Philippe Pétain

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Nanimo
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Re: Philippe Pétain

Message non lu par Nanimo » jeu. 27 juin 2013, 22:46

ledisciple a écrit :(...) le général de Gaulle était si admiratif de Pétain qu'il donna à son fils son prénom : Philippe. C'est encore De Gaulle qui le gracia. (...)
En êtes-vous certain? N'oubliez pas que Leclerc se prénommait Philippe également.
Aldous a écrit :(...) il (Pétain) n'est aucunement sa place à être évoqué sur un forum chrétien.(...)
Pourquoi pas? Il y a des zones d'ombre. Le général de Gaulle aurait déclaré à Churchill (contacts durant la débâcle) que pour lui "Pétain était mort en 1926, lorsqu'il avait refusé de réarmer la France". Ce à quoi Churchill aurait répondu "Quel âge avez-vous?" Puis, effectivement, c'est de Gaulle qui a gracié Pétain, condamné à mort pour haute trahison. Dans le cas de Pétain, on ne sait pas tout. C'est en tous cas ce que laisse entendre Churchill à de Gaulle qui, plus tard, a gracié Pétain.

… je sais, c'est polémique. :oops:
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Cinci
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La figure désacralisée du "vainqueur de Verdun"

Message non lu par Cinci » sam. 08 févr. 2020, 17:56

Bonjour,


Pour l'édification du peuple, voici qu'écrivait feu Henri Guillemin (1903-1992) à propos du Maréchal, pas plus tard qu'à l'été de 1945 (!) C'est un texte que Philippe Guillemin, donc le fils, aura fait rééditer en 1996, avec le consentement du paternel donné un peu avant sa propre disparition.



Voici :
Le vainqueur de Verdun

Pour connaître avec précision la conduite de Philippe Pétain pendant la guerre de 1914-1918, l'étude fondamentale qui s'offre à nous est la remarquable Histoire de la Guerre mondiale (4 vol.) publiée en 1936-1937 par les généraux Duffour, Daille, Hellot et Tournès. On se réferera également aux Mémoires du maréchal Joffre ainsi qu'au grand ouvrage de Raymond Poincarré : Au Service de la France. Au livre hagiographique du général Laure (en collaboration avec le général Audet et les lieutenants-colonels Montjean et Buot de L'Épine) intitulé Pétain (Berger-Levrault, 1942) répond la très minutieuse analyse du général Chadebec de Lavalade, intitulée de même, mais avec un point interrogatif à la suite du nom propre : Pétain ? (Éditions France-Levant, Beyrouth, 1943). Un document intéressant a été procuré en outre par Pertinax dans l'appendice de son livre Les Fossoyeurs (Éditions de la Maison française de New-York, 1943).

De grandes surprises sont réservées à qui veut, là-dessus, s'instruire sérieusement.

L'affaire de Verdun d'abord, On lit dans les notes de Raymond Poincaré, sous la date du 27 mars 1918, ce propos de Joffre que le Président enregistre : "Pétain a péché par les mêmes défauts que lorsqu'il voulait abandonner Verdun." Est-ce possible ? Erreur de texte sans doute. Ou le Président a mal entendu, ou Joffre se permet là quelque boutade paradoxale. Car il est acquis, établi, définitif, que Pétain s'appelle Le "vainqueur de Verdun", "Le sauveur de Verdun" : c'était même là son titre de gloire, le plus incontestable et le plus usuel. Et il aurait voulu abandonner Verdun ? Reportons-nous aux Mémoires de Joffre lui-même; tome II, p. 216, nous lisons :

"Vers le début d'avril 1916 je cherchai le moyen d'éloigner le général Pétain du champ de bataille de Verdun" (Joffre)

Un peu plus loin, page 222, après l'attaque allemande du 9 juin :

"Une vive émotion s'est emparée du G.Q.G. au reçu des nouvelles envoyées du front par Pétain; Joffre se renseigne; "en fait. écrit-il, Pétain, encore une fois, avait alarmé tout le monde"; n'ayant qu'une confiance limitée dans la durée possible de la résistance à Verdun, Pétain soutenait qu'il importait d'envisager dès maintenant le retrait des troupes sur la rive gauche de la Meuse.

L'Histoire de la Guerre mondiale apporte sur ce point tous les éclaircissements nécessaires. La chose est demeurée à peu près inconnue du grand public; elle n'en est pas moins hors de discussion : par deux fois, en 1916, Pétain conseilla l'abandon de la rive droite de la Meuse; par deux fois Joffre fut obligé de lui interdire ce repli désastreux. On comprend mieux alors ces lignes trop ignorées mais catégoriques du maréchal Joffre dans ses Mémoires (Tome II, p. 269) :

"Si l'histoire me reconnaît le droit de juger les généraux qui opérèrent sous mes ordres, je tiens à affirmer que le vrai sauveur de Verdun fut Nivelle."

