Bonjour et une bonne année à tous.
Je profite cmoi de cette première partie de votre réponse pour faire basculer le sujet sur l'aspect psychanalytique.
Chose que je remarque que vous avez déjà cherché à faire vous-même sur la suite de vos réponses.
cmoi a écrit : ↑sam. 31 déc. 2022, 2:56
Didyme a écrit : ↑ven. 30 déc. 2022, 16:02
Vous voulez dire pas personnel dans le sens où il inclus l'humanité entière ?
C’est bien cela.
Didyme a écrit : ↑ven. 30 déc. 2022, 16:02
D'ailleurs, je ne suis pas sûr à bien y réfléchir qu'il y ait de véritables péchés personnels, en ce sens qu'il y a une telle unité humaine que le mal que je peux faire n'est pas sans lien avec un mal qu'on m'aura au préalable fait ni que le mal que je peux faire n'est pas sans lien avec le mal qu'un autre atteint par ce mal pourra faire à son tour.
Et qui plus est, tous ces maux, tous ces péchés étant englobés dans une condition que l'on partage tous.
Il n’y a au contraire de péché que personnel. Le pape François l’a rappelé il y a quelque temps. Ce sont les progressistes et la théologie de la libération qui ont (re)créé le concept de péché collectif. Il existe certes des structures de péché, ou situations, dans lesquelles chacun a sa part de responsabilité et son péché, sans qu’ils soient tous identiques. Mais chacun rendra compte de son péché personnel.
Il faut certes rendre compte de son péché, de ce qui nous concerne personnellement et de ce dont on a responsabilité, de notre part.
Nous n'avons pas à nous occuper du péché de Pierre, Paul, Jacques tel nous déchargeant sur l'autre et renvoyant la responsabilité sur un autre. Il n'est pas question de noyer son cas, se cacher derrière les autres. Ce serait se voiler son propre problème, ce serait une sorte de déni. Et ce serait parasiter fortement son chemin vers la guérison.
Mais il y a que l'unité humaine fait que nous sommes tous liés (dans la faute comme dans le salut, qui se résumerait à Romains 5: 18-19), que nos péchés ne restent pas isolés à nous seul mais s'étendent aux autres et le péché d'autres s'étend à nous. Je tends à penser que ces liens vont bien plus loin que ce qu'on tend à en voir.
Et s'il est fâcheux de fuir sa responsabilité en la rejetant, la diluant dans une responsabilité collective, il se trouve à l'exemple des saints qu'il est possible de porter le péché d'autrui, de partager ses propres mérites, de participer à la Passion et de souffrir pour le salut des hommes. Signe de l'unité, de la solidarité humaine.
Rendre compte de son péché personnel me semble être quelque chose comme reconnaître son péché, reconnaître ce mal en soi, cette racine dont sortent de mauvais fruits et qui me fait déraisonner, dysfonctionner.
Reconnaître ce mal passe souvent par la reconnaissance de ses fruits. Comme des symptômes révèlent la présence de quelque chose de plus masquer, plus enfouie. Et partant de là, reconnaître son péché, mettre en lumière ce qui était caché, dans les ténèbres d'une certaine façon. Et ainsi, être en capacité de le confesser. Mais pas une confession superficielle ne s'arrêtant qu'au mal apparent mais une véritable confession de ce mal en soi. Et de là, un chemin de guérison pouvant s'ouvrir.
Et c'est là où il est primordial de se responsabiliser de son péché et de ne pas rejeter la faute sur un autre. Sans quoi, ce travail, cette voie vers la guérison est obstruée.
C'est là où la psychanalyse nous dit quelque chose du péché selon moi.
Qu'on soit d'accord, je ne prends pas la psychanalyse pour parole d'évangile, c'est une discipline incertaine, imprécise, qui avance à taton mais qui pourtant apporte un certains éclairage sur le mal.
Notamment sur cette dynamique du péché où l’on perçoit à quel point des souffrances, des manques, des traumatismes reçus, en particulier dans la petite enfance, ont des conséquences terribles dans nos vies d'adultes. On y découvre des forces qui s'exercent en nous suite à cela, et la plupart du temps de manière inconsciente. Et forces, blessures dont il convient de se libérer par la suite.
Il y a quelque chose de terrible et d'extrêmement touchant là-dedans car là où beaucoup vont vouloir mettre l'origine du péché dans la personne, dans son propre fond, dans qui et ce qu'elle est, approche terriblement anxiogène, aliénante car trop absolue. En effet, si cela vient de ma personne, de mon propre fond alors cela se confond avec mon identité, avec qui je suis. Ce n’est plus de l'ordre de l'avoir "j'ai un mal en moi" mais de l'être "je suis mauvais "! Mais quelle issue, quelle salut si c'est ce que je suis ?! Et pour reprendre une remarque de Thérèse Hargot (philosophe et sexologue) que je trouve lumineuse
"En s'identifiant à ce qui n'est en fait que des "identités superficielles" - parce que temporelles et partielles - on empêche toute perspective d'évolution, on emprisonne l'individu derrière une étiquette, on lui retire sa liberté."
