Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

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Cinci
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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mar. 25 mai 2021, 22:57

Perlum Pimpum :

Alors, selon DH, l’État a le devoir de réprimer les offenses à la foi catholique dès que la défense de la foi relèvera de son ordre public.
Pas du tout.

DH explique que les hommes doivent être exemptés de contraintes (gouvernementale, ecclésiastique) et que cette exemption tiendrait à la nature même de leur dignité personnelle. C'est pourquoi Paul VI a déchiré le Concordat de 1953 avec l'Espagne catholique. Si DH autorisait une lecture "traditionnelle" comme vous tentez de me le dire, Franco, son gouvernement et l'épiscopat espagnol aurait eu de quoi faire front.

On ne produit pas un document comme DH en 1965, afin de permettre à un pays catholique comme l'Espagne d'avoir droit au régime qu'il avait déjà en 53.


Vous dites :
Est donc faux d’affirmer qu’ « Avec Dignitatis humanae, on doit laisser s'exprimer publiquement même celui qui se soustrait à l'obligation de chercher le vrai » . Car si le fauteur conserve encore son immunité de coercition, l’État conserve quant à lui le devoir de réprimer les atteintes à l’ordre public juste.
C'est dit littéralement dans le document de Vatican II.

Gaudens
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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Gaudens » mar. 25 mai 2021, 23:58

Bonsoir Cinci et Perlim Pimpum,

Continuant à lire les fils de discussion de CC je suis tombé sur votre dialogue au sujet de …(dialogue qui ne semble guère susciter l’intérêt de tiers apparemment).Quelques réflexions me sont venues en vous lisant :

1) Est-ce que vous ne rêvez pas, messieurs ? Imaginez un instant que le Pape ou d’influents évêques occidentaux se mettent à enfourcher comme vous le faites le cheval de la nécessité d’un Etat catholique. Que pensez-vous que serait la réaction des Etats en question, du monde politique bien sûr mais aussi et surtout des braves gens de ces pays, à commencer par les catholiques (quelques tradis militants mis à part) ? Ne croyez vous pas qu’il y a mieux à faire aujourd’hui pour lutter contre la lamentable chute libre de l’Eglise à moins que vous ne considériez que la renonciation à l’Etat catholique en soit la cause originelle (ce que j’ai cru lire sous la plume d’un de vous à propos de l’Espagne post-franquiste) ce qui serait faire bien peu de cas des forces de l’esprit, positives ou négatives…? En tous cas, désolé mais sur cette question la messe est dite ,je veux dire que vos positions n’ont plus aucune chance d’être partagées au-delà d’une très infime minorité. Pire, elles donneraient l’idée que ce que cherchent les catholiques c’est le pouvoir pour eux au nom d’une affirmation arrogante et non prouvée de l’exclusive vérité de leur foi en ces temps d’excessif mais radical relativisme (en effet).
2) Cependant en m’arrêtant un instant sur la question de fond que vous posez, je me suis interrogé sur ce qu’en pensait au fond de lui le catholique de base (ratzinguérien s’il faut absolument me mettre une étiquette) que je suis. Eh bien disons que je suis au moins très partagé. Certes les dérives des dernières décennies et la marginalisation parfois haineuse de l’Eglise dans nos sociétés ne m’échappent pas :pour prendre un exemple précis, j'ai toujours considéré Charlie Hebdo comme une feuille misérable et nocive et n’ai jamais pu prendre à mon compte une phrase du genre « Je suis Charlie » même en déplorant la tragédie dont ses journalistes furent victimes il y a quelques années. Bref ,qu’un Etat mette des bornes au prétendu « droit au blasphème » me paraitrait très sain. Mais d’un autre côté je ne crois pas que la catholicité de l’Etat(par nature formelle car ce sont les personnes qui font vivre l’Eglise)ne me parait pas de nature à favoriser nécessairement la moralité publique et privée :la vie de Louis XIV, pourtant « roi très chrétien » n’était-elle pas de nature à doublement scandaliser , parce que roi adultère (et belliqueux etc.) et prétendument chrétien et bon catholique ;idem pour les dragonnades et la persécution des protestants des Cévennes etc.).
Quant à l’Espagne franquiste, outre les excès sanglants de l’épuration suivant la victoire de 1939 , elle ne fut nullement indemne (c’est peu dire) de corruption et d’autres vices de nature à scandaliser des consciences chrétiennes (avec en face quelques réelles qualités qu’il est de bon ton de taire aujourd’hui, effectivement).
Et quid de la France du XIXe siècle ? Il faudrait analyser un par un les épiscopats concordataires jusqu’en 1905 quand les candidats étaient choisi au fond par les gouvernements en fonction de leurs intérêts …Pas toujours édifiant …
3) Enfin vos intéressantes spéculations me paraissent présenter un gros défaut :on dirait une analyse théorique de laboratoire sans aucun égard aux circonstances historiques changeantes. Au XIXe siècle, les papes du Syllabus avaient à faire un monde où les catholiques vivaient presque tous dans des Etats (tous Européens ou Américains)où les constituaient une écrasante majorité et qui se disaient eux-mêmes catholiques avec des modalités variables. Dans le monde d’aujourd’hui, les catholiques (et plus largement les chrétiens) sont répartis )à travers la quasi-totalité du globe et vivent sous des régimes qui leur sont soit indifférents soit (c’est le cas majoritaire) carrément hostiles car professant les uns un athéisme étroitement mêlé de nationalisme militant (Chine, Corée) et les autres un islam , un judaïsme (Israel) ou un bouddhisme d’Etat nullement favorables à la foi chrétienne. Imaginons ce que serait le sort des fidèles catholiques dans ces Etats si par malheur François Ier(c’est certes peu probable ! ) ou un autre Pape se ralliaient publiquement à vos vues. Je crois que l’Eglise a sagement compris cela depuis longtemps mais apparemment, pas vous, messieurs.
Je suis un peu désolé de sortir de mon silence pour apporter un éclairage différent des vôtres dans cette question mais comme je ne voyais personne le faire…