1918 maintenant. Pétain est entièrement opposé à toute stratégie offensive. Il n'en fait pas mystère. Ses dispositions sont connues de l'ennemi, lequel a pu ainsi, l'année précédente, liquider en toute tranquillité la Russie, en finir avec la Roumanie et asséner à l'Italie le coup de Caporetto. Au début de cette année 1918, on voit le général Pétain s'employer de toute son énergie à contrecarrer les desseins offensifs de Foch; il se dépense; il multiplie les démarches et les arguments, commettant même, ainsi que le démontre Chadebec de Lavalade, une stupéfiante erreur de calcul de près de 40 divisions sur 200. Ce que Pétain veut écarter par-dessus tout, c'est le commandement unique des armées alliées. Cependant, en novembre 1917, après Caporetto, cette même idée lui semblait souhaitable; l'Histoire de la Guerre mondiale l'atteste. Mais les chances de désignation pour ce poste suprême étant nettement en faveur de Foch, il semble que cette considération ait suffi à Pétain pour modifier dès lors, du tout au tout, ses sentiments sur la question.

Toujours est-il qu'en janvier et février 1918, dans le dessein de rendre sensible l'inutilité du commandement unique, Pétain entre personnellement en conversation avec le maréchal Haig pour établir un plan d'assistance mutuelle entre les armées française et anglaise. Partenaire suspect, il prête d'ailleurs, et depuis longtemps, aux Anglais de "lointains calculs" et n'a nul dessein de s'engager sérieusement avec Haig qui, dès le 14 mars, peut s'en apercevoir devant le texte précautionneux et plein de réserves que Pétain lui propose pour sanctionner leur accord.

Le 21 mars 1918, l'offensive allemande se déclenche contre la partie du front tenue par les Anglais. La situation devient rapidement critique. Pétain ne tient même pas ses modestes promesses du 14 et, le 24 au soir, vers 20 heures, il adresse à ses trois commandants de groupe d'armée, les généraux Fayolle, Franchet d'Esperey et Castelneau un ordre écrit (instruction no 26/225) - que le général Laure, plus tard, dans son livre, passera avec soin sous silence. Cette instruction qui ne parlait plus que subsidiairement de maintenir si possible la liaison avec les forces britanniques, révélait la claire intention d'abandonner les Anglais à leur sort. D'une part, Pétain les tiens pour écrasés et ne veut rien tenter pour les secourir; d'autre part, dans l'éventualité, qu'il envisage, d'une défaite générale, il se réserve le droit d'en faire porter la responsabilité aux Anglais; le même 24 mars 1918 en effet, à Compiègne, Pétain déclare à Clémenceau :

"Si nous sommes battus, nous le devrons aux Anglais."

Le 26 mars, Poincaré consigne dans ses carnets ce que Clémenceau vient de lui apprendre :

: "Il [Pétain] m'a dit une chose que je ne voudrais confier à aucun autre qu'à vous; c'est cette phrase : Les Allemands battront les Anglais en rase campagne, après quoi ils nous battront aussi."

L'affaire du commandement unique a été enfin réglée, en pleine crise militaire, à la conférence de Doullens, le 26 mars. Le 25, à Abbeville, Haig avait exposé que, devant le refus persistant de Pétain d'intervenir pour porter secours aux Britanniques, leur armée se voyait obligée de combattre lentement en retraite, en couvrant les ports du Pas-de-Calais. A tout prix éviter cette rupture dont les conséquences pouvaient être terribles : c'est l'unique pensée de Poincaré, de Foch et de Clémenceau. Haig, d'ailleurs, se rendant compte de l'erreur qu'il avait commise en prenant, d'accord avec Pétain, le contre-pied des idées de Foch, s'applique à la réparer; ce qu'il veut maintenant avant tout, ses yeux s'étant ouverts, c'est que Pétain soit neutralisé par Foch et placé sous ses ordres; le meilleur moyen pour Haig de l'obtenir, c'est de donner lui-même l'exemple et de réclamer un commandement unique auquel il se déclare prêt à s'abandonner sur le champ.

Telles furent les circonstances exactes dans lesquelles fut prise la fameuse mesure, la mesure de salut, du 26 mars 1918, en dépit des manoeuvres de Pétain. Il était temps. Pétain avait déjà donné, note Poincaré, "Il faut le dire, des ordres bizarres"; il préparait un vaste repli des armées françaises vers le sud; carnets de Poincaré du 26 mars 1918 (tome X, p. 88) : "Foch me confirme ce dernier renseignement et me communique l'ordre de retraite donné par Pétain." Foch est intervenu en hâte pour annuler ces instructions ruineuses. Mieux même. En cette fin de mars 1918, Pétain parle autour de lui de cesser le combat; il estime la guerre perdue, la victoire, du moins, impossible.

