N'est-ce pas Moïse qui vous a donné la Loi ?

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Xavi
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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par Xavi » ven. 17 déc. 2021, 21:59

diviacus1 a écrit :
ven. 17 déc. 2021, 19:16
Vos deux seuls arguments sont : "On ne peut pas montrer que c'est impossible", ce qui est vrai, mais ce qui ne rend pas vos affirmations vraisemblables," et "C'est contraire à la foi de l'Eglise", ce qui est un argument de foi et pas un argument historique.
C’est exact, sauf que ce ne sont pas mes "seuls" arguments.

La foi de l’Église n’est pas, en effet, un argument historique ou scientifique. Et, il est exact que la conviction (notamment en ce qui concerne la réalité de l’existence et des événements concernant Abraham dans la réalité concrète du passé) vient de la foi en la Tradition, y compris la Parole de Dieu qu’est la Bible.

La foi est cependant affaire d’humains dotés de raison et elle ne dispense en rien chaque croyant de veiller à une saine compatibilité de sa foi avec ce que son intelligence lui demande raisonnablement d’admettre comme prouvé (notamment tous les acquis des recherches scientifiques et archéologiques concernant le passé).

Donc, la première chose importante c’est de s’assurer que la représentation du passé qui résulte d’une interprétation de la Bible conforme à l’enseignement de l’Église ne soit pas contredite par la science ou « impossible ». Merci de reconnaître que c’est vrai en ce qui concerne Abraham et les autres différends discutés ici.

Mais, vous ajoutez de manière justifiée que cela ne suffit pas pour rendre mes affirmations vraisemblables.

En effet, tout ce qui est possible n’est pas pour autant vraisemblable, ni a fortiori probable.

Lorsque nous faisons de l’histoire dans ce fil, croyant ou incroyant sont à égalité à cet égard et soumis aux mêmes exigences de rigueur dans les arguments nécessaires.

C’est un reproche que j’ai dirigé vers diverses affirmations contenues dans vos citations. Je n’ai évidemment pas lu tout ce qui pourrait les expliciter, mais j’attends dans ce fil que vous-même (ou n’importe qui d’autre qui présenterait une affirmation non justifiée) fassiez l'effort de venir présenter les arguments éventuels qui la rendent au moins vraisemblable.

Personnellement, c’est ce que j’essaie de faire sur chaque point précis. Trop facile d’affirmer, par exemple, qu’il y avait aucun écrit biblique avant telle ou telle date.

diviacus1 a écrit :
ven. 17 déc. 2021, 19:16
Pour prendre l'exemple de l'écriture, de nombreux peuples n'ont pas écrit (peuples qui ont côtoyé pendant des centaines d'années des peuples qui écrivaient) à une certaine époque, au sens "ils n'ont pas écrit d'histoire". Pour beaucoup de ceux-ci, on a relevé des inscriptions, plus ou moins longues. Mais dans tous les cas, les historiens sont unanimes pour dire que ces peuples n'ont pas écrit.
Pour tous ces peuples (Celtes, Thraces, Sardes....).
Voyez ici la différence évidente. Les peuples que vous citez ne se trouvaient pas dans un contexte permettant d’affirmer qu’ils écrivaient.

Pour Israël, au contraire, la pratique généralisée de l’écriture dans sa région géographique sur la route entre l’Égypte et l’Assyrie, ne permet pas de soutenir une absence d’écriture de 1400 à 800 avant Jésus-Christ. Je ne connais aucune argumentation qui puisse le rendre crédible sur le plan historique ou archéologique.

diviacus1 a écrit :
ven. 17 déc. 2021, 19:16
Non, pour tous ces peuples, sauf un, avec comme seul réel argument "la foi de l'Eglise". Nous ne sommes plus dans l'histoire.
Sauf qu'il ne s'agit pas ici de tous les peuples sauf un. L’écriture n’était pas seulement répandue en Israël, mais dans toute la Phénicie, le Liban, la Syrie. Dans tout le croissant fertile depuis l’Égypte jusqu’à Babylone.

Je n’invoque pas la foi de l’Église sur ce point, mais la réalité historique objective de toute la région et je critique, au contraire, la tentative de chercher à affaiblir la solidité continue certaine de la pratique de l’écriture dans toute cette région pour soutenir un excès de mise en doute de l’ancienneté du Pentateuque. Je regrette que l’incrédulité ou l’obsession de nier l’attribution du Pentateuque à Moïse écarte un grand nombre de la rigueur scientifique nécessaire sur ce point précis.

diviacus1 a écrit :
ven. 17 déc. 2021, 19:16
L'histoire doit être aconfessionnelle. L'Histoire du peuple juif ne peut pas dépendre de la confession de celui qui en fait la recherche.
Rien ne justifie de confondre ici la foi et la recherche scientifique.

L’Histoire, c’est la réalité qui a existé et personne d’entre nous n’était présent pour en témoigner.

La foi donne bien sûr de solides convictions. Je vous rappelle, par exemple, qu’il en est ainsi de la résurrection du Christ.

Lorsque nous faisons de la science historique, nous sommes soumis aux mêmes exigences qui nous obligent à distinguer ce qui est prouvé, ce qui est vraisemblable, ce qui est crédible ou ce qui est impossible.

Sur le plan scientifique, il n’y a en effet pas de preuve matérielle de l’existence d’Abraham telle que racontée par la Genèse en dehors du texte biblique. Il n’y a pas davantage de preuve d’une simple vraisemblance. Mais, en l’état des connaissances historiques, l’authenticité du récit est crédible et n’est pas impossible.

Le surplus de conviction vient en effet de la foi.

Pour ceux que cela intéresse, cette discussion avec Diviacus a déjà été longuement développée en 2019 dans un autre fil de la section Écriture Sainte du Forum intitulé « Essai de datation de la Genèse » :
viewtopic.php?f=91&t=14232&start=45

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par diviacus1 » sam. 18 déc. 2021, 7:46

Xavi a écrit :
ven. 17 déc. 2021, 21:59
Sur le plan scientifique, il n’y a en effet pas de preuve matérielle de l’existence d’Abraham telle que racontée par la Genèse en dehors du texte biblique. Il n’y a pas davantage de preuve d’une simple vraisemblance. Mais, en l’état des connaissances historiques, l’authenticité du récit est crédible et n’est pas impossible.

Le surplus de conviction vient en effet de la foi.

