L'Etat peut-il être autre chose qu'un problème ?

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
Christian
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L'Etat peut-il être autre chose qu'un problème ?

Message non lu par Christian » lun. 18 déc. 2006, 12:57

Cher Karol W.,
Christian, quand vous dites que la liberté doit être totale, n'êtes-vous pas conscient de véhiculer une idéologie qui est précisément totalitaire (ce dont Charles vous avertissait) ? Ne voyez-vous pas qu'il y a des principes supérieurs à la seule liberté?
Si par totalitaire, vous entendez que tous les êtres humains doivent respecter certaines prohibitions, et ne sont universellement tenus qu’au respect de celles-là, alors je revendique l’appellation. J’ai écrit maintes fois ici quelles étaient ces prohibitions : ne pas tuer, ne pas agresser physiquement, ne pas voler, ne pas tromper — ce que les juristes comprennent par respect du ‘Droit de propriété de chacun sur son corps et sur ses biens’.

Personne, du Kamtchatka au Kansas, ne souhaite être agressé ou abusé. Inversement, tout être humain peut exiger de tous les autres de n’être pas agressé ; cette exigence pour être satisfaite ne dépend pas du niveau de prospérité économique, de l’éducation reçue ou de l’héritage historique. L’étude du droit comparé nous montre même que ces prohibitions constituent le plus petit commun dénominateur de toutes les législations passées et présentes sous toutes les latitudes, d’où nous pouvons conclure que le respect de ces prohibitions représente le bien commun de la société humaine, et subsidiairement, de toute société politique, au sens de St Thomas d'Aquin. Lorsqu’il se présente une violation de ces prohibitions, l’impunité n’est accordée qu’aux hommes de l’Etat (déclaration de guerre, perception forcée d’impôts…), et l’Histoire nous enseigne que les sociétés qui respectaient le mieux ces prohibitions (celles où la violence, y compris la violence d’Etat, est réduite), sont celles qui prospèrent le plus dans tous les domaines.

Il existe donc bien un principe supérieur qui interdit à ma liberté de coïncider avec ma capacité. Parce que je suis un homme sportif, hétérosexuel, d’un QI moyen, j’ai parfaitement la capacité d’étrangler un gringalet, de violer une femme et d’entourlouper des nigauds. Je ne le fais pas (mais oui, c’est vrai). Je m’y refuse. Pas seulement par peur du gendarme — même assuré de l’impunité, je m’abstiendrais. Pas seulement parce que je suis chrétien — j’attends des non-chrétiens la même restriction. Mais parce que vivant en société, j’ai intégré ces prohibitions comme les valeurs fondamentales et universelles de toute vie en société.

Tout système, pour exister, obéit à des lois qui l’identifient en tant que système. Les quelques prohibitions que je viens d’énumérer sont les lois de ce système particulier que constitue une société humaine. Pour un chrétien, elles sont sanctifiées, Dieu nous les a données sur le Sinaï. (Je dirai une autre fois en quoi l’intégralité du Décalogue est universalisable.)

Ce nécessaire rappel, tant de fois rappelé, des principes de base du libéralisme m’amène à votre question, cher Karol W., du cannibale allemand. Le corollaire des prohibitions du Décalogue implique que la bonne société fonctionne sur la base du consentement. (L’alternative au consentement, par définition, étant la coercition, le viol, le vol, etc., elle ne peut pas être admise moralement, quel qu’en soit l’initiateur). Les relations fondées sur le consentement plutôt que sur la force ne sont-elles pas celles que, moralement, nous devons préférer ? Le droit de n’être pas violenté nous assure la sécurité de notre personne et de nos biens. Il n'indique pas, en revanche, ce que nous devons faire de cette personne et de ces biens. Cette gouvernance n’est pas du ressort de la politique, mais de la morale. A l’exemple de notre Sauveur qui n’a jamais contraint personne à Le suivre, nous devons enseigner, exhorter, mais en dernier ressort, respecter la décision d’autrui (tant qu’elle-même respecte les prohibitions susdites, puisque ce serait agir sans le consentement de ceux dont le corps et les biens seraient agressés).

Alors, oui, parce que nous sommes une humanité déchue, certains vont s’autodétruire. Ils vont refuser la grâce de la vie. Sans violenter autre qu’eux-mêmes, donc sans qu’il soit légitime d’intervenir autrement que par l’exhortation, ils vont accomplir des actes que la conscience et la morale réprouvent. Y compris, le cannibalisme.

Pourquoi serait-il illégitime que la puissance publique intervienne dans ces cas-là ? (autrement que pour vérifier le consentement des parties). Parce que les moyens d’intervention spécifiques de l’Etat (ceux mêmes que réclament les tenants de l’ordre moral) sont la police et l’armée. Le maniement de telles forces est dangereux. L’Histoire ne nous fournit-elle suffisamment d’avertissements ? Il faut donc qu’un principe supérieur, mon cher Karol W., supérieur, objectif, universellement accepté et intangible, limite rigoureusement l’intervention des hommes de l’Etat.

Or quel peut être ce principe ? Si les hommes de l’Etat décident : toutes les femmes doivent être voilées, voilà qui est clair et objectif, mais loin d’être universellement reconnu (j’entends d’ici glapir elisseievna, et elle aura raison et ne sera pas la seule).

Si les hommes de l’Etat continuent d’être pragmatiques, :sick: de suivre la conjoncture, d’écouter les plus braillards ou les plus nombreux, leurs actions ne seront ni objectives, ni universellement reconnues, ni leur fondement intangible.

Le seul principe (éclairez-moi s’il en est un autre) qui réponde à ce critère d’objectivité, qui est accepté universellement comme j’ai montré plus haut, et qui peut demeurer intangible dans le temps, est celui-ci : la fonction légitime des hommes de l’Etat est de protéger la vie et les biens de chaque être humain. C'est tout. L’Etat n’a pas à décider à notre place de l’usage que chacun fera de sa vie et de ses biens.

La question est centrale à toute vie en société. Il y va de notre sécurité à tous. Je déplore le suicide assisté de Brandes, comme je déplore la consommation de drogues, les sports violents, etc., mais l’existence légale de personnes ayant opté pour ce genre de vie est l’assurance que nous recevons que nos pratiques à nous, religieuses, commerciales, artistiques, morales, sexuelles, etc., seront respectées.

Cordialement

Christian






[align=center]Government members place their hand on the Bible and swear to uphold the Constitution.
They don't put their hand on the Constitution and swear to uphold the Bible.

Un Américain plein de bon sens, dont j’ai malheureusement oublié le nom.[/align]

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Message non lu par Markos » mer. 20 déc. 2006, 0:20

Christian a écrit :Cher Karol W.,

Le seul principe (éclairez-moi s’il en est un autre) qui réponde à ce critère d’objectivité, qui est accepté universellement comme j’ai montré plus haut, et qui peut demeurer intangible dans le temps, est celui-ci : la fonction légitime des hommes de l’Etat est de protéger la vie et les biens de chaque être humain. C'est tout. L’Etat n’a pas à décider à notre place de l’usage que chacun fera de sa vie et de ses biens.
Vous citez bien Locke, mais je suis en desaccord. Il n'est pas besoin d'un Etat pour assurer un rôle de protection : des sociétés privées, et même des mafias, à leur manière évidemment, peuvent s'en charger.

La seule raison d'être de l'Etat est de garantir la Justice , et donc de s'en donner les moyens. C'est sous ce présupposé que l'on accepte d'obéir à ses lois autrement que sous la seule contrainte. Sans justice, l'Etat n'a plus aucune raison d'être - et ne peut d'ailleurs subsister très longtemps.
Ce critère intégre en soi tous les autres. Et oblige non seulement à protéger les personnes et les biens, mais aussi à se demander si les biens ont été justement acquis. Notons que donner aux personnes ce qui est justice, c'est aussi assurer un accès aux services nécessaires à la vie dans le cadre de la société (cad les "services publiques").
Il n'y a pas de liberté véritable sans respect de la Justice (il n'y a plus que licence ou permissivité). Parce qu'elle ne se suffit pas, la liberté humaine ne peut pas être, à soi seul, un absolu social.

Amicalement,

Christian
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Message non lu par Christian » jeu. 21 déc. 2006, 12:57

Bonjour Markos,
Il n'est pas besoin d'un Etat pour assurer un rôle de protection : des sociétés privées, et même des mafias, […] peuvent s'en charger.

La seule raison d'être de l'Etat est de garantir la Justice ,
Vous avez raison, nous n’avons pas besoin d’un Etat pour assurer notre protection ; des agences privées rempliraient ce rôle beaucoup mieux, puisque pour s’assurer le maximum de clients, elles devraient offrir le seul service qu’ils recherchent en commun, la protection de leurs corps et de leurs biens. L’Etat, au contraire, peut offrir à quelques uns des prestations qu’il oblige tout le monde, par la force s’il le faut, à payer.

C’est pourquoi l’Etat, que Hobbes croyait nécessaire à la garantie de notre sécurité, est paradoxalement le plus grand danger dont nous sommes menacés. Locke était plus lucide. Sa pensée débouche sur l’anarchisme, bien qu’à la dernière minute, et par une galipette intellectuelle des plus problématiques, il réattribue à l’Etat une fonction dans son système.

Mais elle n’est pas celle de justice. Pourquoi ? Parce que Locke est un philosophe sérieux et qu’il ne veut pas fonder une entité aussi potentiellement dangereuse que l’Etat (pensez guerres, persécutions, camps, goulags…) sur une notion qui peut être rendue aussi floue que la justice.

A la limite, vous et moi, cher Markos, pourrions nous entendre, si vous définissiez la justice comme l’application du droit de propriété. Les Romains avaient cette rigueur. La justice, disaient-ils, consiste à rendre à chacun le sien : suum cuique tribuere. Mais cette objectivité n’est pas la vôtre. ‘Donner aux personnes ce qui est justice', racontez-vous, 'c’est assurer un accès aux services nécessaires à la vie’, et vous précisez : ‘services publiques’ (sic).