PS 1 Perlim Pimpum :dans quel dictionnaire français avez vous trouvé ces « compossible, compossibilité ,incompossibilité » que vous affectionnez visiblement ?



PS 2 On peut comprendre que des personnes privées aient "à chercher le vrai" (quoique concrètement, qu'est-ce qui révèlerait à des tiers , sans indiscrétion foncière et immixion dans leur for interne, qu'ils le fassent effectivement ? ) mais s'agissant d'hommes d'Etat et des Etats eux-mêmes , il me semble qu'on est là aussi dans l'abstraction totale du réel: les hommes d'Etat sont là pour régir lesdits Etats dont ils ont la charge, pas pour philosopher sur on ne sait quelles bases.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mer. 26 mai 2021, 4:20

Salut Gaudens,


Le détour historique c'est pour mieux voir comment on peut en arriver à trouver un jour un pape François à la tête de l'Église, comment on peut être témoin d'une déchristianisation de si vaste ampleur, comment on peut entendre parler d'une Église catholique d'Allemagne dans les termes que l'on connaît, etc. Puis ensuite ce serait comment se situer dans tout cela, face à cela. Et que faire ?

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Suliko » mer. 26 mai 2021, 10:39

Bonjour Gaudens,

Je vais essayer d'expliquer brièvement pourquoi je pense que vous vous trompez sur plusieurs points.
1) Vous faites comme si l'enseignement de DH faisait partie d'une stratégie inévitable. Mais ce n'est pas le cas. Dans les années 60, il y avait encore plusieurs pays ou régions officiellement catholiques, avec une pratique religieuse importante, voire parfois très majoritaire. L'Eglise a commis une erreur à la fois dogmatique et stratégique dont elle ne s'est toujours pas excusée.
2) Vous parlez de la réaction des non-catholiques si le clergé revenait à l'enseignement traditionnel de l'Eglise en la matière. Sans doute avez-vous raison, mais :
a) Il ne faut pas craindre le monde plus que Dieu.
b) Les musulmans enseignent officiellement la nécessité d'avoir des pays officiellement islamiques et nombre de Français de papiers issus du monde islamique soutiennent cette idée d'Etats religieux. Il n'y a pas pour autant de flambée d'islamophobie en France ou ailleurs. En fait, dans les faits, plus un adversaire se montre faible, plus son ennemi aura tendance à ne pas se gêner pour le frapper. L'Eglise n'a donc pas spécialement intérêt à se montrer timorée comme elle le fait trop souvent depuis le dernier concile.
3) Votre relativisation de l'importance pour les souverains de reconnaître la vraie foi est en contradiction à la fois avec le magistère de l'Eglise (ex : Quas Primas) et avec les faits, car comme l'écrivait si pertinemment Louis Veuillot :
Je dirais volontiers que le catholicisme libéral est une erreur de riche. Elle ne pouvait venir à l'esprit d'un homme qui aurait vécu parmi le peuple et qui verrait les difficultés sans nombre que la vérité, surtout aujourd'hui, éprouve à descendre et à se maintenir dans profondeurs où elle a besoin de toutes les protections, mais plus particulièrement de l'exemple d'en haut. Le peuple attache une idée de mérite intellectuel à la situation, à la force, au commandement. L'inférieur se laissera difficilement persuader qu'il doit être chrétien quand son supérieur ne l'est pas.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 26 mai 2021, 11:04