Pour ceux que cela intéresse, cette discussion avec Diviacus a déjà été longuement développée en 2019 dans un autre fil de la section Écriture Sainte du Forum intitulé « Essai de datation de la Genèse » :
viewtopic.php?f=91&t=14232&start=45
Bonjour Xavi,

Comme vous le confirmez, nos conceptions de l'histoire, que nous avons déjà exprimées dans le fil que vous donnez en référence, sont trop différentes pour mener à des discussions réellement constructives. C'est pour cela que je ne prendrai pas le temps de résumer les arguments de tous les historiens dont j'approuve les conclusions, car votre réfutation ultime - déjà exprimée- sera toujours la même.
Mais pouvez-vous imaginer que Thomas Römer, titulaire de la chaire "Milieux bibliques" du Collège de France, puisse écrire que "Les quelques textes qui présentent la famille d’Abraham comme originaire de Mésopotamie (Gn 11, 27 – 12,9); GN 15,7; Gn 24) sont de l’avis quasi unanime des exégètes, des réinterprétations tardives." ait tort ? (Vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée sur ce point : Connaissez-vous un historien qui a écrit récemment que cette opinion était minoritaire ?)
Pouvez-vous imaginer que cette quasi-totalité des exégètes n'ait pas d'argument pour justifier cette position ?
Contrairement à votre opinion, cette quasi-unanimité des exégètes considère que l'authenticité du récit d'Abraham n'est pas crédible.

Pour avoir un aperçu des arguments de Thomas Römer, vous pouvez lire l'article ci-après :
https://www.academia.edu/42048018/R%C3% ... pp_155_196
Pour avoir un développé de tous les arguments, vous pouvez lire les milliers de pages des documents cités en référence dans cet article.

Quand vous dites que "le surplus de conviction vient en effet de la foi", je pense que vous devriez écrire "mon surplus de conviction vient en effet de ma foi".
Comme vous pourrez le constater, T. Römer ne cite à aucun endroit sa foi, qui est réelle.
Comme vous pourrez le constater, P. Gibert, professeur à l'Institut catholique de Lyon, a une foi inébranlable qui s'accommode très bien d'écritures tardives de l'histoire du peuple d'Israël concernant les époques antérieures au VIIIe siècle av. J.-C. Voir :
https://www.cairn.info/revue-etudes-200 ... ge-497.htm

Plus près de moi, je discute assez souvent de ces points d'histoire avec mon beau-père, qui a une foi énorme et inébranlable, assise sur la lecture et l'étude de centaines d'ouvrages, et qui a écrit il y a quelques années un opuscule sur les raisons de sa foi. Il s'accommode sans aucun problème de l'opinion des exégètes cités précédemment. Mais j'avoue que dans certains cas, à court de contre-argument face à des arguments gênants, il invoque sa foi comme argument ultime, qui balaye les arguments présentés et met fin à la discussion.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par ademimo » sam. 18 déc. 2021, 15:07

La foi n'est pas si inébranlable, et je peux comprendre que l'on se cabre devant une éventuelle remise en question de fond en comble de ses croyances.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par diviacus1 » sam. 18 déc. 2021, 15:20

ademimo a écrit :
sam. 18 déc. 2021, 15:07
La foi n'est pas si inébranlable, et je peux comprendre que l'on se cabre devant une éventuelle remise en question de fond en comble de ses croyances.
Je le comprend parfaitement aussi, surtout si on prend l'Ancien Testament au pied de la lettre, comme le dit P. Gibert dans l'article que j'ai donné en référence. Mais il donne aussi les "moyens de sortir de cette impasse" (voir à partir de la page 504).

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par Xavi » sam. 18 déc. 2021, 15:42

diviacus1 a écrit :
sam. 18 déc. 2021, 7:46
Pouvez-vous imaginer que cette quasi-totalité des exégètes n'ait pas d'argument pour justifier cette position ?
Contrairement à votre opinion, cette quasi-unanimité des exégètes considère que l'authenticité du récit d'Abraham n'est pas crédible.

Pour avoir un aperçu des arguments de Thomas Römer, vous pouvez lire l'article ci-après :
https://www.academia.edu/42048018/R%C3% ... pp_155_196
Pour avoir un développé de tous les arguments, vous pouvez lire les milliers de pages des documents cités en référence dans cet article.

Quand vous dites que "le surplus de conviction vient en effet de la foi", je pense que vous devriez écrire "mon surplus de conviction vient en effet de ma foi".
Comme vous pourrez le constater, T. Römer ne cite à aucun endroit sa foi, qui est réelle.
Comme vous pourrez le constater, P. Gibert, professeur à l'Institut catholique de Lyon, a une foi inébranlable qui s'accommode très bien d'écritures tardives de l'histoire du peuple d'Israël concernant les époques antérieures au VIIIe siècle av. J.-C. Voir :
https://www.cairn.info/revue-etudes-200 ... ge-497.htm
Bonjour Diviacus,

Je vous remercie pour votre excellente contribution.

L’article de Pierre Gibert auquel vous renvoyez comprend les nuances nécessaires et je me sens en parfait accord avec tout ce qu’il y écrit. C’est une excellente présentation des réalités objectives que tout examen historique doit considérer.

L’article de Thomas Römer est aussi excellent et de grande qualité intellectuelle pour présenter un résumé de l’opinion dominante qui nie toute historicité des patriarches bibliques et toute ancienneté du Pentateuque. Il développe très bien de nombreux détails argumentés qui, chacun, mériteraient autant de sujets de discussion.

Mais, la qualité évidente du travail très intéressant de Römer n’empêche pas de devoir constater que ses conclusions dépassent ses constats objectifs et débordent dans une conviction subjective qu’il rend compréhensible par ses explications claires, mais qui n’est pas convaincante. Bien au contraire.

Je pense qu’il s’égare pour les raisons déjà évoquées dans nos échanges : son refus injustifié d’admettre l’usage de l’écriture en Judée dans la période de 1400 à 800 avant Jésus-Christ.

Il est heureusement prudent et ne parle sur ce point que de probabilité. Il estime ainsi que du temps de Salomon « Il est peu probable qu’il ait existé à cette époque déjà l’infrastructure administrative permettant la rédaction d’ensembles littéraires tels qu’un « Proto Pentateuque », et cela d’autant plus qu’il existe très peu de traces d’une diffusion de l’écriture en Judée avant le VIIIème siècle » (p. 159).

La découverte improbable du site d’Ebla et notre ignorance quasi-totale de ce qui peut subsister encore actuellement dans les couches inférieures du temple de Jérusalem reconstruit à plusieurs reprises demandent davantage de prudence et de réserve.

Je suis en désaccord avec Römer lorsqu’il conclut que « les Patriarches servent de figures légendaires qui échappent à l’historien » (p. 192) sur la base d’un judaïsme « naissant » à partir du VIIIème siècle, mais je peux rejoindre la conclusion de son article lorsqu’il écrit que « La cohabitation, dans le même document fondateur, de plusieurs manières de voir ses origines, la combinaison d’une identité généalogique et d’une identité vocationnelle est encore aujourd’hui le meilleur remède contre tout discours intégriste. La double origine que nous offre la Torah appelle au dialogue et à la tolérance. » (p. 196).