Mais alors comment juger ? :?: Avec enquêtes, témoignages, documents et autres preuves, et une saine logique, des juges peuvent établir qui est le légitime propriétaire d’un bien (acquis par don et par échange, et non par dol ou par violence). Ils peuvent de même identifier l’auteur d’une agression contre une personne ou ses biens. Mais quelle objectivité nous renseignera sur le niveau de ‘service publics’ dont la population a besoin ? 3 chaînes de télé — pourquoi pas 6 ? Subventionner l’opéra — pourquoi pas des restaurants à l’alimentation saine ? Nous sommes en plein arbitraire.

Et lorsqu’il s’agit de juger les gens, de les punir, de confisquer leurs revenus gagnés par leur travail et leur activité légitime, ne trouvez pas que l’arbitraire est insupportable ? :ranting:
Sans justice, l'Etat n'a plus aucune raison d'être
Sans votre définition de la justice, l’Etat n’a aucune raison d’être, c’est vrai. Si l’Etat existe encore, c’est justement parce que des groupes, riches, puissants, braillards et bien organisés, peuvent le faire agir à leur profit.

Tout le contraire de la justice.

Cordialement

Christian





[align=center]L’Etat est la grande fiction à travers laquelle chacun essaie de vivre aux dépens de tous les autres
Frédéric Bastiat (1801 – 1850), indéniablement, le plus grand économiste français[/align]

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Message non lu par Markos » jeu. 21 déc. 2006, 14:23

Bonjour,

D'abord simplement deux questions pour bien comprendre votre point de vue : est-il nécessaire selon vous de faire régner la justice? Et si oui, comment faites-vous régner la justice sans Etat?

Voici ma position :
Un Etat stable se constitue à partir du moment où les citoyens s'accordent pour remettre à une organisation l'usage de la force et donc de la contrainte (on ne se venge plus par soi-même), mais cela n'est possible que si cet usage s'exerce avec justice. C'est le principe premier du Droit: régler la vie en commun. A cet effet, l'Etat doit pouvoir : dicter le droit, et le faire appliquer.
Votre question est : qu'est-ce que la Justice (donc le Droit)? Comment décider ce qui sera juste ou pas?
Notez d'abord que cette question est "subsidiaire" : le fait est que la vie en commun n'est pas possible sans règles communes, et que ces rêgles ne peuvent être communes (appliquées à tous) sans Etat.
A tel point qu'une "entreprise privée" qui gagnerait la force de dicter le droit et de le faire appliquer ne ferait rien d'autre qu'une sorte de coup d'Etat, et finirait par remplacer l'Etat en place.

Mais comme,
"Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir". (Rousseau, Du contrat social, I, 3).
une fois que l'on a reconnu que l'Etat est nécessaire pour canaliser la violence, mais que,pour subsister, il doit être juste, en second lieu, il faut donc s'accorder sur ce qui est juste (et on en revient alors à votre question).
Or la justice ne peut consister simplement à la protection des corps et des biens. Mais, en effet, à rendre à chacun le sien [/b][/i]: suum cuique tribuere. Et la question est bien là : qu'est-ce qui permet de s'attribuer quelque chose en toute justice? Quel sera le critère de la propriété?
Comprenez-moi : je ne dis pas que la propriété est à bannir. Je dis qu'il peut y avoir des revendications de propriété injustes. Et si l'Etat ne fait que "protéger la propriété", il peut être tout à fait injuste, et perd sa raison d'être.

Ce que j'ai dit ensuite à propos des "services publics" revient à cela : nous acceptons de nous soumettre à l'Etat à condition qu'il soit juste. Mais une société ne peut en aucun cas être juste si elle nous demande de vivre en son sein -avec les contraintes que cela implique- sans en même temps nous présenter les conditions minimum nécessaires pour y vivre.

Par exemple : vous serez sans doute d'accord que le travail est un élément essentiel dans la vie d'un homme. Un Etat devrait donc tout faire pour assurer la possibilité à chacun de ses membres de vivre de son travail et d'en tirer les justes fruits (ce qui implique d'ailleurs, a contrario, qu'elle doit s'efforcer d'empêcher d'autres de s'accaparer en passant une partie du fruit de ce travail). Et, incidemment, dans une société où il devient de plus en plus difficile de vivre à proximité de son lieu de travail, le rôle de l'Etat est de s'assurer que les personnes ou bien pourront malgré tout s'y loger ou bien pourront profiter d'un moyen de transport.

En réalité, il faut distinguer deux usages de l'Etat :
1) assurer la justice - ce qui ne peut se faire sans lui et qui est le minimum.
2) un rôle de "coopérative" ou "mutuelle" nationale - ce que l'on appelle la "solidarité" nationale.
Il est exact qu'un Etat peut survivre et rester juste sans le second point : il a alors simplement un rôle d'arbitre.
Mais toute la difficulté est ensuite de savoir où commence la Justice et où commence la simple solidarité. Par exemple : n'est-il pas justice que tous les enfants aient accès à l'education? Que tout le monde ait un même accès aux hopitaux ou même à une poste? Le problème, c'est que pour s'assurer qu'il y ait une bonne répartition des hopitaux, des postes, etc sur le territoire -et pas seulement dans les zones qui rapportent- il vaut mieux que l'Etat y mette "son grain de sel".

Pour ce qui est du nombre de chaines publiques à la TV, je pourrai me mettre d'accord avec vous pour dire que cela n'est pas de la première importance...


Amicalement,

Markos
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Message non lu par Markos » jeu. 21 déc. 2006, 14:40

Christian a écrit :Bonjour Markos,

Et lorsqu’il s’agit de juger les gens, de les punir, de confisquer leurs revenus gagnés par leur travail et leur activité légitime, ne trouvez pas que l’arbitraire est insupportable ? :ranting:
Je m'aperçois que je ne vous ai pas répondu sur ce point.
Il est évident qu'en tous ces domaines, l'arbitraire est insupportable.
Mais c'est précisément pour cela que la loi du marché est insupportable!
Parce que "la loi du marché" c'est l'assurance de l'absence de toute loi (c'est, au domaine économique, ce que "la loi du plus fort" est au domaine politique). Or la loi, c'est ce qui protège de l'arbitraire.

"confisquer leurs revenus gagnés par leur travail et leur activité légitime" : tel que vous le formulez, je n'ai rien à redire : ce qui est justement gagné n'est pas volé!

Mais il faut considérer deux choses :
- nous sommes heureux d'être protéger contre les injustices : mais cela a un coût.
- nous pouvons être heureux de participer voire de bénéficier de la solidarité nationale (même s'il est possible de la remettre en cause -cf mon précédent message) : mais cela aussi a un coût.
===> D'où la nécessité des impots bien évidemment. Et dans ce cadre, l'impot est juste (puisque les services sont rendus).

Le vrai problème c'est de savoir si le revenu perçu est toujours à la hauteur du travail fourni (et donc si l'on rend à chacun le sien, à nouveau). Or cela est très contestable. Et comme on ne peut créer des richesses à partir de rien, s'il y en a qui sont trop mal payés (les petits artisans, les petits agriculteurs, entre autres - pour montrer que je n'ai rien contre l'entreprise en tant que telle), c'est qu'il y en a qui le sont trop! (par exemple, les footballeurs professionnels, les grands patrons, etc.).
Et dans ce cas, plutot que de remettre en cause une certaine liberté des prix ou des salaires, l'Etat actuel préfére, un peu hypocritement, introduire un nouvel impôt (et il est justice de reprendre la part volé). L'ennui c'est que ce que l'Etat ponctionne ainsi, il le redistribue rarement à ceux qui avaient créé cette richesse (or il est injuste de ne pas la réstituer à celui qui a été lésé).

Amicalement,

Christian
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Message non lu par Christian » ven. 22 déc. 2006, 15:19

Cher Markos,

Je ne sais d’où vous tirez les sophismes que vous nous servez ici. Auriez-vous fait vos études à Nanterre en mars 68 ? Toute cette argumentation est si furieusement rétro que c’en est émouvant. :cool:
la loi du marché" c'est l'assurance de l'absence de toute loi
Certes pas. Le marché est strictement encadré par le Droit. Et les règles de Droit, je m’épuise à le répéter, sont celles que nous avons apprises au catéchisme : « tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne mentiras pas… ». Rien de plus, certes, mais rien de moins.
la loi, c'est ce qui protège de l'arbitraire
Ma parole, vivez-vous coupé de toute information sur la vie politique du pays ? Il ne se passe pas une législature sans que le Parlement adopte une flopée de lois en faveur de telle ou telle catégorie de la population, simplement parce qu’elle a revendiqué plus fort que les autres. Tout gouvernement est une manufacture d’arbitraire.
ce qui est justement gagné n'est pas volé!
Je suis heureux de lire cette sage parole, mais que n’en tirez-vous la conclusion logique.
Le vrai problème c'est de savoir si le revenu perçu est toujours à la hauteur du travail fourni (et donc si l'on rend à chacun le sien, à nouveau)
Quelle bizarre idée ! On ne paye pas les gens parce qu’ils travaillent. Je sais que les économistes classiques, qui n’avaient pas dû beaucoup observer le monde autour d’eux, Smith, Ricardo, et puis Marx, bien sûr, ont répandu cette idée que la valeur d’un bien devait correspondre à la quantité de travail ‘incorporé’. C’est une ânerie. Entre le plombier qui m’annonce qu’il travaillera 6 jours à refaire ma salle de bains, et celui qui m’affirme qu’il la terminera en 24h, je choisis le second. Nous rémunérons le service rendu, pas le travail. Essayez d’expliquer aux automobilistes qu’ils doivent payer une Citroën plus cher qu’une Toyota, parce que la voiture française réclame plus de travail que sa concurrente française.
Et comme on ne peut créer des richesses à partir de rien
Qu’entendez-vous par ‘rien’ ? Toute richesse est une création de l’esprit humain. Il n’existe pas de ‘richesses naturelles’. La boue noire qui rendait leurs terres infertiles n’était pas une richesse pour les pasteurs autour de la Mer Caspienne. Mais d’autres ont découvert les usages du pétrole et ce qui était une ‘nuisance naturelle’ s’est transformé en produit fort utile.
s'il y en a qui sont trop mal payés (les petits artisans, les petits agriculteurs, entre autres - pour montrer que je n'ai rien contre l'entreprise en tant que telle), c'est qu'il y en a qui le sont trop! (par exemple, les footballeurs professionnels, les grands patrons, etc.).
Ainsi il existerait selon vous une invisible pompe aspirante qui retirerait aux uns pour donner aux autres. S’il existe des gens heureux, en bonne santé, avec de beaux enfants, c’est parce d’autres sont malheureux, malades, avec des lardons souffreteux. Que nenni !
[align=center]Petit cours d’éthique économique en 20 lignes :[/align]
:arrow: S’il existe des pauvres, deux raisons en sont la cause : soit ils sont peu productifs, soit ils sont volés. Ils ne peuvent pas être volés, par définition, sur le marché (puisque celui-ci est fondé sur le respect sans exception des droits de propriété). En revanche, les hommes de l’Etat pratiquent allègrement et impunément le vol à grande échelle, et les pays les plus pauvres de la planète sont des kleptocraties, où le protectionnisme, la planification, le dirigisme, la fiscalité et autres spoliations et atteintes à la propriété privée sont la règle.
Si les gens sont peu productifs, ce peut être parce qu’ils sont jeunes et peu expérimentés, auquel cas le problème se résoudra avec le temps (si la législation, le salaire minimum, les charges sociales, etc. ne leur interdisent pas de trouver un emploi) ; ou bien leur faible productivité résulte d’une incapacité quelconque, auquel cas il appartient aux familles, compagnies d’assurances, organisations caritatives, etc. de leur venir en aide.

