libéral de droits et libertés, un système qui fait fond sur l'autonomie des individus, sur leur "propre conseil", sur l'exercice désentravée de leur raison et sans devoir soumettre non plus "spécialement" cette raison qui serait la leur aux commandements de Dieu tels que les chrétiens les connaissent via la Révélation. Non. Parce que nulle contrainte ou pression (psychologique, religieuse, sociale, légale, scolaire, publicitaire, etc.) d'aucune sorte ne pourrait intervenir pour fausser le jeu de ce grand exercice de libre-arbitre.

Attention ! Je ne dis pas que le discours du pape va consister à pérorer sur la bonté qu'Il y aurait à se ficher des commandements divins et que l'idéal serait de raisonner sans jamais se soucier des fins dernières ni de se soumettre à la Vérité avec un grand "V". Non pas, mais ce système libéral est jugé par nos évêques conciliaires comme un système moralement supérieur au régime de chrétienté comme il y en avait jadis. Il y a tout de même là "quelque chose" qui ne laisse pas d'être étonnant. Ce point de vue défendu par nos amis, nos ci-devant évêques catholiques que nous aimons et respectons, me paraît être hautement discutable, très très très discutable. Je doute fortement que ce point de vue puisse être vrai.


Pratique

Qui pourrait croire, par exemple, que les principes de la moralité chrétienne seraient mieux connus, mieux assimilés et mieux respectés globalement, dans la société française, après plus de soixante ans de mise en pratique de ce régime libéral d'après-guerre ?

Ce système libéral fait abstraction totalement du bon vieux péché originel. Il n'entre pas dans l'équation tout simplement ! C'est un peu comme le principe éducatif du parent qui jugerait mauvais dans son principe même l'idée de mettre des contraintes à un enfant. Quel serait le résultat ? Un enfant-roi probablement ... un petit monstre ...

Les signataires de la Charte des droits en 1948, les Eleanor Roosevelt, René Cassin, le commissaire communiste russe dont j'oublie le nom et les autres ne se préoccupaient pas tellement de la "chute de l'homme" du récit de la Genèse. Sauf qu'ensuite c'est Jean XXIII, Paul VI et d'autres qui vont sentir le besoin d'aller à Canossa, de se ployer devant la formidable avancée morale que devrait représenter ce système de valeurs produit hors de l'Église, pur bijou de valeurs universelles (admettons ici d'un point de vue rhétorique) devant lequel l'Église catholique n'aurait plus guère d'autre choix que d'y adapter son discours, sa pratique et tout. C'est dire que c'est Lamenais au début du XIXe siècle qui aurait eu raison à lui seul contre toute l'Église catholique au complet ! Les Grégoire XVI, Pie IX et les autres auraient dû l'écouter ! Qu'en était-il du Saint Esprit prêtant son assistance au magistère légitime de l'Église à l'époque ?

En fonction des normes de juristes internationaux actuelles, après avoir donner raison à Luther contre le pape au XVIe siècle, à Lamenais contre les papes Pie, Grégoire XVI ou Léon XIII : d'aucun en conclurait, et non sans une certaine vraisemblance peut-être, que l'autorité de l'Église serait bien un reliquat paternaliste d'un autre âge heureusement oublié ! C'est bien l'Institution dans son fonctionnement clérical et sacré qui serait superfétatoire (même que plus nuisible qu'autre chose). "Vive la laïcité !"; "Vive les laïcs et laïques !"

Les évêques ne sont pas d'accord en principe avec le satanisme nous le savons, ni avec l'islamisme, ni avec le raëlisme, ni avec l'homosexualité comme mode de vie, avec l'avortement, avec le divorce, l'éclatement des familles ... Seulement, ils reconnaissent comme juste et même meilleur l'idée que l'éducation des pupilles de la nation soit confiée à des professeurs laÏcistes qui vont leur enseigner que l'homosexualité c'est bien, que l'avortement est un droit (charte de 1948, liberté de conscience ...), que le divorce est une nécessité, que l'islam est une religion magnifique et dans laquelle pouvoir y atteindre dignement le salut le cas échéant aussi bien qu'en étant chrétien, ni mieux ni pire ... question de goût, affaire de jugement personnel ...