.
Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:10, modifié 2 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 26 mai 2021, 11:13

.
Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:21, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mer. 26 mai 2021, 17:22

Bonjour,

Je suis globalement d'accord avec les dernières interventions.

Gaudens
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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Gaudens » mer. 26 mai 2021, 19:48

Bonjour Suliko,Cinci,Perlim Pimpum,
Votre célérité dépasse un peu mes capacités de réponse rapide mais je vais essayer.
Il me semble que vous ne m’avez que très partiellement répondu.Quid par exemple de mon objection en PS 2 ,cette question conditionne la faisabilité concrète de vos propos ,il me semble :comment déterminer concrètement cette exigence fameuse et répétée au long de vos posts d’une « recherche de la vérité » ? Et vous n’entrez absolument pas dans mon objection de base,peut-être restée implicite sous ma plume :dans le monde actuel élargi à la planète entière,la revendication d’un Etat neutre (avec les réserves ci-dessous relatives à la loi naturelle,la culture et quelques digues utiles) ne vaut-elle pas mille fois mieux pour l’Eglise qu’une exigence d’Etat catholique au demeurant devenu totalement impossible ? Bref vous en restez obstinément au niveau des principes.A cet égard je tiens comme vous à la non-contradiction et me réjouis avec Perlim Pimpum que DH puisse être considéré comme non contradictoire (synonyme , je suppose , de « compossible »)avec la règle ancienne de l’Eglise.Cela dit celle-ci est pleine d’enseignements jamais réfutés ni annulés mais simplement devenus obsolètes ,l’Eglise ne s’en réclamant plus.Un petit exemple (qui m’est un peu cher) bien que non-dogmatique mais disciplinaire :le 20è canon du Concile de Nicée demande formellement qu’on ne s’agenouille pas le dimanche ni en temps de Pentecôte(on regarde,debout,vers le Ciel) .Cet enseignement ,qui étonnerait bien de nos « tradis » d’aujourd’hui n’est plus observé …Et alors ?
Cela dit ,essayons de répondre à chacune de vos objections :
Cinci :
1)Que voulez-vous dire exactement ? Que c’est l’abandon de l’exigence de la catholicité de l’Etat qui expliquerait la débandade post-conciliaire dont les effets durent encore en grande part ? Objection que j’avais formulée hier et à laquelle aucun de vous trois ne répond précisément.
2)« Que faire ? », écrivez-vous.En effet, que faire ? Se focaliser sur ce principe de catholicité de l’Etat ou autre chose ? Vous connaissez mon avis : réaffirmer le message chrétien dans toute sa force (qui ne veut pas dire coercition d’aucune sorte ,evidemment) et nous avons là déjà bien du travail.
Suliko :
1)S’il y avait encore dans les années 1960 des pays où la pratique catholique était forte (c’est certain ) était-ce à mettre au seul crédit de leur reconnaissance constitutionnelle ,à des degrés variables, du catholicisme comme religion de l’Etat ? Ou plutôt à tout un climat intellectuel et social qui n’avait pas encore été bouleversé par la vague soixante-huitarde(appuyée sur un certain structuralisme et déjà une philosophie de déconstruction généralisée,d’origine française -Deleuze,Derrida, Barthe,Foucauld,Lacan,etc….) puis ensuite répandue dans tout l’Occident ?A cette époque l’édifice avait commençé à se fragiliser sérieusement et les exceptions telles l’Espagne franquiste ou le Paraguay de Stressner,déjà menacées par la démocratisation généralisée des régimes politiques ailleurs, avaient peu de chance de se pérenniser longtemps…Dans ces conditions l’erreur de l’Eglise que vous invoquez serait-elle d’avoir compris cette évolution en cours en faisant profil bas politiquement ? Avec certes une naive confiance dans la bonté de nos sociétés et une certaine complaisance pour le marxisme ressemblant à son actuelle complaisance pour l’islam ainsi qu'avec un renoncement plus ou moins marqué à affirmer le message de la Révélation,qui me parait autrement condamnable et dangereux…
2)votre objection concernant l’islamisme(ou l’islam) ne tient pas :vous ne vivez peut-être pas en France mais la montée de l’exaspération générale contre l’ »islamisation de la société » y est plus que palpable(heureusement !) et cette religion/idéologie n’est plus vue par la population avec la même bénignité que jadis(sauf par certains hommes d’Eglise,évidemment).La même chose nous arriverait si nous la ramenions trop du côté que vous indiquez alors que nous sommes déjà si mal vus.
3)pour s’opposer à des dérives style gender,avortements,euthanasie,etc…,point n’est beson d’en appeler à la recatholicisation de l’Etat.Intellectuellement il s’agit de batailler pour un retour à la reconnaissance d’une loi naturelle,autrefois si commune à l’ensemble des milieux et écoles de pensée et que Benoit XVI a souvent prônée.Et si je reconnais que l’influence des élites est importante pour la diffusion d’une pensée dans l’ensemble de la société,cela implique à mes yeux qu’il faut s’efforcer de rechristianiser les élites, sans besoin de l’aide armée de l’Etat .Cela dit un Concordat tel celui qui régit (pour combien de temps encore ?) l’Alsace et la Moselle me parait un bon outil de dialogue et de « vivre ensemble »,supérieur en cela à la loi de 1905 comme Kérygme nous l’a plusieurs fois montré mais il ne fait pas du catholicisme ni d’aucune religion une confession d’Etat.
Mais de grâce,Suliko,évitez les caricatures grossières qui ne vous ressemblent pas :je ne suis pas un partisan de Babel ni un affidé de Sodome,vous le savez bien !

