Brindille a écrit :Le "Si seulement, j'avais ..." doit être obsédant et funeste pour ceux qui restent.
D'accord, mais quel est le rapport avec le droit pénal et la procédure pénale ?
Ce terme de "victimologie" que vous employez, a un écho péjoratif ( c'est mon impression) alors que les victimes, toutes les victimes, doivent avoir notre plus profond respect, notre compassion.
Je n'ai jamais nié cela. Simplement, il ne me semble pas souhaitable que la volonté ou le ressenti de la victime ait une influence dans la procédure pénale, la phase de jugement et l'exécution de la peine. N'oublions pas que le but de la peine infligée à l'infracteur n'est pas d'apporter une compensation à la victime ; cela revient au droit civil. De toute façon, la Cour de cassation retient déjà une solution favorable pour l'indemnisation du préjudice des victimes dans le cadre de l'action civile, c'est-à-dire la phase consacrée à l'indemnisation des victimes, éventuellement au sein d'une instance pénale.
Simplement, le mouvement actuel du droit pénal me semble suspect. Par exemple, la grande réforme de la procédure pénale de 2007 a créé l'article 131-8-1 du Code pénal qui prévoit la peine de sanction-réparation, laquelle consiste dans l'indemnisation de la victime. Or, pour qui est familier du droit civil et du droit pénal, il est choquant de constater que l'indemnisation puisse être considérée comme une peine alors même qu'elle est justement la raison d'être de ce que l'on nomme la responsabilité civile délictuelle, c'est-à-dire l'attribution de dommages et intérêts à une personne pour un préjudice qui lui a été causé. Plus simplement, une peine ne sert pas à indemniser et une indemnisation ne sert pas à punir.
La culpabilité naturelle pour toute personne responsable, doit être combattu et cela commence par le transfert de la responsabilité sur le coupable quand il est identifié... Sans coupable reconnu par la société, le coupable relâché, les victimes restent seules avec leur intime culpabilité. C'est profondément "injuste" et c'est la "justice" qui est en cause !!
Cela existe depuis toujours et s'appelle la responsabilité pénale. Cela signifie qu'une personne ayant commis une infraction pourra faire l'objet d'une déclaration de culpabilité et voir prononcer contre elle une peine. Cependant, pour certaines raisons, l'existence de la responsabilité pénale ne fait pas échec à une exemption de peine, lorsque cela est justifié. Pour autant, cela ne signifie pas que la victime ne pourra pas être indemnisée sur le terrain du droit civil.
Je ne parle pas "indemnités" car je pense que rien je peux remplacer un être aimé.
Alors que proposez-vous à la place ?
Je pense que c'est une bonne chose que les victimes ne soient pas exclues du pénal et vous trouvez qu'il s'agit d'une dérive...
Le droit pénal, s'il fait partie du droit privé dans le système juridique et judiciaire français, n'en est pas moins un droit qui engage l'État et la société. Il ne s'agit pas d'une pure relation privée, comme c'est le cas dans un contrat. Ce sont les valeurs sociales du peuple français qui sont atteintes, et non seulement l'intégrité de la victime. C'est bien pour cette raison qu'une peine est prononcée par une juridiction pénale (ou une mesure de sûreté...) et que la victime n'a pas part à ce processus.
L'avis du délinquant importe-t-il ?
Normalement non. Pourtant on s'aperçoit que les dernières réformes le prennent en compte. L'avis de la personne poursuivie peut influer sur la procédure pénale : par exemple la comparution immédiate sur reconnaissance de culpabilité préalable, ou encore la possibilité de refuser certaines peines comme le stage de citoyenneté ou le travail d'intérêt général. C'est une dérive là aussi. Une peine que l'on peut refuser n'est, à mon sens, pas une peine.
En ce cas, comment expliquez-vous que l'assassin du jeune Censier et ses complices soient libres
Il s'agit avant tout de questions relatives à la procédure pénale. C'est moralement choquant mais juridiquement possible.
que l'assassin de la jeune Agnès avait purgé juste avant le drame, 4 mois de préventive à la suite d'une tentative de viol avec préméditation et il se retrouvait "dans la bergerie"
La détention provisoire (et non préventive) n'est pas une peine. Le problème n'est pas tant le prononcé de la peine que l'exécution : le budget de la justice est dérisoire. Ce n'est pas la faute des magistrats qui, par ailleurs, reçoivent des instructions de la chancellerie.
Théophane a écrit :
Oui, sans doute, mais encore une fois le but du droit pénal est la punition du coupable et non la prise en compte des intérêts de la victime.
Il ne s'agit pas que "des intérêts de la victime" mais de l'intérêt de la société que les juges sont censés protéger !!
C'est ce que font les juridictions répressives en France. Vous n'avez jamais assisté à une audience d'un Tribunal correctionnel ?
Je pense au contraire que l'impunité des magistrats est un danger pour la Justice !
Pourquoi jouïraient-ils d'une impunité quand toutes les autres professions sont responsables de leurs actes...
Impunité ? Vous parlez des juges comme s'ils étaient des délinquants. Le juge n'a pas à engager sa responsabilité dans l'exercice de ses fonctions.
Je pense par exemple à l'erreur médicale qui elle, est punie par la loi .
Une erreur n'est jamais punie par la loi. Pour qu'une peine soit prononcée, il faut une déclaration de culpabilité, donc un élément moral, une volonté de commettre l'infraction ou, du moins, une faute. C'est ce qu'exprime l'adage
nullum crimen sine culpa, pas de crime sans faute. C'est pour cela justement que le Conseil constitutionnel s'oppose aux pures infractions matérielles, qui ne seraient caractérisées que par des faits et non par une intention criminelle. Pour en revenir à la faute médicale, elle n'est pas comparable. En outre, dans la majorité des cas, elle ne donne lieu à réparation que sur le terrain de la responsabilité civile (éventuellement contractuelle si l'on estime que le lien qui unit le médecin au patient est un contrat).