J'ignore si je suis dans la bonne rubrique. Désolée si ce n'est pas le cas.
Je voudrais vous faire lire un article de Luc Ferry, qui est paru le 9 aout sur le Figaro.
Il s'intitule "La gauche et l'argent : moins de riches, plus de pauvres!"
Attention, il faut lire l'article avant de le replacer ailleurs si nécessaire...
Pour moi, ce titre est racoleur et ne révèle pas la teneur de l'article
Je le recopie en le mettant sous poiler pour une raison très précise
je ne veux pas influencer votre appréciation.
Et je voudrais savoir ce que vous en pensez...
Sous le spoiler... la page !
- [+] Texte masqué
- [center]
"La gauche et l'argent :
moins de riches, plus de pauvres!"[/center]
Alors que dans les traditions protestante et juive, le scandale n’est pas la richesse mais la pauvreté, la religion catholique eut toujours tendance à répandre la conviction inverse : la pauvreté, fardeau ici-bas, est une des clefs du Royaume, le riche ayant moins de chance d’y entrer qu’un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Il semble hélas qu’une certaine gauche n’ait retenu de la religion que ce catéchisme étroit.
La taxation à 75 % et la contribution spéciale sur le patrimoine sont non seulement punitives, mais elles ne sont pas « durables ». Les chefs d’entreprise qui, à l’image d’un François Pinault, ont voté à gauche par exaspération, peuvent certes comprendre que le gouvernement soit contraint de recourir à des hausses d’impôts pour financer ses engagements de campagne. Mais elles ne sauraient être que provisoires. La logique du « tax and spend » (on taxe et on dépense) a ses limites et il est urgent de les fixer, faute de quoi, c’est à un exode massif de la richesse qu’on va assister.
Le problème, c’est que la haine de l’argent et le mépris de la libre entreprise viennent de loin. Ils ne s’enracinent pas seulement dans la religion, mais prennent leur source au plus profond de l’imaginaire révolutionnaire français. Dans la conception robespierriste du « gouvernement de la vertu », seule l’action totalement pure et désintéressée peut être dite moralement bonne. Par contraste, la société civile, lieu du commerce et de l’économie privée, n’est pas seulement suspecte, mais par essence mauvaise et corrompue puisqu’en elle, c’est la logique des intérêts qui règne en maître.
À l’opposé, le monde anglo-saxon a développé une éthique de l’intérêt bien compris. Elle apparaît dès La Fable des abeilles de Mandeville (1714), dont le sous-titre, Vices privés, vertus publiques, donne le ton : c’est paradoxalement par la poursuite des intérêts les plus égoïstes que se réalise le bien commun. Non sans humour, Mandeville imagine une ruche où les abeilles, vicieuses jusqu’au bout des ailes, ne font que poursuivre leurs fins les plus ignobles. Au passage, il offre un tableau au vitriol de la société anglaise : les gens comme il faut, avocats, politiques ou banquiers, ne sont qu’abominables tartuffes visant exclusivement leurs intérêts les plus étroits. Du point de vue de l’ensemble, toutefois, cela marche fort bien. Les bourgeois, avides de luxe, font vivre drapiers, tisserands, marins et serviteurs à foison. Au bout du compte, cette ruche pleine de péchés et d’inégalités est insolemment prospère. Du moins jusqu’au jour où la plus corrompue et la plus hypocrite des abeilles invoque Jupiter pour faire son intéressante : « Ah, s’écrit-elle, comme ce serait bien si nous étions plus vertueuses ! » Jupiter la prend au mot. Il décide de la punir… en exauçant son souhait ! Les méchantes bestioles se transforment d’un coup en soeurs Emmanuelle soucieuses du sort des autres. Et la ruche va bientôt en mourir. Au lieu de garder quelques réserves de miel pour l’hibernation, ces saintes-nitouches ont tout donné. Résultat : les larves meurent, mais avec elles aussi, les métiers qui vivaient du luxe et de la richesse des notables, tout ce petit monde finissant au chômage.
La fable de Mandeville fut la matrice des théories libérales de la « main invisible », de l’harmonie du marché comme du fameux « Laisser faire, laisser passer » . Elle constitue surtout une formidable et très astucieuse critique du gouvernement de la vertu, des effets pervers qu’il produit infailliblement, critique que notre gauche ferait bien de méditer. Nombre de chefs d’entreprise ont été blessés par la façon dont ils sont aujourd’hui traités, et ce d’autant plus que leurs revenus moyens (environ 4 500 euros mensuels) n’ont rien d’exorbitant.
Enfin sociale-démocrate, la gauche doit achever son aggiornamento et se réconcilier avec le monde économique. Sans lui, elle ne pourra rien réussir dans le quinquennat qui vient. François Hollande le sait parfaitement, lui qui, au cours d’un déplacement chez Valeo, a déclaré toute sa « confiance aux entreprises à un moment difficile pour l’économie française » . Mais, en ce domaine comme en amour, il n’y a que des preuves et les mots ne comptent guère, ou pas longtemps. Il faut aller plus loin, dire enfin quand les taxes « provisoires » prendront fin ou seront à tout le moins rendues « tenables ». À quand une initiative du gouvernement ? Pourquoi pas un grand colloque réunissant les intéressés, pour fixer les termes d’une nouvelle donne ?
Bonne soirée et à bientôt !
Ici ma réponse à Luc Ferry