Je répondrai à Perlim Pimpum dans un second temps.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Suliko » mer. 26 mai 2021, 21:18

1)S’il y avait encore dans les années 1960 des pays où la pratique catholique était forte (c’est certain ) était-ce à mettre au seul crédit de leur reconnaissance constitutionnelle ,à des degrés variables, du catholicisme comme religion de l’Etat ?
Pas au seul crédit d'un Etat catholique, évidemment, mais cela aidait, c'est certain. Il suffit de voir où en est l'Amérique latine depuis cette époque : le protestantisme gagne énormément de terrain. Méditez un peu ma citation de Veuillot. Et si possible, lisez tout l'ouvrage d'où elle est tirée : "L'illusion libérale".
Ou plutôt à tout un climat intellectuel et social qui n’avait pas encore été bouleversé par la vague soixante-huitarde(appuyée sur un certain structuralisme et déjà une philosophie de déconstruction généralisée,d’origine française -Deleuze,Derrida, Barthe,Foucauld,Lacan,etc….) puis ensuite répandue dans tout l’Occident ?
Je suis convaincue que Mai 68 n'aurait pas été aussi dévastateur sans Vatican II. Autrement dit, je ne considère pas forcément la cause et la conséquence de la même manière que vous.
A cette époque l’édifice avait commençé à se fragiliser sérieusement et les exceptions telles l’Espagne franquiste ou le Paraguay de Stressner,déjà menacées par la démocratisation généralisée des régimes politiques ailleurs, avaient peu de chance de se pérenniser longtemps…
C'est à voir... Et il n'y avait pas que ces deux pays qui étaient encore assez bien catholiques.
2)votre objection concernant l’islamisme(ou l’islam) ne tient pas :vous ne vivez peut-être pas en France mais la montée de l’exaspération générale contre l’ »islamisation de la société » y est plus que palpable(heureusement !) et cette religion/idéologie n’est plus vue par la population avec la même bénignité que jadis(sauf par certains hommes d’Eglise,évidemment).La même chose nous arriverait si nous la ramenions trop du côté que vous indiquez alors que nous sommes déjà si mal vus.
Ce n'est pas le sujet : le fait d'être mal vu par les non-musulmans n'empêche pas l'islam d'être pratiqué et de se répandre. Vous vous souciez trop de la manière dont nous voient les incroyants.
3)pour s’opposer à des dérives style gender,avortements,euthanasie,etc…,point n’est beson d’en appeler à la recatholicisation de l’Etat.Intellectuellement il s’agit de batailler pour un retour à la reconnaissance d’une loi naturelle,autrefois si commune à l’ensemble des milieux et écoles de pensée
Si ces lois naturelles étaient globalement plus ou moins respectées ou du moins reconnues par la majorité des Occidentaux, c'était en raison du christianisme. Espérer que des incroyants postchrétiens s'opposent massivement à l'avortement et se mettent à prôner les valeurs familiales traditionnelles est totalement utopique. C'est la religion qui était le meilleur rempart contre les dérives progressistes.
Mais de grâce,Suliko,évitez les caricatures grossières qui ne vous ressemblent pas :je ne suis pas un partisan de Babel ni un affidé de Sodome,vous le savez bien !
Je n'ai pas été caricaturale et je n'ai jamais dit cela de vous.