On peut être sauvé du mal mais on ne peut sauver le mal, le péché.
Donc là où beaucoup vont vouloir mettre l'origine du péché dans la personne, dans son propre fond, dans qui et ce qu'elle est, on a ici une approche qui va mettre l'origine de ces dysfonctionnement dans des manques, des blessures, des traumatismes. Ce qui ne déresponsabilise pas de nos propres péchés qui vont suivre car il nous appartient ensuite de les reconnaître et de s'en libérer afin de ne pas les perpétuer. Car c'est par nous que cela passe ensuite, c'est nous qui risquons de commettre du mal à notre tour, c'est nous qui nous retrouvons à obéir à ces forces, au péché. C'est là où la foi dans les valeurs qu'elle nous apporte ainsi que dans sa condamnation du péché est d'une aide précieuse et on devrait surtout s'attrister pour ceux qui n'y sont toujours pas ouvert.
Et donc, en plaçant l'origine de ces dysfonctionnement dans des manques, des blessures, des traumatismes plutôt que de simplement diaboliser la personne, cela nous rend notre dignité !
Et surtout cela rend sa dignité à l'enfant en nous, part innocente, meurtrie, blessée, en souffrance. (J'y verrais une analogie du péché originelle "mais la nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché" art. 405 du catéchisme).
Reconnaître le mal qu'on a subi c'est rendre sa dignité à l'enfant qu'on a été, c'est une respiration et une sensation de justice.
C'est là aussi où on réalise à quel point le péché nous fait mal, nous défigure, nous souille, nous pervertit, nous avilit, nous insulte d'une certaine façon.
Quelque part, je verrais l'enfant qu'on a été comme un reflet de ce "moi" fondamental, authentique qu'on est à l'origine, créé par Dieu.
cmoi a écrit :En revanche, oui, sociologiquement, on peut assimiler ces structures/situations à des péchés collectifs, ou des tentations +/- proches de la possession (y ressemblant du moins) – qui atténuent donc la faute personnelle mais ne l’excusent jamais totalement, car elles n’empêchent pas la lucidité de la conscience et que c’est une vérité de foi que nous avons toujours la possibilité d‘éviter le péché – pour un croyant instruit et lucide, cela peut obliger à avoir une foi qui va jusqu’au martyr ou au miracle..
Mais oui, vous avez raison et si on aborde la chose sous son angle psychologique, je rappellerai alors une fois de plus mon mantra qui est valable en psychologie pour expliquer bien des choses (les traumas/refoulements mais aussi la résilience et remettre la responsabilité et la liberté à leur vraie place) et s’applique si bien pour le péché :
- Il y a ce qu’on vous a fait (le péché des autres)
Il y a ce que cela vous a fait (la souffrance qui conduit soit vers le pardon ou la vengeance)
Et il y a ce que vous en faites (la tentation/le péché, la compassion/ la charité : ne pas rendre le mal pour le mal)
Vous transposerez facilement sur cela votre propos.
Oui, certainement. Et surtout la liberté
combinée évidemment à la grâce.
Après, je ne peux manquer de me poser la question de savoir pourquoi certains tendent vers le pardon et d'autres vers la vengeance.
Cela me fait penser à ce passage du livre " Guérir son enfant intérieur (faire la paix avec son passé)" de Moussa Nabati que j'avais cité dans un autre fil :
- [+] Texte masqué
- "...
Encore une fois, il ne faut pas se fier aux apparences trompeuses, s'imposant d'emblée aux sens, se donnant à voir et à entendre. L'insensibilité représente l'arbre qui cache la jungle, le voile qui masque le volcan incandescent. Les extrêmes se ressemblent. En cas de DIP (Dépression Infantile Précoce) et de culpabilité, consécutives à des carences narcissiques au cours de la petite enfance, comme cela est sans doute le cas chez Édouard, l'énergie vitale, empêchée de circuler librement et de manière fluide dans les allées de l'âme, se cabre, s'irrite, s'emporte, se radicalise en se coinçant dans l'un des deux extrêmes, la dépression ou la perversion. Édouard, ne s'autorisant pas à ressentir, en raison de sa chétivité psychologique, les affects anxiodépressifs, insupportables pour lui, s'est vu contraint de se réfugier dans le blockhaus pervers. Ce mot ne renvoie pas ici aux déviations classiques de l'instinct sexuel par rapport aux normes morales ou culturelles, comme la pédophilie, le sado-masochisme, etc. Il définit plutôt un fonctionnement psychologique particulier, y compris chez le sujet ayant une sexualité "normale", conventionnelle, dans le but d'empêcher son psychisme, tel un château de sable ou de cartes, de s'écrouler.