Qui va "reprendre" (tancer, gourmander, dénoncer, admonester, instruire ) ces professeurs ? L'archevêque de Paris ? le porte-parole de la Conférence des évêques ? le nonce apostolique ? le pape ?

On dira :
"O.K. La vieille tradition de l'Église ne permettrait pas de penser que l'homosexualité serait l'expression de la loi naturelle, un reflet de la loi que Dieu aurait pu graver dans la nature humaine, etc. On parlait de péché ..."
Et la rétorque :
" Oui, mais la tradition est faite pour évoluer ... rien de figé ... On jugeait jadis avec la lumière que l'on pouvait avoir ... Depuis, la science a fait faire des progrès à ces connaissances que nous pouvons avoir sur nous-mêmes, notre saisie plus fine des mécanismes biologiques ... Bref, qu'il ne peut plus y avoir là de péché en soi, pas en ce qui a trait à l'homosexualité. La mise à jour de Microsoft s'impose. Aux théologiens de se débrouiller pour traduire ça en langage reconnaissable et acceptable pour notre temps."
Et le vox pop conclura que le meilleure juge sera encore cette instance de notre propre raison, et sans nullement devoir être "contraint" par de quelconques représentations bibliques. Utilité de l'Église en tant que guide de la nation ? Zéro.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par prodigal » mar. 09 juin 2020, 9:14

Cher Cinci,
là encore vous vous laissez aller, et la rhétorique prend le pas sur l'argumentation rationnelle. Je me permets donc de signaler quelques moments où votre raisonnement ne peut convaincre le lecteur impartial
Cinci a écrit :
lun. 08 juin 2020, 22:13
Le régime de la liberté de conscience, la liberté de religion telle que comprise dans l'idéologie des droits fondamentaux de 1948, lui, accorde un droit d'expression (et communautaire aussi) aux satanistes.
C'est inexact. Pas plus qu'au racisme par exemple. La liberté d'expression n'est pas un droit inconditionnel. Et il est pour le moins douteux que la conscience de quiconque puisse l'obliger à être sataniste. C'est même impossible.
Cinci a écrit :
lun. 08 juin 2020, 22:13
Une pareille contre-Église a déjà pignon sur rue aux États-Unis. En parfaite légalité.
C'est possible, mais cela concerne la législation américaine, pas l'enseignement de l'Eglise. Celui-ci n'est pas à la remorque de celle-là que je sache.
Cinci a écrit :
lun. 08 juin 2020, 22:13
Ce système libéral est jugé par nos évêques conciliaires comme un système moralement supérieur au régime de chrétienté comme il y en avait jadis. Il y a tout de même là "quelque chose" qui ne laisse pas d'être étonnant. Ce point de vue défendu par nos amis, nos ci-devant évêques catholiques que nous aimons et respectons, me paraît être hautement discutable, très très très discutable. Je doute fortement que ce point de vue puisse être vrai.
Là je vous suis, sauf sur un point, le plus important. Il n'est absolument pas requis pour être un catholique obéissant d'adhérer à ce libéralisme que vous rejetez. Et il ne vous est pas interdit, du fait de votre liberté de conscience, d'expliquer à ces évêques qui vous déplaisent pourquoi vous rejetez le libéralisme, bien au contraire.
Cinci a écrit :
lun. 08 juin 2020, 22:13
C'est un peu comme le principe éducatif du parent qui jugerait mauvais dans son principe même l'idée de mettre des contraintes à un enfant. Quel serait le résultat ? Un enfant-roi probablement ... un petit monstre ...
Vous avez raison. Mais vous dites ici la même chose que tout bon vieil instituteur laïc!
En résumé, je crois que vous confondez volontairement telle ou telle déclaration de tel ou tel individu haut placé avec le magistère de l'Eglise. Par exemple, quelle déclaration officielle de quel pape enseigne-t-elle que le choix d'une religion n'est qu'affaire de goût? Aucune, bien entendu!
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » mar. 09 juin 2020, 13:46