En fait, Römer et beaucoup des spécialistes qui le rejoignent semblent tomber dans un piège qu’ils ont eux-mêmes dressé.

Ils observent avec beaucoup de finesse le caractère composite très complexe du texte hébreu finalisé dans les derniers siècles avant Jésus-Christ qui semble détruire leur rêve d’un texte de Moïse qui aurait été retrouvé caché dans une caverne ou un soubassement du temple de Salomon.

Ce rêve ne résiste pas à sa confrontation au réel.

Mais, cela ne justifie en rien d’en déduire une solidité moindre de la foi ferme de l’Église qui ne cesse, aujourd’hui encore, d’attribuer le Pentateuque à Moïse.

Bien au contraire, la vérité et la solidité de cette tradition demeurent plus fiables que jamais pour autant que, spécialistes comme simples croyants, nous acceptions de recevoir ce trésor sans fondamentalisme artificiel comme s’il avait été écrit et transmis selon nos modes modernes de transmission.

Il ne faut jamais oublier que la Parole de Dieu est aussi à 100 % une parole d’hommes, transmise par une tradition humaine.

Le texte canonisé par l’Église n’est pas tombé du ciel. Il a une histoire et une tradition de foi. Il doit se lire et se comprendre en communion de foi avec le Magistère de l’Église, mais aussi dans une ouverture aux conditions humaines de ses origines.

Ce que beaucoup semblent oublier dans l’approche historique des récits du Pentateuque c’est le fait que l’écriture elle-même n’a pas toujours eu le statut sacré qui est aujourd’hui reconnu.

C’est sur ce point que ce fil de réflexions concernant la jeunesse d’Abraham peut permettre des avancées importantes dans le contexte sumérien d’Abraham qui va laisser dans le texte biblique de nombreuses traces de la réalité de son ancienneté historique.

Car sur ce point une question difficile demeure sans réponse aisée pour ceux qui, comme l’Église ne cesse de l’affirmer et comme je le crois moi-même, pensent que Moïse est l’auteur du Pentateuque et que l’histoire sainte qu’il raconte est authentique, même si ce mot demande de multiples nuances.

Pourquoi le peuple juif n’a-t-il pas veillé soigneusement à la conservation des écrits de Moïse ?

Même écrits sur des papyrus dégradables, pourquoi ne pas avoir veillé à leur écriture sur des supports plus solide et, notamment, sur des tablettes en cunéiforme sumérien et en plusieurs exemplaires ?

Le caractère composite complexe du texte hébreu actuel atteste, tout au contraire, d’un parcours extrêmement complexe qui rend vain la recherche d’un original unique de Moïse car, à supposer qu’on le retrouve (par exemple dans les soubassements du temps de Jérusalem), il est plus que probable que sa lecture nous plongerait dans un océan d’incertitudes.

Qui pourrait retrouver le sens réel des mots et des expressions utilisés vers 1400 avant Jésus-Christ dans une langue de l’époque et avec une écriture à l’aube des alphabets ? Chaque tradition ultérieure y apporterait ses couleurs et le texte composite actuel montrerait d’innombrables nuances et explicitations au fil des transmissions et des traductions.

Car, ce qui est certain, c’est que des traditions multiples et différentes se retrouvent dans le texte actuel.

Ce qui est important c’est de redécouvrir ce qu’était l’écriture au temps d’Abraham. Le récit biblique ne fait aucune mention d’un acte d’écriture d’un patriarche avant Moïse. L’écrit servait aux apprentissages scolaires, à la comptabilité marchande, à la gestion administrative, aux échanges à distance (notamment diplomatiques), aux archives, et, parfois à de la poésie, mais il n’avait manifestement pas l’importance qu’on lui attribue aujourd’hui.

Abraham n’a pas quitté Ur avec une « Bible » dans ses bagages.

Pendant longtemps, l’écriture a même probablement été considérée avec méfiance, notamment en considération de l’interdit de représenter Dieu.

Ce que l’humain pouvait figer dans un écrit était surtout utilitaire.

Manifestement, les Juifs vivant en Canaan ne pensaient guère autrement. Rien n’indique, ni dans les textes bibliques eux-mêmes, ni dans les traces historiques, que les écrits de Moïse aient été sacralisés, ni a fortiori considérés comme une parole de Dieu au sens où nous l’entendons.

Des rouleaux étaient certes conservés, mais sans la sacralisation que nous avons tendance à imaginer.

Rien n’indique que les écrits aient tenu un rôle d’autorité de référence avant une période récente proche de notre ère. La traduction des Septante a pu être une étape majeure à cet égard.

Il est, par contre, probable que tant à Ur qu’à Harran, Abraham a eu à sa disposition des tablettes sumériennes.

Les premiers chapitres de la Genèse correspondent parfaitement aux textes utilisés à cette époque pour les apprentissages scolaires comme le montrent bien Samuel Kramer.

Les généalogies du début de la Genèse sont simultanément des cours d’histoire et de mathématiques.

Les textes mésopotamiens recopiés par les élèves en de multiples exemplaires ont permis de retrouver des centaines de milliers de tablettes avec des textes sur la création, sur le déluge et des généalogies d’un genre similaire aux textes du début de la Genèse.

Il a été observé que le texte du début de la Genèse est, aujourd’hui encore, divisé par des colophons typiques des tablettes sumériennes.

Il est quasi certain qu’Abraham a appris à écrire et compter avec des textes de ce genre, mais rien n’indique qu’ils aient eu à l’époque une quelconque autorité de référence, ni dans quelle mesure ils correspondent au texte qui nous est parvenu par une histoire très complexe.

Mais, plutôt que de nier vainement l’historicité d’Abraham, il est beaucoup plus utile de retrouver tout ce qui peut en être compris dans le riche terroir de la réalité sumérienne de l’époque.

Alors, l’observateur peut y retrouver la solidité des indices qui confortent l’historicité réelle du récit biblique et avancer dans une compréhension meilleure de ce qu’a été l’histoire sainte depuis la création de l’humanité.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par ademimo » dim. 19 déc. 2021, 16:01

diviacus1 a écrit :
sam. 18 déc. 2021, 15:20
ademimo a écrit :
sam. 18 déc. 2021, 15:07
La foi n'est pas si inébranlable, et je peux comprendre que l'on se cabre devant une éventuelle remise en question de fond en comble de ses croyances.
Je le comprend parfaitement aussi, surtout si on prend l'Ancien Testament au pied de la lettre, comme le dit P. Gibert dans l'article que j'ai donné en référence. Mais il donne aussi les "moyens de sortir de cette impasse" (voir à partir de la page 504).
J'ai lu l'article en question. Il s'agit bien de cela ?
https://www.cairn.info/revue-etudes-200 ... ge-497.htm
Mais je reste sur ma faim, car il n'explique pas vraiment quels sont ces "moyens". Il parle d'accepter le fruit des découvertes et de l'étude critique des textes, mais cela, on est bien forcé d'accepter (à moins de se murer). Mais lorsqu'il s'agit d'articuler ces nouvelles connaissances avec le contenu de la foi, il se fait tout à coup beaucoup plus vague - et je le comprends !