:arrow: Symétriquement, s’il existe des riches, deux raisons en sont la cause. Soit ils ont bénéficié du vol, auquel cas ils n’ont pu le faire impunément que si ce vol est légalisé par l’Etat (grands contrats publics, protectionnisme, monopoles, subventions, et autres captations de la fiscalité), soit ils ont fourni un service que des gens ont accepté de payer.
Vous citez le cas des footballeurs professionnels. Par rapport à ces Zidane et Beckham, on peut diviser l’humanité en deux : celle que le foot n’intéresse pas, qui ne va pas au stade et n’assiste à aucun match. Ces gens-là ne peuvent pas se plaindre de la fortune des footballeurs, ils ne leur ont pas donné un sou. Et puis, il y a l’humanité qui aime le foot, et celle-là non plus ne peut pas se plaindre de la fortune des footballeurs qu’elle a elle-même édifiée.
De même, les rémunérations des grands patrons viennent de la poche des actionnaires. Soit vous n’êtes pas un actionnaire, et peu vous importe comment ces derniers dépensent leur argent. Soit vous êtes un actionnaire, et vous pouvez protester, voter contre les administrateurs, ou vendre vos actions.

Cordialement

Christian





[align=center]Si les inégalités sociales posent un problème, la solution n’est pas de taxer les riches, mais les envieux.
Ce sont les envieux qui infligent une nuisance aux riches ;
il est juste de leur faire payer leur vice.

Alexis Tabarrok, Marginal Revolution[/align]

Je n’approuve pas la fiscalité, même lorsque son objectif est d’éradiquer un comportement aussi méprisable que celui des envieux. Bien sûr, la proposition de Tabarrok est fantaisiste. Mais j’aime cette citation, d’une part à cause du pied-de-nez à tous les bien-pensants socialisants ; d’autre part, parce qu’elle souligne la principale (mais inavouée) justification de l’impôt sur les riches : l'envie

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Boris
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Message non lu par Boris » ven. 22 déc. 2006, 16:42

Il y a de nombreux simplisme dans votre raisonnement.

Sur l'exemple de la fortune des footballeurs :
- ceux qui ne s'intéressent pas au foot n'ont rien à dire car ils ne donnent pas : c'est faux et archifaux ! Une grande parti de l'argent proveint des sponsors. Donc, dès que l'on achète un produit ou un service à l'un de ces sponsors, on paye indirectement un footballeur, quelque soit notre avis sur la question.
Secondement, une partie de l'argent provient de la télévision. Les chaines se disputent les contrats de droit de retransmission. Or il existe une taxe télévisuelle : que vous regardiez ou non les matchs, si vous payez cette taxe (autrement di si vous avez une télé, sinon vous êtes un voleur) une partie va au foot !

- Vous prétendez que les pauvres ne peuvent pas être volés : que faites-vous des entreprises qui exploitent leurs salariés ? Actuellement avec le système des 35h, toute la classe des cadres se retrouve exploitée : il n'y a plus un nombre d'heure à faire mais des objectifs à atteindre. Ainsi un cadre et corvéable à merci. Une journée fait désormais 24h, utilisable pour l'entreprise.
Regardez l'ambiance au techocentre Renault : l'entreprise tire tellement sur la corde que certains se suicident en sortant de réunion ou d'autre mettent leur famille en danger par des horaires de dingues (j'ai vécu ces 2 exemples au travers d'amis qui travaillent là-bas, l'un des 2 est séparée de sa femme à cause de cela entre autres).

- la hauteur d'un travail fourni n'est mesurable uniquement en temps : en tant que cadre et ingénieur dans les services informatiques, je travaille essentiellement au forfait : un but à atteindre quelque soit le temps passé.
La hauteur de mon travail n'est pas le temps passé mais l'atteinte de l'objectif ou non.

Christian, comme souvent vous m'aurez fait bien rire avec votre air de "je sais tout" mais vos arguments ne tiennent pas plus de 2 sec.
UdP,
Boris

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Message non lu par Christian » sam. 23 déc. 2006, 9:25

Boris :
Christian, comme souvent vous m'aurez fait bien rire avec votre air de "je sais tout" mais vos arguments ne tiennent pas plus de 2 sec.

Il y a de nombreux simplisme dans votre raisonnement.

- ceux qui ne s'intéressent pas au foot n'ont rien à dire car ils ne donnent pas : c'est faux et archifaux ! Une grande parti de l'argent proveint des sponsors. Donc, dès que l'on achète un produit ou un service à l'un de ces sponsors, on paye indirectement un footballeur, quelque soit notre avis sur la question.
Secondement, une partie de l'argent provient de la télévision. Les chaines se disputent les contrats de droit de retransmission. Or il existe une taxe télévisuelle : que vous regardiez ou non les matchs, si vous payez cette taxe (autrement di si vous avez une télé, sinon vous êtes un voleur) une partie va au foot !
Je vais essayer de tenir le raisonnement plus de 2 sec., cher Boris.

Voilà que vous achetez des produits à des firmes qui louent l’image de footballeurs. Mais si ce sport vous horripile tant, changez de fournisseur. Des millions de gens boycottent chaque jour des produits parce qu’ils sont fabriqués par des enfants, parce qu’ils ont été testés sur des animaux, parce que les producteurs se livrent au commerce des armes, ou fricotent avec tel ou tel régime, ou polluent l’environnement… Le sponsor prend le risque d’associer sa marque à une vedette. Libre à nous de lui dire qu’elle ne nous plait pas.

Mais quelle que soit votre aversion pour un ministre ou sa politique, vous ne pouvez pas les boycotter, cher Boris. Vos impôts financent des IVG. Tout ce qui vous horripile chez les hommes de l’Etat, ils le réalisent avec votre argent. Ils viennent même vous en piquer parce que vous possédez une télévision (car c’est bien le fisc, n’est-ce pas, qui prélève la redevance, pas "le marché").

Je sais que je vous fais rire en vous rappelant ces évidences. Vous avez raison, ça vaut mieux que de déprimer. Mais puisqu’il faut conclure, indiquez-moi, je vous prie, quel est le système le plus conforme à la morale : celui qui vous permet de choisir à quelles activités et à quelles causes vous allez contribuer, ou cet autre système qui vous force à soutenir des politiques que vous réprouvez ?

Votre simpliste,

Christian





[align=center]Ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas voir la solution. Ils ne peuvent pas voir le problème.
G.K. Chesterton[/align]

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Message non lu par Christian » mar. 26 déc. 2006, 22:09

Bonsoir, Karol W.

Avec ces belles fêtes et joyeuses obligations familiales, je n’ai pas eu le loisir jusqu’à ce soir de répondre à votre intervention sur ce fil.
je ne comprends pas pourquoi vous vous fondez sur le décalogue dans votre analyse du fonctionnement de la bonne société .
Corrigez-moi si je me trompe, mais si tous les êtres humains respectaient les Dix Commandements, nos sociétés s’en porteraient mieux. Le Décalogue constitue donc bien une prescription en vue d’un meilleur fonctionnement social. Les sociétés sont un système, or tout système se définit par des lois, et le Décalogue énonce les lois de ce système particulier qu’est une société humaine. Dieu a explicité ces lois sur le Sinaï, Il n’aurait pu en donner d’autres sans contredire Sa création. Donc ces lois sont universalisables, même pour ceux qui ne leur reconnaissent pas une origine divine.

Vérification : Toute société qui s’est éloignée du Décalogue a sombré rapidement dans la dysharmonie, la terreur politique et le sous-développement.
Tout être vivant est donc bien tributaire de deux ordres normatifs: les normes divines et le droit positif. C'est ce que nous dit clairement Jésus Christ dans l'Evangile selon Saint Luc: "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu".
J’ai déjà donné ici mon interprétation de "Rendez à César…". Il n’était nullement dans l’esprit du Christ de fonder deux ordres normatifs, cela ressort clairement de tout Son enseignement, et les objections du Bon Seb à mon argumentation, pour sérieuses qu’elles soient, ne la réfutent pas.

Je comprends cependant que la dérision de tout pouvoir politique par le Christ plaçait l’Eglise naissante dans une situation inconfortable avec les autorités. Saint Paul procède à un premier et stupéfiant détournement de la parole de Jésus à Pilate : "Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait été donné d’en haut" (Jn 19.11), en la généralisant : « Tout pouvoir vient de Dieu ». Cette malheureuse formule a justifié les pires tyrannies jusqu’au 19ème siècle. Aujourd’hui, maintenant qu’elle a perdu son emprise sur les autorités, l’Eglise donne une nouvelle signification au "Rendez à César…", sous forme d’une revendication d’indépendance. "Rendez à César…" séparerait, dites-vous, les "normes divines et le droit positif".