Gaudens a écrit :
ven. 05 juin 2020, 10:53
Cinci :vous êtes en passe de contourner et dépasser Altior et Suliko en en rajoutant dans l’intransigeantisme (pour ne pas employer un autre nom)
En réalité, je crois plutôt qu’il est victime d‘une sorte de matraquage idéologique qui tient lieu d’argumentaire.
Il existe aujourd’hui des intelligences artificielles qui seraient aussi bien capables de citer tous ces textes qui contredisent ceux du dernier concile : cela ne leur donne pas plus de poids, mais les frappe et re-frappe dans nos cervelles. Or pris en eux-mêmes ils ne sont pas faux.
Cette doctrine traditionnelle a il est vrai la théologie pour elle, une certaine théologie qui se contemple elle-même dans sa propre perfection (cela me rappelle quelqu’un) et qui ne supporterait pas que la révélation ou l’Eglise vienne lui montrer qu’elle a des défauts. Au contraire, elle nous montrera comment comprendre celle-ci de sorte à ne pas bafouer la raison qui, et c’est une de ses thèses, ne s’oppose en rien à la foi – les 2 étant siennes.
En fait elle n’en a qu’un tout petit morceau : la suprématie de Dieu sur toute sa création et son droit à ce que lui soit rendu le juste culte. Et ils lui donnent une extension indue.
Mais elle contredit pour ainsi s’en servir et la philosophie et la révélation (pour ne pas parler d’autre chose).
Pour pallier à cela, elle use de plusieurs cordes sensibles : notre amour pour l’Eglise, les nombreux péchés qui offensent Dieu, notre responsabilité missionnaire, etc. mais d’une façon hypnotique et qui les monopolise.
Il n’empêche que quelqu’un de sensible peut en être remué et « basculer ». Il y a tant de postulats dont la compréhension s’en trouve facilitée (mais limitée) !
L’acharnement à réduire leur argumentaire sur l’infaillibilité et la tradition, serait presque une preuve par l’absurde que l’on peut se sauver hors de l’Eglise (autrement dit, sans être victime de ces 2 monstres, ou parce qu’on en est une victime quand ils poussent ainsi leurs ramures et empiètent sur ce qui ne leur appartient pas et qui en réalité a un droit de préemption ou d’autorité sur eux).
Car tous ces concepts écrasent leur nez dans la poussière aux pieds de Jésus.
Ils s‘imaginent être les bons élèves de la classe et qu’ils en seront récompensés (quoique je doute de plus en plus qu’ils en soient convaincus, vu leur refus d’entendre certains arguments faisant intervenir le gouvernement du ciel.)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » mar. 09 juin 2020, 13:51

Bonjour Cinci,

Je me disais que je n’allais plus intervenir ici et même, sur tout ce forum, mais votre intervention présente enfin de vrais arguments et vous étiez déjà quasiment le seul à réellement nous présenter des objections qui tenaient compte des nôtres et n’y faisaient pas la sourde oreille, etc.
Votre esprit est parfois très élastique, au point de donner l’impression d’être lunatique, mais il est aussi capable de telles fulgurances (aux réserves prés que releva Prodigal) et que je salue.

Je vais donc vous apporter une réponse. D’un point de vu légal, comme l’a déjà signalé je crois Prodigal, il est extrêmement difficile d’arriver à établir une distinction certaine entre une religion et une secte. Si c’était possible, les sectes toutes pourraient être condamnées et poursuivies en justice et y entreraient les sataniques.
Sans aller jusque là, il est clair que la définition seule et valeur des mots devrait suffire pour condamner un culte, ou une simple affiliation, à une personne ou un être ou un concept, peu importe, qui relève d’une façon indiscutable du mal ! De la même façon, tout ce qui relève de pouvoirs occultes faisant ouvertement appel à des entités qui ne sont pas bienveillantes, sorcellerie, magie, médiums, guérisseurs (je n’ai pas dit que cela les concernait tous !) etc. quand bien même s’y mélangeraient d’autres qui le seraient (Sainte Vierge), quand bien même (et surtout si) l’efficacité en est probante, devraient être condamnées, proscrites et poursuivies en justice…
C’est un combat qui comporte des risques réels, mais qui en vaut la peine. Il se trouve que nous ne sommes pas assez médiatiquement crédibles pour le mener en tant qu’Eglise avec succès, à cause de ce que nous avons trop été parfois sectaires.