Voici la fameuse clef proposée :
Ce fut une intention précise qui poussa Israël et ses rédacteurs : transmettre une expérience particulière du Dieu unique, susceptible un jour de concerner l’humanité entière. Encore faut-il ne pas se tromper d’objet : ce n’est pas l’histoire qui est primordiale, c’est Dieu ou, plus précisément, la relation de l’humanité avec Dieu. L’histoire n’est ici que ce qu’elle peut être selon les conditions de l’époque et de l’Antiquité en général ; le « message » est offert à chacun pour le recevoir – ou le refuser – dans sa teneur significative. Dès lors, les genres littéraires anhistoriques, le mélange des genres dans une historiographie qui ne peut être fiable à nos yeux de modernes, sont secondaires par rapport à l’intentionnalité générale d’une portion de l’humanité, Israël, qui s’affrontait « autrement » au divin – ce qu’une part non négligeable de l’humanité depuis vingt siècles a reconnu et accepté pour donner sens à son existence.
Un peu léger, non ? N'est-ce pas négliger l'importance du "récit", du "roman" fondateur, dans la transmission fidèle de la foi ? Si je peux faire une digression, ce n'est pas sans raison si les intellectuels de gauche s'attaquent depuis mai 68 au "roman national" (Vercingétorix, Clovis, les croisades, etc., jusqu'à Versailles, et même jusqu'au colonialisme) : l'oeuvre de sabotage est plutôt efficace et a permis d'obtenir des Français qu'ils cultivent la honte de leur identité et de leur histoire. Sans récit, il n'y a plus d'identité. Sans roman national, il n'y a plus de "foi" en ce que nous sommes, plus de projection possible dans l'avenir non plus. C'est un peu la même chose dans le domaine religieux : vous supprimez le mythe, le récit, l'"histoire", que reste-t-il ? Vous me direz : il reste l'essentiel, les valeurs de l'Evangile (amour du prochain, tout ça). Un peu comme les progressistes proposent en échange du "roman national", les "valeurs de la République", donc l'essentiel de l'idéal politique représentée par la France. Vous proposez la même chose sur le plan théologique : on supprime le mythe (Adam et Eve, Moïse, et puis pourquoi pas tous les faits merveilleux de l'Evangile), mais il devrait demeurer l'essentiel, la substantifique moelle : la charité évangélique, autrement dit "les valeurs de l'Evangile" (qui d'ailleurs, dans une perspective progressiste très "pape François", semblent de plus en plus se confondre avec les "valeurs de la République" : accueil des migrants, etc.).

Tout à coup, je vous pose une question : où est Dieu dans tout ça ?

Car enfin, reprenons depuis le début. Au-delà des éléments de la critique textuelle, il y a un sujet bien plus essentiel : la Création, au regard des découvertes archéologiques, et de la théorie de l'évolution, que plus personne de sérieux remet encore en cause. Toute la théologie des religions monothéistes reposent sur la Création. Et voilà que cette assise se dérobe. On est obligé de se livrer à des théories complètement alambiquées pour sauver les apparences (Xavi en sait un rayon ;) ). Mais il faudrait aussi renoncer au Déluge, à la vocation d'Abraham, à la sortie d'Egypte, Moïse. Finalement, que reste-t-il ? Les prophètes et la chronique des rois de Juda. Vous me direz, c'est pas si mal. Mais ce n'est plus tout à fait la même chose.

Pourquoi ne pas s'arrêter en si bon chemin et ne pas appliquer la même rigueur aux récits du Nouveau Testament ?

Au final, que reste-t-il ? Une philosophie purement humaine ? Une parmi d'autres ?

Car il ne faudrait pas oublier un élément fondamental : nous parlons de la foi. Qu'est-ce que la foi ? Une idée vague sur des valeurs humaines et morales ou la certitude de l'intervention divine ? Que dit le Christ sur la foi ? Que dit-il à l'aveugle ? Que dit-il au sujet de la montagne jetée dans la mer ? Si nous acceptons qu'en fait, non, les choses ne se sont pas déroulées comme on le dit : Dieu n'a pas créé l'homme directement, enfin pas vraiment comme c'est raconté ; Dieu n'a pas fait tomber le Déluge en mettant Noé et les animaux à l'abri de l'arche ; Dieu n'a pas appelé Abraham ; Dieu n'a pas arrêté la mer pour laisser passer Moïse et le peuple hébreux ; etc. Je continue : Dieu n'a pas envoyé l'archange Gabriel à la Vierge Marie, etc. jusqu'à Pathmos : Dieu n'a pas envoyé à saint Jean la vision de l'Apocalypse (soyons complet dans notre démarche).

Bon, il reste quoi de la "foi" ? Rien.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par diviacus1 » dim. 19 déc. 2021, 19:29

@ademino
Mon domaine, c'est l'histoire (même si ce n'est pas l'histoire d'Israël), et pas la théologie. Mais je vais vous proposer une réponse.
Imaginez sérieusement que depuis 2 ou 3 générations, on nous enseigne le catéchisme en disant que la Bible raconte une histoire dont une partie est allégorique, comme le faisaient tous les peuples de l'antiquité - même jusqu'au Moyen-Âge - et que cette histoire a été écrite principalement à partir du VIIIe siècle av. J.-C. La Bible contiendrait donc des événements réels, ou au moins en grande partie, à partir de cette époque, mais ses rédacteurs auraient fait pour la période antérieure comme les rédacteurs de tous les autres histoires fondatrices : ils auraient raconté une histoire à partie d'éléments de la tradition enjolivés de passages qui font rêver.
Quel problème de foi pourriez-vous avoir aujourd'hui ? : aucun.

La difficulté, qui peut être très grande pour certains, surtout en fonction de leur croyance plus ou moins affirmée concernant les évènements les plus anciens racontés dans la Bible, est de remettre en cause une croyance très ancrée.
Dans votre message, vous dites en gros que si on remet en cause toute l'histoire jusqu'à Moïse, pourquoi ne pas aller plus loin... voire remettre tout en cause jusqu'au bout de l'histoire. On peut toujours. Mais si je prends comme exemple La Bible, une histoire contemporaine, qui est un de mes ouvrages de référence et dont j'ai cité plusieurs passages, ce n'est pas du tout la démarche de ses rédacteurs, parce qu'à partir du moment où la Bible est écrite à peu près au moment des faits racontés, cette histoire est beaucoup moins critiquable.