Ce grand écart est intenable. Il n’existe pas deux mondes, l’un soumis aux normes divines, l’autre au droit positif. La religion n’est pas ‘pour la sphère privée’, :blink: et les musulmans sur ce point ont complètement raison. Comment pourrait-on laisser ‘les normes divines’ dans son petit chez soi lorsqu’on a une profession, des engagements associatifs, des impôts à payer, lorsqu’on est appelé à voter, à militer, à exercer une quelconque activité dans le monde ? Nous devons suivre le Décalogue toujours et partout, le suivre en toutes choses, y compris l’opposer aux hommes de l’Etat (car ne sont-ils pas, eux, les adorateurs d’idoles, ces idoles qui littéralement réclament du sang, la Patrie, la Révolution, le Socialisme… ?).

La bonne lecture est celle-ci : César doit faire respecter, et respecter lui-même, ce que le Décalogue commande, et nous ne lui devons aucune obéissance s’il commande autre chose. Et non pas, "nous devons obéissance à tout ce que César commande, sauf dans les cas où ses ordres contreviennent directement aux commandements de Dieu."
L'Etat (César), à défaut de nous ouvrir la voie au salut, est la seule institution à même d'assurer en ce monde le "bien commun" au sens où l'entendait Saint Thomas d'Aquin. Or l'idée qui transparaît de vos posts, c'est que l'Etat serait le principal obstacle à ce bien commun

Je suis prêt à entendre le contraire, mais à ce point de ma réflexion, je pense que l’Etat est par sa nature le principal obstacle au Bien commun. Le ‘bien commun’ est le Décalogue. Ce bien est commun au plus petit groupement humain comme il l’est à l’humanité entière. L’Etat est donc une nuisance chaque fois qu’il impose des mesures qui ne sont pas le Décalogue. Comme le recueil de nos lois doit contenir plusieurs dizaines de milliers d’articles, plus des centaines de milliers de décrets et arrêtés, comparé aux 10 commandements, on voit l’immensité de cette nuisance.

Or il est dans l’ADN de l’Etat de produire des lois (comme dans celui d’une entreprise commerciale de générer du profit). Donc l’institution d’Etat, telle qu’elle existe aujourd’hui et depuis le XVIIIème siècle, est nécessairement un obstacle au ‘bien commun’.

vous n'avez pris que les deux versets du décalogue qui vous arrangeaient, en éludant les autres (la prohibition de l'adultère, de l'idôlatrie, de la convoitise, tous comportements qui ne sont pas nécessairement une violence faite à autrui).

Dans la version du catéchisme que j’ai apprise, le Décalogue s’adresse à chacun de nous sur le mode impératif : ‘Tu ne feras pas…’, ou ‘tu feras…’). Trois de ces commandements concernent strictement notre relation à Dieu. L’inobservance de l’un ou l’autre des quatre commandements suivants constitue une agression d’autrui.

Dieu n’a pas besoin des hommes de l’Etat pour Se défendre. Donc les hommes de l’Etat n’ont pas à entrer en matière sur les trois premiers commandements :
1 Tu n'auras pas d'autre Dieu en ma présence.
2 Tu n'emploieras pas en vain le nom de Dieu.
3 Rappelle-toi de sanctifier les fêtes.

En revanche, nous (les citoyens ou administrés) avons à opposer ces commandements aux hommes de l’Etat s’ils devaient rendre obligatoire l’une de ces prescriptions, ou l’interdire. Par exemple, le premier commandement vise l’idolâtrie, et si nous idolâtrons (notre travail, notre situation sociale, une Cause quelconque…), nous aurons des comptes à rendre à Dieu ; mais l’Etat lorsqu’il est idolâtre, quel que soit l’objet de cette idolâtrie, par sa fonction même, l’impose à tous (‘la défense de la Civilisation’, ‘la Grandeur du pays’, ‘la Croissance’, ‘l’Edification du Socialisme’, le ‘Capitalisme’, ‘la Démocratie’, etc.). Inversement, les hommes de l’Etat prétendent interdire à tous, par exemple, de ‘sanctifier les fêtes’ (cela se passe dans les pays musulmans pour les chrétiens, etc.).

On voit donc que ces trois commandements sont des prescriptions individuelles, adressées à la conscience de chacun (‘Tu…’). Ces obligations ne peuvent pas faire l’objet d’une législation (le seul mode d’action des hommes de l’Etat). Pourquoi ? Pour deux raisons : d’une part, elle serait inapplicable dans ses effets ; car il est toujours possible de feindre la conversion, la piété, la religiosité. D’autre part, cette législation ne pourrait être qu’odieuse à Dieu, qui veut une adhésion par amour, et non pas le simulacre d’une adhésion par peur du gendarme.

L’inobservance des quatre autres commandements, en revanche, ne rompt pas seulement notre relation à Dieu, elle a des conséquences directes sur autrui : le vol, le meurtre, le faux-témoignage et la tromperie, la convoitise du bien d’autrui (travestie et respectabilisée sous l’appellation de ‘justice sociale’). L’adultère, que vous citez spécifiquement, cher Karol W., est bien une atteinte à autrui puisqu’il constitue la violation d’un engagement contractuel pris par un époux envers l’autre.

Si les hommes de l’Etat peuvent justifier d’une fonction, c’est bien celle de répondre à la plainte des victimes de ces agressions physiques, tromperies et ruptures de contrats. Mais le risque que nous courons tous est de confier trop de pouvoir à ces gens. Sous couvert de nous protéger, sous prétexte de réaliser un ‘bien commun’ qui n’est pas limité à la défense du Droit (c.-à-d. au Décalogue), les hommes de l’Etat peuvent devenir eux-mêmes les auteurs des pires agressions.

Au final, c'est toujours un plaisir de discuter avec vous, même si je ne comprends pas exactement de quoi vous cherchez à nous convaincre. De la supériorité de l'idéologie libertarienne?

Merci de prendre du plaisir à ces échanges, et il est partagé. En fait, ce plaisir est ma seule raison de participer à ce forum. Si, en plus, je peux amener certains à se poser de bonnes questions, je serai comblé. :D

Je vous mets au défi de trouver des fondements bibliques à cette idéologie.

Le défi vient d’être relevé. ;-)

Bonnes fêtes

Christian






[align=center]Je me disais : ‘à quoi bon parler avec eux ?’ Ils veulent vaincre, et ils ne veulent rien savoir de ce qui nuit à la victoire.
Leur propos n’est pas de dénoncer l’oppression, ils veulent être les oppresseurs.
Ils ne veulent pas le progrès, ils veulent être les premiers.
Ils se soumettent à n’importe qui, pourvu qu’on leur promette qu’ils pourront faire la loi.
Je pensais : ‘que leur dire ?’, et puis je me suis dis : ‘voilà ce que je vais leur dire’.

Tom Munch[/align]

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Etienne
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Message non lu par Etienne » sam. 30 déc. 2006, 18:03

Bonjour Christian,
Christian a écrit :Je suis prêt à entendre le contraire, mais à ce point de ma réflexion, je pense que l’Etat est par sa nature le principal obstacle au Bien commun. Le ‘bien commun’ est le Décalogue. Ce bien est commun au plus petit groupement humain comme il l’est à l’humanité entière. L’Etat est donc une nuisance chaque fois qu’il impose des mesures qui ne sont pas le Décalogue. Comme le recueil de nos lois doit contenir plusieurs dizaines de milliers d’articles, plus des centaines de milliers de décrets et arrêtés, comparé aux 10 commandements, on voit l’immensité de cette nuisance.
Le premier commandement étant: "tu aimeras ton DIEU de toute ta force, de toute ton âme et de tout ton esprit", n'est-il pas réducteur de réduire le "bien commun" d'une société à la lettre de la loi, par un copier-coller du décalogue, en sachant de plus qu'aucune société ou civilisation n'a réussi à faire appliquer cette loi, sans transgression?
"Je fais le mal que je ne voudrais pas faire" dit St PAUL, la loi est vaine sans DIEU au milieu de nous, et le nouveau commandement est l'amour, et LE FILS. Soit "Qui n'a pas le fils n'a pas le père". 10 lois ou 300 arrêtés, état laîque ou pas , qu'est-ce que cela change alors sans amour?

Fraternellement.
Dernière modification par Etienne le dim. 31 déc. 2006, 12:08, modifié 1 fois.
(Mt 26.63-66)
Mais Jésus se taisait. Le Grand Prêtre lui dit:" Je t'adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu est le Christ, le Fils de Dieu. " Tu l'as dit, lui dit Jésus..."
Qu'en pensez vous?" Ils répondirent: " Il est passible de mort."