Concernant l’Eglise et sa survie, car c’est bien de cela dont il s’agit, il se trouve qu’elle s’est trouvée singulièrement démunie pour faire face à certaines déferlantes.
Face à la luxure et quelles qu’en soient les formes (instants fugaces de plaisirs sans aucune promesse entre adultes consentants), on peut parler d’amour, de fidélité, de santé, de spiritualité, d’affectivité, de dignité de la personne, que ce ne sont là que des instants brefs et sans grande valeur, etc. et conserver une grande crédibilité, voire une attractivité.
Si l’on excepte les scandales qui se sont révélés en notre sein…
Or elle a plus ou moins bien pu résister à la pilule et usage d’autres contraceptifs, et face au Sida (une simple transfusion sanguine…) et à la question du préservatif, elle a fait preuve de maladresse et parfois de malhonnêteté.
Face à l’homosexualité, à ceux pour qui elle est « foncière et involontaire » et chez qui elle exclura le viol (il fut très pratiqué quand elle était hors la loi), à moins de trouver un protocole de guérison qui prouve qu’il s’agisse d’une maladie (spirituelle, psychosomatique ou autre…), difficile d’apporter pour réponse soit l’obligation de commettre un acte qui ne leur est pas naturel, soit celle de ne pas témoigner de leurs sentiments avec leurs corps. Cela n’est possible que dans une perspective eschatologique que beaucoup de croyants eux-mêmes n’ont pas et qui relève en certaines de ses formes d’une vocation particulière (ce pour quoi on en a retrouvé un certain nombre parmi les religieux ou clercs).
Face au divorce (qui nierait que leur nombre est un fléau ? Mais une bénédiction dans certains cas douloureux…) elle a été obligée de reconnaître qu’une séparation peut être souhaitable. Là encore, sans perspective eschatologique que… (bis repetita) comment peut-elle refuser la communion et refuser ses moyens de salut (vouer quasiment à l’enfer) à ceux qui en sont la partie victime si d’aventure l’occasion d’un nouvel amour se présentait ?

Beaucoup se sont éloignés d’elle à cause de cela qui s’efforcent d’observer les 10 commandements, qui prient, pour qui Jésus est La référence inégalée, qui pratiquent avec zèle les œuvres de miséricorde tant spirituelles que corporelles mais pour qui l’église, là, (c’est un exemple éloquent mais seulement un exemple) ne représentait plus la vérité du Christ. Et il suffit que cela soit une fois, pour une seule chose, et vu la doctrine de l’Eglise si bien connue, tout le reste s’effondre du coup (c’est le revers de la médaille de l’infaillibilité et tuttti quanti).
Je regrette qu’ils n’aient pas pensé à se faire orthodoxes…
Vous me direz que ce n’est plus le cas, mais c’est venu trop tard et certains critiquent encore cette décision papale.

Il faut reconnaître jusqu’à quels sommets il faut parfois grimper pour pouvoir « tenir sa foi », et quand pour beaucoup, même au sein de l’Eglise, ceux-ci sont noyés dans le brouillard, s’adapter provisoirement et faire en sorte à dégager le ciel, rendre possible l’ascension et fournir un bon guide –comme vous l’avez très bien dit il y a peu, il n’y en a plus vraiment (je crois que Dieu les forme et pour le moment les préserve et les cache, jusqu’à ce qu’ils soient « au point »).
(Il dépend aussi de nos prières et de notre attitude qu’ils surgissent… qu’on y réfléchisse !)
Ce qui n’est pas possible si « d’entrée » on oblige au nom de la plus pure et sainte doctrine, tout le monde à la plus pure sainteté, ce qui créera des situations d’inégalité.
Si en plus une loi civile s’en mêle (qui ne connaît de la miséricorde que l’objection atténuante), on arrivera à une catastrophe !