D'un côté, le déprimé, en raison de la présence d'une forte culpabilité, souffre de l'extinction libidinale, du manque de goût et d'en-vie. Il se replie sur lui-même en s'interdisant de jouir, préférant se sacrifier masochistement à autrui. De l' autre côté, et à l'inverse, le pervers, déniant toute culpabilité, inapte à l'empathie, est capable de sacrifier d'une façon maligne et égoïste, parfois même amorale et sadique, ceux qu'il prétend aimer, pour assouvir ses besoins pulsionnels. Ces deux tableaux, le pervers et le dépressif, s'inscrivent, par-delà leur opposition de façade, dans une même problématique, la carence narcissique maternelle, entraînant la DIP et la culpabilité d' avoir été malmené.
Mais pourquoi alors, si deux individus subissent une semblable blessure dans la petite enfance, l'un souffrira-t-il à l'âge adulte d'une dépression, tandis que l'autre présentera des traits pervers ? Pourquoi l'un aura-t-il tendance à occuper une place de victime émissaire, s'interdisant le bonheur, soucieux exclusivement de ses devoirs, se sentant coupable quoi qu'il fasse ou dise, tandis que le second, ne revendiquant que des droits, se permettra de jouir sans gêne et sans culpabilité, insensible à la souffrance et au désir d'autrui ? La différence tient au fait que le pervers, aux prises avec une culpabilité et une DIP encore plus massives et enfouies que celles du déprimé, se voit contraint, pour survivre, de dénier ces affects, de les censurer, les expulsant hors du champ de l'éprouvé et du ressenti conscient. Il est ainsi comparable à un appareil électrique qui aurait disjoncté en raison d'une augmentation exagérée de la tension pour ne pas exploser. Dans cette perspective, le pervers, bien que portant le vernis séducteur de la confiance en soi, de la solidité et de la maîtrise, souffre de césures narcissiques et identitaires bien plus graves que le déprimé. C'est le motif pour lequel ce qu'on pourrait lui souhaiter de meilleur en définitive, c'est de réussir un jour à déprimer pour pouvoir ôter son masque et quitter son blindage, afin de retrouver son enfant intérieur et d'accéder à sa vérité profonde longtemps dissimulée.
... "
En tout cas, je me garderais bien du raccourci consistant à dire que l'un est mauvais quand l'autre serait bon.
cmoi a écrit :Comme soutien, pour dépasser les envies mauvaises (vengeance, etc.) il y a la parole du Christ (Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font)
Et pour la prolonger en psychologie, la parole de sagesse suivante que je propose :
- [+] Texte masqué
- il me fait du mal parce qu’il porte du mal en lui qui lui fait mal et dont il ne sait se débarrasser autrement par bêtise (la cruauté en est une forme car mon mal ne lui fait aucun bien) mais aussi par manque d’instruction religieuse. Je dois donc être missionnaire et lui enseigner les paroles du Christ, pour cela comprendre d’abord quel est son mal dont il souffre et ensuite l’en guérir.
Ce qui suppose de ma part d’apprendre à soigner l’esprit (œuvre de miséricorde spirituelle).
Il y a bien sûr en chemin bien d‘autres péchés possibles de la part de l’autre et auxquels il peut se raccrocher qui sont par défaut pardonnés, sauf s’ils s’avèrent résister à la conversion car alors quand ce sera avéré, il restera « à le traiter comme les publicains » : cette démarche permet de contourner la difficulté du pardon, elle le dépasse par une objectivité due au devoir missionnaire.
Ce n'est que par ma démarche d'écoute que je pourrais savoir dans quelle situation intérieure se trouve vraiment l'autre (vérité/mensonge, péché/mérite)
On peut si vous le souhaitez davantage approfondir ce côté psycho du péché, pourquoi après avoir subi enfant un acte incestueux ou de pédophilie, l’un devient pédophile ou viole ses enfants, l’autre devient par exemple psychothérapeute ou s‘investit pour la défense des innocents.
Il n’empêche que derrière ces choix, il y a bien et en dépit de la souffrance et des traumatismes, des péchés de commis librement (ou des mérites à acquérir), des habitudes et choix qui reposent sur la seconde partie de mon mantra laquelle conditionne mais seulement en partie la troisième partie ( donc à chaque partie il y a la liberté qui s’influence par des décisions peccamineuses ou méritoires
qui ne dépendent pas toutes de la première partie du mantra).
Oui, cela mériterait certainement une analyse plus approfondie.
cmoi a écrit :
Didyme a écrit : ↑ven. 30 déc. 2022, 16:02
J'aurais besoin d'éclaircissements sur ce dernier point.
Ici, en guise de péché collectif, j’évoquais en outre du déluge (où il s’agissait en fait de la somme des péchés de tous, chacun étant corrompu à l’extrême et se laissant aller à sa propre concupiscence, ce qui donna de multiples structures/situations de péché avec un effet multiplicateur qui rendait quasi impossible une conversion)
Ok, je comprends mieux ce que vous vouliez dire par péché collectif.