Markos
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Message non lu par Markos » dim. 31 déc. 2006, 1:01

Bonjour,
Christian a écrit : Je ne sais d’où vous tirez les sophismes que vous nous servez ici. Auriez-vous fait vos études à Nanterre en mars 68 ? Toute cette argumentation est si furieusement rétro que c’en est émouvant. :cool:
[...] [align=center]Petit cours d’éthique économique en 20 lignes :[/align]
Je ne suis en effet que votre humble serviteur, et je suis bien heureux d'avoir trouvé en vous un maître. Je bois vos paroles. Pardonnez-moi cependant de ne pas avoir encore totalement perdu mon libre jugement et de vous faire part de quelques unes des reflexions que vos explications ont fait naitre. Je suis bien certain que vous saurez conforter ma foi de libéral, hélas, bien chancelante en écartant bien vite les ténêbres de mon ignorance.
Le marché est strictement encadré par le Droit. Et les règles de Droit, je m’épuise à le répéter, sont celles que nous avons apprises au catéchisme : « tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne mentiras pas… ». Rien de plus, certes, mais rien de moins.
Je suis heureux d'apprendre que tous les hommes qui participent au "marché" sont de scrupuleux chrétiens, doués d'assez de discernement pour savoir où commence le vol et où il finit (1ier pb).
Pour ne pas être trop utopiste, il faut bien que quelqu'un ait la fonction d'encadrer le marché par le droit, comme vous le dites. Car jamais le droit ne s'applique tout seul (2ième pb). D'où l'importance et le rôle de l'Etat.

la loi, c'est ce qui protège de l'arbitraire
Ma parole, vivez-vous coupé de toute information sur la vie politique du pays ? Il ne se passe pas une législature sans que le Parlement adopte une flopée de lois en faveur de telle ou telle catégorie de la population, simplement parce qu’elle a revendiqué plus fort que les autres. Tout gouvernement est une manufacture d’arbitraire.
Il me semble que vous confondez le fait et le droit. Je sais bien que les Etats sont souvent iniques voire totalitaires, comme il y a des prêtres pédophiles. Est-ce pour autant qu'il faut demander la fin de tout Etat et de tout prêtrise? Non. Il faut rappeler le droit pour essayer de rectifier le fait. Or, en droit, la loi est ce qui nous protège.
ce qui est justement gagné n'est pas volé!
Je suis heureux de lire cette sage parole, mais que n’en tirez-vous la conclusion logique.
C'est que vous n'avez pas bien compris ce que j'essaie de vous expliquer, je le crains.
"Tu ne voleras point". C'est une très belle phrase. C'est un appel à la justice. Mais tout le problème est de définir dans quelles conditions une appropriation peut être déclarée juste avec raison! (1ier pb sus-mentionné).
D'où ce que je vous disais ensuite:
Le vrai problème c'est de savoir si le revenu perçu est toujours à la hauteur du travail fourni (et donc si l'on rend à chacun le sien, à nouveau)
Quelle bizarre idée ! On ne paye pas les gens parce qu’ils travaillent. Je sais que les économistes classiques, qui n’avaient pas dû beaucoup observer le monde autour d’eux, Smith, Ricardo, et puis Marx, bien sûr, ont répandu cette idée que la valeur d’un bien devait correspondre à la quantité de travail ‘incorporé’. C’est une ânerie.

Encore une fois, vous ne faites pas la distinction entre le fait et le droit. Moi, je vous parle du droit: ce qui, en toute justice, devrait être. Je ne suis pas forcé à considérer que le monde tel qu'il est est idéal, ni donc à considérer que le Droit doive être recherché dans "l'observation" du "monde autour" de moi.
Vous me dîtes : aujourd'hui on rémunère le service rendu. Je vous dis : le revenu devrait être à la hauteur du travail. ==> Où voyez-vous que vous m'objectez quelque chose? Prouvez moi qu'il est juste que ce soit le service que l'on rémunère et non le travail. Là, je pourrai me sentir concerné.
Entre le plombier qui m’annonce qu’il travaillera 6 jours à refaire ma salle de bains, et celui qui m’affirme qu’il la terminera en 24h, je choisis le second. Nous rémunérons le service rendu, pas le travail. Essayez d’expliquer aux automobilistes qu’ils doivent payer une Citroën plus cher qu’une Toyota, parce que la voiture française réclame plus de travail que sa concurrente française.
A propos des fameux plombiers, vous ne m'avez pas précisé s'ils offraient la même prestation au même prix. L'exemple n'est pas bien choisi pour me contredire, car je n'ai pas dit que l'on devait payer au temps passé, mais au travail réel fourni. Alors, de deux choses l'une, ou bien le premier plombier n'a pas bien employé son temps, ou bien le second a baclé son travail. Dans les deux cas, il n'est pas juste qu'ils soient payés "pour le service rendue", cad comme le plombier qui aurait refait consciencieusement votre salle de bains sans "flâner" ni "se précipiter".
Concernant Toyota et Citröen :
Une régle de base : il est normal de payer plus cher ce qui a nécessité plus de travail.
Mais supposons alors que Toyota ou Citroën, cela ne nécessite pas plus de travail. D'où vient que l'une vaut plus que l'autre? Vile recherche d'un bénéfice facile? Pas seulement.
Considérant que : dans une société où il y a eu une division du travail, celui-ci a une fonction vitale : se procurer, via le revenu, les moyens de sa subsistance.
Il s'ensuit que : si le coût de la vie augmente, il est normal que le revenu du travail augmente aussi.
Conclusion : outre la volonté de faire des bénéfices à tout va (ce que le libéralisme n'empêche pas), votre citroën vaut plus cher que la Toyota, parce que les ouvriers y ont besoin d'un revenu supérieur qu'au Japon pour pouvoir vivre décemment OU parce que les ouvriers japonais n'ont pas les moyens de vivre décemment.
Et comme on ne peut créer des richesses à partir de rien
Qu’entendez-vous par ‘rien’ ? Toute richesse est une création de l’esprit humain. Il n’existe pas de ‘richesses naturelles’. La boue noire qui rendait leurs terres infertiles n’était pas une richesse pour les pasteurs autour de la Mer Caspienne. Mais d’autres ont découvert les usages du pétrole et ce qui était une ‘nuisance naturelle’ s’est transformé en produit fort utile.
Ici encore, vous m'avez mal compris. Et vous tirez de mauvaises conséquences de vos propres principes. Car je suis tout à fait d'accord : il n'y a pas de "richesses naturelles". Mais la richesse est TOUJOURS le fruit d'une activité humaine (ce qu'en l'occurence, j'appelle Travail). Et il y a donc une proportion qui peut être posée entre Activité productrice et Richesse produite.
C'est en vertu de cela que ce que je vous explique/expliquais ensuite prend son sens.
s'il y en a qui sont trop mal payés (les petits artisans, les petits agriculteurs, entre autres - pour montrer que je n'ai rien contre l'entreprise en tant que telle), c'est qu'il y en a qui le sont trop! (par exemple, les footballeurs professionnels, les grands patrons, etc.).
Ainsi il existerait selon vous une invisible pompe aspirante qui retirerait aux uns pour donner aux autres. S’il existe des gens heureux, en bonne santé, avec de beaux enfants, c’est parce d’autres sont malheureux, malades, avec des lardons souffreteux. Que nenni !
Votre contre-exemple n'est pas sérieux : le bonheur ou la santé n'est pas l'objet d'echanges.
Et une "invisible pompe" (même si je n'y crois pas, rassurez vous) vaut bien "la main invisible" de quelques autres...
Je vais essayer d'être plus comprehensible :
On a dit que : toute richesse est créée par l'activité humaine.
Pour chaque période de temps, il y a une certaine quantité limitée d'activité humaine.
Il y a donc pour chaque période de temps, une certaine quantité limitée de richesse produite.
Prenons enfin pour acquis qu'une richesse produite ne pas s'anéantir d'elle-même (ou à des degrés insignifiants), mais doit toujours se retrouver quelque part.
A partir de là, on doit pouvoir comprendre que si certains se retrouvent sous-payés pour le travail qu'ils fournissent, c'est que la richesse qu'ils ont produit s'est retrouvé ailleurs que là où elle devait être. Autrement dit, c'est forcément quelqu'un d'autre qui en aura profité.
Et à quoi les reconnaitra-t-on? Parce qu'ils auront gagné plus que ce que vaut le travail qu'ils fournissent.
Ce ne sont pas des "pompes invisibles", mais des bien des pratiques institutionnalisées (par le privé comme par le public) qu'il s'agit ici de dénoncer. Leur seule invisibilité (peut-être la plus terrible), c'est qu'elles sont devenues si banales qu'on a même du mal à y voir une injustice!
S’il existe des pauvres, deux raisons en sont la cause : soit ils sont peu productifs, soit ils sont volés. Ils ne peuvent pas être volés, par définition, sur le marché (puisque celui-ci est fondé sur le respect sans exception des droits de propriété). En revanche, les hommes de l’Etat pratiquent allègrement et impunément le vol à grande échelle, et les pays les plus pauvres de la planète sont des kleptocraties, où le protectionnisme, la planification, le dirigisme, la fiscalité et autres spoliations et atteintes à la propriété privée sont la règle.
Encore une fois, je suis le premier à reconnaitre que les Etats, tels qu'ils existent, sont loin d'être exemplaires. Mais avant de parler d'atteintes à la propriété privée, il faut d'abord prouver que la propriété de ce dont on est "spolié" était légitime (tiens, encore ce bon vieux 1ier pb). Sinon c'est simplement une forme d'application de la justice.
Quand vous dites :"ils ne peuvent être volés, par définition, sur le marché (puisque celui-ci est fondé sur le respect sans exception des droits de propriété)", je ne peux qu'être en desaccord. Car, en réalité, le marché se moque de savoir si vous êtes le propriétaire légitime de ce que vous échangez. La seule chose qui compte, c'est la valeur marchande de votre produit. Que VOUS vous vouliez introduire le décalogue dans le marché, c'est très bien, mais il n'y existe pas de manière immanente.
Aussi faudrait-il d'abord définir le marché. Voici ce que j'entends par là : c'est le lieu des échanges, où la règle naturelle est celle de l'offre et de la demande. Les libéraux pensent que cette règle suffit pour assurer la justice des échanges. Autrement dit, ce sont les derniers à croire encore en l'existence d'une justice immanente en ce bas monde. C'est assez émouvant, ca aussi.

En réalité, à mon sens, c'est précisément cette règle unique de l'offre et de la demande qui est la mère de tous les vices dans l'économie moderne (car enfin, le monde devient de plus en plus libéral, on ne voit pas qu'il s'améliore - et il faut aussi juger l'arbre à ses fruits).
Pourquoi? Parce que si, comme me le permet la loi du marché, je paie 2 millions d'euros pour un footballeur, par exemple, ou la prestation d'un artiste, ou un verre à pied (peu importe), je me rends coupable d'une injustice.
Comment ? Parce qu'en faisant cela, je rends égal ce qui ne l'est pas : à savoir le travail fourni par le footballeur (ou l'artiste, etc)+l'utilité "vitale" que je peux en avoir, et tout le travail qui a été nécessaire pour produire la richesse équivalente aux 2 millions.
En conséquence, celui qui donne tout cet argent pour cela n'en a pas le droit (il déstabilise la valeur du travail) et celui qui le prend le prend illégitimement - il n'a pas gagné le droit à cette richesse-, et fait donc un vol, même s'il n'en a pas conscience.
Vous voyez, "à chacun le sien", rien de plus.
Et dire "Tu ne voleras pas" me suffit, hélas, aussi bien qu'à vous. Tout est dans l'interprétation du vol (1ier pb) et les moyens que l'on donne pour faire respecter cette interdiction (2ième pb).