Or il n’y a pas que cette perspective « privée ». Dans le concert des nations, le catholicisme a aussi fait des bourdes, qui ne correspondaient certes pas à sa doctrine, mais à sa pratique et son témoignage donc, à une certaine sensibilité (ou insensibilité..). Il a défendu le racisme, la corruption, la censure - il en est une qui peut se justifier, comme à l’égard de la pornographie, d’ailleurs tout peut parfois vraiment se justifier, mais il faut en donner le juste cadre et y rester…

Bon, tout cela vous le savez déjà, alors où je veux en venir ? Je veux en venir que nous sommes obligés (évêque ou laïc) d’aborder la réalité autrement. Obligés d’adopter ce qu’il y a de vrai chez nos adversaires, pour y mettre notre levain, au lieu de voir ce qu’il y a en eux de faux, et de les combattre car ce combat nous l’avons perdu, c’est un fait. Nous ne devons le maintenir que pour conserver nos vérités intactes, mais elles ne sont plus reconnues pour telles ou du moins admises comme nous étant rattachées (il arrive qu’on nous les vole). Et avec notre levain nous pourrons aussi introduire d’autres vraies farines et qui nous appartiennent, qui aujourd’hui sont rejetées parce qu’elles sont entre nos mains salies, font partie de ce qui est abhorré.

Nous n’avons pas perdu par faiblesse, mais par corruption. Nous n’avons pas perdu parce que nous avions le visage pur du Christ, mais parce que nous l’avions défiguré. Il se peut aussi que nous ayons eu affaire à « plus fort que nous » mais alors la suite dépend de la providence de Dieu, car son assistance nous a été promise et que le miracle existe.

Je vais prendre 2 exemples, ils me seront personnels pour éviter toute controverse. Au moment de la guerre à Sarajevo, comme d’autres j’ai été sollicité pour m’y rendre le week-end en croisade catholique, et tuer tous frais payés des civils (au sens militaire du terme) qui passeraient à portée d’une arme qui me serait gracieusement confiée. Et je vous assure qu’il me fut difficile de refuser, les arguments employés étaient fort habiles et convaincants, d’autres y ont cédé.
Un catholique du secours catholique a fait squatter par des réfugiés syriens (je crois) une dépendance que j’ai au fond de mon jardin (65 m2 meublés) et qu’utilisent mes enfants quand ils me visitent. Il ignorait que les arrivées d’eau et d’électricité passaient par ma maison (ce qui mettait même après le squatt la loi de mon côté), et je les ai coupées. Il m’a fait promettre « entre cathos »de ne pas faire intervenir la police, et a cru qu’en utilisant la force (armes blanches + le nombre) il obtiendrait gain de cause. J’ai voulu savoir jusqu’où il était prêt à aller pour bafouer mon droit de propriété, et je l’ai su. Je les ai aussi épargnés mais ils ont dû partir…
Je connais un collègue de travail catho qui a dû cohabiter pendant plusieurs années avec une famille de réfugiés, bon gré/mal gré mais fondamentalement contre son gré.

(Je ne dis pas qu’il ne faut pas accueillir les réfugiés, mai cet accueil doit répondre à certaines conditions et s’organiser à un autre niveau. Les états catholiques n’ont pas fait mieux que les autres à cet égard.
J’en profite pour signaler, puisque je suis dans une parenthèse, que je n’ai rien contre cette doctrine si elle appartient à un parti politique qui veut conserver ou préserver des acquis culturels, pourvu qu’il ne prétende pas que c’est au nom de L’église et que celle-ci reste un tiers et qui peut le contredire dans ses actions.
De la même façon qu’un pouvoir civil peut « corriger » la doctrine en ce qu’elle n’est pas infaillible, pour anticiper son amélioration…