Je pense que c'est en partie ce que veut dire P. Gibert quand il écrit qu'il faut lire "autrement" cette histoire.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par ademimo » dim. 19 déc. 2021, 19:51

diviacus1 a écrit :
dim. 19 déc. 2021, 19:29
@ademino
Mon domaine, c'est l'histoire (même si ce n'est pas l'histoire d'Israël), et pas la théologie. Mais je vais vous proposer une réponse.
Imaginez sérieusement que depuis 2 ou 3 générations, on nous enseigne le catéchisme en disant que la Bible raconte une histoire dont une partie est allégorique, comme le faisaient tous les peuples de l'antiquité - même jusqu'au Moyen-Âge - et que cette histoire a été écrite principalement à partir du VIIIe siècle av. J.-C. La Bible contiendrait donc des événements réels, ou au moins en grande partie, à partir de cette époque, mais ses rédacteurs auraient fait pour la période antérieure comme les rédacteurs de tous les autres histoires fondatrices : ils auraient raconté une histoire à partie d'éléments de la tradition enjolivés de passages qui font rêver.
Quel problème de foi pourriez-vous avoir aujourd'hui ? : aucun.

La difficulté, qui peut être très grande pour certains, surtout en fonction de leur croyance plus ou moins affirmée concernant les évènements les plus anciens racontés dans la Bible, est de remettre en cause une croyance très ancrée.
Dans votre message, vous dites en gros que si on remet en cause toute l'histoire jusqu'à Moïse, pourquoi ne pas aller plus loin... voire remettre tout en cause jusqu'au bout de l'histoire. On peut toujours. Mais si je prends comme exemple La Bible, une histoire contemporaine, qui est un de mes ouvrages de référence et dont j'ai cité plusieurs passages, ce n'est pas du tout la démarche de ses rédacteurs, parce qu'à partir du moment où la Bible est écrite à peu près au moment des faits racontés, cette histoire est beaucoup moins critiquable.

Je pense que c'est en partie ce que veut dire P. Gibert quand il écrit qu'il faut lire "autrement" cette histoire.
Mais que devient le "Dieu révélé", dans cette nouvelle version du christianisme ? En déblayant "l'histoire sainte" jusqu'aux évènements historiques du VIIIe siècle, il ne reste plus grand chose de la "Révélation". Or, le principal fondement du christianisme (tout comme de l'Islam et du Judaïsme), c'est quand même la Révélation, c'est-à-dire l'intervention directe de Dieu, qui n'a pas peu à avoir avec la "foi". En quoi voulez-vous avoir foi si vous ne croyez plus dans la Révélation, ni dans l'intervention surnaturelle de Dieu ? Tout s'effondre... L'un des grands ressorts du judaïsme, par exemple, est le souvenir de la Sortie d'Egypte. "Souviens-toi, Israël, du Dieu qui t'a fait sortir d'Egypte", lit-on souvent au détour des psaumes et des prophètes. Et finalement, on apprend que c'est un mythe. Il n'y a plus de Sortie d'Egytpe, il n'y a plus de 40 ans au Sinaï, etc. Au final, on est censé croire en quoi ?

Votre auteur ne définit jamais son "autrement" qu'il propose. Lire "autrement", croire "autrement", oui d'accord, j'ai compris, je veux bien, mais croire "autrement", en quoi ? Concrètement.

Et au passage, on ne peut que s'interroger sur la nature "inspirée" des textes. Il s'agit tout de même de la "Parole de Dieu".

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Xavi
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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par Xavi » lun. 20 déc. 2021, 14:11

Bonjour à tous,

Ademimo exprime bien l’impasse dans laquelle conduisent le rejet de l’historicité et les thèses qui nient l’attribution du Pentateuque à Moïse qui convainquent Diviacus.

Invité en vient logiquement à nier que l’Ancien Testament soit Parole de Dieu.

Même si nous sommes dans la section Histoire du Forum, la base d’une foi commune en la Parole de Dieu me semble indispensable pour ne pas se disperser dans l’océan infini des opinions possibles sur le passé historique.

Un catholique ne fait pas de l’histoire comme un libre-exaministe, mais plutôt comme un avocat d’une cause à laquelle il adhère a priori.

Oui, toute ma foi est celle de l’Église, une foi reçue au baptême qui fait croire à la vérité ce qu’elle enseigne, y compris à la réalité historique de l’Ancien Testament même si nos interprétations doivent sans cesse être nuancées par les découvertes de la science et de l’exégèse critique.

Mais, ce qui n’a pas encore été précisé dans ce fil, la Parole de Dieu c’est le texte des écritures reconnues comme telles par l’Église et non des textes primitifs inconnus.

L’Église n’enseigne aucune vérité précise sur la manière dont le texte de l’Ancien Testament lui est parvenu, même si elle affirme que Moïse est l’auteur de la Torah (le Pentateuque).

Sur les questions historiques et exégétiques, le catholique n’est pas dispensé de la même rigueur scientifique que n’importe qui d’autre.

Je maintiens, sans entendre d’argument contraire, que l’allégation que les récits du Pentateuque aurait été inventés durant le premier millénaire avant Jésus-Christ est un a priori idéologique qui manque de tout fondement.

Il y a de solides arguments pour fonder, au contraire, la foi de l’Église.

Si je pouvais résumer ce que je ressens des auteurs cités par Diviacus qui nient l’attribution du Pentateuque à Moïse, c’est qu’ils font comme quelque qui aurait devant lui un homme noir et un homme blanc et qui en déduirait que d’évidence ils n’ont pas d’ancêtre commun.

Prenez, par exemple, les deux grands courants Elohiste et Jahviste qui semblent présenter une différence en noir et blanc dès le début de la Genèse. Serait-ce une preuve de l’absence d’une source commune et de la création récente du récit ?

Mais non ! Bien au contraire, un écrivain plus récent aurait veillé à une meilleure harmonisation. Vous avez seulement des traces de l’histoire complexe des textes primitifs qui ont précédé notre texte hébreu actuel.

Voyez comment, dans les tablettes sumériennes retrouvées, on reconstruit des textes à partir de multiples fragments différents.

Au fil des siècles, des traditions orales et écrites se sont développées simultanément avec d’innombrables nuances dans d’innombrables lieux sans qu’existe une autorité unique pour harmoniser les variantes, ni une sacralisation de l’écriture ayant figé un texte avec une autorité s’imposant aux autres.