J'espère que vous saurez réfuter mes erreurs, et m'expliquer pleinement votre position concernant ces deux problèmes.

Pour ce qui est des actionnaires, je laisse cela pour une prochaine fois.
Je préfère m'assurer d'avoir bien assimilé votre leçon d'économie avant de me lancer dans de nouvelles "élucubrations".

Amicalement,

Renaud
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Message non lu par Renaud » dim. 31 déc. 2006, 16:21

Bonjour Markos,

Bien que je ne dispose que de peu de temps pour aprofondir les propos des uns et des autres, je suis assez d'"accord avec vous dans votre réponse à Christian. Voyez si vous le voulez et le pouvez la rubrique de ce forum: Crédit-Social, elle pourait vous apporter beaucoup. Christian semblr placer le libéralisme, ou plutôt l'ultra libéralisme en "amont" de ses propos, la réponse qu'on pourrait lui faire est qu'il faut d'ABORD chercher le Royaume et le reste nous sera donné par surcroît (dans ce "reste" il y a donc sans doute son cher libéralisme-ultra), sinon ce n'est, le plus souvent, que ratiocinner sans fin.
Le Crédit Social est une justice technique et organique qui se trouve en amont du politique qui, lui, divise et éloigne de l'essentiel.

Christian dit (entre autres):

"Or il est dans l’ADN de l’Etat de produire des lois (comme dans celui d’une entreprise commerciale de générer du profit). Donc l’institution d’Etat, telle qu’elle existe aujourd’hui et depuis le XVIIIème siècle, est nécessairement un obstacle au ‘bien commun’ "

Je ne défends pas du tout l'Etat, mais ce que Christian oublie de dire, car il ne l'a pas repéré, c'est qu'il s'agit de la combinatoire-Etat-Banques ou Banques-Etat (comme on veut). L'énorme malentendu entretenu à souhait est que c'est la finance qui dirige VRAIMENT et non l'Etat ainsi qu'on le fait croire au bon public qui perd hélas son en parlotes stériles pour des élections, etc, etc. Le noeud du problème sous-jacent ici est l'argent. Je l'ai souvent répété ici sur ce forum et, dans la mesure ou les circonsances s'y prêtent, je le répéterai encore

Bon vent

Ave Maria

Renaud

Christian
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Message non lu par Christian » lun. 01 janv. 2007, 13:20

Bonjour Markos,
Je ne suis en effet que votre humble serviteur, et je suis bien heureux d'avoir trouvé en vous un maître. Je bois vos paroles. [Etc, etc.]
D’accord, je mérite votre persiflage. Je ne vous taquinerai plus. :P
Je suis heureux d'apprendre que tous les hommes qui participent au "marché" sont de scrupuleux chrétiens, doués d'assez de discernement pour savoir où commence le vol et où il finit (1ier pb).
Pour ne pas être trop utopiste, il faut bien que quelqu'un ait la fonction d'encadrer le marché par le droit, comme vous le dites. Car jamais le droit ne s'applique tout seul (2ième pb). D'où l'importance et le rôle de l'Etat.
Il existe des moyens, qui sont ceux de toute procédure judiciaire, pour déterminer, ‘au-delà d’un doute raisonnable’ la légitimité d’un droit de propriété : possession, témoignages, contrats, testament, actes de donation… Certes, il peut exister des conflits entre personnes de bonne foi concernant l’interprétation de l’un ou l’autre élément de preuve, et c’est le rôle d’arbitres désignés par les parties de déterminer le bien-fondé d’une revendication.

L’Etat s’est arrogé depuis le Moyen-âge le quasi monopole de dire le droit. Il n’en fut pas toujours ainsi et, aujourd’hui, la tendance, notamment dans le négoce international, est de revenir à des arbitrages privés.
Il me semble que vous confondez le fait et le droit. Je sais bien que les Etats sont souvent iniques voire totalitaires, comme il y a des prêtres pédophiles. Est-ce pour autant qu'il faut demander la fin de tout Etat et de tout prêtrise? Non. Il faut rappeler le droit pour essayer de rectifier le fait. Or, en droit, la loi est ce qui nous protège.
Cette confusion entre le fait et le droit n’est pas la mienne. Votre exemple des prêtres pédophiles le manifeste. Car la pédophilie n’est pas inscrite dans le droit canon ni dans la pratique de l’Eglise, et l’on peut donc en appeler à l’institution elle-même contre ses membres qui la trahissent.

En revanche, les violences militaire, policière et fiscale sont bien les caractéristiques de cette institution particulière qu’on appelle l’Etat. Elles le définissent même. Par exemple, à la suite de Max Weber, nous pouvons dire que l’Etat est l’institution qui "exerce le monopole de la violence légale sur un territoire donné". A qui donc en appeler contre lui ? :?:

Le libéralisme s’oppose à toutes les autres pensées politiques en affirmant qu’il existe des règles supérieures à la volonté des gouvernants et à celle des majorités démocratiques. Ces règles sont universelles ; elles ne dépendent pour leur application ni de la culture, ni de l’Histoire, ni du niveau de développement économique des populations. Elles se cristallisent dans le Droit de propriété de chaque être humain sur son corps et ses biens. La seule fonction légitime d’un gouvernement est de les faire respecter et, ce qui est plus difficile, de les appliquer à lui-même. Tellement difficile d’ailleurs.que nombre de libéraux (j’en suis) concluent à l’impossibilité de restreindre les hommes de l’Etat à cette seule fonction (pas plus qu’on ne pourrait empêcher les entrepreneurs de développer leur affaire ou les écrivains d’écrire et les musiciens de composer).

Car si certains êtres humains choisissent le service de l’Etat, c’est qu’ils y croient. Ils souhaitent donc le renforcer, accroître leurs propres responsabilités à travers une intervention toujours plus développée de leur administration. Comme cette intervention est toujours imposée (c’est la nature de la bête), même à ceux qui n’en veulent pas et qui n’ont agressé personne, elle est nuisible. Quelque baguette magique que l’on utilise, le crapaud de l’Etat ne pourra jamais devenir un prince charmant.
Vous me dîtes : aujourd'hui on rémunère le service rendu. Je vous dis : le revenu devrait être à la hauteur du travail. ==> Où voyez-vous que vous m'objectez quelque chose? Prouvez moi qu'il est juste que ce soit le service que l'on rémunère et non le travail. Là, je pourrai me sentir concerné.
Le service (ou produit) pour être fourni peut demander plus ou moins de travail (qui n’est pas réductible au temps passé). Pour l’acheteur, peu importe cette quantité de travail. Il achète ce qui lui convient au meilleur rapport qualité/prix (compte tenu de l’information dont il dispose et de son environnement : par exemple, même si je sais que la boîte de haricots coûte 5 centimes de moins au bout de la rue, je préfère me fournir en bas de chez moi).

En d’autres termes, le marché ne rémunère pas des êtres humains, mais des services rendus et des produits finis. Marx avait correctement perçu ce phénomène qu’il appelle marchandisation, mais il avait tort de le condamner moralement. Car il est de notre intérêt à tous, et c’est en même temps conforme à la justice, de ne considérer ni le mérite, ni la personne, en rémunérant le produit.

- C’est de notre intérêt à tous : par exemple, il est très méritant et cela réclame un immense travail de construire un barrage à mains nues, mais ceux là-bas qui attendent l’électricité préfèreraient qu’on utilise des bulldozers. Chaque produit que nous utilisons contient moins de travail que son prédécesseur, libérant ainsi de la main d’œuvre pour la fabrication de nouveaux produits. :clap:

- C’est conforme à la justice : notamment en évitant les jugements subjectifs, les appréciations personnelles et le favoritisme dans les rémunérations. Qui est le plus méritant, dites-moi, ce plombier qui est bon père de famille et gentil, mais qui a hérité le fonds de commerce de son père, ou cet autre, qui travaille dur, qui a monté son affaire lui-même, mais qui joue aux cartes son salaire et ignore sa femme et ses gosses ? Heureusement, la plupart des gens n’entreront pas dans ce débat sur le mérite et passeront leur commande à celui qui offre la meilleure prestation au plus bas coût.

En réalité, nous, qui ne sommes pas des robots calculateurs, achetons souvent un service cher parce qu’il est fourni par un ami, ou certains produits de mauvaise qualité, parce qu’ils proviennent de régions du monde qui nous sont sympathiques, etc. Cette démarche est légitime dans la mesure où nous en supportons nous-mêmes les conséquences. Ce qui n’est pas légitime est de les faire supporter à d’autres. Par exemple, le protectionnisme, qui condamne les habitants d’un pays à acheter des produits chers et de qualité inférieure sous prétexte qu’ils sont ‘nationaux’, est une pénalité contre les consommateurs, est un mauvais service rendu aux producteurs et une agression contre les fournisseurs étrangers, souvent plus pauvres.

si certains se retrouvent sous-payés pour le travail qu'ils fournissent, c'est que la richesse qu'ils ont produit s'est retrouvé ailleurs que là où elle devait être. Autrement dit, c'est forcément quelqu'un d'autre qui en aura profité.
S’ils se retrouvent sous-payés, c’est pour deux raisons : soit que les hommes de l’Etat ont confisqué une partie de la vente de leur travail (cas des pays socialistes) ; soit que le travail qu’ils ont fourni n’était attendu par personne, ou par peu d’acheteurs (par exemple, les mineurs de fond fournissent un dur travail, mais peu de gens souhaitent acheter du charbon).

Vous essayez à tort d’établir un lien entre la propriété d’un bien et le prix de ce bien sur le marché.