Et évidemment, DH est en rupture avec la tradition de l'Eglise.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mer. 26 mai 2021, 23:40

Gaudens :

1)Que voulez-vous dire exactement ? Que c’est l’abandon de l’exigence de la catholicité de l’Etat qui expliquerait la débandade post-conciliaire dont les effets durent encore en grande part ? Objection que j’avais formulée hier et à laquelle aucun de vous trois ne répond précisément.
Je dis que le laïcisme est une drogue mortelle pour la foi catholique. Pie IX avait raison substantiellement, non pas Joseph Ratzinger. Le laïcisme était déjà capable à lui seul de faire d'énormes ravages. Mais lorsque même l'Église fini par embrasser ses principes : la situation ne risquera pas de prendre du mieux.

La situation normale et souhaitable c'est bien l'État confessionnel. Quand on veut obtenir une communauté de croyants et dans laquelle la vie chrétienne soit possible au grand jour. Librement. Pour que l'expression publique de la foi ait du sens. C'est la liberté de la foi catholique qui est primordiale. Le système individualiste libéral est un éteignoir de première classe pour la foi.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » jeu. 27 mai 2021, 0:07

Gaudens :

2)« Que faire ? », écrivez-vous.En effet, que faire ? Se focaliser sur ce principe de catholicité de l’Etat ou autre chose ? Vous connaissez mon avis : réaffirmer le message chrétien dans toute sa force (qui ne veut pas dire coercition d’aucune sorte ,evidemment) et nous avons là déjà bien du travail.
Vous n'y êtes pas. «Que faire ?» mais en tant que croyant catholique et devant la perspective d'une Église vérolée par cette si belle ouverture au monde. Ça ne vous gênerait pas de communier devant le drapeau de la révolution diversitaire ? en apprenant que votre évêque soutien Black Lives Matter ? avec une Conférence épiscopale qui encouragerait de facto l'intercommunion avec des Anglicans et autres n'ayant rien renié de leurs hérésies contraires à la foi ?

Faire comme saint Antoine se réfugiant dans le désert ? Pour la communion, je ne sais pas comment il s'arrangeait.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par prodigal » jeu. 27 mai 2021, 10:45

Gaudens a écrit :
mer. 26 mai 2021, 19:48
« Que faire ? », écrivez-vous.En effet, que faire ? (...) Vous connaissez mon avis : réaffirmer le message chrétien dans toute sa force.
Comme vous aussi je crois, cher Gaudens, j'aime quand la discussion prend le soin de bien préciser de quoi il est question.
Se demander "que faire?", sous-entendu pour être utile à l'Eglise, me paraît une excellente question dans toute sa simplicité.
Et il me semble qu'il faudrait, d'urgence, non pas seulement réaffirmer le message chrétien, mais lui donner sens. Je parle très précisément de la Tradition catholique ("message chrétien" pourrait être compris autrement).
Je suis très gêné (tout en reconnaissant bien sûr que chacun use de sa liberté d'expression comme il l'entend) de ne lire pour défendre la Tradition catholique que des messages de démolition, confondant allègrement Eglise d'aujourd'hui et complots modernistes. L'urgence est de donner sens. Car si la Tradition n'a pour elle que d'être une entreprise d'extermination du modernisme, il ne reste effectivement qu'à tirer sur des ambulances et à compter les morts à la fin. Je ne pense pas que telle soit la mission du baptisé.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Gaudens » jeu. 27 mai 2021, 13:39

Bonjour Suliko,
Toutes mes excuses:en répondant hier j'ai confondu votre réponse antérieure avec celle de Perlim Pimpum, à qui je dois une réponse.C'est lui et non vous qui m'a reproché de préférer vivre dans une société type Babel et Sodome,pas vous(et ce genre d'attaque n'aurait pas été de votre niveau,je pense).Bonne journée à vous.
Gaudens