J’ai déjà insisté dans les messages précédents sur l’incontestable évidence de la pratique continue de l’écriture en Canaan qui n’est écartée que par des a priori d’incrédulité.

C’est de manière tout aussi évidente qu’il faut considérer qu’une religion ne s’invente pas soudainement à partir de rien dans le cours de l’histoire mais est toujours dans la continuité d’une tradition.

Malgré les affirmations d’historiens et d’exégètes basées sur des prétendues probabilités, la thèse d’une invention d’Abraham à l’époque de l’exil à Babylone manque de fondement objectif.

Je pense qu’aujourd’hui, nous avons, au contraire, de solides éléments objectifs nouveaux pour confirmer l’ancienneté du Pentateuque et consolider son attribution à Moïse.

ademimo a écrit :
dim. 19 déc. 2021, 16:01
Voici la fameuse clef proposée :
Ce fut une intention précise qui poussa Israël et ses rédacteurs : transmettre une expérience particulière du Dieu unique, susceptible un jour de concerner l’humanité entière. Encore faut-il ne pas se tromper d’objet : ce n’est pas l’histoire qui est primordiale, c’est Dieu ou, plus précisément, la relation de l’humanité avec Dieu. L’histoire n’est ici que ce qu’elle peut être selon les conditions de l’époque et de l’Antiquité en général ; le « message » est offert à chacun pour le recevoir – ou le refuser – dans sa teneur significative. Dès lors, les genres littéraires anhistoriques, le mélange des genres dans une historiographie qui ne peut être fiable à nos yeux de modernes, sont secondaires par rapport à l’intentionnalité générale d’une portion de l’humanité, Israël, qui s’affrontait « autrement » au divin – ce qu’une part non négligeable de l’humanité depuis vingt siècles a reconnu et accepté pour donner sens à son existence.
Un peu léger, non ? N'est-ce pas négliger l'importance du "récit", du "roman" fondateur, dans la transmission fidèle de la foi ?
C’est, bien sûr, trop léger et cela ne justifie en rien d’écarter l’historicité des faits en cause, mais il est important de constater cependant que la clef proposée est exacte.

Secondaire ne signifie pas sans importance.

Mais, dans nos tentatives de nous représenter le passé historique concret, nous ne pouvons jamais oublier toutes les nuances qui nous viennent du contexte dans lequel un écrit biblique a été élaboré pendant des siècles.

Le texte que nous reconnaissons aujourd’hui comme Parole de Dieu a une histoire humaine. Il n’est pas une parole divine tombée du ciel. Et, ce qui est davantage souvent oublié, il n’est pas non plus, sauf exceptions, un texte primitif original d’un auteur unique à un moment précis.

L’Église ne conteste pas la possibilité de textes primitifs différents plus anciens que les versions reconnues comme Parole de Dieu. Même pour le Pentateuque, l’Église considère que Moïse a pu se baser non seulement sur des traditions orales mais même sur des traditions écrites plus anciennes.

Il y a ici une erreur que certains commettent. La parole de Dieu de l’Ancien Testament, c’est, pour chacun de ses livres et de son contenu, le texte reconnu par l’Église et non des textes primitifs inconnus dont le texte hébreu ou grec de l’Église ne serait qu’une copie incertaine.

L’Ancien Testament reconnu par l’Église est vraiment la Parole de Dieu quels que soient les textes primitifs qui ont contribué au texte que l’Esprit Saint a veillé à nous faire parvenir par la Tradition authentique de l’Église, corps du Christ.

À cet égard, les discussions sur l’histoire des textes est sans importance, sauf pour nous faire prendre conscience que le Pentateuque de Moïse, ce n’est pas seulement une inspiration de Moïse par l’Esprit Saint au moment et à l’endroit où il a écrit chacun des cinq premiers livres de la Bible. L’inspiration de l’œuvre humaine s’étend depuis Moïse jusqu’à la reconnaissance par l’Église et ne s’arrête d’ailleurs jamais, car la Tradition de la Foi ne cesse jamais d’actualiser le don de la Parole de Dieu qui doit continuer sans cesse à être traduite et interprétée.

La Vulgate officielle en latin a été revue et adaptée à plusieurs reprises. Il y a de multiples nuances différentes dans les versions officielles du Vatican en langues modernes, ou entre la version des Septante en grec et la version des Massorètes. D’innombrables détails des textes font l’objet de variantes discutées, mais c’est ainsi que la Parole de Dieu est aussi une parole d’humains. Le texte du Pentateuque écrit par Moïse ne nous est pas parvenu par une conservation sacralisée d’un original primitif. Non, c’est à travers toute une transmission complexe de multiples humains de multiples générations que l’Esprit a inspiré la Parole de Dieu que l’Église nous présente aujourd’hui.

Affirmer que Moïse est l’auteur du Pentateuque ne signifie pas que l’Esprit Saint ce serait ensuite retiré. Il a continué à agir à travers de nombreux autres humains qui ont contribué, avec leurs variantes et mêmes leurs contradictions, à nous transmettre, par l’Église, un texte authentique et fiable.

diviacus1 a écrit :
dim. 19 déc. 2021, 19:29
la Bible raconte une histoire dont une partie est allégorique, comme le faisaient tous les peuples de l'antiquité - même jusqu'au Moyen-Âge …
La Bible contiendrait donc des événements réels, ou au moins en grande partie, à partir de cette époque, mais ses rédacteurs auraient fait pour la période antérieure comme les rédacteurs de tous les autres histoires fondatrices : ils auraient raconté une histoire à partie d'éléments de la tradition enjolivés de passages qui font rêver.
Quel problème de foi pourriez-vous avoir aujourd'hui ? : aucun…
à partir du moment où la Bible est écrite à peu près au moment des faits racontés, cette histoire est beaucoup moins critiquable.
Nous ne sommes guère éloignés à cet égard. Il y a, en effet, de l’allégorique dans la Bible et des éléments « enjolivés ».

Et vous avez raison de retenir à cet égard, même si c’est inévitablement imprécis, que « du moment où la Bible est écrite à peu près au moment des faits racontés, cette histoire est beaucoup moins critiquable ».

C’est bien pour cela que l’attribution à Moïse a toute son importance, de même que l’ancienneté sumérienne du début de la Genèse.

Invité a écrit :
dim. 19 déc. 2021, 20:11
La foi des rédacteurs du Pentateuque et de l'Ancien Testament n'est pas la nôtre...

De même, la Bible ne présente pas une compréhension unifiée de Dieu. Yahweh comme Dieu d'Israël impulsif et vengeur n'est pas le Dieu universel de Jésus qui aime tous les hommes et leur accorde son amour et sa miséricorde. Deux compréhensions antagonistes se côtoient et mettent clairement en cause la révélation de l'Ancien Testament...