Prenons un exemple : l’avortement. Avant de devenir ce qu’il est revenu, il fut pratiqué par des femmes qui voulaient s’éviter la honte d’avoir péché et qui auraient gardé l’enfant ou l’auraient fait adopter (tant d’adoptions sont en attente !), sans le poids du qu’en dira-t-on ! Or si les catholiques les avaient encadrées dans la miséricorde, avaient apporté des procédures de secours adaptées à ces futures mères, il y en aurait eu moins et il n’aurait peut-être pas été nécessaire de voter une loi qui en fera in fine une méthode contraceptive bis de secours. Car celles qui y recourraient pour d’autres causes (pauvreté, …) auraient profité de ces mesures qui au moins auraient permis à chacun de prendre ses responsabilités.
Mais quand on a le pouvoir, on se repose sur ses lauriers et on prétend que tout est sous contrôle puisque le péché d’avortement était sanctionné par la loi et basta.)

Des exemples, j’en aurais à la pelle (y compris de m’être vu refusé l’entrée à une messe traditionaliste, parce qu’on ne me connaissait pas, déjà, et que je ne portais pas le costume-cravate !) et c’est plus la somme de leurs petitesses qui a finie par être trop grosse à l’échelle de tous, plus que les grands débats médiatiques qui n’en offrent qu’une représentation partielle et biaisée. Vous connaissez sûrement le cas de conscience posé par Dostoievski¨ : non on ne devrait pas « sacrifier » un enfant innocent, même si cela devait sauver l’humanité. Mais dans la réalité le problème est souvent inversé : si nous ne « cédons » pas, on tuera notre enfant (qui cette fois bien vivant est devenu une sorte de petit dieu). Et là c’est différent. Non pas tant parce que c’est le nôtre, mais parce que la cause est crapuleuse. Et que ce qui s’applique, c’est la parole du Christ : quiconque ne le fait pas passer Lui avant son père, sa mère, etc.) et que le Christ à ce moment là a pris un visage tout petit, lié à cette cause qui nous est à nous presque indifférente, extérieure, sans importance, comparée à la vie de notre enfant.

Dans ce cas il ne faut pourtant pas céder, et oui c’est accepter que notre enfant soit tué, et oui il n’y a pas toujours d’équilibre pour le justifier sinon la foi (c’est comme porter un faux témoignage pour sauver un innocent : c’est si tentant !) et oui, celle au miracle aussi, qui n’est ni une lâcheté ni un rêve, mais une réalité et qui ne se produira peut-être pas si nous manquons de foi – mais nous devons y croire.
Or l’attitude en quoi consisterait l’application actuelle de la doctrine dite traditionnelle est à l’opposé, elle en exclut la possibilité, elle fait offense au Christ crucifié pour nos péchés et en sa puissance.
Le concept de légitime défense est insuffisant pour nous permettre d’aller jusqu’à justifier cette doctrine qui ne se contente pas de prendre le pouvoir, mais qui s’en sert pour imposer des inégalités et des discriminations, des sanctions qui sortent de son périmètre de compétence.
Celui des droits de Dieu aussi. C’est un grand classique que de prétendre qu’il est avec soi, quand on s’apprête à faire mal !

Je ne crois pas que « ce système libéral est jugé par nos évêques conciliaires comme un système moralement supérieur au régime de chrétienté comme il y en avait jadis » ni que « ils reconnaissent comme juste et même meilleur l'idée que l'éducation des pupilles de la nation soit confiée à des professeurs laÏcistes » puisqu’ils défendent l’école libre et donc privée, confessionnelle, inscrite dans un cadre légal reconnu (c’est mieux que clandestine !).
Cependant vous avez raison, c’est contradictoire avec ce qu’ils enseignent en soi ou voudraient enseigner, sauf que… c’est pragmatique. Et que le principe, tel que le définit l’encyclique, est juste, mais qu’il demande pour qu’en émerge la supériorité de notre enseignement, du temps et des efforts soutenus.
Nous sommes certes au creux de la vague, mais cette vague là ne sera pas stoppée, comme l’a été celle dont nous étions au sommet. Elle pourra l’être provisoirement par le martyr, mai pas par des vérités qui pour partielles qu’elles furent, ont suffit à nous débouter !

