Si par totalitaire, vous entendez que tous les êtres humains doivent respecter certaines prohibitions, et ne sont universellement tenus qu’au respect de celles-là, alors je revendique l’appellation. J’ai écrit maintes fois ici quelles étaient ces prohibitions : ne pas tuer, ne pas agresser physiquement, ne pas voler, ne pas tromper — ce que les juristes comprennent par respect du ‘Droit de propriété de chacun sur son corps et sur ses biens’.Christian, quand vous dites que la liberté doit être totale, n'êtes-vous pas conscient de véhiculer une idéologie qui est précisément totalitaire (ce dont Charles vous avertissait) ? Ne voyez-vous pas qu'il y a des principes supérieurs à la seule liberté?
Personne, du Kamtchatka au Kansas, ne souhaite être agressé ou abusé. Inversement, tout être humain peut exiger de tous les autres de n’être pas agressé ; cette exigence pour être satisfaite ne dépend pas du niveau de prospérité économique, de l’éducation reçue ou de l’héritage historique. L’étude du droit comparé nous montre même que ces prohibitions constituent le plus petit commun dénominateur de toutes les législations passées et présentes sous toutes les latitudes, d’où nous pouvons conclure que le respect de ces prohibitions représente le bien commun de la société humaine, et subsidiairement, de toute société politique, au sens de St Thomas d'Aquin. Lorsqu’il se présente une violation de ces prohibitions, l’impunité n’est accordée qu’aux hommes de l’Etat (déclaration de guerre, perception forcée d’impôts…), et l’Histoire nous enseigne que les sociétés qui respectaient le mieux ces prohibitions (celles où la violence, y compris la violence d’Etat, est réduite), sont celles qui prospèrent le plus dans tous les domaines.
Il existe donc bien un principe supérieur qui interdit à ma liberté de coïncider avec ma capacité. Parce que je suis un homme sportif, hétérosexuel, d’un QI moyen, j’ai parfaitement la capacité d’étrangler un gringalet, de violer une femme et d’entourlouper des nigauds. Je ne le fais pas (mais oui, c’est vrai). Je m’y refuse. Pas seulement par peur du gendarme — même assuré de l’impunité, je m’abstiendrais. Pas seulement parce que je suis chrétien — j’attends des non-chrétiens la même restriction. Mais parce que vivant en société, j’ai intégré ces prohibitions comme les valeurs fondamentales et universelles de toute vie en société.
Tout système, pour exister, obéit à des lois qui l’identifient en tant que système. Les quelques prohibitions que je viens d’énumérer sont les lois de ce système particulier que constitue une société humaine. Pour un chrétien, elles sont sanctifiées, Dieu nous les a données sur le Sinaï. (Je dirai une autre fois en quoi l’intégralité du Décalogue est universalisable.)
Ce nécessaire rappel, tant de fois rappelé, des principes de base du libéralisme m’amène à votre question, cher Karol W., du cannibale allemand. Le corollaire des prohibitions du Décalogue implique que la bonne société fonctionne sur la base du consentement. (L’alternative au consentement, par définition, étant la coercition, le viol, le vol, etc., elle ne peut pas être admise moralement, quel qu’en soit l’initiateur). Les relations fondées sur le consentement plutôt que sur la force ne sont-elles pas celles que, moralement, nous devons préférer ? Le droit de n’être pas violenté nous assure la sécurité de notre personne et de nos biens. Il n'indique pas, en revanche, ce que nous devons faire de cette personne et de ces biens. Cette gouvernance n’est pas du ressort de la politique, mais de la morale. A l’exemple de notre Sauveur qui n’a jamais contraint personne à Le suivre, nous devons enseigner, exhorter, mais en dernier ressort, respecter la décision d’autrui (tant qu’elle-même respecte les prohibitions susdites, puisque ce serait agir sans le consentement de ceux dont le corps et les biens seraient agressés).
Alors, oui, parce que nous sommes une humanité déchue, certains vont s’autodétruire. Ils vont refuser la grâce de la vie. Sans violenter autre qu’eux-mêmes, donc sans qu’il soit légitime d’intervenir autrement que par l’exhortation, ils vont accomplir des actes que la conscience et la morale réprouvent. Y compris, le cannibalisme.
Pourquoi serait-il illégitime que la puissance publique intervienne dans ces cas-là ? (autrement que pour vérifier le consentement des parties). Parce que les moyens d’intervention spécifiques de l’Etat (ceux mêmes que réclament les tenants de l’ordre moral) sont la police et l’armée. Le maniement de telles forces est dangereux. L’Histoire ne nous fournit-elle suffisamment d’avertissements ? Il faut donc qu’un principe supérieur, mon cher Karol W., supérieur, objectif, universellement accepté et intangible, limite rigoureusement l’intervention des hommes de l’Etat.
Or quel peut être ce principe ? Si les hommes de l’Etat décident : toutes les femmes doivent être voilées, voilà qui est clair et objectif, mais loin d’être universellement reconnu (j’entends d’ici glapir elisseievna, et elle aura raison et ne sera pas la seule).
Si les hommes de l’Etat continuent d’être pragmatiques, ick: de suivre la conjoncture, d’écouter les plus braillards ou les plus nombreux, leurs actions ne seront ni objectives, ni universellement reconnues, ni leur fondement intangible.
Le seul principe (éclairez-moi s’il en est un autre) qui réponde à ce critère d’objectivité, qui est accepté universellement comme j’ai montré plus haut, et qui peut demeurer intangible dans le temps, est celui-ci : la fonction légitime des hommes de l’Etat est de protéger la vie et les biens de chaque être humain. C'est tout. L’Etat n’a pas à décider à notre place de l’usage que chacun fera de sa vie et de ses biens.
La question est centrale à toute vie en société. Il y va de notre sécurité à tous. Je déplore le suicide assisté de Brandes, comme je déplore la consommation de drogues, les sports violents, etc., mais l’existence légale de personnes ayant opté pour ce genre de vie est l’assurance que nous recevons que nos pratiques à nous, religieuses, commerciales, artistiques, morales, sexuelles, etc., seront respectées.
Cordialement
Christian
[align=center]Government members place their hand on the Bible and swear to uphold the Constitution.
They don't put their hand on the Constitution and swear to uphold the Bible.
Un Américain plein de bon sens, dont j’ai malheureusement oublié le nom.[/align]