emilio45 a écrit : ↑mar. 09 juil. 2019, 13:43
Je n'ai pas lu de mépris dans ses textes.
Bien entendu.
Deux choses qu'il convient de ne pas confondre ici: 1) l'idéologie politique 2) la croyance cosmologique. Vous avez immédiatement fait le pont entre ces deux choses, pourtant je ne pense personnellement pas qu'elles soient forcément liées. Il ne suffit pas d'être athée pour être matérialiste, par exemple
Je crois que vous avez confondu à votre tour le matérialisme philosophique, qui est indissociable de l'athéisme, et l'attachement aux biens matériels. Il va de soi qu'un homme religieux peut s'attacher aux biens de ce monde ; mais il n'est pas alors en adéquation avec sa religion, puisque celle-ci enseigne (pour ce qui est du christianisme en tout cas) qu'il est parfaitement vain d'amasser des richesses qui ne nous suivront pas dans l'au-delà, et qui ne nous sont d'aucune aide en termes de salut. Le Christ a même dit (et on peut difficilement faire plus explicite) :
Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. (Mt, XIX:24)
Pas mal de gens, dont de hauts dignitaires chrétiens, feraient bien de s'en souvenir ; je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point.
Mais pour un athée, les choses se présentent différemment, puisque même si la mort sépare le riche athée de ses sous, il n'en demeure pas moins que l'accumulation de biens matériels est pour lui un objectif parfaitement raisonnable et logique. Si la vie présente est la seule chose que nous connaîtrons jamais, autant la passer de la façon la plus agréable possible. D'où une certaine obsession de notre époque pour l'argent, le sexe, la drogue, la jouissance en général.
Sinon je trouve ça curieux que vous opposiez le concret/l'utile à tout un tas de concepts qui sont justement concrets et/ou utiles.. : la culture, la cuisine, l'architecture, la littérature. C'est du concret et c'est utile.
Eh bien, j'allais vous féliciter de cette belle lucidité, mais vous vous réfutez vous-même à la phrase suivante...
Vous assimilez ça à l'esprit, mais l'athée ne nie pas l'esprit en tant que faculté intellectuelle intrinsèquement liée à l'évolution de l'homme, il nie l'esprit en tant que don de Dieu.
Voilà qui entre en contradiction flagrante avec ce qui précède. Si l'esprit n'est qu'une faculté du corps, s'il n'est pas don de Dieu (donc principe métaphysique), s'il n'existe pas en lui-même et pour lui-même, cela revient à dire qu'il n'est qu'une fonction biologique, autrement dit une illusion. L'amour n'existe pas pour un athée : il n'existe qu'un pic d'ocytocine. Le lien social, garanti par l'ocytocine, n'existe qu'en vue de la reproduction, et donc de la survie de l'espèce : il n'a aucune utilité
en soi, c'est un moyen en vue d'une fin. Les chansons d'amour, les poèmes, les chagrins d'amour etc. ne sont que du vent, du théâtre vide de sens.
Pareil pour les autres activités de l'esprit non-essentielles à la survie de l'espèce : l'architecture n'est utile que dans la mesure où elle permet de se loger. La beauté (qui est de surcroît subjective d'un point de vue relativiste et athée) n'entre plus en compte.
La cuisine : peu importent les traditions culinaires élaborées au fil des siècles. Le surgelé-réchauffé nourrit tout aussi bien.
Et ne parlons même pas de la littérature : quelle utilité pourrait-elle bien avoir ? Exception faite des revues scientifiques bien sûr...
La tradition (culinaire ou non) française et l'occidentalisation du monde n'ont pas de rapport nécessaire, l'un représente notre patrimoine culturel, l'autre est un phénomène social économique qui influence tous les aspects de notre société au quotidien, (pas plus nos traditions qu'autre chose d'ailleurs) et qui n'est pas forcément incompatible avec les traditions.
Affirmation que je qualifierais d'assez osée, pour ne pas dire rocambolesque. Ce que vous appelez occidentalisation est effectivement une américanisation, puisqu'après la France, l'Angleterre et l'Allemagne, le flambeau de la modernité et du Saint Progrès © est passé aux États-Unis après 1945.
Or la prétendue « culture » américaine a complètement bouleversé les modes de vie en Europe occidentale depuis les années 1960, et dans le monde entier depuis plusieurs décennies. C'est-à-dire que la société paysanne française, pour ne prendre que cet exemple, n'existe tout simplement plus, puisque l'agriculture industrielle importée des États-Unis la rend obsolète.
L'habillement : rien ne distingue aujourd'hui un Français d'un Américain ou d'un Chinois. Ce n'était pas le cas il y a encore cent ans.
La cuisine : une étude de 2016 montre qu'
un Français sur deux est en surpoids, ce qui est la conséquence directe d'un mode de vie importé, là encore, d'Amérique.
Je passe rapidement sur les anglicismes omniprésents dans la langue, le cinéma décérébré, la « musique » etc... Je vous laisse par exemple écouter des chansons françaises des années 1930 (même les plus médiocres !) et comparer avec ce qui passe de nos jours à la radio. Vous me direz si c'est
grave ou pas...
Le pire, c'est évidemment les mutations de la pensée. Les idéologies importées d'Outre-mer, même les plus repoussantes (technolâtrie, machinisme, objectivisme...) se retrouvent dans toutes les conversations. L'Europe a cessé de penser par elle-même ; non contente d'abandonner sa souveraineté politique et militaire, elle a abdiqué aussi toute fierté, toute dignité philosophique.
Bien entendu, ce qui vaut pour la France vaut pour absolument
tous les peuples du monde :
aucun n'est épargné par l'américanisation, qui est - je le maintiens - l'équivalent culturel d'un cancer pour les traditions locales et nationales de n'importe quel pays la subissant.
Mais quel rapport avec la diversité, me demandez-vous.
N'est-ce pas évident ? Si la Terre entière s'aligne sur le mode de vie américain, que deviennent les modes de vie particuliers, nationaux, régionaux, locaux ?
Or ceux-là mêmes qui défendent le multiculturalisme participent de cette Grande Dissolution des civilisations, puisque les immigrés doivent fatalement abandonner (une partie de) leur culture en s'installant en pays étranger.
Sinon votre dernière question rhétorique est intrigante, car elle sous entend qu'on a besoin de croire en une entité supérieure pour donner un sens à notre existence.
Eh bien, dites-moi, je suis curieux : quel sens a votre existence ?
Ça explique assez bien l'existence du mono/polythéisme selon moi.
Avec vous au moins, les choses sont simples
Mais quid de l'origine du monde, de la justification du bien et du mal, etc. ?
Je pense qu'on est tous égaux à ce niveau-là, cette appréhension du néant n'est pas que mon fardeau d'athée, c'est le fardeau de chaque homme peuplant cette planète possède. Le simple fait que vous pleuriez quand un être cher décède en est la preuve.
Non, c'est précisément votre fardeau d'athée, puisque c'est vous qui croyez au néant. Moi, je ne crois pas au néant. Le décès d'un être cher m'affecte dans la mesure où je ne suis pas certain de le retrouver dans l'Autre monde ; mais il m'affecte infiniment moins que vous, puisque vous croyez qu'il a disparu à tout jamais.