Nous ne sommes pas un parti politique, mais une religion. Notre royaume n’est pas de ce monde. Notre but n’est pas de dominer, mais de servir sans discrimination. Et à l’échelle de l’individu, nous croyons que cela lui apporte plus de liberté intérieure, la vraie. Alors il ne nous est pas permis de commencer par l’en priver, ne serait-ce qu’en partie… Sur terre, notre force doit nous venir de la base, non du sommet. Au sommet se trouve la miséricorde, et c’est à nous de faire en sorte que la justice l’y rejoigne mais par le bas. Sans quoi la miséricorde prendra toujours fait et cause pour l’opprimé, le serait-il au nom d’une religion dont le culte est sacré.

L’évangile de Luc 16/8:15 (à relire) nous donne pas mal de latitudes, mais pas celle-là… Jésus ne nous a jamais dit de prendre le pouvoir et d’imposer l’observation des 10 commandements à tous les sujets. Il a au contraire désavoué ceux (dévoués au culte) qui prenaient prétexte du culte pour détourner les enfants d’accomplir leur devoir envers leurs parents (je n’ai pas la référence précise en tête). Il y a aussi Luc 11 (39:42 à quoi peut s’ajouter un regard sur les versets 46 et 52 un peu plus bas).

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » mer. 10 juin 2020, 16:18

J’ai retrouvé le passage que l’évoquais, il s’agit de Marc chapitre 7 versets 9 à 13 :

Et il ajouta : « vous avez joliment annulé le commandement de Dieu pour mettre en place votre tradition ! Moïse en effet a dit : « honore ton père et ta mère, quiconque maudira son père ou sa mère, de mort sera passible. » Mais vous, vous dites : « celui qui dit à son père ou sa mère que son offrande, celle qu’ils devaient recevoir de lui, est pour les prêtres : il en est autorisé ! » - et vous souffrez qu’il ne fasse rien pour eux… Ainsi méprisez-vous la parole de Dieu, à cause de la tradition que vous avez transmise. Car des choses comparables à celle-là, vous en déclarez bien d‘autres ! »

Or c’est bien parce que cette doctrine traditionnelle postule que la religion catholique est la seule à rendre à Dieu un juste culte et que ne pas croire en Lui c’est l’offenser, qu’elle prétend imposer ses règles à tous via un état et donc un pouvoir politique humain.
Certes, non pas au détriment du devoir d‘un enfant vis-à-vis de ses parents, mais au détriment des incroyants qui seraient en tort (et bien que vous n’arriviez pas à le leur prouver puisque la foi est aussi une grâce) et de ceux dont la foi s’exprimerait autrement, par d’autres cultes (chrétiens ou non).
Donc, le sujet touche à l’œcuménisme, au dialogue inter-religieux, et à la relation de l’Eglise avec les incroyants : rien que cela.

Et il comporte un jugement de supériorité catégorique qui face à ce qui empêche une communion, une reconnaissance mutuelle de vérité, oblige à un choix exclusif et qui vaut condamnation pour les autres.
Non seulement en tant que membre d’une Eglise, mais en tant qu’elle disposerait seule de la capacité de toucher le cœur de Dieu et de nous sauver.
Or cette façon de voir les choses mélange le culte (objet des premiers commandements) avec le respect des autres commandements qui concernent la vie en société et la charité.
Laissez-moi vous le demander : êtes-vous prêts à risque votre vie dans une ordalie pour défendre cette supériorité ? Car sans quoi votre doctrine, c’est du flan !

Cela suppose soit que vous croyiez que les seules apparences de ce culte suffisent à posséder cette certitude (ce qui inclut la liturgie et la doctrine), soit que nécessairement la pureté et l’élan du coeur, la ferveur de la foi soient tels qu’ils ne puissent être supérieurs et plaire davantage à Dieu que ceux d’un catholique, de la part de quiconque et quelle que soit sa sincérité.