Illustration : Je suis propriétaire de mon corps, et donc de mon travail qui n’est que l’exercice de ce corps, et partant, je deviens propriétaire des objets matériels produits par ce travail. Ainsi mon travail de menuisier m’amène à fabriquer une chaise de style Louis XV et une jambe de bois. Cette chaise et cette prothèse m’appartiennent bien, mais pas leur valeur. Comment leur valeur sur le marché pourrait-elle m’appartenir puisqu’elle est la production des acheteurs potentiels ? Si personne n’est unijambiste et personne n’aime le style Louis XV, les objets continueront de m’appartenir, mais leur prix sera celui du bois de chauffage. Mon travail n’aura produit aucune valeur. Il est juste qu’il ne soit pas payé.

Conclusion : un travail quelconque n’a de valeur que s’il est placé au service de quelqu’un, d’un client, qui évalue suffisamment le produit de ce travail pour vouloir sortir des sous de sa poche et le payer. Mais se mettre au service d’autrui, dépendre d’autrui pour notre rémunération, est un exercice d’humilité. Etre au service d’autrui, comme le réclame le marché, est refusé absolument par ces gens qui font partie du "service public" et qui prétendent être payés même, et surtout, lorsque leur travail ne sert à personne, ou lorsque leur rémunération est largement surévaluée par rapport à celle qu’ils recevraient si les gens avaient la permission de refuser leur service (c’est bien pour cela d’ailleurs que ces employés du "service public" ne veulent pas que nous ayons le choix d’autres fournisseurs).
ils auront gagné plus que ce que vaut le travail qu'ils fournissent.

Ce ne sont pas des "pompes invisibles", mais des bien des pratiques institutionnalisées (par le privé comme par le public) qu'il s'agit ici de dénoncer. Leur seule invisibilité (peut-être la plus terrible), c'est qu'elles sont devenues si banales qu'on a même du mal à y voir une injustice!
On ne voit pas ici d’injustice parce qu’elle n’existe pas. La meilleure preuve que Marx avait tort en croyant que le travail est créateur de valeur nous fut donnée paradoxalement par l’URSS elle-même. Des millions de stakhanovistes travaillèrent comme des esclaves pour arracher à la terre du bon minerai de cuivre et de l’excellent pétrole et le transformer en fils de cuivre et en plastiques invendables. Des économistes ont même calculé dans les années 90 que si les Soviétiques avaient fermé toutes leurs usines et s’étaient contentés de vendre leurs matières premières, leur niveau de vie eut été supérieur. Autant pour la valeur/travail.

Et donc si le travail est justement déconnecté de la rémunération, il n’y a aucune injustice à rémunérer peu (ou pas du tout) celui qui travaille beaucoup lorsque son travail n’est utile à personne, pas plus qu’à rémunérer beaucoup celui qui travaille peu, mais qui trouve dans son occupation quelques quidams disposés à faire sa fortune.

Ainsi la justice ne réside pas dans la quantité de travail fourni, mais dans le consentement de celui qui le fournit et de celui qui l’achète. S’ils sont d’accord sur une rémunération, cette rémunération est juste par nature. Qui pourrait légitimement prétendre en décider à leur place ? (Celui-là n’a qu’à acheter plus cher lui-même le service).

En revanche toute rémunération, fut-ce celle du plus humble douanier, est injuste par nature lorsqu’elle est extorquée à des gens qui ne veulent pas la payer et pour un service qu’ils n’ont pas demandé (le test est de savoir qui paierait ce douanier si les gens étaient libres de ne le pas payer).
Quand vous dites :"ils ne peuvent être volés, par définition, sur le marché (puisque celui-ci est fondé sur le respect sans exception des droits de propriété)", je ne peux qu'être en desaccord. Car, en réalité, le marché se moque de savoir si vous êtes le propriétaire légitime de ce que vous échangez. La seule chose qui compte, c'est la valeur marchande de votre produit. Que VOUS vous vouliez introduire le décalogue dans le marché, c'est très bien, mais il n'y existe pas de manière immanente.
Là, vous avez tout faux. Moralement et en pratique.

Moralement parce que peu de gens décident de spolier autrui et se rendre coupables d’un recel. En pratique, parce que le légitime propriétaire risque de se faire connaître et réclamer son bien. JE ne veux donc pas "introduire le décalogue dans le marché", il y est déjà. Il est la règle du marché.
si, comme me le permet la loi du marché, je paie 2 millions d'euros pour un footballeur, par exemple, ou la prestation d'un artiste, ou un verre à pied (peu importe), je me rends coupable d'une injustice.
Comment ? Parce qu'en faisant cela, je rends égal ce qui ne l'est pas : à savoir le travail fourni par le footballeur (ou l'artiste, etc)+l'utilité "vitale" que je peux en avoir, et tout le travail qui a été nécessaire pour produire la richesse équivalente aux 2 millions.
En conséquence, celui qui donne tout cet argent pour cela n'en a pas le droit (il déstabilise la valeur du travail) et celui qui le prend le prend illégitimement - il n'a pas gagné le droit à cette richesse-, et fait donc un vol, même s'il n'en a pas conscience.
Vous voyez, "à chacun le sien", rien de plus.
Encore une fois, votre raisonnement est vicié en fondant la rémunération sur le travail fourni. Le mauvais footballeur parcourt autant de longueurs de terrain que le bon, il sue et souffle et peine autant, il participe à tous les entrainements. Mais il ne marque pas de but. Il est donc payé moins. Ou pas du tout.
J'espère que vous saurez réfuter mes erreurs, et m'expliquer pleinement votre position concernant ces deux problèmes.
J’espère vous avoir satisfait. :)

Bonne année.

Christian





[align=center]En recevant leur rémunération, les ouvriers qui travaillaient depuis le point du jour murmuraient contre le patron :
"Les derniers venus n’ont travaillé qu’une heure, et tu les traites comme nous qui avons supporté le poids du jour et la grosse chaleur."
Mais il répliqua : ‘Mes amis, je ne vous fais pas de tort.
N’étions-nous pas convenus d’un denier d’argent pour salaire ?
Emportez ce qui est à vous et allez-vous-en.
Je veux donner aux ouvriers qui ont peu travaillé autant qu’à vous.
Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux de mon bien ?’

Mt 20, 11-15[/align]

Markos
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Message non lu par Markos » mar. 02 janv. 2007, 4:12

Bonjour Christian,

Je vais essayer de m'en tenir d'abord à quelques points essentiels pour que l'on puisse approfondir l'examen de nos divergences, et donc des problèmes.
Christian a écrit : L’Etat s’est arrogé depuis le Moyen-âge le quasi monopole de dire le droit. Il n’en fut pas toujours ainsi et, aujourd’hui, la tendance, notamment dans le négoce international, est de revenir à des arbitrages privés.
Nous sommes donc bien d'accord le problème sera de savoir à qui il revient de dire le droit, et de le faire appliquer. Mais me citer des exemples de fait ne me convaint pas sur le droit. Ce n'est pas parce que les arbitrages privés se pratiquent dans le négoce international que cela prouve qu'il est meilleur.
Mais je ne vais pas me battre avec vous pour savoir qui pourra mieux dire ou assurer le droit, du public ou du privé, parce qu'avant cela il faudrait se mettre d'accord sur ce qu'est le droit et ce qui est juste.
Au fond, dans un premier temps, peu m'importe que le privé arbitre, s'il arbitre bien.
Or c'est sur la définition même de la justice économique que nous ne sommes plus d'accord.

J'ai avec vous deux points d'accord :

1) Tout travail n'est pas nécessairement rémunéré.
2) Si le marché est juste par essence, l'Etat n'a pas à intervenir sur les questions économiques (puisque la seule raison d'être légitime de l'Etat que je lui reconnaisse est de garantir la justice).

Sur le premier point :
C'est à ce propos que vous dites que certains ne sont pas payés de leur travail parce qu'ils fournissent un produit qui n'était voulu par personne.
Ici donc, je suis d'accord avec vous.
Mais je vous fais simplement remarquer que nous parlions des bienfaits du marché comme lieu d'échanges. Or pour qu'il y ait échange, il faut qu'il y ait les deux parties. Et c'est dans ce cadre, à l'intérieur du marché, que je dis qu'il faut que celui qui donne recoive autant qu'il a donné pour que l'échange soit juste. Tant que le travailleur ne vend pas son bien, tant qu'il reste donc "aux portes du marché", il est normal qu'il ne recoive rien. Mais lorsque l'échange a effectivement lieu, c'est là qu'il faut examiner si cet echange est juste.

D'où le second point :
Je récuse, vous l'aurez compris, votre hypothèse : le marché est juste par essence.
Cela reviendrait à dire que tout échange est forcément juste, dès lors que l'acheteur et le vendeur sont parvenus à un accord (ce que vous dites parfaitement).
Tout le problème, c'est que la justice ne dépend pas de notre volonté, mais nous devons nous y soumettre (comme à la vérité). Je peux vouloir échanger deux billets de 20 euros pour un billet de 10 (parce que je suis un peu idiot). Cela ne fera pas de mon échange un échange juste.
Autre exemple : nous sommes sous l'occupation, avec restriction des vivres. Quelques épiciers ont encore du beurre à vendre. Selon la loi du marché, il est normal qu'ils le vendent aux plus offrants, même si (et surtout si) ils trouvent acquéreur à 100 euros la motte. Mais cela serait-il juste?
La justice d'un échange, c'est que celui qui donne recoive l'équivalent de ce qu'il a donné.
Or pour calculer le prix d'un objet, il faut prendre en compte le prix des matières premières sur lequel le travail a été effectué, évidemment, et la valeur du travail fourni.
De cette manière, la richesse effective que les personnes peuvent accumuler provient bien de leur travail, et non de la speculation qu'elles ont pu faire sur le travail d'autrui (ce qui est du vol).
[Et vous ne semblez pas comprendre que l'on peut spolier autrui sans s'en rendre compte, simplement en pratiquant un échange injuste, mais socialement admis. Car notre conscience du mal dépend de bien des facteurs..]. Et de cette manière aussi, on évite les jugements subjectifs ou les "accords" sous la pression des événements ou des rapports de force.