Je conteste donc la révélation de l'Ancien Testament que je considère comme une œuvre de réflexion humaine. Et pourtant, ma position de scepticisme ne s'inscrit pas en porte à faux avec la doctrine chrétienne. Par la philosophie au moyen de sa raison, l'homme est tout à fait capable d'accéder aux vérités bibliques essentielles, en particulier celle en la certitude de l'existence d'un Dieu d'amour et de la vie éternelle pour l'homme. De même, l'enseignement de Jésus avec l'amour comme principe et finalité de la vie est lui aussi philosophiquement vrai.
Votre position me semble, au contraire, intenable.

Comment pouvez-vous croire « en la certitude de l'existence d'un Dieu d'amour et de la vie éternelle pour l'homme » tout en pensant simultanément sans aucun rapprochement que « La foi des rédacteurs du Pentateuque et de l'Ancien Testament n'est pas la nôtre » ?

Bien sûr, ils ne connaissaient pas encore le Christ et ne bénéficiaient pas encore de toute la lumière de l’Incarnation et de l'Évangile, mais pensez-vous qu’ils n’étaient pas des hommes comme nous, capables, comme nous, de distinguer le vrai Dieu des idoles ?

Croyez-vous qu’ils n'étaient que des « sauvages » incapables d’aimer le vrai Dieu et de partager Sa Vie ?

Croyez-vous qu’il n’y a jamais eu, dans le cours concret de l’histoire, de création d’un être capable d’une vie éternelle ?

Avez-vous la certitude d’une vie éternelle pour les primates, puis les australopithèques et les autres hominidés qui nous ont précédés biologiquement dans le cours de l’évolution ? Á défaut, une création de premiers humains est incontournable.

Croyez-vous que, depuis ces premiers humains, la capacité de discerner le bien et le mal ou d’aimer Dieu ait changé fondamentalement ?

Croyez-vous que, même dans un contexte intellectuellement et culturellement beaucoup moins développé, les humains n’étaient pas semblables à nous ?

Croyez-vous que Dieu les aurait délaissés pendant des siècles et qu’ils n’ont pu vivre avec Dieu une histoire d’amour malgré leurs perceptions antiques qui peuvent nous paraître simplistes ? Leur foi s’exprimait différemment de celle que nous pouvons vivre aujourd’hui, mais les humains n’ont pas changé.

Il est évident que « la Bible ne présente pas une compréhension unifiée de Dieu ». La Bible témoigne de la foi des anciens telle qu’elle était avec toutes leurs incohérences, contradictions et errements. Nous avons les nôtres.

Bien évidemment que l’Ancien Testament est une « œuvre de réflexion humaine », mais elle est aussi Parole de Dieu.

C’est cela aussi l’Incarnation, le Verbe qui se fait chair.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par ademimo » mar. 21 déc. 2021, 0:51

Trinité a écrit :
mar. 21 déc. 2021, 0:09
Bonsoir ademimo,

En fait, il s'agit surtout d'un document sumérien sur tablettes ayant de grosses similitudes avec la genèse et qui serait antérieur à celle-ci.

Je vous en ai fait un copié/collé que voici :

Copie d’une tablette sumérienne, environ 2500 av. J-C

Merci beaucoup, Trinité, pour cet extrait. Très intéressant. Ça confirme, pour moi, ce que je supposais. J'en avais vaguement entendu parler autrefois, mais je n'avais pas gardé mémoire des références. Il y a donc bel et bien des indices permettant de relier le "pluriel de majesté" que l'on retrouve dans la Bible, aux vestiges d'un ancien panthéon. On serait donc passé à un moment "d'Enlil et les dieux" à YHVH, lorsqu'a émergé l'idée monothéiste. Et donc, l'hypothèse n'a rien de "farfelu", pour faire écho à l'intervention d'un forumeur.

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Re: L'enfance sumérienne d'Abraham à Ur, en Chaldée

Message non lu par Xavi » mar. 21 déc. 2021, 13:19

Merci à Trinité et Ademimo pour leurs intéressantes contributions, même si on s’est fort éloigné du sujet ouvert pour essayer de mieux comprendre le contexte historique d’Abraham et non pour discuter de son historicité elle-même.

Le petit relevé de Trinité est intéressant et pourrait être complété avec de nombreuses autres citations.

Plus personne ne discute le caractère manifestement mésopotamien (sumérien) du texte biblique du début de la Genèse.

Cette question a été développée dans un sujet intitulé « L’origine mésopotamienne des premiers récits bibliques » :
viewtopic.php?f=91&t=45078

À cet égard, il me semble que l’erreur (basée sur la fausse conviction d’une rédaction tardive à l’époque de l’exil à Babylone), c’est de soutenir que les textes (prétendument inventés) du début de la Bible auraient été copiés par les scribes juifs, alors qu’en réalité tous se sont simplement alimentés à la même source. Parce que sa réalité est historique.

Les échanges récents de ce fil montrent que c’est la mise en doute de l’ancienneté du livre de la Genèse qui suscite la mise en doute de l’existence d’Abraham et de la réalité historique des faits racontés par la Genèse.

En affirmant que c’est à l’époque de l’exil à Babylone que la Genèse a été écrite, contrairement à l’attribution de ce livre et de l’ensemble du Pentateuque à Moïse, soit de nombreux siècles après la vie racontée d’Abraham, on en déduit une invention tardive.

Je ne vais pas re-détailler ici à quel point il n’est pas fondé de nier la tradition écrite qui n’a cessé d’exister en Canaan depuis Moïse en alléguant qu’une tradition religieuse aurait été ainsi inventée par des scribes juifs qui auraient imaginé une origine de leur peuple dans le pays de leurs ennemis de Babylone.

Il est vain aussi de relever l’extrême complexité de la composition des premiers livres de la Bible qui contredisent une élaboration récente et prouvent, au contraire, les inévitables influences qui ont dû nécessairement marquer une longue transmission historique.

On peut constater clairement, par exemple, que des fragments proviennent d’une tradition « élohiste » (qui a traduit et interprété le texte provenant de Moïse selon cette tradition), alors que d’autres fragments proviennent d’une tradition « jahviste » (qui a traduit et interprété le texte provenant de Moïse selon cette autre tradition).

Par quel cheminement complexe a-t-on abouti au texte actuel ? Nul ne le sait. Dès lors qu’il ne subsiste aucune trace d’un écrit conservé qui aurait fait autorité, on imagine aisément les innombrables variantes qui ont pu se développer en sens divers selon les traductions et les interprétations de chaque scribe. L’Esprit Saint a ses secrets pour être parvenu, de manière certaine, à assurer la transmission authentique de l’essentiel même si les scribes humains qui ont réalisé ce travail à la fin du premier millénaire avant Jésus-Christ se sont nourris à des sources orales et écrites multiples.