Seriez-vous vraiment prêts à défendre cela de votre vie, ce qui montrera et votre foi, et la justesse de votre raisonnement ? Ce serait la moindre des élégances vu ce que vous entendez imposer à celle des autres...
Avec en face de vous simplement quelqu’un qui défendra que ces seules apparences ne suffisent pas, et qu’un membre d’une autre religion peut autant sinon plus toucher le cœur de Dieu et être exhaussé (donc sauvé).
Car c’est bien de cela dont il s’agit…

Certes, la religion qui ne prétendrait pas détenir cette exclusivité se verrait renforcer ses concurrentes, en tout cas elle peut croire que cela l’affaiblirait. A quoi bon en faire partie si l’on peut se sauver autrement, et quelle valeur a son « protocole de salut » qui ne peut se contenter d’être le meilleur, mais a besoin de l’exclusivité pour exiger la fidélité de ses membres ?
Pourtant d’autres religions ne voient pas les choses ainsi. Et cela nous démontre que ce n’est pas nécessairement contradictoire avec le fait de penser que notre vision des choses est la bonne et qu’elle s‘appliquera bien tout de même.
D’autant que les sacrements, pour en revenir à la nôtre, ne sont qu’une extension du pouvoir que le Christ nous a délégué, et ne l’en départissent pas. Tout se résume à la question de savoir si le Christ, quand il a dit « ce que vous lierez etc.. » entendait vraiment se contenter lui d’appliquer la doctrine mise en œuvre ultérieurement par son Eglise et sans préjuger de ses failles.
D’ailleurs elle les a prévues ces failles en reconnaissant que seul le Christ peut connaître le for interne et donc avoir le dernier mot. Ce qui revient à reconnaitre qu’elle peut, pour chacun de nous et pour ce qui concerne le sujet le plus essentiel et qui contient tous les autres, se tromper !
Elle le dit et l’affirme dans un petit alinéa de rien du tout mais qui, mine de rien, contredit la plupart du reste de ce qui nous intéresse autrement qu’intellectuellement dans sa doctrine.

Doit-on considérer que de prendre en compte ce for interne dans son comportement à l’égard du monde extérieur (c‘est ce qu’a fait Vatican II, rien d’autre de révolutionnaire…) est un progrès, ou une régression ?
Telle est la question.

Y répondre que non est rassurant. C’est aussi la carte qu’a longtemps joué l’Eglise en jouant sur la peur d’aller en enfer et la possibilité d’y échapper sans trop de difficulté pourvu de rester en son sein.
Y répondre oui est déstabilisant, aventureux, audacieux, dangereux, mais promet bien de nouvelles aventures où nous devrons pour gagner faire preuve d’une foi renforcée, d’une confiance éclairée, de charismes surprenants. La promesse d’assistance nous reste acquise, mais elle ne suffit plus. Il faut que nous fassions preuve d’amour et d’une réelle supériorité qui ne tiendra plus à notre liturgie ou à notre doctrine, mais à nous-mêmes, à notre être profond habité des vertus théologales, et que nous partagions les souffrances du Christ non plus pour nous sauver, mais pour Lui et son amour universel.
Elle constitue un premier pas vers l’adoration « en esprit et vérité ».
Et moi je suis fin prêt à donner ma vie pour cela, car sans quoi c’est que je n’aurais rien compris aux évangiles et cela ne vaut pas la peine de continuer à vivre en se trompant à ce point ! Je ne dis pas que des adeptes de l’autre point de vue n’en soient pas capables, de cette adoration, elle n’est pas totalement nouvelle, loin de là, mais qu’à un moment ou à un autre ils entrent en contradiction avec elle et sont obligés d’être « faux », partagés, etc..

Ce que dit donc Vatican II c'est que la doctrine traditionnelle émet un jugement de valeur à priori sur le for interne des non catholiques, et qu'il serait temps pour répondre à sa mission que l'Eglise se préoccupe du for interne, car en sauvant les apparences on ne sauve pas les âmes..
Dernière modification par cmoi le mer. 10 juin 2020, 16:34, modifié 1 fois.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Suliko » mer. 10 juin 2020, 16:31

Bonjour,

Une des conséquences concrètes de la mise en oeuvre de DH :
https://archives.leforumcatholique.org/ ... num=184233
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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