Les exemples que vous donnez ne changent rien à cela :
Ceux qui veulent faire un barrage à main nu, personne ne les en empêche, mais personne n'est obligé de le leur acheter/commander. En revanche si quelqu'un le leur commande ou le leur achête, cad dès qu'ils sont entrés sur le marché, l'echange doit être juste, et l'acheteur ne peut pas demander le même prix que pour ceux qui le font grâce à des bulldozers (d'où l'intérêt des devis).
Personne n'est obligé d'engager un mauvais footballeur. Et, à la limite, si on réduit le sport au résultat, et que l'on fait d'une équipe une machine à gagner, le travail que l'on attend d'eux est qu'ils marquent des buts. S'ils ne le font pas, l'échange promis (travail attendu-revenu) n'est pas celui obtenu (course sans buts à la clef - revenu), et il devrait pouvoir être dénoncé.
Un peu à la manière dont on dénoncerait un plombier qui n'a pas fait correctement son travail, pour en être remboursé. Cela n'est pas dû au fait que ce n'est pas le travail (et les matières premières) que l'on rémunère, mais au fait que l'échange ne fut pas celui promis, et qu'il y eut donc injustice.

Voilà pour ce qui est essentiel, selon moi, pour le moment.



Pour le reste, quelques remarques:
Cette confusion entre le fait et le droit n’est pas la mienne. Votre exemple des prêtres pédophiles le manifeste. Car la pédophilie n’est pas inscrite dans le droit canon ni dans la pratique de l’Eglise, et l’on peut donc en appeler à l’institution elle-même contre ses membres qui la trahissent.
En revanche, les violences militaire, policière et fiscale sont bien les caractéristiques de cette institution particulière qu’on appelle l’Etat. Elles le définissent même. Par exemple, à la suite de Max Weber, nous pouvons dire que l’Etat est l’institution qui "exerce le monopole de la violence légale sur un territoire donné". A qui donc en appeler contre lui ? :?:
==> Vous a-t-on déjà parlé de la séparation des pouvoirs, de la police des police, etc.? Evidemment, je ne dis pas que cela fonctionne toujours comme il le faudrait, mais l'exigence de l'existence des mêmes lois pour tous (c'est la raison d'un Etat comme arbitre commun à qui l'on confie l'usage de la force) est le premier pas pour cela. Les policiers n'ont pas le droit d'abuser de leur pouvoir, comme les prêtres n'ont pas le droit de commettre ces actes.
Si on s'en remet aux vendetta personnelles, et aux lois particulières en fonction des quartiers, des tribus ou des clans, sera-ce mieux?
En outre, dans une démocratie, même fortement cloisonné, on ne peut pas dire que tout nous échappe.
Je ne vous dis pas cela pour vous convaincre que l'Etat est un bien, mais il me semble que l'on devrait au moins admettre que c'est un moindre mal

Le libéralisme s’oppose à toutes les autres pensées politiques en affirmant qu’il existe des règles supérieures à la volonté des gouvernants et à celle des majorités démocratiques. Ces règles sont universelles ; elles ne dépendent pour leur application ni de la culture, ni de l’Histoire, ni du niveau de développement économique des populations. Elles se cristallisent dans le Droit de propriété de chaque être humain sur son corps et ses biens. La seule fonction légitime d’un gouvernement est de les faire respecter et, ce qui est plus difficile, de les appliquer à lui-même. Tellement difficile d’ailleurs.que nombre de libéraux (j’en suis) concluent à l’impossibilité de restreindre les hommes de l’Etat à cette seule fonction (pas plus qu’on ne pourrait empêcher les entrepreneurs de développer leur affaire ou les écrivains d’écrire et les musiciens de composer).
==> Vous voyez qu'il n'y a pas que le libéralisme. Je ne suis pas libéral et j'affirme qu'il y a des rêgles supérieures à la volonté de tout le monde! Simplement, je ne suis pas d'accord pour dire que ces règles sont immanentes au marché (de même que la justice n'est pas immanente dans les relations humaines en général). D'où le rôle de l'Etat.
Car si certains êtres humains choisissent le service de l’Etat, c’est qu’ils y croient. Ils souhaitent donc le renforcer, accroître leurs propres responsabilités à travers une intervention toujours plus développée de leur administration. Comme cette intervention est toujours imposée (c’est la nature de la bête), même à ceux qui n’en veulent pas et qui n’ont agressé personne, elle est nuisible. Quelque baguette magique que l’on utilise, le crapaud de l’Etat ne pourra jamais devenir un prince charmant.
==> Si l'Etat est juste il ne peut s'imposer avec injustice, car il n'y a évidemment pas d'injustice à imposer ce qui est juste. Je comprendrais donc que vous réclamiez la justice dans l'Etat, mais en-dehors d'un Etat, comme vous le faites, cela me semble impossible et même, excusez-moi, absurde.
Car il y a Etat à partir du moment où une assemblée, un clan ou une organisation a les moyens de faire appliquer ses lois et les faire admettre au plus grand nombre.
Détruisez un Etat, et celui qui aura alors le plus force en instaurera un autre (non sans créer parfois des divisions). En ce sens, je peux même vous préter une image péjorative (pour vous montrer que je ne suis pas forcément opposé à ce que vous dite) : l'Etat est un peu comme une hydre, pour une tête que vous coupez, il en repousse deux.
Il est donc possible de bannir le mot "Etat". Il n'est pas possible d'en nier la réalité, car il y aura toujours des gens plus puissants que d'autres et qui voudront s'imposer par cette puissance.
Toute la question ne doit donc pas tourner autour du "Etat" ou pas "Etat", mais comment faire un Etat juste (autrement dit comment faire pour que le pouvoir n'existe que pour faire respecter la justice par tous)?

Ainsi mon travail de menuisier m’amène à fabriquer une chaise de style Louis XV et une jambe de bois. Cette chaise et cette prothèse m’appartiennent bien, mais pas leur valeur. Comment leur valeur sur le marché pourrait-elle m’appartenir puisqu’elle est la production des acheteurs potentiels ? Si personne n’est unijambiste et personne n’aime le style Louis XV, les objets continueront de m’appartenir, mais leur prix sera celui du bois de chauffage. Mon travail n’aura produit aucune valeur. Il est juste qu’il ne soit pas payé.
===> L'exemple est très bien trouvé et permet de clarifier certaines choses :
Selon ce que je vous ai expliqué, la valeur marchande d'un objet (son prix) n'est pas le produit de ses acheteurs potentiels. L'apparition d'acheteurs n'a qu'un seul effet : le fait que l'objet possède désormais une valeur marchande (ils se proposent de l'acheter - donc de l'échanger contre de l'argent). Mais ce n'est pas à eux d'en fixer le montant (car la justice de l'échange ne dépend pas de leur volonté ni même de celle du vendeur).

On ne voit pas ici d’injustice parce qu’elle n’existe pas. La meilleure preuve que Marx avait tort en croyant que le travail est créateur de valeur nous fut donnée paradoxalement par l’URSS elle-même. Des millions de stakhanovistes travaillèrent comme des esclaves pour arracher à la terre du bon minerai de cuivre et de l’excellent pétrole et le transformer en fils de cuivre et en plastiques invendables. Des économistes ont même calculé dans les années 90 que si les Soviétiques avaient fermé toutes leurs usines et s’étaient contentés de vendre leurs matières premières, leur niveau de vie eut été supérieur. Autant pour la valeur/travail.


==> Dans ce cas, l'erreur des Russes fut de ne pas comprendre que se spécialiser dans un travail n'avait d'intéret que s'il pouvait faire l'objet d'un échange. C'est parce qu'ils n'ont pas pu l'échanger que leur travail n'a été que du gaspillage, puisque ce fut un travail inutile.
Mais si je cultive mon champs pour en obtenir de quoi manger, je suis riche d'autant, même si je n'échange rien et n'entre pas sur le marché de ce point de vue. Donc c'est bien le travail qui crée de la richesse. Mais je vous accorde une précision : la richesse provient du travail utile.

En revanche toute rémunération, fut-ce celle du plus humble douanier, est injuste par nature lorsqu’elle est extorquée à des gens qui ne veulent pas la payer et pour un service qu’ils n’ont pas demandé (le test est de savoir qui paierait ce douanier si les gens étaient libres de ne le pas payer).
==> Il y a des services qui sont nécessaires dès lors que l'Etat existe, pour le faire survivre. Si l'existence d'un Etat est une erreur, je vous accorde que l'existence des services qui le maintiennent en est une aussi. Mais si l'existence d'un Etat est une nécessité, alors l'existence de ces services l'est aussi, et il n'y a pas d'injustice à les financer. (Même si on peut débattre sur les moyens de financement). Je suis évidemment du second avis.

Moralement parce que peu de gens décident de spolier autrui et se rendre coupables d’un recel. En pratique, parce que le légitime propriétaire risque de se faire connaître et réclamer son bien.
===> J'ai déjà répondu : vous êtes trop optimiste. On peut commettre une injustice sans s'en apercevoir - et sans que celui qui la subit ne puisse rien faire - dès lors que la pratique est banalisée et socialement admise. Beaucoup de tribus ici ou là trouvent encore qu'il est juste de lapider des femmes adultères.


Bonne année à vous aussi,

Amicalement,
Dernière modification par Markos le mar. 02 janv. 2007, 4:28, modifié 1 fois.

Markos
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Message non lu par Markos » mar. 02 janv. 2007, 4:33

Bonjour,
Renaud a écrit : Bien que je ne dispose que de peu de temps pour aprofondir les propos des uns et des autres, je suis assez d'"accord avec vous dans votre réponse à Christian. Voyez si vous le voulez et le pouvez la rubrique de ce forum: Crédit-Social, elle pourait vous apporter beaucoup.
Merci beaucoup pour votre conseil.
J'ignorais tout du crédit social. Je n'ai pas encore eu le temps de lire les explications dans le détail mais j'ai l'impression que s'y exprime en grande partie ma position! :)

Bonne année,
Amicalement,

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