PS :pour la modération.Je préfère que ce rectificatif soit public plutôt qu'en MP.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Perlum Pimpum » jeu. 27 mai 2021, 15:00

.
Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:10, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Gaudens » jeu. 27 mai 2021, 23:53

Bonsoir Perlim Pimpum,
Je vous devais une réponse depuis hier .Envoici au moins quelques éléments :

1.Encore une fois,je trouve très bien que vous puissiez analyser Dignitatis Humanae(DH) comme conforme à la tradition de l’Eglise,en tout cas pas opposée.Mais ce n’est pas mon propos ici .

2)Le poids des minorités et la nécessité de se battre:
Vous avez un petit côté trostkyste,vous l’a-t-on jamais dit ?Il est vrai qu’ils y ajoutent que n’est moral que ce qui contribue à la Révolution, ce qui ne doit pas trop vous convenir,même en remplaçant la révolution par la royauté terrestre de Jésus Christ.Mais il y a des limites à ce qu’une minorité ,même très déterminée,peut espérer obtenir.A moins d’une totale …révolution dans tous les domaines d’ici quelques années,je ne vois pas comment une minorité » catholiciste » pourrait obtenir le pouvoir en France ou dans les pays voisins.Et quand cela serait possible ,je ne crois pas qu’il faille l’espérer.Non décidemment,contrairement aux islamistes,notre royaume n’est pas de ce monde,l’Evangile est très clair là-dessus et toute cette pseudo théologie à ce sujet m’est suspecte même quand elle essaie de recruter Pie XI de son côté(je m’ attends ici aux foudres jupitériennes de Suliko !).

3)Vivre dans un Etat qui respecterait au moins minimalement les lois morales et aussi l’Eglise(par un Concordat style Alsace Moselle,par exemple) :oui,j’en serais heureux et vous pouvez même y ajouter le bonheur d’un roi chrétien mais cela n’implique pas un national-catholicisme à l’espagnole ;et justement ce dont il s’agit en ce domaine c’est bien de faire retour à la loi naturelle,à la morale naturelle ,que vous opposez bien vite à celle de Notre Seigneur.Les débats de toutes ces dernières années,et ce n’est pas fini, montrent bien qu’il s’agit de cela en matière politique.

4)Je ne légitime pas les Etats musulmans,juif ou bouddistes bien que je comprenne qu’ils veuillent protéger leur culture majoritaire comme nous aimerions que la nôtre eût été protégée quand elle l’était encore.Les chrétiens vivant sous ces dominations là ont tout à espérer d’un Etat à peu près neutre,comme je l’ai écrit ailleurs et le Vatican a bien cela à l’esprit depuis cinquante ans.
5)votre dernier point est le plus complexe et j’ai dû le relire plusieurs fois.
Que seraient d’abord « les atteintes à la foi contraires à l’ordre juridictionnel conforme à’ l’ordre public » qu’un Etat devrait proscrire ? On est là en plein et dangereux mélange des genres sauf si vous vous limitez ,comme moi, à espérer que l’Etat bride au moins a minima les offenses grossières et violentes style Charlie Hebdo (bien que je sache qu’il peut y avoir là sujet à des débats sans fin…).Au pire, on vise là à rétablir l’Inquisition et le recours au bras séculier.A quoi rêvez-vous donc ?Et là encore, le retour à la loi naturelle me semblerait un progrès et non un renoncement comme vous l’écrivez.
Quant à reconnaitre l’immunité de coercition pour les seuls catholiques dans un Etat neutre,au motif que Dieu n’est pas l’auteur des Védas ,du Coran ou des travaux maçonniques,comment voulez-vous faire sérieusement admettre cela à ceux qui considèrent que Dieu n’est pas l’auteur de la Bible(encore un débat sans fin,d’ailleurs…) ou que du moins nous n’en avons pas apporté la preuve.Bref,liberté pour nous mais pas pour les autres…Désolé,la liberté (qui n’est pas la licence) ne se divise pas,pour dangereuse qu’elle puisse être parfois.

Ne vous trompez pas de combat :mieux vaut travailler pour le respect de la loi naturelle et pour propager le message de la Révélation chrétienne,appuyée sur la Tradition la plus solide,celle des Pères, comme le fait remarquer Prodigal.

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