Du journal de Poincaré encore, sous la date du 27 mars 1918 :

"Pétain a déclaré à Loucheur : il faudrait entamer des pourparlers de paix. Loucheur a consulté Foch, lequel a répondu : C'est de la folie."

Le 31 mai suivant, l'attaque de Champagne n'ayant pas donné les résultats qu'on en attendait, Pétain, de sa propre initiative, prescrit un recul; il est prêt à laisser à l'ennemi Verdun, la Lorraine, Nancy, la ligne des Vosges; il fait donner par Franchet d'Esperey l'ordre d"évacuer Reims, ordre que Foch, de nouveau, devra annuler, et auquel, du reste, le général Micheler a refusé d'obéir. En même temps, Pétain suggère à Clémenceau que le gouvernement, selon lui, doit se préparer à quitter Paris. Le 4 juin 1918, Pétain propose d'abandonner ses positions entre Dunquerke et Amiens et d'établir le front entre Amiens et la mer, sur la Somme; ainsi commente Chadebec de Lavalade, le 4 juin 1918, exactement 44 jours avant la date ou Foch va jeter les armées alliées dans une offensive irrésistible qui, en quatre mois, les conduira à la victoire, il s'est trouvé un chef français pour proposer l'abandon spontané des dernières parcelles de la Belgique libre, de Dunkerque, d'Arras, de Doullens, de toute la côte française au nord de la Somme, et pour envisager l'abandon, à la première alerte, de Verdun, de Nancy, des Vosges et de toute l'Alsace.

Le 15 juillet, les Allemands attaquent, Pétain, écrit le journal du général Tournès dans Histoire de la Guerre mondiale (tome IV, p. 173), concède aussitôt la victoire à l'adversaire "Le même jour, en effet, le 15 juillet 1918, à 10 heures, malgré les instructions formelles de Foch interdisant de modifier la répartition des réserves en vue de l'opération offensive qu'il méditait, Pétain donne à Fayolle l'ordre d'arrêter les préparatifs de l'entreprise.. "" Et encore une fois Foch doit réparer cette intervention déplorable.

En septembre 1918 enfin, à deux mois du triomphe, on verra Pétain s'efforcer de peser sur l'esprit de Foch pour interrompre l'offensive en cours et la suspendre au moins jusqu'au printemps.

En résumé, on peut conclure avec le général Chadebec : à quatre reprises, en 1918, le général Pétain a failli faire perdre la guerre aux Alliés - une première fois, au début de l'année, lorsqu'il s'opposa à toute idée d'offensive dans les mois à venir et combattit le projet de commandement unique - une seconde fois, à la fin de mars, lorsqu'il se résignait, très aisément, à la rupture du front franco-britannique - une troisième fois, quand il proposait (le 31 mai) l'évacuation de Paris et (4 juin) l'abandon de Dunkerque, d'Arras - une quatrième fois, le 15 juillet, quand il s'efforça d'arrêter net la contre-offensive prévue et ordonnée par Foch.

Son incurable pessimisme, systématique, était connu de tous les chefs, civils et militaires. "Dès le mois de mai 1916, dit Joffre (Mémoires, tome II, p. 216), son pessimisme me frappa." Le 19 décembre 1917, Clémenceau déplore devant Poincaré le tempérament trop négatif de Pétain; "Vous l'avez entendu l'autre jour ? Nous lui demandions : tiendrez-vous ? Il n'a pas répondu : Je tiendrai à telles conditions ... Il a répondu : Je ne tiendrai pas à moins que ... Tout l'homme est là."

Quand le 26 mars, Clémenceau rapporte à Poincaré les pronostics sinistres de Pétain sur la bataille en cours ('Les Allemands battront les Anglais [...] après quoi ils nous battront aussi.'), il ajoute, scandalisé : "Un général devrait-il parler et même penser ainsi ?" Et le 24 juin 1917, Poincaré enregistre assez amèrement que le général anglais Wilson a appelé Pétain : UN GÉNÉRAL PACIFISTE.

[...]

[Pour conclure, Guillemin porte enfin un jugement sur le caractère de Pétain]

Non pas un traître, assurément, mais un homme de petit caractère, sans flamme, sans confiance, ennemi des risques, convaincu jusqu'à la fin de l'extrême supériorité allemande, exactement un défaitiste, tel se révèle par sa conduite dans la Grande Guerre, ce général dont on fit un maréchal (8 décembre 1918) dans l'euphorie de la victoire, pour éviter devant la France et l'étranger des discriminations fâcheuses et pour ne pas aigrir davantage un tempérament rancuneux, capable de nourrir de très longues haines.

Source : Henri Guillemin (alias Cassius), La vérité sur l'affaire Pétain, 1945 ( Éditions Utovie, 1996) pp. 17 à 27

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Re: Philippe Pétain

Message non lu par Gaudens » mer. 31 mai 2023, 18:34

Cher Paulau,
Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point mais pardonnez ma question:quel rapport y a-t-il avec les sujets traités par notre forum?

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