Le 14 septembre dernier, s'est déroulé un événement fort discret qui ne semblait pas suffisamment médiatique pour que l'on s'y intéresse. Il m'a semblé qu'au contraire il pouvait être important de le mettre en avant.
Cet événement concerne la fondation The Atlantic Philanthropies (TAP), l’une des plus grandes fondations privées au monde, créée en 1984 par Chuck FEENEY. Ce nom ne dit peut être pas grand chose, et c'est bien normal. A l'instar de ce qu'il a voulu pour TAP ses actions se voulaient anonymes ou très discrètes.
Alors qui est ce Chuck Feeney ?
Précisons tout d'abord qu'il est un américian-irlandais catholique et que cet homme est devenu richissime en cofondant les Duty Free Shoppers (DFS) dans les année 60; ce sont ces magasins détaxés qui se trouvent dans les aéroports.
Bien qu'il ait toujours été un généreux donateur, c'est dans les années 80 qu'il donne l'intégralité de sa participation à DFS à sa fondation pour financer des projets sans que personne ne soit au courant; obligeant même les bénéficiaires à ne pas révéler les sources de ces dons mais aussi à devoir les convaincre que cet argent ne venait pas de la mafia.
C'est lorsque son associé principal (Robert Warren Miller, un autre milliardaire) veut s'opposer à la vente de participations de DFS - par des actionnaires minoritaires au groupe LVMH - qu'on découvrira que celles de Feeney ne lui appartenaient plus. A partir de ce moment, se termine le réel anonymat voulu par lui.
On estime à 8 milliards de dollars les contributions diverses de Feeney à des universités et à des organismes de bienfaisance du monde entier de façon anonyme, ce qui n’est pas le cas de tous les philanthropes fortunés.
Certains d'entre eux, grands donateurs médiatisés tels que Bill Gates ou Jeff Bezos, sont admiratifs devant Feeney qui donna dans la discrétion la plus absolue; le qualifiant même comme étant "leur héros". Feeney reçoit aussi l'hommage du célèbre magazine économique Forbes.
Considéré comme un homme frugal, il vit à Chicago dans un deux pièces loué, se déplace en bus et en car car il ne possède pas de voiture, vol en classe économique, prend ses repas dans une taverne Irlandaise et possède une montre à 10-15 dollars.
L'objectif de Feeney était de mourir fauché, cet objectif s'est réalisé le 14 septembre lorsque TAP a offert ses derniers millions de dollars, entraînant ainsi la fermeture de ses portes selon un calendrier établi de longue date.
Bon, quand Forbes indique qu'il est fauché il faut voir cela à son échelle. Feenley dit qu'il pèserait encore 2 millions de dollars pour pourvoir à ses frais de santé, ceux d'un homme de 89 ans dans un pays qui n'a pas de réelle couverture santé.
Pour cerner un peu plus l'homme je me suis mis à la recherche de citations qui lui sont attribuées :
Pourquoi avoir parlé de cet homme ? Tout d'abord on a toujours tendance à rendre hommage à quelqu'un à titre posthume, il est aussi bien de le faire alors qu'il est encore vivant."je suis heureux quand ce que je fais aide les gens et malheureux quand ce que je fais n'aide pas les gens."
"Les gens qui ont de l'argent ont une obligation. Je ne dirais pas que j'ai le droit de leur dire quoi en faire mais de l'utiliser à bon escient."
"Je ne peux pas penser à une utilisation de la richesse plus personnellement gratifiante et plus appropriée que de donner pendant que l'on vit."
"Si je peux obtenir une montre pour 15$ qui donne l'heure parfaitement, qu'est-ce que je ferais avec une Rolex?"
Et aussi parce qu'on médiatise le patron d'Amazon ou l'ancien de Microsoft quand ils font une donation, il me paraissait normal de parler de cet homme dont la vie est un témoignage non tourné vers lui-même.
Même si en grattant on trouvera toujours à redire sur sa vie, la façon dont il l'a vécu me saisit, m'interroge. Elle me ramène tout naturellement vers la parabole du jeune homme riche (Marc 10, 17-22) qui lui n'a pas su se défaire de ses grands biens.
Le riche n'est pas fatalement coupé du Royaume des Cieux, Il est possible de Chuck Feeney l'ait compris et qu'il ait voulu suivre le conseil de Jésus (que j'ai choisi pour titre de ce sujet) au travers de l'enseignement de Luc (chap. 12) : "Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.".
J'espère que tout comme moi vous avez eu plaisir à découvrir, même très rapidement, la vie de cet homme.