La discussion à cet égard a été longuement développée dans le sujet intitulé « L’Ancien Testament, ce livre très controversé » :
viewtopic.php?f=118&t=46689

L’approche historique a été discutée, en janvier 2016, avec Diviacus en ce qui concerne la généalogie du Christ que les Évangiles font remonter à Abraham et Adam dans le sujet intitulé « Différences des généalogies dans les Évangiles » :
viewtopic.php?f=91&t=40381&start=45

Cela consolide, bien sûr, l’existence historique d’Abraham affirmée par l’Église.

Je considère, à titre d’hypothèses privilégiées, que le Pentateuque lui-même contient une double preuve de son ancienneté remontant à Moïse.

Première preuve : le début du texte de la Genèse montre une écriture primitive sur tablettes.

D’abord, dès le début du premier millénaire avant Jésus-Christ, l’écriture sur papyrus s’est généralisée de sorte qu’il est invraisemblable d’avoir inventé des textes sur tablettes à la fin du premier millénaire. Or, le début de la Genèse montre aussi clairement que possible qu’il s’agit de textes primitivement écrits sur des tablettes.

En effet, les textes sur tablettes d’argile étaient plus courts (seuls les rouleaux de papyrus permettaient de longs textes) et les Sumériens les reliaient par des petites phrases à double sens que l’on appelle des colophons que l’on traduit par « voici l’histoire de » ce qui clôturait une tablette qui racontait l’histoire passée de quelqu’un mais permettait d’introduire aussi la tablette suivante qui racontait l’histoire future de la même personne.

Le contenu même du début de la Genèse correspond parfaitement aux écrits sur tablettes du début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ dans le pays de Sumer.

Cette observation a été détaillée dans un message du 27 septembre 2017 du sujet intitulé « Essai de datation de la Genèse » :
viewtopic.php?f=91&t=14232&p=370905&hil ... es#p370905

Deuxième preuve : la mesure sumérienne du temps dans le Pentateuque qui se réfère aux années de 182 jours selon la fête de l’akitu célébrée à Ur lors de chaque équinoxe

Sur la base des observations pertinentes de Bernard Barr, il me semble, après des années de recherches, pouvoir constater que Moïse a « signé » son récit du Pentateuque en utilisant la mesure du temps qui était en vigueur à Ur d’où provenait Abraham et par laquelle l’idolâtrie était combattue.

Dans les cinq livres du Pentateuque, il me semble qu’on peut observer que le temps d’une année est de 182 jours (et non 365 jours, comme nos années solaires) ce qui n’a pu servir de référence qu’à une époque antique où la vie nomade était encore répandue. Rien ne pourrait expliquer qu’un tel calendrier soit utilisé durant le premier millénaire avant Jésus-Christ lorsque, du fait de la sédentarisation des Juifs installés en Canaan, tous utilisaient (avec de légères variantes) le même calendrier suivant l’année solaire de 365 jours.

Le sujet a été détaillé dans un message du 20 décembre 2017 un sujet intitulé « L’Histoire Sainte d’Abraham à Salomon » :
viewtopic.php?f=91&t=43272&p=374807&hilit=barr#p374807

Cette approche par années de 182 jours me semble permettre, notamment, de recadrer harmonieusement le récit de Moïse dans l’histoire connue des pharaons d’Égypte, ce qui a été développé récemment, en avril 2021, dans un sujet intitulé « Comprendre Joseph et Moïse dans l’histoire de l’Égypte » :
viewtopic.php?f=28&t=45905&start=30

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La Bible et l'invention de l'écriture

Message non lu par Cinci » jeu. 24 févr. 2022, 3:04

Bonjour,

Petite vidéo : une quinzaine de minutes environ. C'est court mais passionnant à visionner.

https://www.youtube.com/watch?v=yrNxwmt0WaI

L'Écriture et la Bible



__________________________

https://www.youtube.com/channel/UCceBcL ... iaA/videos

Arkeos
Page principale du site web présentant une série de vidéos de vulgarisation d'archéologie biblique

diviacus1
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Re: La Bible et l'invention de l'écriture

Message non lu par diviacus1 » jeu. 24 févr. 2022, 10:14

Bonjour Cinci,

Ce genre de vidéo annonçant des nouvelles "fantastiques" m'amuse toujours. Les deux "bombes" mises en évidence par le présentateur sont connues depuis longtemps par les archéologues et donc parfaitement intégrées dans leurs analyses. J'expliquerai prochainement (pas avant avril) comment ces informations font partie de l'ensemble des connaissances relatives à cette époque et qui conduisent la quasi majorité des spécialistes à affirmer que l'alphabétisation du royaume d'Israël n'a pas pu se produire avant le Xe s. av. J.-C. et celle du royaume de Judah avant le VIIIe s. av. J.-C.
Je montrerai également les procédés manipulateurs employés par le présentateur pour faire croire que ces fameuses bombes discréditent ce que disent les spécialistes, ce qui n'est pas le cas.

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Re: La Bible et l'invention de l'écriture

Message non lu par Cinci » jeu. 24 févr. 2022, 18:55

diviacus1

Ce genre de vidéo annonçant des nouvelles "fantastiques" m'amuse toujours. Les deux "bombes" mises en évidence par le présentateur sont connues depuis longtemps par les archéologues et donc parfaitement intégrées dans leurs analyses.

Bonjour diviacus1,

Sans vouloir nullement réfréner votre propre enthousiasme de critique, j'aimerais quand même juste vous signaler ici que les «fantastiques» ou «bombes» ne sont pas de mon ressort et quand je-ne-sais-qui aurait pu inscrire cela sur la page web du site en question.

Non

Ce que je dis : les pièces archéologiques qui sont présentées ou les vrais faits qu'on y trouve sont choses passionnantes en soi à considérer/découvrir. Comme module de vulgarisation : la formule est bonne. C'est bien fait, c'est passionnant.

Évidemment s'il fallait ensuite disposer d'une vraie preuve selon laquelle les concepteurs aussi bien que le présentateur mentiraient tous comme des arracheurs de dents et souhaitant bien tromper sciemment leur auditoire : ce serait une autre histoire. Pour l'instant, je suis bon public.

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Re: La Bible et l'invention de l'écriture

Message non lu par diviacus1 » jeu. 24 févr. 2022, 19:05

Bonsoir Cinci,

Rassurez-vous je ne vous ai accusé de rien.
Quant aux faits de la vidéo, ils sont globalement exacts. C'est l'interprétation et la façon de présenter ces faits qui sont critiquables, mais c'est assez bien fait car les "ficelles" ne sont pas trop voyantes. Je vous les détaillerai ultérieurement.

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